DÉCISION
[1] Le 21 décembre 2001, Hôpital Laval (l’employeur) dépose une requête en révision d’une décision rendue le 8 novembre 2001 par la Commission des lésions professionnelles.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles accueille en partie l’appel de l’employeur et déclare que les coûts de 29,40 $ et de 25,00 $ doivent être retranchés du dossier financier de l’employeur. Toutefois, elle déclare irrecevable la contestation de l’employeur en regard des frais de 26,35 $ et de 22,35 $ parce que logée en dehors des délais.
[3] À l’audience, le représentant de l’employeur est présent.
L'OBJET DE LA REQUÊTE
[4] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision du 8 novembre 2001 et de déclarer qu’il est dans le délai pour demander de retrancher les frais de 26,35 $ et de 22,35 $ parce qu’il est imputé injustement.
LES FAITS
[5] Pour apprécier les motifs au soutien de la requête en révision, la soussignée a pris connaissance de l’ensemble de la preuve, incluant le contenu de la cassette d’enregistrement de l’audience du 22 octobre 2001. Pour une meilleure compréhension du litige, il importe de référer aux faits contenus dans la décision du 8 novembre 2001. Ils se lisent comme suit :
[4] Madame Dion travaille comme préposée aux dossiers médicaux. Le 9 février 1998, elle est victime d’un accident de travail lui causant une entorse lombaire. Ce diagnostic est posé par le docteur Aubin le 10 février 1998. Le 12 février 1998, la travailleuse voit le docteur Leclerc qui pose le diagnostic de contusion dorso-lombaire. Le 16 février 1998, la travailleuse voit docteur Carignan qui pose le diagnostic d’entorse lombaire avec contusion et lui prescrit des traitements de physiothérapie, une médication et autorise une assignation temporaire. Le 27 février 1998, la travailleuse revoit en contrôle le docteur Leclerc. Les 11, 18 et 30 mars 1998, la travailleuse revoit respectivement les docteurs Carignan, Saucier et Frenette.
[5] Le 1er avril 1998, madame Dion consulte son médecin de famille, la docteure Diane St-Aubin du Centre médical Beauport. Les notes de consultation de cette visite ont été transmises à la CSST ainsi qu’une facture de 25,00 $ pour la transmission de ces documents. La docteure St-Aubin indique que la raison de la visite est une conjonctivite de l’œil droit et une sinusite. Elle mentionne également que la patiente présente une douleur lombaire irradiant dans la fesse gauche depuis une chute survenue au travail et qu’elle est suivie par le docteur Radu et Frenette pour ce problème. Aucun examen de la colonne lombaire n’est effectué. Au bas de la consultation, elle recommande une radiographie de la colonne lombosacrée.
[6] Le 15 avril 1998, le docteur Saucier complète un rapport final sur lequel il fixe la date de consolidation au 15 avril 1998 sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[7] Le 29 avril 1998, le représentant de l’employeur s’adresse à la CSST pour contester les frais de 29,30 $ encourus le 1er avril 1998, au motif qu’aucun document médical ne justifie cette facture. Il ressort d’un document déposé à l’audience, sous la cote E-1, que ce montant correspond à la visite médicale faite le 1er avril 1998 auprès de la docteure St-Aubin. Étant donné que cette visite médicale n’est pas en relation avec la lésion professionnelle, selon le représentant de l’employeur, celui-ci demande de retrancher ces frais de son dossier de même que la somme de 25,00 $ pour la transmission du dossier.
[8] Le 23 février 1999, le représentant de l’employeur s’adresse à nouveau à la CSST pour réitérer sa demande précédente et pour demander de retrancher deux autres frais (26,35 $ et 22,35 $) associés au docteur G. Lavoie, radiologiste, pour des frais encourus le 1er avril 1998, le tout tel que confirmé par le document produit sous la cote E-1. Le représentant de l’employeur soumet qu’il ne retrouve au dossier aucun document médical attestant que des radiographies auraient été prises par le docteur Lavoie en relation avec la lésion professionnelle de madame Dion.
