Société de Gestion Cogir inc. et Martin |
2008 QCCLP 3611 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 2 mai 2007, madame France Martin (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision d’une décision rendue le 21 décembre 2006 par la Commission des lésions professionnelles.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles accueille la requête de la Société de gestion Cogir inc. (l’employeur), infirme la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 8 novembre 2005 à la suite d’une révision administrative et déclare ce qui suit :
DÉCLARE que la bursite sous-acromio-deltoïdienne et la tendinopathie du tendon du sus-épineux de l’épaule droite ne constituent pas des lésions professionnelles au sens de la loi;
DÉCLARE que l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles ne sont pas consécutives à la lésion professionnelle subie le 20 octobre 2004.
[3] L’audience s’est tenue à Saint-Hyacinthe le 17 mars 2008 en présence de la travailleuse, de son procureur et du représentant de la Société de gestion Cogir inc. (l’employeur). Un délai a été accordé au procureur de la travailleuse pour le dépôt de la jurisprudence. Le dossier a été pris en délibéré le 26 mars 2008, soit à l’expiration du délai accordé à l’employeur pour soumettre des commentaires supplémentaires, si nécessaire, ce qui n’a pas été fait.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision rendue le 21 décembre 2006, de reconnaître que la bursite sous-acromio-deltoïdienne et la tendinopathie du tendon du sus-épineux de l’épaule droite sont en relation avec la lésion professionnelle du 20 octobre 2004 et de reconnaître qu’elle conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique évaluée à 4,40 % lui donnant droit à une indemnité pour dommages corporels.
QUESTION PRÉLIMINAIRE
[5] Avant d’analyser les conditions d’ouverture à la révision, la Commission des lésions professionnelles doit d’abord décider si la travailleuse a déposé sa requête dans un délai raisonnable tel que requis par le premier alinéa de l’article 429.57 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) qui se lit ainsi :
429.57. Le recours en révision ou en révocation est formé par requête déposée à la Commission des lésions professionnelles, dans un délai raisonnable à partir de la décision visée ou de la connaissance du fait nouveau susceptible de justifier une décision différente. La requête indique la décision visée et les motifs invoqués à son soutien. Elle contient tout autre renseignement exigé par les règles de preuve, de procédure et de pratique.
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1997, c. 27, a. 24.
[6] La jurisprudence[2] a établi que ce délai raisonnable est assimilable au délai pour contester une décision devant la Commission des lésions professionnelles, soit un délai de 45 jours.
[7] Dans le présent dossier, la requête est soumise le 2 mai 2007 soit plus de quatre mois après la décision contestée du 21 décembre 2006. La requête n’est donc pas déposée dans un délai raisonnable.
[8] L’article 429.19 de la loi permet toutefois de relever une partie de son défaut si elle démontre un motif raisonnable :
429.19. La Commission des lésions professionnelles peut prolonger un délai ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que celle-ci n'a pu respecter le délai prescrit pour un motif raisonnable et si, à son avis, aucune autre partie n'en subit de préjudice grave.
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1997, c. 27, a. 24.
[9] La Commission des lésions professionnelles estime que la travailleuse lui a fait la preuve d’un motif raisonnable permettant de la relever de son défaut. De son témoignage, de celui de son conjoint et de la preuve documentaire, la Commission des lésions professionnelles retient ce qui suit.
[10] La travailleuse ne peut préciser à quelle date elle a reçu la décision de la Commission des lésions professionnelles du 21 décembre 2006. Le 3 décembre précédent, elle a fait une chute où elle s’est frappé la tête sur le béton. Elle a consulté à l’Hôpital Charles-Lemoyne le 5 décembre en raison de céphalées progressives depuis la chute. Une tomodensitométrie cérébrale est demandée pour un traumatisme crânien. Elle s’avère normale. Un suivi est effectué par la clinique externe le 15 janvier et on note au dossier que la travailleuse va beaucoup mieux. Cela contredit le témoignage de la travailleuse qui affirme qu’elle a été suivie jusqu’à la mi-mars et qu’elle était couchée à temps plein, avec des maux de tête, de la nausée et des vomissements.
[11] Par contre, la preuve démontre que la travailleuse a présenté à cette époque des problèmes de santé psychique. Elle témoigne qu’elle a de la difficulté à fonctionner, même à s’occuper de ses enfants, ce que corrobore son conjoint. Elle faisait face à des problèmes familiaux importants (difficultés parentales et conjugales).
[12] Le 18 avril, elle a dû consulter en urgence à la suite d’une crise pour laquelle son conjoint a dû faire intervenir la police. Le médecin note alors qu’elle présente une détérioration importante et il la dirige au CLSC pour une évaluation psychosociale. La travailleuse y est évaluée le 27 avril suivant. On note qu’elle est dans un état d’épuisement physique et psychologique. Elle est depuis suivie en psychothérapie.
[13] Tant la travailleuse que son conjoint reconnaissent avoir reçu la décision du 26 janvier 2007 de la CSST réclamant à la travailleuse une somme de 3 038 $ en remboursement des sommes reçues à titre d’indemnité pour dommage corporel à la suite de la décision de la Commission des lésions professionnelles. La travailleuse affirme qu’elle n’a pas compris la signification de cette réclamation et son conjoint du fait qu’il s’en foutait un peu compte tenu de la période critique que le couple traversait.
