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JL3207 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
CHICOUTIMI |
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N°: |
150-17-000626-033 |
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DATE : |
10 mars 2004 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
MICHÈLE LACROIX, J.C.S. |
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LUC VAILLANCOURT |
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Requérant |
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c. |
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PRODUITS ALBA INC. 9039-3463 QUÉBEC INC. GILLES GRENON LOUISE GRENON VICTOR GRENON JEAN-JULIEN GRENON JEAN-MARIE GRENON CHRISTINE GRENON 2532-9574 QUÉBEC INC. 2532-9855 QUÉBEC INC. 2959-6749 QUÉBEC INC. SOCIÉTÉ EN COMMANDITE SOCCRENT 2 PLURI-CAPITAL (PCI) INC. ADAM LAPOINTE JEAN-PHILIPPE HARVEY |
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Intimés et BANQUE DE DÉVELOPPEMENT DU CANADA et SAMSON BÉLAIR DELOITTE ET TOUCHE Mises en cause
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JUGEMENT |
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[1] Luc Vaillancourt, le requérant, s’adresse dans un recours principal à la Cour supérieure dans le but d’obtenir sa protection à l’encontre de mesures oppressives et de l’abus de droit dont il considère faire l’objet de la part des intimés en cette cause relativement à son implication à titre d’actionnaire de 9039-3463 Québec inc., 9039-3463, et de dirigeant et d’administrateur de 9039-3463, Produits Alba inc. et des compagnies du Groupe Alba.
[2] La présente requête incidente de Luc Vaillancourt vise à faire déclarer l’étude Gauthier Bédard, Société en nom collectif, Gauthier Bédard, inhabile dans le présent dossier à titre de procureurs de 9039-3463 et de Produits Alba inc.
MISE EN SITUATION
[3] En premier lieu, il convient de présenter les acteurs directement concernés par cette requête et le rôle joué par chacun.
[4] 9039-3463 est la compagnie mère d’un ensemble de compagnies décrites collectivement au présent dossier comme le Groupe Alba.
[5] L’organigramme ci-après reproduit illustre bien la structure corporative du Groupe Alba [1].
[6] Le 20 août 1996, 9039-3463 est constituée en corporation pour les fins de la réorganisation corporative du Groupe Alba.
[7] Les détenteurs des actions votantes de l’intimée 9039-3463 sont :
- Le requérant Luc Vaillancourt pour 14,9659% des actions votantes;
- La compagnie 2532-9574 Québec inc. pour 21,2585% des actions votantes;
- La compagnie 2532-9855 Québec inc. pour 21,2585% des actions votantes;
- La compagnie 2959-6749 Québec inc. pour 21,2585% des actions votantes;
- La société en commandite Soccrent 2 pour 21,2585% des actions votantes.
[8] Avant l’incorporation de 9039-3463, le Groupe Alba était constitué de la compagnie mère Produits Alba inc. et de ses filiales.
[9] 9039-3463 est l’unique actionnaire de Produits Alba inc., 9039-3471 Québec inc., Novabrik inc., Novabrik Instal inc. et les Calcites du Nord inc., et actionnaire majoritaire de Novabrik International inc. qui est elle-même actionnaire de Novabrik Europe inc. qui est elle-même actionnaire à 85% de Novabrik Czech et actionnaire minoritaire de Normand Cloutier Transport inc., de 2846-3065 Québec inc. et du Groupe Giroux Maconex inc.
[10] Luc Vaillancourt et les intimés Gilles Grenon, Victor Grenon, Jean-Marie Grenon, Jean-Julien Grenon, Christine Grenon, Louise Grenon, Adam Lapointe et Jean-Philippe Harvey sont actuellement tous les administrateurs de 9039-3463.
[11] En 1982, Luc Vaillancourt, comptable agréé de profession, se voit confier les affaires comptables et fiscales des trois frères Lorenzo, Jean-Marie et Victor Grenon.
[12] Au fil des mandats confiés, un des membres de la famille Grenon approche Luc Vaillancourt pour qu’il se joigne au Groupe Alba.
[13] En mai 1989, Luc Vaillancourt signe un contrat d’emploi [2] de trois ans à titre de directeur général des opérations de l’ensemble du Groupe Alba.