[6] Après analyse des faits, la première commissaire est d'avis que les frais chargés par la docteure St-Aubin pour sa consultation du 1er avril 1998 l’ont été à tort, puisqu’il ressort que cette consultation a été initiée pour un problème qui n’est pas en relation avec la lésion professionnelle. La première commissaire conclut donc que le frais de 29,40 $ doit être retranché du dossier financier de l’employeur. À ce frais s’ajoute aussi celui de 25,00 $ pour la transmission des notes de consultation du 1er avril 1998, complétées par docteure St-Aubin.
[7] Par ailleurs, la première commissaire ne fait pas droit à la demande de l’employeur de retrancher les frais de 26,35 $ et 22,35 $ résultant d’une consultation au docteur Lavoie, radiologiste, parce qu’elle estime que sa contestation est hors délai et, par le fait même, irrecevable. Elle précise que la demande de l’employeur, effectuée le 23 février 1999, dépasse le délai de 30 jours prévus à l’article 358 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) puisqu’il appert que ces frais auraient été inscrits au dossier de ce dernier le 25 juillet 1998.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[8] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a lieu de réviser la décision rendue par cette instance le 8 novembre 2001.
[9] L’article 429.49 de la loi prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel. Toutefois, le législateur a prévu à l’article 429.56 de la loi que la Commission des lésions professionnelles peut réviser une décision qu’elle a rendue dans certaines circonstances. Ces dispositions se lisent comme suit :
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[10] Dans le présent dossier, la requête de l’employeur est basée sur le 3e paragraphe du 1er alinéa de l’article 429.56, à savoir que la décision est entachée d’un vice de fond ou de procédure de nature à l’invalider. Le législateur n’a pas défini cette notion. Toutefois, la jurisprudence développée par la Commission des lésions professionnelles l’a interprétée comme étant une erreur manifeste de fait ou de droit qui a un effet déterminant sur le sort du litige[2]. Ce n’est que si une telle erreur existe que le recours en révision ou en révocation peut réussir, il ne peut donner lieu à une nouvelle appréciation de la preuve parce qu’il ne s’agit pas d’un nouvel appel[3].
[11] Le représentant de l’employeur soutient que la première commissaire a commis une erreur de droit puisque ce n’est pas l’article 358 de la loi qui s’applique mais bien l’article 326 de cette loi.
Il plaide que l’employeur a été imputé injustement ou obéré injustement puisque ces frais ne sont pas en relation avec la lésion professionnelle. Il souligne que le frais de 25,00 $ a été retranché alors que cette demande a été faite en même temps que celle pour les frais de 26,35 $ et 22,35 $ ce qui est, selon lui, paradoxal. Concernant ces derniers frais consécutifs à des actes médicaux au nom du docteur Lavoie, le 1er avril 1998, il souligne qu’ils ne correspondent à aucun acte relié au dossier de la travailleuse.
[12] La Commission des lésions professionnelles estime que la décision rendue par la première commissaire est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider. Dans les faits, elle a commis une erreur de droit qui a un effet déterminant sur le sort du litige en n’utilisant pas le bon article de la loi. Bien que le représentant de l’employeur évoque le fait que ce dernier a été obéré injustement en vertu du 2e alinéa de l’article 326 de la loi, la Commission des lésions professionnelles estime que ce n’est pas le 2e alinéa qui s’applique mais bien le 1er alinéa puisqu’il demande de retrancher de son dossier des frais qui ne sont pas reliés au dossier de la travailleuse. Cet article se lit comme suit :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[13] À la lecture de cette disposition, force est de constater qu’aucun délai n’est prévu en ce qui concerne le 1er alinéa. Seuls les coûts des prestations reliés à un accident du travail doivent être imputés à l’employeur. Dans la situation contraire, l’employeur peut demander à la CSST de retrancher ces coûts. C’est ce qu’il a fait, en l’instance, le 23 février 1999, après avoir reçu une copie du panorama REFR-LMD du lien électronique de la CSST (pièce E-1 déposée à l’audience du 22 octobre 2001). Il y a donc lieu de réviser la décision du 8 novembre 2001 sur cet aspect.