[14] La travailleuse explique qu’à un moment donné, probablement en avril, elle a senti le besoin de se faire aider et a consulté un avocat. C’est le 16 avril 2007 qu’elle donne mandat au procureur de soumettre la présente requête.
[15] La Commission des lésions professionnelles constate que la travailleuse était dans un état de désorganisation et d’épuisement. Les nombreux problèmes auxquels elle devait faire face l’ont rendue non fonctionnelle pendant une certaine période. Cela peut expliquer, de l’avis du Tribunal, qu’elle n’ait pas été en mesure de présenter sa requête en révision dans un délai raisonnable. Elle n’a même pas réagi à la réclamation de la CSST qui exigeait d’elle un remboursement d’argent.
[16] La travailleuse a donc démontré un motif raisonnable permettant de la relever de son défaut et l’employeur n’en subit aucun préjudice. Sa requête est donc recevable.
L’AVIS DES MEMBRES
[17] Les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs sont d’avis de relever la travailleuse de son défaut d’avoir déposé sa requête en révision dans un délai raisonnable. La chute qu’elle a faite et les difficultés personnelles importantes qu’elle vivait à cette période constituent un motif raisonnable permettant d’expliquer son retard.
[18] Quant au bien-fondé de sa requête, ils considèrent tous deux qu’elle doit être rejetée. La travailleuse n’a pas démontré qu’elle était inapte à procéder lors de l’audience tenue en octobre 2006 ni qu’elle n’a pas pu pleinement se faire entendre. Ses autres prétentions visent à obtenir une nouvelle appréciation de la preuve ou à bonifier sa preuve, ce que le recours en révision ne permet pas.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[19] La travailleuse occupe un poste de préposée aux bénéficiaires. Le 20 octobre 2004, elle est victime d’un accident du travail. Alors qu’elle fait la toilette d’un bénéficiaire, celui-ci la pousse contre un porte-serviette dans la salle de bain. Elle ressent une douleur à la région dorsale.
[20] Le 13 janvier 2005, la CSST accepte la réclamation de la travailleuse pour l’accident subi le 20 octobre 2004 qui lui a causé «une contusion dorsale avec paresthésie au membre supérieur gauche». L’employeur conteste cette décision jusqu’à la Commission des lésions professionnelles mais il se désistera de sa contestation le 30 novembre 2005, soit le matin même de l’audience prévue à la Commission des lésions professionnelles.
[21] Le 18 avril 2005, le Dr Pierre Rhéaume signe un rapport final pour des diagnostics d’entorse cervicodorsale et de bursite à l’épaule droite. Le 27 avril suivant, il complète un rapport d’évaluation médicale. Il évalue les séquelles à 4 % pour la lésion à l’épaule droite (atteinte des tissus mous et ankylose). Il émet également des limitations fonctionnelles.
[22] Le 27 mai 2005, la CSST rend deux décisions. L’une déclare que le nouveau diagnostic de bursite à l’épaule droite est en relation avec l’évènement du 20 octobre 2004. L’autre accorde une indemnité pour dommage corporel correspondant à une atteinte permanente à l’intégrité physique de 4,40 % (4 % auquel s’ajoute 0,40 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie).
[23] L’employeur demande la révision de ces deux décisions qui sont confirmées en révision administrative le 8 novembre 2005. Il conteste alors à la Commission des lésions professionnelles.
[24] C’est de ce litige qu’est saisi le premier commissaire. L’audience a lieu le 30 octobre 2006. La travailleuse s’y présente, sans représentant. L’employeur y est représenté. La travailleuse témoigne. Le commissaire lui demande de compléter sa preuve en produisant les notes de consultation de différents médecins qu’elle a vus pour sa lésion professionnelle et il lui donne jusqu’au 14 novembre pour ce faire.
[25] La travailleuse donne suite à la demande et dépose le 14 novembre 2006 les dossiers médicaux demandés. Le 27 novembre suivant, le représentant de l’employeur dépose son argumentation écrite. Le commissaire prend alors le dossier en délibéré et il rend sa décision le 21 décembre suivant.
[26] Il accueille la contestation de l’employeur et il déclare que les lésions à l’épaule droite ne sont pas en relation avec la lésion professionnelle du 20 octobre 2004. Par conséquent, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles reconnues par le Dr Rhéaume étant rattachées à l’épaule droite, le commissaire les déclare non consécutives à la lésion professionnelle.
[27] La Commission des lésions professionnelles doit aujourd’hui déterminer s’il y a lieu de réviser la décision rendue le 21 décembre 2006.
[28] Le pouvoir de révision est prévu à l’article 429.56 de la loi :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[29] La travailleuse allègue deux types d’erreur. Elle prétend qu’elle n’a pas pu se faire entendre valablement en raison de son état psychologique et que la décision est entachée de vices de fond de nature à l’invalider.
[30] À l’audience, elle dépose deux nouveaux éléments de preuve. La soussignée indique alors à son procureur qu’il devra démontrer que les critères du premier paragraphe de l’article 429.56 sont rencontrés pour pouvoir considérer cette nouvelle preuve.