[14] En 1992, un nouveau contrat intervient pour une durée de cinq ans. Luc Vaillancourt, selon les termes du contrat, occupe les mêmes fonctions [3].
[15] Le 31 août 1996, pour valoir pour une durée de cinq ans, soit du 1er septembre 1995 jusqu’au 31 août 2000, les services de Luc Vaillancourt sont retenus pour exercer la même fonction de directeur général de 9039-3463 et de ses filiales [4].
[16] Dans tous les contrats d’emploi, les fonctions de Luc Vaillancourt sont décrites comme suit :
1.1 La partie de première part retient les services de la partie de seconde part comme directeur général de l’entreprise; les principales attributions de cette fonction seront non limitativement les suivantes, savoir :
(a) Sous la supervision du conseil d’administration de la partie de première part, diriger, superviser et contrôler toutes les opérations et les activités de l’entreprise, à l’égard de toutes ses ressources humaines, matérielles et financières.
(b) Élaborer et/ou voir à l’élaboration de la planification stratégique de l’entreprise, sur le plan des activités opérationnelles et de ses besoins financiers.
[17] Considérant l’incorporation de 9039-3463 et la participation de Luc Vaillancourt à l’actionnariat, une convention unanime intervient entre les actionnaires. Le 5 juin 1997 est la date conventionnelle de signature [5].
[18] En novembre 2002, des divergences sérieuses au sein des membres du conseil d’administration, à être analysées en profondeur lors de l’audition sur le fond, provoquent le départ volontaire ou non de Luc Vaillancourt en tant que directeur général des compagnies du Groupe Alba.
[19] Depuis 1989, tant avant qu’après sa réorganisation corporative, le Groupe Alba a retenu et retient les services de Gauthier Bédard.
[20] Depuis ces années et même avant, Luc Vaillancourt est en relation avec plusieurs avocats de Gauthier Bédard.
[21] Principalement dans ce présent recours, Gauthier Bédard représente 9039-3463 et Produits Alba inc.
[22] Me Pierre Bernard Bergeron est avocat depuis 1970. Il exerce sa profession depuis 1986 au sein de Gauthier Bédard. Associé depuis 1989, il est spécialisé en droit corporatif et commercial. Depuis l’acquisition des Calcites du Nord inc. en 1989, il est devenu, par l’intermédiaire de Luc Vaillancourt, le procureur du Groupe Alba.
[23] Me Bergeron s’occupe au besoin des problèmes corporatifs du Groupe Alba. Il précise toutefois que la réorganisation de la structure corporative en 1995-1996 a été gérée par le cabinet Cain Lamarre, procureurs de Société en commandite Soccrent 2.
[24] Me Bergeron et Luc Vaillancourt ont des filles du même âge qui, il y a de cela quelques années, ont partagé un appartement à Montréal pour leurs études universitaires. Lors d’une fin de semaine de peinture et au fil des ans, des liens plus intimes se sont tissés entre eux selon l’avis de Luc Vaillancourt.
[25] Me Bergeron considère que ce n’est pas parce que les contacts sont fréquents avec Luc Vaillancourt qu’il est devenu par le fait même un ami ou une connaissance intime.
[26] Même s’il a effectué quelques sorties avec Luc Vaillancourt et malgré qu’il ait eu des contacts fréquents avec lui, Me Bergeron ne considère pas Luc Vaillancourt comme un ami intime mais plutôt comme une connaissance d’affaires depuis 1988 approximativement.
[27] Son étude n’a pas participé à la rédaction des contrats de travail antérieurs de Luc Vaillancourt mais il affirme qu’il est possible qu’il lui ait donné quelques conseils, quoique Luc Vaillancourt possède assez d’expérience professionnelle pour pouvoir négocier seul.
[28] Me Bergeron est mandaté par le conseil d’administration de 9039-3463 pour la finalisation de la rédaction du dernier contrat d’emploi de Luc Vaillancourt. Ce dernier communique à Me Bergeron les informations requises [6]. Il s’agit plus précisément de la rédaction de la finalisation de la clause 5 concernant une lettre de garantie bancaire. Me Bergeron est en quelque sorte l’intermédiaire entre Gilles Grenon et Luc Vaillancourt. Ce contrat n’a jamais été signé.
