Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Gatineau

31 octobre 2005

 

Région :

Outaouais

 

Dossier :

219888-07-0311

 

Dossier CSST :

124483389

 

Commissaire :

Marie Langlois, avocate

 

Membres :

Raymond Groulx, associations d’employeurs

 

Robert Potvin, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Ronald Dufresne, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Marie-Claude Beaudoin

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Super C Division Métro-Richelieu

 

Partie intéressée

 

et

 

 

Commission de la santé et de

la sécurité du travail

            Partie intervenante

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 10 novembre 2003, madame Marie-Claude Beaudoin (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 31 octobre 2003 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme sa décision initiale du 26 septembre 2003 et déclare que la travailleuse n’a pas subi une lésion professionnelle le 26 juin 2003.

[3]                L’audience a lieu les 16 décembre 2004 et 27 avril 2005 à Gatineau, en présence de la travailleuse qui est représentée et de Super C Division Métro-Richelieu (l’employeur) qui y est également représenté par procureur. Quant à la CSST, partie intervenante au dossier, elle a informé la Commission des lésions professionnelles de son absence à l’audience. Le tribunal a entendu le témoignage de la travailleuse en plus de ceux des docteurs Claude Archambault à la demande de la travailleuse et Michel Truteau, à la demande de l’employeur. Le tribunal a pris l’affaire en délibéré le 27 avril 2005.  

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a subi une lésion professionnelle en raison d’une maladie professionnelle le ou vers le 26 juin 2003.

LES FAITS

[5]                La travailleuse, âgée de 33 ans, est caissière depuis environ 14 ans pour le compte de l’employeur, un marché d’alimentation. Elle est généralement affectée à la caisse de courtoisie où les clients ne peuvent acheter plus de huit items à la fois et où elle doit servir les clients pour les achats de cigarettes, les achats et vérifications de billets de loterie, les remboursements de bouteilles vides et autres tâches du même genre. La travailleuse remplit également les étalages de cigarettes et prépare les bons de commande.

[6]                La travailleuse explique que le lecteur optique et le convoyeur sont situés à sa gauche tandis que la caisse lui fait face. Une photo du poste de travail est déposée à l’audience. On y voit une personne en position de travail. La photo permet de constater que la caisse et le convoyeur avec le lecteur optique sont situés à angle de 90 degrés. L’épaule droite de la personne photographiée est en position de flexion antérieure et d’abduction à environ 40 à 45 degrés tandis que son coude est légèrement fléchi à environ 10 à 15 degrés.  La main droite est sur le clavier de la caisse enregistreuse alors que le membre supérieur gauche est dirigé vers le lecteur optique ou le tapis roulant. Le corps de la personne fait face à la jonction entre le convoyeur et le comptoir sur lequel repose la caisse enregistreuse de sorte que l’épaule droite de la personne est en position de rotation externe. Cette rotation externe de l’épaule droite semble plus prononcée que celle de l’épaule gauche.

[7]                La travailleuse dit introduire beaucoup de codes à la main puisqu’elle les connaît bien, plutôt que de laisser le lecteur optique faire le travail. La travailleuse signale qu’elle doit soulever et manipuler des objets lourds tels les bouteilles de 18 litres d’eau, les caisses de boissons gazeuses et de bière, les bacs de savon à lessive etc. pour les passer devant le lecteur optique. La travailleuse ajoute qu’à la caisse express, elle est parfois très occupée de sorte qu’elle peut servir trois clients à la fois. Elle se promène d’un poste à l’autre avec rapidité. La succursale est généralement très achalandée avec des heures de grande affluence qui se situent plutôt vers la fin de l’après-midi et lors de certaines journées où des personnes reçoivent leurs prestations du gouvernement. La travailleuse témoigne qu’il y a peu de moments d’accalmie durant la journée.

[8]                La travailleuse exerce ses fonctions à temps plein à raison de 38 heures par semaine réparties sur cinq jours. Cependant, dans les mois qui ont précédé la date de sa maladie professionnelle alléguée, elle a été absente, pour causse de dépression, entre les mois d’août et novembre 2002. Elle a repris le travail progressivement entre 10 et 20 heures hebdomadairement  jusqu’au 18 janvier 2003; entre 20 et 30 heures pour la période du 19 janvier au 1er février 2003; 31.12 heures pour la période du 2 au 8 février 2003; puis, de 33 à 36 heures à compter de cette date et ce jusqu’à son arrêt de travail le 26 juin 2003.