[31] Nous examinerons maintenant chacun des motifs de révision invoqués par la travailleuse.
Ø Manquement au droit d’être entendu
[32] Le procureur de la travailleuse allègue, comme motif principal au soutien de sa requête, deux manquements au droit d’être entendu : le fait que la travailleuse était inapte à procéder le 30 octobre 2006 et le fait qu’elle n’a pas pu soumettre une argumentation ou une réplique.
[33] La travailleuse prétend d’abord qu’elle n’était pas apte à se représenter devant la Commission des lésions professionnelles le 30 octobre 2006 compte tenu d’une condition psychologique précaire. Elle soumet qu’elle était confuse et qu’elle éclatait régulièrement en sanglots. Elle témoigne des difficultés rencontrées au cours l’été 2006 avec sa fille et du fait qu’elle était «au bout du rouleau», ce que corrobore son conjoint. Elle ne comprenait pas pourquoi elle était convoquée à la Commission des lésions professionnelles. Elle croyait que tout était réglé depuis le désistement de l’employeur à l’automne 2005. Elle déclare qu’elle n’avait pas dormi les trois jours précédant l’audience et qu’elle était nerveuse.
[34] Son conjoint, qui a assisté à l’audience, témoigne que celle-ci était très stressée, qu’elle était comme absente (elle «n’était pas là») et qu’elle avait de la difficulté à se retrouver dans ses papiers.
[35] Dans sa requête, le procureur de la travailleuse invoque également que la travailleuse était «soumise à du harcèlement de la part de l’employeur» mais il ne soumet aucune preuve pour démontrer cette allégation.
[36] Il fait valoir que le premier commissaire aurait dû ajourner l’audience et la remettre à une date ultérieure pour permettre à la travailleuse de se faire pleinement entendre.
[37] La Commission des lésions professionnelles estime que la travailleuse ne lui a pas fait une preuve prépondérante établissant qu’elle n’était pas en état de procéder le 30 octobre 2006 en raison de sa condition psychologique.
[38] D’abord aucune preuve médicale n’atteste d’une telle incapacité. Aucun rapport médical contemporain à la tenue de l’audience n’est déposé ni notes de consultation médicale démontrant les difficultés ou symptômes décrits par la travailleuse.
[39] La preuve médicale qu’elle produit pour justifier son délai à déposer une requête en révision concerne la chute survenue en décembre 2006 et la consultation d’avril 2007. Les informations qu’on y retrouve ne permettent pas de conclure que la travailleuse était dans un état la rendant incapable de témoigner en octobre 2006.
[40] À l’invitation du procureur de la travailleuse, la soussignée a écouté l’enregistrement de l’audience tenue devant le premier commissaire le 30 octobre 2006. Le procureur allègue que l’enregistrement démontre que la travailleuse n’était pas en état de procéder ce jour-là.
[41] La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision n’est pas de cet avis.
[42] Évidemment la soussignée n’a pas pu observer la travailleuse, ce que son procureur n’a pas pu faire non plus. Cependant l’écoute de l’enregistrement ne révèle pas d’indices démontrant que la travailleuse était inapte à procéder.
[43] Elle témoigne correctement et elle est plutôt volubile. Elle décrit en détail les circonstances de l’accident et la localisation de ses douleurs. Elle s’exprime bien et pose des questions pour comprendre.
[44] À une occasion, elle s’excuse en cherchant un document et en disant qu’elle est nerveuse. Elle signale qu’elle est sur le point de pleurer.
[45] Le commissaire lui offre de suspendre l’audience. Elle fait alors part au commissaire de son incompréhension par rapport au fait que l’employeur s’est désisté l’année précédente et du pourquoi elle est là. Son mari intervient dans le même sens. La travailleuse indique au commissaire qu’elle se sent traitée comme une menteuse.
[46] Le commissaire lui explique la situation et l’objet du litige. Il lui indique que personne ne prétend qu’elle n’est pas correcte. Puis il suspend l’audience pour une pause. À la reprise de l’audience, la travailleuse poursuit son témoignage avec assurance.
[47] Un peu plus tard, le commissaire expliquera le fonctionnement de l’audience, la preuve et l’argumentation. Il lui précise que la reconnaissance de l’accident n’est pas remise en question, qu’elle n’a pas à faire entendre de témoins sur la survenance de l’accident et que le litige porte sur la relation entre son problème à l’épaule droite et l’accident. La travailleuse lui répond qu’elle comprend.
[48] En aucun moment, la travailleuse n’a demandé une suspension, un ajournement ou une remise. En aucun temps, elle n’a manifesté le désir d’être représentée.
[49] La Commission des lésions professionnelles entend régulièrement des parties, particulièrement des travailleurs, qui ne sont pas représentées. Dans ces circonstances, les gens, peu ou pas familiers avec le système judiciaire, sont souvent nerveux. Il arrive aussi fréquemment que l’on doive suspendre, le temps d’une pause pour qu’un individu puisse prendre un répit ou se ressaisir.
[50] Dans ces situations, le commissaire doit offrir un secours équitable et s’assurer du respect des droits de chaque partie. C’est ce que le commissaire a fait dans le présent dossier en expliquant, à plus d’une reprise, la nature du litige et les règles de déroulement d’une audience.