[29] Dans les derniers mois précédant son départ, Luc Vaillancourt se confie à Me Bergeron au sujet des relations difficiles et tendues qu’il vit avec Gilles Grenon. En août 2002, Luc Vaillancourt rencontre Me Bergeron. Il l’informe des tensions toujours continuelles qui existent au sein du conseil d’administration.
[30] Suite à son départ en novembre 2002, Luc Vaillancourt tente le tout pour le tout en communiquant avec Me Bergeron pour qu’il organise une rencontre entre le comité de direction, Me Guy Paquette, Gilles Grenon, Me Bergeron et lui-même. Me Bergeron connaît bien le comportement et le caractère de Gilles Grenon. Il aime mieux sonder le terrain auparavant. Finalement, il n’y a pas de suite à cette rencontre.
[31] Actuellement, Me Bergeron reçoit ses mandats de Gilles Grenon et Jean-Julien Grenon qui sont les administrateurs de 9039-3463.
[32] Me Bergeron a représenté personnellement Gilles Grenon et Louise Grenon, en tant qu’actionnaires de 2532-9574 Québec inc., dans un litige avec l’autre actionnaire de cette même compagnie.
[33] Les affaires matrimoniales de Gilles Grenon et Jean-Julien Grenon ont également été traitées par Gauthier Bédard.
[34] Me Steve Reimnitz est avocat pour Gauthier Bédard.
[35] En 1999, il s’est occupé d’un dossier confié par Luc Vaillancourt concernant des terrains à Dolbeau du Groupe Alba. C’est le seul mandat qu’il a traité avec Luc Vaillancourt sur quelques années. En 2003, il règle le dossier avec Gilles Grenon.
[36] Me Reimnitz est un amateur et joueur de hockey. Depuis dix ans, Luc Vaillancourt et Me Reimnitz se connaissent comme joueurs de hockey. Ils font partie du même groupe. Ils ont assisté ensemble à quelques joutes de hockey professionnel.
[37] Au même titre que Me Bergeron, selon Me Reimnitz, ces quelques liens ne font pas de lui pour autant une connaissance intime de Luc Vaillancourt.
[38] Au courant des visions de Luc Vaillancourt pour le Groupe Alba et du projet de financement convoité, Me Reimnitz introduit Luc Vaillancourt à Me Marc-André Bédard, de Gauthier Bédard, qui organise une rencontre à Montréal avec un prêteur éventuel. La présentation de Luc Vaillancourt pour le Groupe Alba est demeurée lettre morte.
[39] Me Richard Daoust est avocat exerçant sa profession au sein de Gauthier Bédard. Oeuvrant en droit familial, il rédige en 2002, en remplacement de Me Lafontaine, une déclaration en divorce à la demande de Luc Vaillancourt.
[40] Pour les fins de l’annulation ou diminution de pension alimentaire, Me Daoust s’enquiert de la situation de Luc Vaillancourt. Ce dernier ne donne jamais suite à la demande de divorce.
[41] Antérieurement au divorce en 1995, Gauthier Bédard, par l’entremise de Me Johanne Roy, donne quelques conseils à Luc Vaillancourt dans le cadre d’une médiation familiale effectuée par Me Diane Lalancette ayant abouti à un jugement prononçant la séparation de corps et entérinant une convention sur mesures accessoires sur une demande conjointe des parties [7].
[42] Me Serge Lebel est avocat pratiquant au sein de Gauthier Bédard. Il reprend rapidement en 2001, en des termes et une forme plus juridique, un testament en partie déjà rédigé de Luc Vaillancourt [8]. Copie de son testament lui est remise le jour de l’audition.
[43] Me Jean-Baptiste Gauthier est avocat pratiquant en droit du travail au sein de Gauthier Bédard.
[44] Luc Vaillancourt, en tant que directeur général, a toujours confié à Me Gauthier les mandats des négociations des conventions collectives et toutes les relations de travail.
[45] Au fil des ans et dans le cadre de longues négociations, Luc Vaillancourt prétend avoir établi une relation intime avec Me Gauthier.
