Hébert et 6758762 Canada inc. |
2012 QCCLP 1478 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 19 septembre 2011, monsieur Michel Hébert dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision à l’encontre d’une décision rendue par cette instance le 11 août 2011.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles déclare irrecevable la réclamation de monsieur Hébert et confirme la décision rendue le 7 avril 2010 par le conciliateur-décideur de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST).
[3] Bien que dûment convoqués à une audience à Montréal le 17 février 2012, monsieur Hébert et son représentant étaient absents. Monsieur Hébert a demandé une décision sur dossier. Quant à 6758762 Canada inc. (l’employeur), il était présent.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] Monsieur Hébert demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision parce qu’elle est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Tant le membre issu des associations syndicales que celui issu des associations d’employeurs sont d’avis que la décision visée par la requête ne comporte aucun vice de fond de nature à l’invalider.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de réviser la décision rendue par cette instance le 11 août 2011.
[7]
Le troisième alinéa de l’article
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[8] La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles[2] a établi que les termes « vice de fond … de nature à invalider la décision » au sens de l’article 429.56 réfèrent à une erreur manifeste de droit ou de faits qui a un effet déterminant sur le sort du litige. L’erreur manifeste a été interprétée comme étant celle qui ne respecte pas une règle de droit, applique un faux principe, statue sans preuve, néglige un événement de preuve important ou adopte une méthode qui créé une injustice certaine. Aussi, l’absence de motivation d’une décision est une erreur de droit manifeste qui est assimilable à un vice de fond de nature à invalider la décision.
[9]
Au soutien de sa requête en révision, monsieur Hébert avance que la
décision comporte un vice de fond de nature à l’invalider. Il est d’avis que la
décision comporte des erreurs manifestes de droit aux paragraphes [43] et [47].
Il ajoute que le tribunal a commis une erreur de droit sur l’interprétation de
l’article
9. Le travailleur autonome qui, dans le cours de ses affaires, exerce pour une personne des activités similaires ou connexes à celles qui sont exercées dans l'établissement de cette personne est considéré un travailleur à l'emploi de celle-ci, sauf :
1° s'il exerce ces activités :
a) simultanément pour plusieurs personnes;
b) dans le cadre d'un échange de services, rémunérés ou non, avec un autre travailleur autonome exerçant des activités semblables;
c) pour plusieurs personnes à tour de rôle, qu'il fournit l'équipement requis et que les travaux pour chaque personne sont de courte durée; ou
2° s'il s'agit d'activités qui ne sont que sporadiquement requises par la personne qui retient ses services.
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1985, c. 6, a. 9.
[10] Monsieur Hébert plaide, qu’à partir du moment où il est établi qu’il exerce des activités similaires ou connexes à celles exercées dans l’établissement de la personne qui a retenu ses services, qu’il y a une présomption en sa faveur, ce qui entraîne un renversement du fardeau de la preuve.
[11] Une deuxième erreur manifeste aurait été commise aux paragraphes [58] et [59] de la décision lorsque le tribunal conclut que monsieur Hébert n’a pas démontré de façon prépondérante qu’il exerçait des activités similaires ou connexes à celles exercées par la compagnie Victoria Holding. Monsieur Hébert allègue que la preuve a démontré qu’il exerçait, pour cette compagnie, des activités de journalier et des travaux d’électricité, ce que le tribunal reconnaît utile et accessoire à l’exploitation de la gestion d’immeubles. Il soumet également que le tribunal n’a pas suffisamment motivé sa décision sur cet aspect. Il s’agirait d’un manquement aux principes de justice naturelle.
[12] Avec égard, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il n’a pas été démontré que la décision est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider pour les raisons suivantes.
[13]
Les questions en litige portaient sur le statut de monsieur Hébert à
savoir, s’il rencontrait la définition de « travailleur » telle que prévue
à l’article
[14] Dans la décision visée par la requête, la Commission des lésions professionnelles conclut que monsieur Hébert est un travailleur autonome. Le tribunal écrit, entre autres :
[18] Ainsi, la détermination du statut de monsieur Hébert, à savoir s’il est un travailleur ou un travailleur autonome, doit être effectuer en fonction du contrat de travail et de ses modalités plus spécifiquement quant au lien de subordination, la rémunération, les risques de perte et de profit, la propriété des outils et du matériel.
[19] Depuis 41 ans, monsieur Hébert exerce le métier d’électricien pour lequel il est qualifié vis-à-vis de la Commission de la construction et d’emploi Québec.
[20] À l’audience, monsieur Hébert relate qu’il a rencontré monsieur David Lisbona vers le mois d’avril ou mai 2008 alors qu’il exécutait des travaux d’électricité dans un immeuble appartenant à un ami de monsieur Lisbona. Sachant que monsieur Lisbona était propriétaire d’un immeuble commercial, monsieur Hébert lui a proposé ses services dans l’éventualité où il aurait besoin d’un électricien.