[51] Examinons maintenant le second manquement invoqué par la travailleuse soit celui concernant l’empêchement de produire son argumentation.
[52] La Commission des lésions professionnelles considère que la travailleuse n’a pas démontré ici un manquement à son droit d’être entendue. Ce droit fondamental implique celui de produire sa preuve et ses arguments. Le respect de ce droit doit toutefois s’apprécier selon les circonstances propres à chaque affaire.
[53] Or dans le présent dossier, la travailleuse n’était pas représentée. À l’audience, le commissaire lui demande de compléter sa preuve en déposant copie des notes de consultations médicales. Il lui donne jusqu’au 14 novembre pour ce faire. Il indique alors à la travailleuse qu’elle peut soumettre ses commentaires par écrit lors du dépôt des notes médicales demandées. La travailleuse lui demande ce qu’il entend par commentaires. Le commissaire lui explique et lui donne un exemple. Puis il indique à l’employeur qu’il aura deux semaines pour déposer son argumentation écrite soit jusqu’au 28 novembre.
[54] La travailleuse dépose copie des dossiers médicaux demandés à la date prévue. Signalons au passage que cela est un autre indice de la capacité et de la compréhension de la travailleuse lors de l’audience. Elle ne formule cependant aucun commentaire relativement à ces documents.
[55] L’employeur produit son argumentation le 27 novembre suivant. Le lendemain la Commission des lésions professionnelles en accuse réception et en transmet copie à la travailleuse. Le commissaire rend sa décision, environ trois semaines plus tard, le 21 décembre 2006.
[56] Bien sûr, le droit d’être entendu est une règle fondamentale qui s’applique devant la Commission des lésions professionnelles. Son application se module toutefois en tenant compte des circonstances notamment le fait ici que la travailleuse n’est pas représentée. Tel que signalé, un commissaire doit dans ce contexte s’assurer du respect du droit des parties mais cela ne se fait pas nécessairement suivant le modèle judiciaire «classique», c’est-à-dire argumentation, défense et réplique. La façon de faire valoir ses moyens peut prendre différentes formes.
[57] Tel qu’indiqué à l’article 2 du Règlement sur la preuve et la procédure de la Commission des lésions professionnelles[3], la Commission des lésions professionnelles n’est pas tenue à l’application des règles de procédure civile.
[58] Dans le présent dossier, le commissaire a offert à la travailleuse la possibilité de soumettre ses commentaires au moment du dépôt des documents demandés. Il lui a expliqué dans des termes clairs et simples ce que cela signifiait, en donnant un exemple. La travailleuse a mentionné qu’elle comprenait («OK»).
[59] Le commissaire lui a donc donné l’occasion de soumettre ses arguments. Elle ne l’a pas fait en transmettant les notes cliniques demandées. Elle a par la suite reçu copie de l’argumentation de l’employeur et n’a pas réagi.
[60] La travailleuse a été informée par le commissaire de son droit de soumettre des commentaires et de la façon de le faire. C’est donc en connaissance de cause qu’elle ne l’a pas fait.
[61] Dans ces circonstances, la Commission des lésions professionnelles ne peut pas conclure à un manquement au droit d’être entendu. La travailleuse a choisi de ne pas se faire représenter. Elle a eu l’occasion de faire sa preuve, le commissaire l’a même invitée à compléter celle-ci et lui a donné l’occasion de faire ses commentaires. On ne s’attend généralement pas à ce qu’une partie non représentée produise une argumentation en droit, bien qu’elle puisse le faire et que cela arrive parfois. Il faut s’assurer qu’elle a pu faire valoir ses prétentions et rien ne permet de croire que ce ne fut pas le cas ici. On ne peut pas conclure, comme le soumet son procureur, qu’elle n’a pas eu droit à une défense pleine et entière.
[62] La jurisprudence a d’ailleurs apporté des nuances en ce sens à quelques reprises.
[63] La Cour supérieure le signale dans Imbeault c. Commission des lésions professionnelles[4] dans laquelle on invoquait un manquement au droit d’être entendu du fait de ne pas avoir pu produire une réplique. La Cour ne retient pas cette prétention et s’explique ainsi :
[27] Essentiellement, le requérant conteste les deux décisions de la Commission des lésions professionnelles en invoquant, d'une part, un manquement à la règle audi alteram partem parce qu'on n’aurait pas permis à madame Gingras de se faire entendre, de faire une preuve et de soumettre une argumentation ou une réplique sur l'effet de la lettre de juin 1970. Donc, ce serait une question de justice fondamentale. Bien sûr, les règles d'équité procédurale, la règle audi alteram partem sont des règles fondamentales qui s'appliquent devant la CLP autant que devant cette cour.
[28] Toutefois, il est généralement admis que la CLP est maître de sa procédure. Telle était l’intention du législateur, selon une jurisprudence bien établie. On pense notamment à la décision de la Cour d’appel dans Cascades Conversion inc. c. Yergeau et CLP (2).