[9]                Le 26 juin 2003, elle allègue être victime d’une maladie professionnelle. La travailleuse décrit les circonstances de sa maladie professionnelle au formulaire Avis de l’employeur et demande de remboursement dans les termes suivants :

En 1998, le poignet droit a eu l’apparition de tendinite. Je fus arrêter de travailler 1 semaine sur l’assurance salaire.

Depuis, en juin-juillet 2002 fut l’apparition de la douleur au coude droit. En septembre 2002, je consulta un urgentologue. Je fis référer en physio. Suite à plusieurs consultation, voyant qu’il n’y avait pas d’amélioration, je consulta un médecin en accupuncture. Je fis quelque traitement à mes frais encore sans résultat. J’ai consulter un rumatologue, il me fit une injection à la cortisone dans le coude droit. Encore aucun résultat. On me donna à 2 reprises des anti-inflammatoire. Encore aucun succès. J’ai même été en arrêt de travail 3 mois consécutif pour autre problème de août à nov. 2002, croyant que la douleur arrêterait. Ce qui ne fit pas le cas. Vers janvier 2003 fut l’apparition de tendinite épaule droite et par  …illisible [sic]

 

 

[10]           À l’appui de sa réclamation, la travailleuse produit une attestation médicale initiale de la CSST laquelle est complétée par le docteur Claude Archambault le 26 juin 2003. Le médecin pose à ce moment un diagnostic de « tendinite de surutilisation membre supérieur droit ». Le médecin recommande un travail léger.

[11]           À l’audience, la travailleuse explique que ses douleurs à l’épaule droite ont commencé progressivement en janvier 2003. Elles se sont intensifiées de sorte que dans les semaines précédant le 26 juin 2003, elle ne travaillait plus qu’avec le membre supérieur gauche. D’ailleurs, certaines douleurs sont apparues au membre supérieur gauche à ce moment.

[12]           Le 9 juin 2003, le docteur O. Zarodozny, rhumatologue, émet un rapport médical qui rapporte que la travailleuse a des douleurs de type brûlures diffuses. Elle aurait eu un blocage dans la région cervicale et à la mâchoire. Une scintigraphie du membre supérieur droit effectuée le 28 avril 2003 n’a par ailleurs pas montré de lésion spécifique et les radiographies de la colonne cervicale et de l’épaule droite étaient également négatives. Le médecin suggère des médicaments pour « miofacite syndrome myofaciale » .

[13]           Le 2 juillet 2003, la travailleuse est examinée par le docteur M. Truteau, médecin conseil de l’employeur. Celui-ci rapporte que l’amplitude articulaire de l’épaule droite est normale à l’exception de la rotation interne. L’abduction résistée est négative et il y a douleurs à la palpation de la face latérale de l’épaule. Les tests de Hawkins et Neer sont négatifs. Le docteur Truteau constate ainsi la présence d’une tendinite de l’épaule droite.

[14]           Le 16 septembre 2003, une arthrographie de l’épaule droite faite à la demande de la docteure Odette Perron, orthopédiste, est interprétée  comme ne démontrant pas de signe franc de capsulite ni de déchirure de la coiffe des rotateurs. Une probalité  de  diagnostic de tendinite est suggérée.

[15]           Le 22 septembre 2003, la docteure Perron, ayant évalué la travailleuse à la demande du docteur Archambault, produit un rapport de consultation. Suite à son évaluation, le médecin exprime un doute quant au lien entre les symptômes de la travailleuse et son travail. Elle conclut :

Il est très difficile actuellement de cibler l’origine de la cervico-brachialgie. À mon avis, peut-être qu’une consultation en neurologie avec EMG et résonance magnétique pourrait être indiquée. Malheureusement je ne vois pas de condition orthopédique ou thérapeutique autre à ajouter pour la problématique actuelle de madame et nous avons avec elle évoqué un doute quant au lien entre ses activités de travail et la problématique douloureuse actuelle. (Nous avons souligné)

 

 

[16]           Le 26 septembre 2003, la CSST refuse la réclamation de la travailleuse. La travailleuse demande la révision de cette décision qui est maintenue à la suite d’une révision administrative, d’où le présent litige.