[46] En mai 2002, les relations de Luc Vaillancourt avec certains membres du conseil d’administration ne sont pas bonnes. Il en parle avec Me Gauthier lors d’un dîner au restaurant.
[47] Me Gauthier lui dira qu’il doit se taire. Il est l’avocat de la compagnie.
[48] Surpris de ces mots, Luc Vaillancourt continue de travailler en naviguant tant bien que mal à travers la houle.
[49] Me Estelle Tremblay pratique le droit au sein de Gauthier Bédard depuis 1977.
[50] Son premier mandat pour les Calcites du Nord inc., une filiale du Groupe Alba, remonte à 1994 et n’est pas encore terminé.
[51] En 2000, Luc Vaillancourt, pour le compte du Groupe Alba, négocie un financement auprès de la Banque de Développement du Canada, BDC, et de la Banque Nationale du Canada, BNC[9].
[52] Conditionnellement au déboursement du prêt de la BDC, Luc Vaillancourt s’engage à cautionner à titre personnel pour 20 % du solde du prêt.
[53] Me Tremblay représente la BNC pour la transaction.
[54] Me Marlène Ouellette, notaire, représente la BDC.
[55] Me Tremblay représente également la BDC pour le recouvrement de prêt au cas de défaut des débiteurs.
[56] Les intervenants aux deux conventions de prêt entre la BDC et la BNC sont : 9039-3463, Produits Alba inc., 9039-3471 Québec inc., Les Calcites du Nord inc., Novabrik inc., Novabrik International inc. et Novabrik Instal inc.
[57] Une convention de subordination relative aux sommes dues par l’emprunteur aux actionnaires de 9039-3463 intervient avec tous les actionnaires, soit 2532-9574 Québec inc., 2959-6749 Québec inc., 2532-9855 Québec inc. et Pluri-Capital (PCI) inc., en sa qualité de commandité de la Société en commandite Soccrent 2.
[58] Le 29 mars 2001, tous les représentants de toutes les compagnies sont présents pour signature.
[59] Me Tremblay fait lecture du financement de 10 M$ de la BNC. Toutes les parties signent le document. Me Tremblay se retire.
[60] Me Ouellette, à son tour, fait lecture du financement de la BDC de 600 000 $. Luc Vaillancourt et Adam Lapointe se retirent avant de signer. Ils s’adressent à Me Tremblay. Luc Vaillancourt remet en question son engagement personnel. Comme elle n’est pas au courant des négociations, Me Tremblay consulte tous les actionnaires présents.
[61] Avec l’accord des actionnaires, il est conclu, sous les conseils de Me Tremblay, que Luc Vaillancourt se présente le lendemain à son bureau et qu’elle rédige un engagement à être signé par tous les actionnaires de 9039-3463 dans lequel il est convenu :
Advenant que M. Luc Vaillancourt soit tenu d’honorer son cautionnement envers la Banque de Développement du Canada, les parties conviennent que la perte subie par M. Luc Vaillancourt sera partagée entre tous les actionnaires, au prorata des actions votantes et participantes qu’ils détiennent dans le capital-actions de 9039-3463 Québec inc., chaque partie s’engageant à indemniser et par conséquent à rembourser Luc Vaillancourt de la proportion de la perte qu’il aura payée en trop. [10]
[62] Finalement, après avoir reçu cette assurance, Luc Vaillancourt signe le cautionnement [11].
[63] Comme explique Me Tremblay, si toutes les conditions du prêt ne sont pas rencontrées, la BDC ne débourse pas et la BNC non plus [12]. Ce qui importe pour la BNC c’est le déboursement du prêt.
[64] À ce jour, l’engagement préparé par Me Tremblay n’est pas signé.
[65] Me Tremblay, qui représente également la BDC pour le recouvrement du prêt, n’a pas reçu de mandat à ce jour de la BDC pour recouvrer le prêt y compris la caution de Luc Vaillancourt.
