Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Montréal

MONTRÉAL, le 7 mars 2003

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

189259-71-0208

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Lucie Couture

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Sarto Paquin

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

François Patry

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DE L'ASSESSEUR :

Pierre Audet-Lapointe

médecin

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

121011191

AUDIENCE TENUE LE :

26 février 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Montréal

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LUC BRISEBOIS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

INDUSTRIES LUXOR INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 5 août 2002, monsieur Luc Brisebois, le travailleur, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste la décision rendue le 9 juillet 2002, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST confirme celle rendue initialement le 27 novembre 2001 et déclare que le travailleur n’a pas subi, le 8 juillet 2001, une lésion professionnelle et qu’il n’a donc pas droit aux prestations prévues par la  Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[3]               Le travailleur est présent à l’audience et représenté.  L’employeur est absent bien que dûment convoqué.

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[4]               Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de faire droit à sa requête et de déclarer que la hernie cervicale dont il est porteur constitue une lésion professionnelle, à savoir une maladie attribuable aux risques particuliers de son travail.

L'AVIS DES MEMBRES

[5]               Le membre issu des associations syndicales, monsieur François Patry et le membre issu des associations d’employeurs, monsieur Sarto Paquin sont d’avis de faire droit à la requête du travailleur.  Ils sont d’avis que la preuve prépondérante démontre que le travailleur a été victime d’une maladie professionnelle attribuable aux risques particuliers de son travail.  Le travailleur a donc droit aux prestations prévues par la loi.

LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[6]               La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a subi, le 16 juillet 2001, une lésion professionnelle, à savoir une maladie professionnelle attribuable aux risques particuliers de son travail.

[7]               Après avoir entendu le témoignage du travailleur, pris connaissance de l’ensemble du dossier, la Commission des lésions professionnelles est d’avis de faire droit à la requête du travailleur.

[8]               La loi définit ainsi la lésion professionnelle et la maladie professionnelle :

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation ;

 

« maladie professionnelle » :une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail ;

 

 

[9]               Afin de faciliter la preuve du travailleur, le législateur a prévu une présomption de maladie professionnelle, lorsque le travailleur est atteint de certaines maladies inscrites à l’annexe I de la loi.  Comme en l’espèce, la maladie dont est porteur le travailleur n’est pas listée à cette annexe, le travailleur ne peut bénéficier de cette présomption.  Il doit donc faire la preuve des conditions énoncées à l’article 30 de la loi.

[10]           Cet article se lit comme suit :

30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[11]           En l’espèce, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que cette preuve a été faite. 

[12]           La Commission des lésions professionnelles retient du témoignage du travailleur qu’il effectue un travail qui peut être qualifié de lourd.  Il travaille de 07h00 le matin à 16h00 l’après-midi.  Il confectionne des objets de métal tels des boîtes à lettre, à partir de métal fondu qui est coulé dans des moules de sable.  Le travailleur agit donc comme couleur de métal, mais il effectue également la confection des moules de sable nécessaires pour confectionner les différents objets de métal.  Au début de son quart de travail, il doit pelleter un tas de sable dans une machine spéciale qui le réduit en poussière fine.  Le sable provient des moules qui ont été effectués la veille.  Il travaille ainsi durant environ 1h30.  Comme il est le plus jeune employé, en ancienneté, il doit aussi pelleter les tas de sable de ses trois autres compagnons de travail.  Le travailleur est gaucher et utilise donc son bras gauche pour soulever le poids de la pelle contenant le sable.  Le sable est déposé en tas sur le sol.  Chaque tas de sable peut être d’une hauteur de 4 pieds. 