[17]           Le 5 janvier 2004, le docteur H. Finestone, physiatre du Centre de Réadaptation  de l’Université d’Ottawa, procède a une évaluation à la clinique d’électromyographie. À l’examen clinique, il note des aires de sensibilité au trapèze, aux muscles paracervicaux droits ainsi qu’au niveau des tendons sus-épineux et sous-épineux. Le médecin rapporte de la douleur à l’épaule lors d’évaluation contre résistance et lors de la rotation externe en abduction. Cette douleur n’est pas présente en rotation interne. Le médecin ajoute que l’étude électrophysiologique est normale. Le médecin conclut que les symptômes semblent compatibles avec une blessure musculoligamentaire de l’épaule droite. Il ajoute des diagnostics de douleurs myofaciales incluant le trapèze, le deltoïde, le sus-épineux et le sous-épineux. Le médecin mentionne qu’il n’est pas inhabituel pour les personnes qui ont des tâches de caissier ou de dactylographie de développer des symptômes qui peuvent s’avérer chroniques. Il s’exprime ainsi :

As indicated, symptoms appear to be more musculoskeletal or musculoligamentous in origin. As we know, it is not unusual for individuals who are involved with cashier and typing work to develop symptoms, which can be quite chronic. It seems to have been a chain of symptoms starting at the wrist, then the elbow and the shoulder, which have developed over the past five years. (Nous avons souligné)

 

 

[18]           Le 12 janvier 2004, le docteur F. Racine, physiatre, examine la travailleuse à la recommandation du docteur Archambault. À  son examen le docteur Racine note entre autres qu’il y a un peu plus de douleur à l’abduction et à la rotation humérale externe droite et également lorsque ces mouvements se font contre résistance. Le docteur Racine demande une échographie de surface de l’épaule droite et s’il y a soupçon de tendinite ou de déchirure partielle d’un des tendons de la coiffe, un examen par résonance magnétique.   

[19]           Le rapport d’électromyographie, pratiqué le 19 février 2004 par le docteur François Jacques, neurologue, indique qu’il n’y a pas d’évidence clinique ou électrodiagnostique d’une lésion neuromusculaire pour expliquer les symptômes de la travailleuse. Il est alors d’avis qu’il n’y a aucune contre-indication à ce que la travailleuse retourne au travail.

[20]           Le 25 mars 2004, la travailleuse est vue par le docteur P. Papadopoulos, orthopédiste, à la demande du docteur Archambault pour « un tableau douloureux au niveau de son membre supérieur droit attribuable à un travail répétitif qu’elle effectue au Super C de Hull ». À l’examen clinique, le médecin constate une sensibilité autour du rebord acromial antérieur sur la grande tubérosité et à la partie postérieure de l’épaule. Après examen, le médecin conclut que la travailleuse « présente donc des douleurs au niveau de l’épaule droite qui sont compatibles avec un dérangement post-traumatique de cette épaule post-travail répétitif ». La travailleuse présente également une épicondylite droite (tennis elbow droit). Le docteur Papadopoulos recommande une résonance magnétique.

[21]           Le 8 avril 2004, une échographie du membre supérieur droit est faite, tel que recommandé par le docteur Racine. L’examen est interprété comme montrant une zone hypo-échogène le long du tendon du sus-épineux témoignant de phénomènes de tendinite en plus de discrètes calcifications milimétriques au niveau de l’attache tendinieuse plus distale. Le médecin ayant pratiqué l’échographie conclut qu’il ne peut exclure une capsulite mais que les constatations échographiques militent en faveur d’une tendinite du sus-épineux.

 

[22]           Le 23 juillet 2004, une résonance magnétique de l’épaule droite est interprétée comme démontrant une légère déchirure intratendineuse avec délamination du tendon sous-épineux à son extrémité la plus distale.  Il note également une légère délamination du tendon conjoint. Le tendon sus-épineux est par ailleurs normal et le médecin note une légère bursite sous-acromiale en plus d’un acromion de type II .

[23]           En termes d’antécédents, il y a lieu de mentionner qu’en 1998, la travailleuse a souffert d’une tendinite au poignet droit qui a nécessité une semaine d’absence au travail. En 2000, elle aurait été victime d’un accident d’auto au cours duquel le véhicule aurait fait des tonneaux. La travailleuse n’aurait gardé aucune séquelle de cet accident. Depuis juin 2002, la travailleuse a des douleurs à la face dorsale de l’avant-bras jusqu’au niveau du coude droit, douleurs qu’elle associe à son travail.