[21] Tel que mentionné précédemment, monsieur Lisbona est actionnaire et administrateur de la compagnie connue sous le nom de Victoria Holding, une compagnie de gestion qui exploite un immeuble commercial dans lequel se trouve environ huit commerces. Victoria Holding emploi un seul travailleur qui est le surintendant/concierge de cet immeuble.
[22] Monsieur Lisbona et monsieur Hébert n’ont signé aucun contrat écrit.
[23] À compter de cette entente, monsieur Hébert affirme qu’il ne travaillait pas pour aucune autre entreprise. Par contre, le tribunal constate et retient que la preuve n’établit pas que Victoria Holding ait exigé une exclusivité de service de la part monsieur Hébert.
[24] Monsieur Hébert et monsieur Lisbona ont convenu d’un taux horaire de 25 $ de l’heure qui serait facturé par monsieur Hébert à l’entreprise Victoria Holding. À l’occasion, monsieur Hébert avait recours à un ancien employé qui travaillait comme journalier et pour lequel il facturait les services à Victoria Holding sur une base de tarif horaire de 20 $ de l’heure. À l’occasion, monsieur Hébert retenait aussi à l’occasion les services d’un aide électricien qu’il facturait à 12,50$.
[25] Monsieur Hébert émettait des factures à Victoria Holding sur lesquelles il indiquait ce qui suit :
Michel Hébert
Travailleur autonome
Entretien technique de bâtiment
(Électricité, plomberie, chauffage et ventilation)
[...]
[26] Sur d’autres factures, il inscrivait ce qui suit :
Michel Hébert
Travailleur autonome
Entretien technique et physique de bâtiment commercial
[...]
[27] Le tribunal constate que monsieur Hébert s’affichait comme un travailleur autonome. Il rédigeait lui-même ses factures qu’il remettait à la comptable de monsieur Lisbona. Il a complété deux cartes de temps qu’il avait trouvées dans l’immeuble. Toutefois, monsieur Hébert explique que la comptable l’avait avisé d’émettre des factures tel qu’il en avait l’habitude.
[28] Monsieur Hébert fournissait ses « outils de mains » à savoir : un coupe-fil, des pinces, des tournevis, des serres fil, des canifs d’électricien, un ampère mètre et un volt mètre. À l’occasion, monsieur Hébert louait de l’équipement tels que des échafauds, une perceuse cylindrique ou encore une rectifieuse qui était nécessaire; frais de location qu’il facturait à Victoria Holding qui le remboursait pour ses frais de location d’équipements.
[29] Monsieur Hébert louait un garage de Victoria Holdings pour la somme de 75 $ par mois dans lequel il y entreposait des effets personnels ainsi que des équipements, outils et autre matériel dont il était propriétaire et qu’il avait acquis lorsqu’il était entrepreneur. Ainsi, il y entreposait notamment un cintreur à tuyau, une soufflerie de chantier, des lampes projecteur, une perceuse à percussion de coffre de métal, une scie sauteuse, une scie ronde portative ainsi que plusieurs coffres à outils.
[30] De manière générale, monsieur Hébert se rendait sur les lieux où le superintendant lui remettait une liste des travaux qui devaient être effectués.
[31] Monsieur Hébert effectuait les travaux selon l’horaire qui lui convenait, souvent le soir afin de ne pas perturber les locataires. De manière générale, monsieur Hébert se rendait sur les lieux vers 8 h 30, il débutait les travaux, il prenait une heure de repas et reprenait en après-midi. Il lui arrivait parfois d’exécuter des travaux après les heures normales d’affaires puisqu’il fallait couper l’électricité.
[32] Monsieur Hébert, ne faisait l’objet d’aucune supervision, ni contrôle de son travail que ce soit par le surintendant/concierge de Victoria Holding ou par monsieur Lisbona.
[33] Selon le formulaire intitulé « Démarche de détermination du statut d’une personne physique à des fins de cotisations » complété le 28 janvier 2010, un travailleur autonome n’est pas assimilable à un travailleur de l’entreprise cliente s’il travaille moins de 60 jours ouvrables soit 420 heures dans une année civile. Le tribunal considère que cette norme du nombre de jours ou d’heures travaillées par année retenue par la CSST, constitue un critère auquel il n’est pas lié et il attribue une valeur indicative. Il s’agit d’un critère non déterminant qui doit être apprécié parmi les autres critères.
[34] Le 29 janvier 2010, monsieur Lisbona dépose à la CSST une liste des heures travaillées par monsieur Hébert en 2008 et 2009 que la soussignée résume comme suit :
2008 2009
Janvier : 20.0
Février :
Mars :
Avril : 3.5
Mai : 40.5
Juin :
Juillet : 30.0
Août : 46.0 18.5
Septembre : 18.5 41.5
Octobre : 64.5 30.0
Novembre : 34.5 103.0
Décembre : 10.0 12.0
Total : 173.5 299.0
[35] Selon monsieur Hébert, cette liste d’heures travaillées est inexacte. Il affirme qu’il aurait travaillé un nombre d’heures plus élevé que celui compilé par l’employeur. Il affirme que Victoria Holding lui aurait payé des heures travaillées en argent comptant. Or, monsieur Hébert n’a pas fait la preuve de cette allégation. Il n’a pas produit ni feuilles de temps ni rapport d’impôt pour 2008 et 2009 affirmant qu’il n’avait pas accès à ces informations qui étaient entreposées dans le garage qu’il louait de Victoria Holding.