[13]           Par la suite, il doit confectionner des moules afin de pouvoir ensuite couler les différents objets de métal.  Il doit prendre le moule de bois et le placer sur sa table de travail.  Ce moule se divise en deux parties.  Il enlève la partie supérieure, pour insérer le gabarit au centre, dans la partie inférieure du moule.  Puis, il prend du sable fin et le dépose dans le moule, tout autour du gabarit.  Il doit ensuite comprimer ce sable afin que le moule conserve l’empreinte de l’objet à couler.  Pour comprimer le sable, il retourne le moule sur une plaque de bois, puis il utilise une presse incorporée à sa table de travail.  Il manipule cette presse en saisissant la poignée de la partie mobile de la presse, située devant lui et en l’abaissant sur la partie supérieure du moule.  Cette poignée est assez difficile à tirer et il utilise toujours son bras gauche pour le faire.  Ce faisant, la table hydraulique, sur laquelle repose le moule, vient rejoindre cette partie mobile de la presse, enserrant ainsi le moule entre la partie mobile de la presse et la table, comprimant ainsi le sable autour du gabarit.  Par la suite, il complète le même travail avec la partie supérieure du moule.  Il doit ensuite, enlever le gabarit, replacer les deux parties du moule, l’une face contre l’autre, attacher les deux parties du moule ensembles à l’aide des deux crochets, démouler le moule sur une plaque de bois de la même grandeur que le moule et ensuite déplacer le moule derrière lui sur le sol.  Chaque demi-moule pèse environ 25 livres.  Le moule complété pèse 50 livres.  Il effectue ainsi environ 30 moules avant l’heure du dîner et autant après le dîner. 

[14]           Lorsqu’il a fini ses moules, il doit effectuer le coulage du métal.  Pour ce faire, il se rend à la fournaise située à environ 40 pieds de son poste de travail.  Il prend alors une louche spéciale pour manipuler le métal en fusion.  Cette louche est munie d’un long manche d’environ 4 pieds et pèse environ 50 livres lorsqu’elle est remplie de métal en fusion.  Le travailleur insère cette louche dans la fournaise dans laquelle se trouve le métal fondu, la remplit de métal.  Il doit ensuite la transporter jusqu’à son poste de travail.  Il doit manipuler cette louche avec prudence, parce que le métal en fusion a tendance à éclabousser et qu’il ne porte aucun vêtement de protection.  Il précise même que ses vêtements sont couverts de brûlures occasionnées par les éclaboussures de métal.  Il tient donc cette louche loin de lui afin d’éviter de se brûler.  Il procède ensuite au coulage des moules qu’il a confectionnés.  Il doit donc circuler avec le métal fondu et remplir ses trentes moules.  Il effectue aussi le coulage des moules de ses trois autres compagnons de travail.  En effet, ceux-ci étant plus ancien que lui, ils n’ont que la tâche de «mouleur» à effectuer.  Le travailleur précise effectuer environ 30 moules le matin et autant l’après midi, mais ses collègues font moins de moule que lui car les produits qu’ils font sont différents.  Il coule néanmoins environ 250 à 300 moules par jour.  Le travailleur doit aussi alimenter la fournaise des lingots de métal.  Il précise qu’il doit donc insérer des lingots pesant environ 60 livres chacun dans la fournaise.  Il doit manipuler environ 4 ou 5 palettes de lingots.  Chaque palette pèse 1000 livres.  Il est le seul à manipuler ces charges.  Finalement, il doit démouler les moules, casser le sable autour des objets, le retirer et ensuite recommencer. 

[15]           La Commission des lésions professionnelles retient que le travailleur a commencé à ressentir des douleurs au bras gauche au début juillet 2001.  Cette douleur est apparue alors qu’il pelletait et qu’il forçait pour manipuler les moules et le métal.  La douleur amenait également des engourdissements aux doigts.  La douleur se situe sur le dessus de l’épaule et descend dans tout le bras gauche.  Il présente également des douleurs lorsqu’il tourne la tête vers la gauche. 

[16]           Le 16 juillet 2001, le travailleur, consulte le docteur Chabot qui indique dans ses notes de consultation que le travailleur accuse des douleurs au côté gauche, au bras et aux doigts gauches depuis une semaine.  Il pose un diagnostic de myalgie. 

[17]           Le 11 août 2001, le travailleur revoit le docteur Fruchterman qui indique que la douleur persiste depuis un mois.  Le 13 août 2001, il complète une réclamation à la CSST dans laquelle il rapporte avoir à soulever des moules de 50 livres et plus.  Il indique comme date d’événement, le 8 juillet 2001. 

[18]           Par la suite, le 28 septembre 2001, le travailleur a subi une résonance magnétique à la demande du docteur Chabot.  Cet examen a démontré une minuscule hernie discale sous-ligamentaire postéro-médiane qui déforme le sac dural légèrement.