[24]           Tel que vu précédemment, la travailleuse s’absente du travail à compter du 15 août 2002 pour un problème de dépression. Elle restera en arrêt de travail jusqu’en novembre 2002. La travailleuse note, malgré l’absence de travail, que les douleurs persistent. Ainsi, lors de son retour au travail en novembre 2002, des douleurs sont présentes et, de façon progressive, elles irradient jusqu’à l’épaule droite.

[25]           À l’audience, la travailleuse explique qu’elle ne fait pas de sports et aucune activité à l’extérieur du travail qui sollicite de façon importante son membre supérieur droite. Elle souligne que depuis son absence du travail de juin 2003, elle a travaillé comme intervenante auprès de personnes victimes d’agression sexuelle, mais que cet emploi ne comportait aucune tâche physique. Elle a également fait des tâches de surveillante dans une garderie pendant environ trois semaines, sans non plus devoir utiliser son membre supérieur droit outre mesure. Elle ne se sert pas d’un ordinateur à la maison.

[26]           Le docteur Claude Archambault témoigne à l’audience en faveur de la reconnaissance du lien causal entre le travail effectué par la travailleuse et la tendinite qui affecte son épaule droite. Il indique que l’épaule est continuellement sous tension alors que la travailleuse maintient son bras à la bonne hauteur pour entrer les codes à la caisse ou lorsqu’elle remet la monnaie au client ou qu’elle glisse la carte de débit dans le lecteur. Selon lui, bien que la travailleuse effectue plusieurs activités différentes dans le cadre de son travail, elle fait des mouvements qui sollicitent les structures de l’épaule droite à longueur de journée. La sollicitation continuelle des mêmes structures des épaules, même sans force ou cadence imposée, est de nature à causer une tendinite de l’épaule. En l’absence de traumatisme, il estime que l’évolution du dossier amène à conclure à un phénomène de surutilisation des structures. Cette surutilisation constitue un facteur de risques pour le développement d’une tendinite de l’épaule, la cause étant l’inflammation du tendon reliée à une demande ou qui est moins importante mais qui se répète plus souvent. De plus, une surutilisation de l’épaule peut engendrer des calcifications.

[27]           Le docteur Truteau, qui avait examiné la travailleuse le 2 juillet 2003 pour le compte de l’employeur, témoigne également à l’audience. Il rappelle les facteurs de risque pour le développement d’une lésion attribuable au travail répétitif (LATR) dont les facteurs bio-mécaniques comme la répétitivité, la force et la posture; les facteurs mécaniques comme les pressions locales ou les vibrations; les facteurs environnementaux comme le froid et l’humidité; les facteurs organisationnels comme la cadence, la surcharge et l’organisation du travail et les facteurs psychosociaux comme les relations du travail. Il estime que le travail de caissière tel qu’effectué par la travailleuse ne répond pas à ces facteurs puisqu’à son sens, il n’y a pas de gestes répétitifs, pas de gestes intenses qui dépassent le seuil de récupération. Ici, la sollicitation est de courte durée et elle est entrecoupée de pauses où d’autres structures sont sollicitées. En l’espèce, la force nécessaire à effectuer le travail est dans l’ensemble négligeable et la posture n’est pas contraignante. Les tendons de l’épaule ne sont pas non plus en position statique pour une longue période. Il n’y a donc pas de sollicitation  continue. Le médecin conclut que la tendinite qui affecte la travailleuse n’est pas en relation avec son travail.

L’AVIS DES MEMBRES

[28]           Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle en raison d’une maladie professionnelle le 26 juin 2003, puisque la preuve n’a pas démontré que la tendinite de l’épaule dont elle souffre est en relation avec son travail.

[29]           Quant au membre issu des associations syndicales il estime au contraire que la travailleuse a subi une lésion professionnelle en raison d’une maladie professionnelle reliée à son travail de caissière.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[30]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 26 juin 2003.

[31]           Après avoir analysé la preuve au dossier, entendu le témoignage de la travailleuse, des docteurs Archambault et Truteau lors de l’audience, pris en compte l’argumentation des parties et après avoir reçu l’avis des membres, la Commission des lésions professionnelles accueille la requête de la travailleuse pour les motifs énoncés ci-après.