Dénonciation de la situation de conflits d’intérêts
[66] À compter du 5 mars 2003 et dans les correspondances subséquentes, les procureurs de Luc Vaillancourt avisent les procureurs de 9039-3463 de la possibilité que soit soulevée la situation de conflits d’intérêts dans laquelle ils étaient placés en stipulant au dernier paragraphe de leur lettre ce qui suit :
«Naturellement, la présente lettre vous est adressée sans préjudice, sans admission de faits ou de droit et sous réserve de tous les droits et recours de notre client dans la présente affaire. Sans limiter la généralité de ce qui précède, notre client réserve spécifiquement ses droits de faire déclarer votre Cabinet inhabile à agir pour quelque partie que ce soit dans la présente affaire dans l’éventualité où des procédures judiciaires ou d’arbitrage devraient être entreprises par l’une ou l’autre des parties au présent dossier». [13]
[67] Le 15 mars 2003, les résolutions du conseil d’administration de 9039-3463 indiquent que Gauthier Bédard est mandatée pour représenter 9039-3463, sous réserve de son examen de l’ensemble du dossier et de son habilité à représenter 9039-3463. Luc Vaillancourt est présent [14].
[68] Le 21 mars 2003, les procureurs de 9039-3463 écrivent aux procureurs de Luc Vaillancourt pour obtenir une explication écrite et détaillée des faits de nature à rendre leur étude inhabile à représenter leur cliente 9039-3463 dans le dossier d’arbitrage opposant Luc Vaillancourt à 9039-3463 et où sont également parties les autres actionnaires de 9039-3463 [15].
[69] Le 10 avril 2003, les procureurs de Luc Vaillancourt font parvenir une lettre réponse aux procureurs de 9039-3463 dont la teneur est à l’effet suivant :
Le 10 avril 2003
Sans préjudice et sous toutes réserves
Par télécopieur et par poste régulière
Me Bergeron
Gauthier Bédard
3687, boul. Harvey
Arrondissement de Jonquière
Saguenay (Québec) G7H 1S6
OBJET: Luc Vaillancourt c. 9039-3463 Québec inc. et als.
Notre dossier : 1669.001
Cher confrère,
La présente fait suite à votre lettre du 21 mars 2003 dans le dossier mentionné en rubrique pour laquelle nous vous remercions.
À cet égard, nous désirons vous dire que loin de nous est l’idée de vous surprendre de quelque manière que ce soit et que c’est pour cette raison que, dès nos premières communications verbales et écrites, nous vous avons indiqué que notre client réservait tous ses droits de faire déclarer vous et votre cabinet inhabiles à agir dans la présente affaire pour cause de conflit d’intérêts.
Quant à votre demande que nous vous indiquions par écrit les motifs verbaux que nous vous avons indiqués à plusieurs reprises pour lesquels nous croyons qu’il n’est pas approprié que vous agissiez pour quelque partie que ce soit dans la présente affaire, ces motifs sont les suivants :
1. vous et votre cabinet avez agi, d’une manière ou d’une autre, pour toutes et chacune des parties impliquées dans la présente affaire, ce qui en soi vous rend totalement inhabile à agir pour qui que ce soit en l’instance;
2. sans limiter la généralité de ce qui précède de quelque manière que ce soit, vous et d’autres membres de votre cabinet avez conseillé, depuis au moins le 11 novembre 2002, les membres de la famille Grenon quant à leurs droits et à la stratégie à adopter face à notre client M. Luc Vaillancourt;
3. ces services de conseils se sont, entre autres, appliqués à essayer de trouver une façon de rendre inopérante les dispositions de la convention entre actionnaires de 9039-3463 Québec inc. permettant à notre client de pouvoir se faire racheter ses actions dans ladite compagnie, le tout tel que vous nous l’avez indiqué à plusieurs reprises dans le passé;
4. vous et/ou votre cabinet auriez agi pour M. Gilles Grenon et les compagnies de gestion de sa famille dans le cadre du litige qui l’opposait à sa belle-sœur relativement à l’implication de cette dernière dans le Groupe Alba, le tout tel qu’il sera plus amplement démontré à l’enquête et à l’audition si nécessaire;
5. votre cabinet a également agi pour M. Gilles Grenon personnellement dans le cadre du dossier matrimonial qui l’opposait à Mme Ghislaine Collard, le tout tel qu’il appert plus amplement d’une copie du plumitif de ladite cause jointe à la présente pour votre information et le tout tel qu’il sera plus amplement démontré à l’enquête et à l’audition si nécessaire;
6. votre cabinet a aussi agi pour M. Jean-Julien Grenon personnellement dans le cadre du dossier matrimonial qui l’opposait à Mme Isabelle Lorange, le tout tel qu’il appert plus amplement d’une copie du plumitif de ladite cause jointe à la présente pour votre information et le tout tel qu’il sera plus amplement démontré à l’enquête et à l’audition si nécessaire;
7. votre cabinet a finalement agi au cours des dernières années pour notre client personnellement dans le dossier matrimonial qui l’opposait à Mme Thérèse Gagné, le tout tel qu’il sera plus amplement démontré à l’enquête et l’audition si nécessaire;
8.