[14] De plus, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’en assimilant la demande de l’employeur à une contestation en vertu de l’article 358 de la loi, la première commissaire a commis une autre erreur. Le dossier tel que constitué ne contient pas de décision de la CSST qui refuse de retrancher les frais en cause avant la demande de l’employeur du 23 février 1999.
La décision de la CSST à cet effet est du 22 mars 1999 et l’employeur la conteste le 8 avril 1999 donc dans le délai imparti à la loi. Même si la Commission des lésions professionnelles avait considéré que l’article 358 de la loi s’applique et que le délai pour contester n’a pas été respecté, une autre erreur doit être signalée puisqu’en vertu de l’article 358.2 de la loi, la première commissaire se devait, avant de déclarer irrecevable la contestation de l’employeur, apprécier les motifs expliquant le retard à contester. Ce manquement enfreint les règles de justice naturelle, soit le droit pour une partie d’être entendu et donne ouverture à la révision.
[15] De ces faits, la Commission des lésions professionnelles estime donc que des erreurs manifestes de droit ont été commises ayant un effet déterminant sur le sort du litige. Il y a lieu de réviser la décision du 8 novembre 2001.
[16] La Commission des lésions professionnelles doit donc analyser la preuve et déterminer si les frais de 26,35 $ et 22,35 $, facturés au nom du docteur G. Lavoie, le 1er avril 1998, doivent être imputés au dossier de l’employeur.
[17] La Commission des lésions professionnelles estime que ces frais doivent être retranchés puisque la preuve ne permet pas de convenir qu’ils sont reliés à l’accident du travail subi par la travailleuse le 9 février 1998.
[18] Pour en venir à cette conclusion, la Commission des lésions professionnelles a pris en considération le fait que le dossier ne contient aucun rapport médical émanant du docteur G. Lavoie, radiologiste, permettant de croire qu’un acte médical a été posé par ce médecin. Elle a également pris en considération le fait que ce médecin, contrairement à tous les autres consultés, n’est pas rattaché au centre hospitalier où la travailleuse est traitée depuis la survenance de sa lésion professionnelle. De plus, de la preuve au dossier, une radiographie de la colonne lombaire a été réalisée le 30 mars 1998 à la demande du docteur Frenette, mais force est de constater qu’elle a été effectuée et lue par le docteur Léon Rousseau, radiologiste de l’Hôpital Laval et non par le docteur Lavoie. Enfin, quant aux notes cliniques du docteure St-Aubin du 1er avril 1998, où elle réfère à une radiographie de la colonne lombaire, la Commission des lésions professionnelles ne peut convenir de cette mention qu’elle a référé la travailleuse en radiologie pour sa lésion professionnelle puisqu’elle indique clairement que la travailleuse est suivie par deux autres médecins pour cette condition.
[19] De ces faits, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que les frais de 26,35$ et 22,35 $ facturés par le docteur G. Lavoie, radiologiste, doivent être retranchés du dossier financier de l’employeur puisque la preuve ne permet pas de conclure qu’ils sont en relation avec la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 9 février 1998.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête en révision de l’employeur Hôpital Laval du 21 décembre 2001 ;
RÉVISE la décision rendue le 8 novembre 2001 ;
MODIFIE la décision de la révision administrative du 11 janvier 2001 ; et
DÉCLARE que les coûts de 26,35 $ et de 22,35 $, facturés le 1er avril 1998, doivent être retranchés du dossier financier de l’employeur.
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Diane Beauregard |
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Commissaire |
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