[36] Pour sa part, monsieur Lisbona explique qu’il a communiqué à plusieurs reprises avec monsieur Hébert afin qu’il récupère ses effets entreposés dans le garage. N’ayant pas de réponse, il a pris des arrangements afin de vider le garage. Puis, monsieur Hébert est allé récupérer ses effets avec un chariot.
[37] Interrogé par la membre du tribunal, monsieur Hébert convient que 399 heures travaillées représentent environ 7 500 $ par année alors qu’il a indiqué un revenu brut de 16 000 à 18 000 $ sur sa réclamation.
[38] Ces éléments de preuve portent atteinte à la valeur que le tribunal attribue au témoignage de monsieur Hébert. Le tribunal privilégie le témoignage de monsieur Lisbona qui s’est avéré plus cohérent et plus probant.
[39] Après examen et considération de l’ensemble de la preuve, le tribunal considère que monsieur Hébert n’a pas démontré de manière probante qu’il était un travailleur au sens de la loi.
[15]
Devant le premier juge administratif, monsieur Hébert a soumis
subsidiairement que s’il était un travailleur autonome, qu’il devait être
considéré comme un travailleur parce qu’il rencontrait les conditions prévues à
l’article
[16]
Lors de la première audience devant la Commission des lésions professionnelles, monsieur Hébert a plaidé les mêmes arguments que
ceux soumis en révision. Monsieur Hébert a insisté sur une présomption de
relation d’emploi entre lui-même et la personne pour qui il exerçait des
activités selon l’article
[17]
Le premier juge administratif a répondu à cet argument aux paragraphes
[45], [46] et [47] de la décision. Il conclut que l’article
[18] Le tribunal a conclu que monsieur Hébert n’exerçait pas des activités similaires ou connexes à celles qui sont exercées dans l’établissement de 6758762 Canada inc. À ce sujet, le premier juge administratif motive comme suit sa décision :
[54] Le représentant de l’employeur soumet que son
« client remplissait les conditions de l’article
[55] Ainsi, le tribunal doit successivement faire l’analyse de la nature des services exercés par monsieur Hébert et ceux exercés par Victoria Holding afin de déterminer de la similarité ou de la connexité des activités exercées par l’un et l’autre.
[56] Dans un premier temps, monsieur Hébert qui exerçait des travaux d’électricité pour Victoria Holding devait établir la similarité ou la connexité des activités exercées et que ces travaux étaient similaires ou connexes à celles par Victoria Holding. Or, Victoria Holding est une compagnie qui exploite une entreprise de gestion de locaux commerciaux dans un immeuble commercial.
[57] Selon le témoignage de monsieur Hébert, 90% de son temps était consacré à des travaux d’électricité et 10% de son temps à divers travaux d’entretien comme journalier ou « homme à tout faire ». À l’occasion, il retenait les services d’un aide pour les travaux de journalier.
[58] Bien que les services d’électricien soient utiles, voire même accessoires à l’exploitation de la gestion d’un immeuble, le tribunal considère que les services d’électricien exercés par monsieur Hébert auprès de Victoria Holding ne sont pas similaires ni connexes aux activités de gestion de locaux commerciaux exercées par cette dernière.
[59] Ce faisant, Monsieur Hébert n’a pas démontré de manière prépondérante qu’il exerçait des activités similaires ou connexes à celles exercées par la compagnie Victoria Holding.
[19]
La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision ne voit
aucune erreur manifeste de droit qui serait de nature à invalider la décision.
À partir du moment où le premier juge administratif a apprécié la preuve et
qu’il a conclu que monsieur Hébert n’exerçait pas des activités similaires ou
connexes de celles qui sont exercées dans l’établissement de Victoria Holding,
monsieur Hébert ne pouvait pas bénéficier de l’article
[20] Le premier juge administratif explique clairement que les travaux d’électricité effectués par monsieur Hébert pour Victoria Holding n’étaient pas similaires ou connexes aux activités exercées par l’un ou l’autre. Cette dernière est une compagnie qui exploite une entreprise de gestion de locaux commerciaux dans un immeuble commercial. Le fait que les travaux effectués par monsieur Hébert soient utiles ou même accessoires à l’exploitation de la gestion d’un immeuble n’en font pas des travaux similaires ou connexes aux activités de gestion de locaux commerciaux. La décision du premier juge administratif est claire et motivée, contrairement aux allégations de monsieur Hébert.
[21] Compte tenu de ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il n’a pas été démontré de motif permettant la révision de la décision rendue par cette instance le 11 août 2011.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révision déposée par monsieur Michel Hébert.
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MICHÈLE CARIGNAN |
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Me Daniel Longpré |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Franchellini et
Sousa
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.