dans le cadre du litige précité, votre cabinet s’est vu
transmettre des informations confidentielles quant aux affaires personnelles et
quant à la situation financière de notre client qui pourraient être utilisées
contre lui dans le cadre de la présente affaire, le tout en contravention
directe des principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans les arrêts Succession
McDonald c. Martin
9. Subsidiairement, vous et votre cabinet ne pouvez agir en même temps pour la compagnie 9039-3463 Québec inc., à titre d’avocat corporatif, et pour ses actionnaires majoritaires que sont les compagnies de gestion des membres de la famille Grenon et la société Soccrent, le tout pour les raisons exposées dans le texte de Me Chantal Perreault intitulé «L’avocat corporatif et les conflits d’intérêts : quel maître servez-vous?», que nous vous avons fait parvenir il y a de cela quelques semaines.
De plus et sans limiter la généralité de ce qui précède de quelque manière que ce soit, il est évident à ce stade-ci du dossier que vous serez personnellement appelé à témoigner sur l’ensemble des faits relatifs à cette affaire et, en particulier, sur l’ensemble de la stratégie qui a été mise en place par vos clients et qui a donné lieu à la terminaison d’emploi de M. Vaillancourt.
Il va sans dire que les motifs qui précèdent sont non exhaustifs et que notre client se réserve le droit de soulever tout autre motif qui pourrait venir à sa connaissance dans l’avenir.
Pour toutes les raisons qui précèdent, nous pensons fermement que s’il existe un dossier où la notion de conflit d’intérêts est évidente c’est bien celui-ci et qu’il serait inapproprié que vous puissiez continuer à agir plus avant dans la présente affaire. Dans le cas contraire, nous vous avisons d’ores et déjà que notre client s’adressera à la Cour et au Tribunal d’arbitrage pour vous faire déclarer inhabile et pour vous forcer à rembourser à 9039-3463 Québec inc. tous les honoraires et déboursés que cette dernière pourra avoir été amenée à vous verser dans la présente affaire.
De plus, dans un tel cas, notre client exigera d’être indemnisé pour les dommages qu’il aura subis, incluant les honoraires et déboursés extra-judiciaires des soussignés, dû à votre défaut de vous retirer en temps opportun.
…
[70] Le 27 avril 2003, le conseil d’administration de 9039-3463 se réunit. Luc Vaillancourt est absent. Me Bergeron assiste à l’assemblée avec la permission du conseil d’administration. Au point ¨Varia¨, il est rajouté le mandat de présenter une requête pour jugement déclaratoire.
[71] Me Bergeron donne des explications concernant la présentation de la requête en jugement déclaratoire. Il expose un projet de requête aux administrateurs.