[32]           Rappelons que l’accident du travail, la lésion professionnelle et la maladie professionnelle sont définis à l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) dans les termes suivants :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;

 

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

 

 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

 

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[33]           D’emblée, le tribunal constate qu’en l’espèce, la tendinite de l’épaule qui affecte la travailleuse ne peut constituer une maladie survenue par le fait ou à l’occasion d’un accident du travail conformément à la définition d’accident du travail de l’article 2 susmentionnée, puisque aucun événement imprévu et soudain n’a été rapporté. Au surplus, le représentant de la travailleuse ne plaide pas la survenance d’un tel événement.

[34]           Reste à savoir si la tendinite de l’épaule droite constitue une maladie professionnelle au sens de la loi. Rappelons, eu égard à la maladie professionnelle, que le législateur a édicté une présomption à l’article 29 de la loi pour les maladies qui sont énumérées à l’annexe I. L’article 29 se lit ainsi :

29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

[35]           Il convient ici de reproduire la section IV de l'annexe I :

ANNEXE I

MALADIES PROFESSIONNELLES (Article 29 )

 

 

SECTION IV

MALADIES CAUSÉES PAR DES AGENTS PHYSIQUES

 

 

 

MALADIES

GENRES DE TRAVAIL

 

[…]

 

2. Lésion musculo-squelettique se manifestant par de signes objectifs (bursite, tendinite, ténosynovite) :

Un travail impliquant des répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées;

[…]

 

 

[36]           La tendinite étant une maladie identifiée à la section IV de l’annexe l de la loi, la présomption de l’article 29 pourrait alors recevoir application si la preuve démontre que le travail effectué implique des répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées.

[37]           En l’espèce, la preuve ne démontre aucunement que les mouvements exécutés au travail et impliquant l’épaule droite constituent des répétitions de mouvements au sens de la section IV de l’annexe I. En effet, les mouvements de l’épaule droite semblent plutôt variés et ils s’accompagnent de périodes où l’épaule est en position statique. Le tribunal reconnaît que ces mouvements impliquent les tendons de l’épaule droite, d’autant plus que la travailleuse est droitière et qu’elle effectue la plupart des tâches avec son membre supérieur droit. Cependant, la preuve n’a pas démontré de façon prépondérante que les mouvements constituent une répétition mouvements au sens de l’article 29 de la loi. La preuve ne démontre pas davantage que le travail implique des pressions sur des périodes de temps prolongées.

[38]           Par conséquent, le tribunal conclut que la présomption énoncée à l’article 29 de la loi ne peut recevoir application en l’espèce.

[39]           En l’absence d’application de la présomption, il est opportun de déterminer si la maladie est caractéristique du travail ou si elle est directement reliée aux risques particuliers du travail au sens de l’article 30 de la loi. Cette disposition est la suivante :

 

30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[40]           Le tribunal constate au départ qu’aucune preuve épidémiologique, scientifique ou autre n’a été produite pour démontrer que la tendinite de l’épaule est une maladie caractéristique du travail de caissière dans un marché d’alimentation. Le tribunal détermine ainsi que la réclamation de la travailleuse ne peut constituer une maladie professionnelle caractéristique du travail au sens de l’article 30 de la loi.

[41]           S’agit-il par ailleurs d’une maladie qui est directement reliée aux risques particuliers de ce travail?  Le tribunal croit que tel est le cas.

[42]           Soulignons au départ que la notion de risques particuliers s’applique lorsque le travail fait encourir à celui qui l’effectue, en raison de sa nature ou de ses conditions habituelles d’exercice, un risque particulier de développer une maladie précise[2]. Il s’agit donc de déterminer dans un premier temps les risques particuliers présents dans le travail et dans un deuxième temps d’établir si la maladie qui affecte la travailleuse y est directement reliée.