[29] Dans les circonstances du présent cas, le Tribunal ne peut pas conclure que le commissaire a refusé de recevoir la lettre d'entente puisqu'il l'a reçue et qu'il en traite dans sa décision. Ce n'est pas parce que l'employeur a fait quelques commentaires sur cette lettre d’entente dans ses notes, que cela changeait la donne. En fait, les commentaires sont très limités puisque, dans ses notes, l'employeur souligne qu'il y a une convention collective, que c'est une lettre de juin 1990 et que la lettre n'est pas une convention collective. Pour être une convention collective, il faudrait, en vertu de l’article 72 du Code du travail, qu’elle soit déposée, et il soutient que cela n'a pas été fait.
[30] Le Tribunal, comme d'ailleurs le commissaire Roy, ne voit pas en quoi il y aurait eu ici un manquement à la règle audi alteram partem du fait de ne pas permettre une réplique. Le commissaire n’avait pas à décider, proprio motu, d'une ré-ouverture d'enquête, à moins d'une demande motivée à cet effet ou d'une situation qui indiquait la nécessité d'une telle procédure.
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(2) [2005] C.L.P. 1739 . JE-2006-881 (CA).
[64] Dans Turenne et Héroux-Devtek inc.[5] la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision rejette une requête en révision invoquant également un manquement au droit d’être entendu soit le droit de produire une réplique. Elle écrit :
[15] Le premier motif de révision invoqué par le travailleur est que le premier commissaire aurait omis de prendre en considération la réplique de l’argumentation du 28 décembre 2006. Il s’agissait donc d’une atteinte à son droit d’être entendu.
[16] La procédure suivie, tel que relaté plus haut, montre clairement que le travailleur ne s’était pas réservé le droit de répliquer à l’argumentation de l’employeur. Le commissaire n’était donc pas tenu de prendre en considération la réplique qui, faut-il le rappeler, est finalement parvenue au tribunal trois semaines après la décision, et une semaine après le dépôt de la requête en révision dont il s’agit ici. Le tribunal comprend que le représentant du travailleur, par inexpérience, a cru que le droit de réplique était automatique et qu’il n’était pas nécessaire de s’entendre avec l’autre partie à ce sujet.
[17] Il n’y a donc pas atteinte au droit du travailleur d’être entendu et il n’y a certes pas de vice de procédure de nature à invalider la décision. Le tribunal ne retiendra pas ce motif.
[65] S’appuyant entre autres sur cette décision, la Commission des lésions professionnelles a récemment rejeté une requête en révision dans Reci et Industrie Maintenance Empire inc.[6]. L’employeur invoquait que le fait de ne pas avoir reçu copie des commentaires déposés par la travailleuse après l’audience devant la première commissaire et de n’avoir donc pas pu les commenter constitue une brèche aux règles de justice naturelle faisant en sorte qu’il n’a pu pleinement se faire entendre. La Commission des lésions professionnelles conclut au contraire :
[20] En résumé, le tribunal constate donc que la première commissaire a permis à l’employeur de déposer des documents avec un certain droit de réplique ou de réponse en faveur de la travailleuse. Aucune autre démarche n’a été convenue lors de l’audience tel que le résumé final de la première commissaire le laisse clairement entendre.
[21] Si l’employeur désirait répliquer au document déposé par la travailleuse, il devait en convenir avec le tribunal, ce qu’il n’a pas fait.
[22] En ne s’opposant pas à la démarche élaborée par la première commissaire à la fin de l’audience, l’employeur renonçait à soumettre une réplique à la réponse de la travailleuse .
[23] Le droit d’être entendu est un principe de justice fondamental mais une partie peut y renoncer de façon explicite ou implicite ou par son omission de l’invoquer ou de la faire valoir. C’est ce qui est survenu en l’espèce .
[66] La Commission des lésions professionnelles ajoute cependant qu’il s’agissait d’un document qui ne comportait pas les informations demandées par la travailleuse et dont la première commissaire n’a pas tenu compte dans sa décision. Elle conclut donc :
[35] En conséquence, le tribunal ne comprend pas comment les règles de justice naturelle ou le droit de l’employeur d’être entendu n’auraient pas été respectés par l’omission de lui permettre de contredire ou de commenter un document qui n’a eu aucun impact au dossier.
[67] Même si ces décisions présentent des particularités de faits qui leur sont propres, les extraits ci-haut cités permettent de constater que l’absence de réplique ne constitue pas automatiquement un manquement au droit d’être entendu.
[68] Le procureur de la travailleuse signale également que le commissaire a indiqué aux parties qu’il prenait sous peu sa retraite. Cela est exact. Cependant la soussignée ne voit pas en quoi cela a pu affecter les droits des parties. Le premier commissaire a accordé un délai de 15 jours à la travailleuse pour compléter sa preuve et soumettre ses commentaires. Il a accordé un délai de 15 jours par la suite à l’employeur pour plaider par écrit, ce qui fut fait le 27 novembre 2007. Il s’est écoulé un peu plus de trois semaines avant qu’il rende sa décision. Il n’y a là aucun élément permettant de conclure que le commissaire aurait bousculé les parties ou ne leur aurait pas donné le temps suffisant pour faire valoir leurs droits.
[69] Dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles estime que la travailleuse n’a pas démontré un manquement au droit d’être entendu.