[19]           La Commission des lésions professionnelles retient que le docteur Chabot pose, le 19 octobre 2001, le diagnostic de hernie discale cervicale.  Il précise que la hernie est minuscule mais qu’elle est mal placée.  Le travailleur continue de présenter des engourdissements au bras gauche.

[20]           Le travailleur a repris un travail léger, en octobre 2001, à la suggestion de son médecin.  Il a cependant repris son travail régulier une semaine plus tard parce que son employeur ne voulait plus lui donner de travail régulier. 

[21]           La Commission des lésions professionnelles note que le diagnostic de hernie discale sera repris par le docteur Jarzem, neurochirurgien, en janvier 2002.  Ce médecin atteste également une certaine amélioration de l’état du travailleur. 

[22]           La Commission des lésions professionnelles est d’avis que ce diagnostic, de hernie discale cervicale, n’ayant pas été contesté, est celui qui la lie aux fins de décider de l’existence d’une lésion professionnelle et cela en vertu de l’article 224 de la loi.

[23]           En l’espèce, le travailleur ne prétend pas avoir été victime d’un accident du travail.  De plus, comme la présomption de maladie professionnelle ne peut s’appliquer parce que le diagnostic de hernie discale n’est pas une maladie listée à l’annexe I de la loi, le travailleur devait démontrer que la lésion qu’il a subie est caractéristique de son travail ou reliée aux risques particuliers de celui-ci. 

[24]           La Commission des lésions professionnelles constate qu’aucune preuve ne permet de considérer que la hernie est caractéristique du travail de «mouleur, couleur de métal». 

[25]           Elle est cependant d’avis que la preuve prépondérante permet de conclure que cette hernie cervicale est reliée aux risques particuliers de son travail.

[26]           La Commission des lésions professionnelles estime en effet que toutes les tâches décrites ci-dessus sollicitent de façon importante et sans aucun doute la région cervicale.  La Commission des lésions professionnelles retient que le travailleur effectue ce travail depuis six ans lorsqu’il commence à éprouver des douleurs au bras gauche et des engourdissements dans les doigts.  Elle retient particulièrement le travail avec la pelle, ne serait-ce que par le poids de la pelle et du sable que doit soulever le travailleur.  Elle retient, également, le fait de manipuler des moules pesant 50 livres à bout de bras.  Elle retient aussi le fait de transporter le métal fondu, en tenant la louche loin de lui, afin d’éviter de se brûler, comme étant une contrainte supplémentaire au niveau cervical.  Elle retient finalement le fait de manipuler à répétition des lingots pour les placer dans la fournaise. 

[27]           Elle estime également que le type de travail effectué par le travailleur peut expliquer les malaises qu’il a commencé d’éprouver à compter de juillet 2001 au bras gauche et à la région cervicale.  Ces manifestations sont, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, compatibles avec la hernie discale diagnostiquée par la suite.  Elle est d’avis que ces gestes sont de nature à avoir occasionné la hernie discale cervicale dont est porteur le travailleur. 

[28]           La Commission des lésions professionnelles partage ainsi l’opinion du docteur Banville qui, dans son expertise du 25 novembre 2002, croit que le travail effectué par le travailleur est responsable de la hernie diagnostiquée au niveau cervical.  Il appuie son opinion sur le fait que les tâches et les diverses manœuvres effectuées par le travailleur sollicitent de façon soutenue la région cervicale par l’utilisation des muscles de la ceinture cervico-scapulo-humérale, dont le trapèze, qui est attaché à la région cervicale.  Il est également d’avis que cette sollicitation soutenue avec des charges lourdes à bout de bras est responsable de la hernie cervicale diagnostiquée. 

[29]           Aucune preuve à l’effet contraire n’a été apportée.

[30]           La Commission des lésions professionnelles estime donc que le travailleur a démontré de façon prépondérante que la hernie cervicale dont il est porteur est reliée aux risques particuliers de son travail.  Il est donc porteur d’une lésion professionnelle.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Luc Brisebois;

INFIRME la décision rendue le 9 juillet 2002, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a subi le 8 juillet 2001, une lésion professionnelle lui donnant droit aux prestations prévues par la loi.

 

 

 

 

Me Lucie Couture

 

Commissaire

 

 

 

 

 

F.A.T.A.

(Me Isabelle Denis)

 

Représentante de la partie requérante

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1]          L.R.Q., c. A. 3-001

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