[43]           En l’espèce, le tribunal retient que les mouvements nécessaires à l’exécution des tâches de la travailleuse sollicitent les tendons de l’épaule droite d’autant plus que la travailleuse est droitière et qu’elle effectue la plupart des mouvements avec son membre supérieur droit. En effet, soulignons les mouvements nécessaires pour entrer des données à la caisse enregistreuse (épaule en rotation externe et abduction); ceux demandant de soulever des objets qui peuvent être assez lourds sur le convoyeur (membre supérieur droit en élévation antérieure de plus de 60 degrés, l’épaule en abduction); ceux requis pour glisser les cartes de débit dans le lecteur (épaule en abduction); ceux nécessaires pour prendre les cigarettes sur les étagères du haut (membre supérieur droit en élévation antérieure de plus de 60 degrés, l’épaule en abduction), ou encore ceux pour la prise et la remise de l’argent aux clients (épaule en abduction). Il y a également les mouvements qui permettent de disposer des bouteilles vides ou de l’achat des billets de loterie qui amènent également des sollicitations de l’épaule droite.

[44]           De plus, lorsque la travailleuse procède à l’entrée des données à la main à la caisse enregistreuse la position adoptée impose également une tension continuelle des tendons sus-épineux et sous-épineux, du fait que la travailleuse doit garder son épaule droite en position de rotation externe et en légère abduction pendant toute la durée de l’entrée des données. Cette position non physiologique adoptée pendant plusieurs heures et pendant environ 14 années peut certainement constituer une surutilisation des structures de l’épaule droite comme le soutient le docteur Archambault.

[45]           Le tribunal note que le docteur Truteau ne nie pas que les structures de l’épaule droite de la travailleuse sont sollicitées, mais il considère que la sollicitation n’est pas suffisante pour constituer une lésion attribuable au travail répétitif. Le tribunal abonde dans le même sens et, tel que vu précédemment, ne considère pas qu’il s’agit d’une telle lésion.

[46]           Cependant, avec respect pour l’opinion du docteur Truteau, le tribunal retient que les différents mouvements effectués au travail sollicitent pour la plupart les structures de l’épaule droite. Le tribunal estime que cette sollicitation effectuée depuis nombre d’années, en particulier le soulèvement des objets lourds, le maintien de la position statique lors de l’entrée des données à la main à la caisse enregistreuse et les gestes effectués avec le bras au niveau de la hauteur des épaules pour quérir les cigarettes par exemple, sont de nature à endommager les tendons de l’épaule droite d’autant plus que la travailleuse est droitière et qu’elle ne fait aucun sport ou activité exigeante pour l’épaule droite.

[47]           Ajoutons que le docteur Papadopoulos s’est prononcé en faveur du lien relationnel entre la lésion et le travail, bien qu’il n’ait pas élaboré grandement sa position. De plus, le docteur Finestone a émis l’hypothèse de la plausibilité compte tenu du travail de caissière, sans toutefois à son tour justifier son opinion. Par contre, la docteure Perron semble douter de la présence du lien de cause à effet, mais elle non plus ne pousse pas la réflexion très loin.

[48]           En outre, le travail est exigeant du fait que l’achalandage est important et que la travailleuse ne dispose que de peu de repos, tel qu’en fait foi son témoignage crédible et non contredit à l’audience. Ajoutons que la travailleuse a bénéficié d’une période de trois mois à l’automne 2002 où elle n’a pas travaillé pour des raisons autres que ses problèmes musculo-squelettiques à l’épaule. Elle a ainsi reposé son épaule, mais le mal était déjà installé et les symptômes se sont aggravés progressivement lors du retour au travail, ce qui n’est aucunement incompatible avec la thèse de la maladie professionnelle reliée au travail.

[49]           Ainsi, en tenant compte de l’ensemble de la preuve, le tribunal retient que cette dernière milite en faveur de reconnaître que la lésion de la travailleuse est reliée directement aux risques particuliers du travail de caissière tel qu’effectué par la travailleuse depuis plusieurs années.

[50]           Par conséquent, la  Commission des lésions professionnelles conclut que la travailleuse a subi, le ou vers le 26 juin 2003, une lésion professionnelle en raison d’une maladie professionnelle reliée directement aux risques particuliers de son travail.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de madame Marie-Claude Beaudoin, la travailleuse;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 31 octobre 2003 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le ou vers le 26 juin 2003 en raison d’une maladie professionnelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Marie Langlois

 

Commissaire

 

 

 

Richard Bélanger

R.A.T.M.P.

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Stéphane Beauchamp

MÉTRO INC.

Représentant de la partie intéressée

 

 

Me Julie Perrier

PANNETON LESSARD

Représentante de la partie intervenante



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

[2]  Société canadienne des postes et Côté, C.L.P. 88086-05-9704, 12 novembre 1999, F. Ranger

AVIS :
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