[70] Ceci nous amène maintenant à analyser les erreurs alléguées comme vices de fond de nature à invalider la décision.
Ø Vice de fond de nature à invalider la décision
[71] Dans le présent dossier, la travailleuse allègue que la décision est entachée de vices de fond au sens du 3e paragraphe de l’article 429.56 de la loi. La notion de «vice de fond (...) de nature à invalider la décision» a été interprétée par la Commission des lésions professionnelles dans les affaires Donohue et Franchellini[7] comme signifiant une erreur manifeste, de droit ou de faits, ayant un effet déterminant sur l’issue de la contestation. Ces décisions ont été reprises de manière constante par la jurisprudence.
[72] Il a été maintes fois réitéré que ce recours ne peut constituer un appel déguisé compte tenu du caractère final d’une décision de la Commission des lésions professionnelles énoncé au troisième alinéa de l’article 429.49 de la loi :
429.49.
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La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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[73] La Cour d’appel a également été appelée à plusieurs reprises à se prononcer sur l’interprétation de la notion de vice de fond. En 2003, dans l’affaire Bourassa[8], elle rappelle la règle applicable en ces termes :
[21] La notion [de vice de fond] est suffisamment large pour permettre la révocation de toute décision entachée d'une erreur manifeste de droit ou de fait qui a un effet déterminant sur le litige. Ainsi, une décision qui ne rencontre pas les conditions de fond requises par la loi peut constituer un vice de fond.
[22] Sous prétexte d'un vice de fond, le recours en révision ne doit cependant pas être un appel sur la base des mêmes faits. Il ne saurait non plus être une invitation faite à un commissaire de substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle de la première formation ou encore une occasion pour une partie d'ajouter de nouveaux arguments(4).
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(4) Yves Ouellette. Les tribunaux administratifs au Canada : procédure et preuve. Montréal : Éd. Thémis, 1997. P. 506-508 ; Jean-Pierre Villaggi. « La justice administrative », dans École du Barreau du Québec. Droit public et administratif. Volume. 7 (2002-2003). Cowansville : Y. Blais, 2002. P. 113, 127-129.
[74] La Cour d’appel a de nouveau analysé cette notion dans l’affaire CSST c. Fontaine[9] alors qu’elle devait se prononcer sur la norme de contrôle judiciaire applicable à une décision en révision. Procédant à une analyse fouillée, le juge Morissette rappelle les propos du juge Fish dans l’arrêt Godin[10], et réitère qu’une décision attaquée pour motif de vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision. La Cour d’appel le répète quelques semaines plus tard dans l’affaire Touloumi[11].
[75] De l’avis de la soussignée, la Cour d’appel nous invite à faire preuve d’une très grande retenue en indiquant qu’il ne faut pas utiliser la notion de vice de fond à la légère et en insistant sur la primauté à accorder à la première décision et sur la finalité de la justice administrative. La première décision rendue par la Commission des lésions professionnelles fait autorité et ce n'est qu'exceptionnellement que cette décision pourra être révisée.
[76] Qu’en est-il dans le présent dossier?
[77] Le procureur de la travailleuse invoque en premier lieu une erreur concernant le fardeau de la preuve. Il soumet que le fardeau de la preuve reposait sur l’employeur puisqu’il était appelant. Il fait valoir que celui-ci n’a pas soumis d’expertise sur la question de la relation.
[78] Cette prétention ne peut être retenue. La jurisprudence a établi que le fardeau de la preuve repose sur la travailleuse même si c’est l’employeur qui a contesté une décision d’admissibilité devant la Commission des lésions professionnelles puisque le Tribunal procède «de novo»[12]. Il appartenait donc à la travailleuse de démontrer par une preuve prépondérante la relation entre sa lésion à l’épaule droite et l’accident subi en octobre 2004.
[79] La question de la relation est une question qu’il appartient au commissaire de trancher en appréciant l’ensemble de la preuve factuelle et médicale.
[80] En second lieu, la travailleuse allègue que le commissaire a tiré des conclusions qui ne sont pas soutenues par la preuve. Les principaux motifs du commissaire se lisent ainsi :
[28] Le tribunal ne retient pas la thèse de l’erreur médicale avancée par la travailleuse à l’effet que les médecins qui l’ont vue en premier auraient indiqué qu’elle présentait des douleurs à l’épaule gauche alors qu’elle leur rapportait des douleurs à l’épaule droite.
[29] S’il peut survenir que deux rapports ou notes médicales puissent se contredire sur le site d’une lésion, la révision des notes de consultation permet généralement de trouver l’erreur et de rétablir la situation.
[30] Or, dans le présent cas, non seulement la revue attentive des notes de consultation indique que toutes les notes rapportent des paresthésies au membre supérieur gauche, elle confirme aussi que la contusion initiale s’est produite à la région dorsale centrale entre les omoplates, un peu plus à droite, comme l’a précisé la travailleuse lors de l’audience et les douleurs rapportées par la travailleuse ont toujours été notées à ce niveau.
[31] Il n’est aucunement fait mention de douleur à l’épaule droite, ni au niveau de la bourse sous-acromiale, ni au niveau du tendon sous-épineux. Ces sites anatomiques sont éloignés du site de la contusion initiale d’octobre 2004 et aucune explication médicale n’a été soumise pour les relier entre eux.
[32] Le tribunal ne peut donc conclure que la travailleuse aurait subi une lésion professionnelle à son épaule droite lors de l’événement allégué d’octobre 2004.
[81] La travailleuse soumet que tout au long du dossier médical il est question d’une douleur bilatérale. Elle fait valoir qu’à compter de décembre 2005, la douleur s’est estompée à gauche mais pas à droite.
[82] La soussignée a passé en revue les notes médicales au dossier. Or il est effectivement question d’une douleur bilatérale et d’une douleur à droite mais au niveau des omoplates, des rhomboïdes ou en «paradorsal». Les douleurs sont donc localisées au site de la blessure initiale soit «à la région dorsale centrale entre les omoplates, un peu plus à droite», comme le souligne le commissaire au paragraphe 30.
[83] La lésion à l’épaule droite vise un site distinct de celui de la contusion initiale, comme le premier commissaire l’indique au paragraphe suivant. Il considère alors qu’il n’a pas une preuve permettant de relier cette lésion à l’épaule droite à l’accident du travail.
[84] La travailleuse a développé une pathologie à l’épaule droite. Ce n’est pas l’existence de celle-ci qui est remise en question mais la relation avec l’accident d’octobre 2004.
[85] Le procureur de la travailleuse reproche aussi au commissaire d’avoir utilisé l’expression «suite à cet incident» au paragraphe 10 de sa décision plutôt que le terme prévu à la loi soit celui d’accident. Il fait valoir que ce faisant le commissaire tente de minimiser l’accident subi et, cet accident du travail n’étant pas contesté par l’employeur, il «a outrepassé sa juridiction en revenant sur la qualification de l’évènement».
[86] La Commission des lésions professionnelles ne voit là aucune erreur manifeste et déterminante. Cette allégation n’est pas sérieuse. La lecture de la décision ne démontre pas qu’il ait remis en question d’aucune manière l’évènement accidentel. Il traite à au moins quatre reprises de «l’accident du travail» ou du «fait accidentel». Le choix du terme incident, qui peut être utilisé comme synonyme d’accident, est une simple question de vocabulaire sans aucune conséquence.
Ø La nouvelle preuve
[87] Dans sa requête en révision du 2 mai 2007, le procureur de la travailleuse invoque un manquement au droit d’être entendu et des vices de fond. Il ne fait pas valoir la découverte d’un fait nouveau.
[88] Lors de la présente audience, il dépose en preuve une note du Dr Poulin du 23 mai 2007 et les notes des traitements de physiothérapie.
[89] De toute évidence, ces éléments de preuve ne peuvent pas constituer un fait nouveau au sens du premier paragraphe de l’article 429.56.
[90] La jurisprudence[13] a établi trois critères pour conclure à l’existence d’un fait nouveau soit :
1- la découverte postérieure à la décision d’un fait nouveau;
2- la non-disponibilité de cet élément de preuve au moment où s’est tenue l’audience initiale;
3- le caractère déterminant qu’aurait eu cet élément sur le sort du litige, s’il eut été connu en temps utile.
[91] Il est bien clair que l’opinion du Dr Poulin de même que les notes de physiothérapie n’ont pas été découvertes postérieurement à l’’audience. Ces deux éléments de preuve existaient et rien n’empêchait la travailleuse de les obtenir pour l’audience initiale.
[92] Au surplus, si la travailleuse veut invoquer un fait nouveau, elle doit le faire dans un délai de 45 jours de la découverte des faits en question. Ce n’est qu’au moment de la présente audience, en mars 2008, qu’elle invoque cette preuve. Sa requête à cet égard serait irrecevable.
[93] Mais, de toute façon, il appert clairement ici que la travailleuse tente plutôt de compléter sa preuve. Le procureur de la travailleuse fait de nouveau valoir que la travailleuse était inapte à obtenir ces documents à l’époque pertinente. La Commission des lésions professionnelles a déjà rejeté cette prétention. De plus, si elle a fait les démarches nécessaires pour obtenir les notes cliniques des médecins, y compris celle du Dr Poulin, rien ne l’empêchait de lui demander au même moment une lettre et d’obtenir également copie des notes de physiothérapie qu’elle veut déposer aujourd’hui.
[94] Il est bien établi que le recours en révision ne peut pas permettre de compléter ou bonifier une preuve. Une partie ne peut pas, par le recours en révision, tenter de venir combler les lacunes de la preuve qu’elle a eu l’occasion de faire valoir en premier lieu. Permettre cela aurait pour effet de compromettre sérieusement la stabilité des décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles qui sont finales et sans appel suivant le troisième alinéa de l’article 429.49 de la loi.
[95] Au surplus, la Commission des lésions professionnelles tient à signaler que la note du 23 mai 2007 du Dr Poulin n’est pas aussi concluante que le prétend le procureur de la travailleuse. Le caractère déterminant qu’aurait eu cet élément de preuve n’est pas démontré. Le Dr Poulin écrit ceci :
Ma patiente, madame France Martin, a subi un accident de travail le 26 octobre 2004.
En effet, elle a reçu un coup de la part d’un bénéficiaire et elle s’est cogné le dos en reculant.
Initialement, elle présentait une douleur paravertébrale dorsale bilatérale ainsi qu’aux muscles trapèzes avec engourdissement au membre supérieur gauche.
Avec les traitements reçus, les engourdissements au membre supérieur gauche ont disparu et la douleur s’est davantage localisée au niveau paradorsal droit avec limitations des mouvements du tronc.
À la fin janvier 2005, elle a présenté une exacerbation de cette douleur dorsale droite et je l’ai donc référée au Centre de Médecine Industrielle pour évaluation et prise en charge. Elle a d’ailleurs passé deux autres examens dont je n’ai pas les résultats au dossier.
D’un point de vue médical, il est tout à fait possible et fréquent qu’un traumatisme puisse occasionner une douleur d’abord plus étendue, soit paradorsale bilatérale dans le cas présent, pour ensuite se localiser d’un seul côté, soit paradorsale droit dans le cas de madame Martin.
En conséquence, il n’y a pas, à mon avis, d’ambiguïté face au lien entre l’accident de travail du 20 octobre 2004 et le diagnostic médical.
(Nos soulignements)
[96] Deux constats s’imposent. Cette note du Dr Poulin contredit la prétention de la travailleuse selon laquelle le Dr Poulin s’est trompé lors des consultations initiales et ravisé par la suite. Elle écrit aux paragraphes 19 de sa requête :
19. D’ailleurs le Docteur Poulin , le premier à avoir noté erronément la paresthésie du membre supérieur gauche, se ravise dans ses notes subséquentes et parle alors d’une paresthésie au membre droit;
20. Le Commissaire n’a pas décelé qu’il s’agissait là d’une erreur de retranscription littérale, ce qui a entraîné que la même erreur se soit produite à deux reprises;
[97] Deuxièmement, lorsque le Dr Poulin écrit qu’il n’y a pas d’ambiguïté entre l’accident du 20 octobre 2004 et le diagnostic médical, il ne précise pas de quel diagnostic il traite. S’agit-il de la lésion à l’épaule droite? Il mentionne pourtant une douleur davantage localisée en paradorsal droit.
[98] Cette opinion n’est pas recevable en preuve dans le cadre d’une requête en révision. Elle est invoquée en dehors d’un délai raisonnable et elle ne rencontre pas les critères permettant de conclure à l’existence d’un fait nouveau.
[99] La travailleuse n’a pas démontré aucun motif de révision ou de révocation au sens de l’article 429.56 de la loi. Sa requête est donc rejetée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
DÉCLARE recevable la requête en révision de madame France Martin, la travailleuse;
REJETTE la requête en révision de la travailleuse.
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Lucie Nadeau |
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Commissaire |
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Monsieur Pierre Casella |
MUTU-A-GEST INC. |
Représentant de la partie requérante |
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Me Jean-Yves Therrien |
THERRIEN, ASSOCIÉS |
Représentant de la partie intéressée |
[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] Moschin et Communauté urbaine de Montréal, [1998] C.L.P. 860 ; Récupération Grand-Portage inc. et Lavoie, C.L.P. 86045-01A-9702, 5 février 1999, J.-L. Rivard; Godbout et Les Spécialités MB 1987 inc., C.L.P. 90735-62B-9708, 19 mars 1999, C. Lessard
[3] (2000) 132 G.O. II, 1627
[4] C.S. Montréal, 500-17-023030-045, 7 avril 2006, j. Le Bel
[5] C.L.P. 275326-62-0511, 14 novembre 2007, B. Roy
[6] C.L.P. 293341-71-0607, 13 février 2008, J.-F. Clément
[7] Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 .
[8] Bourassa c. Commission des lésions professionnelles, [2003] C.L.P. 601 (C.A.)
[9] [2005] C.L.P. 626 (C.A.)
[10] Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.)
[11] CSST c. Touloumi, [2005] C.L.P. 921 (C.A)
[12] Journal de Montréal et Benoît, [2002] C.L.P. 533 ; Achille de la Chevrotière ltée et Bourassa, C.L.P. 148451-08-0010, 18 juin 2002, M. Lamarre, révision rejetée, 24 janvier 2003, P. Simard Hewitt Equipment ltée et St-Jean, C.L.P. 177304-72-0201, 27 janvier 2004, B. Roy (décision accueillant la requête en révision)
[13] Bourdon c. Commission des lésions professionnelles, [1999] C.L.P. 1096 (C.S.); Pietrangelo et Construction NCL, C.L.P. 107558-73-9811, 17 mars 2000, Anne Vaillancourt; Nadeau et Framatome Connectors Canada inc., C.L.P. 110308-62C-9902, 8 janvier 2001, D. Rivard, 2000LP-165; Soucy et Groupe RCM inc., C.L.P. 143721-04-0007, 22 juin 2001, M. Allard, 2001LP-64; Provigo Dist. (Maxi Cie) et Briand, C.L.P. 201883-09-0303, 1er février 2005, M. Carignan; Lévesque et Vitrerie Ste-Julie, C.L.P. 200619-62-0302, 4 mars 2005, D. Lévesque
AVIS :
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