[72] Un extrait du procès-verbal [16] se lit ainsi :
ATTENDU que dans une lettre datée du 10 avril 2003, Me Guy Paquette a énuméré les différents faits et motifs qui justifient ses prétentions, concluant qu’il n’est pas approprié que Gauthier Bédard, société d’avocats s.e.n.c., agisse pour quelque partie que ce soit dans l’affaire d’arbitrage opposant la compagnie à M. Luc Vaillancourt;
ATTENDU que la position de M. Luc Vaillancourt et de son procureur, Me Guy Paquette, crée une difficulté réelle pour la protection des droits et la défense des intérêts de la compagnie en regard de la poursuite de la procédure d’arbitrage l’opposant à M. Luc Vaillancourt et, le cas échéant, à l’égard des autres réclamations annoncées;
ATTENDU qu’il y a lieu de présenter une requête en jugement déclaratoire à cet égard;
EN CONSÉQUENCE, IL EST RÉSOLU
1. De donner mandat à Gauthier Bédard, société d’avocats s.e.n.c., procureurs de la compagnie, de présenter pour le compte et l’intérêt de la compagnie une requête en jugement déclaratoire devant la Cour supérieure du district de Chicoutimi afin d’obtenir une décision judiciaire à l’égard des allégations et conclusions mentionnées à cette requête, dont la teneur et les conclusions ont été soumises au conseil d’administration de la compagnie;
2. De confirmer le mandat de Gauthier Bédard, société d’avocats s.e.n.c., procureurs de la compagnie, de représenter la compagnie dans les affaires, litiges et réclamations présentés ou annoncés par M. Luc Vaillancourt, le tout pour la protection des droits et la défense des intérêts de la compagnie et de ses filiales;
3. De confirmer l’assumation et le paiement par la compagnie de tous les déboursés et honoraires afférents à ladite requête en jugement déclaratoire ainsi que de tous les déboursés et honoraires payables pour l’exécution des différents mandats à être exécutés par les procureurs de la compagnie, Gauthier Bédard, société d’avocats s.e.n.c.
La résolution est proposée par M. Adam Lapointe et secondée par M. Jean-Marie Grenon.
Suite à cette proposition, la résolution est adoptée à l’unanimité.
[73] Le 28 avril 2003, Gauthier Bédard signifie à Luc Vaillancourt une requête introductive d’instance en jugement déclaratoire dans le dossier portant le numéro 150-17-000539-038.
[74] Les allégations de la requête en jugement déclaratoire sont quasiment identiques à celles contenues dans la présente contestation. Par ces conclusions, la requête vise principalement à :
DÉCLARER que le défendeur Luc Vaillancourt est un administrateur en situation de conflit d’intérêts en regard de toute décision prise ou à prendre par 9039-3463 relativement à tous recours, poursuites ou réclamations intentés ou devant être intentés par ce dernier contre la demanderesse et à l’égard desquels la demanderesse a retenu les services de ses procureurs Gauthier Bédard, société d’avocats s.e.n.c., en vertu des résolutions du 15 mars 2003;
DÉCLARER que Gauthier Bédard, société d’avocats s.e.n.c., n’est pas tenue de fournir quelque rapport, information ou renseignement que ce soit au défendeur Luc Vaillancourt lors de ou à l’occasion de l’exécution de ses services professionnels pour lesquels la demanderesse 9039-3463 Québec inc. a retenu ses services en vertu des résolutions du 15 mars 2003;
DÉCLARER que Gauthier Bédard, société d’avocats s.e.n.c., a le droit d’agir comme procureurs de la demanderesse 9039-3463 Québec inc. dans l’instance d’arbitrage intentée par le défendeur Luc Vaillancourt contre la demanderesse et dans tout autre recours ou procédure initié ou à être initié par le défendeur Luc Vaillancourt, et ce conformément aux trois résolutions des administrateurs de la demanderesse adoptées le 15 mars 2003;
DÉCLARER que Gauthier Bédard, société d’avocats s.e.n.c., en sa qualité de procureurs de la demanderesse 9039-3463 Québec inc., n’a pas à rendre compte de l’exécution de ses mandats au défendeur Luc Vaillancourt vu qu’il est la partie adverse dans les procédures où Gauthier Bédard, société d’avocats s.e.n.c., agit pour sa cliente 9039-3463 Québec inc.;
LE TOUT avec dépens contre le défendeur Luc Vaillancourt.
[75] Le 9 juin 2003, un jugement accueille l’irrecevabilité de la requête en jugement déclaratoire soulevée par les procureurs de Luc Vaillancourt et rejette la requête en jugement déclaratoire.
L’arbitrage
[76]
En mars 2003, Luc Vaillancourt transmet à 9039-3463 un
avis pour soumettre un différend à l’arbitrage selon l’article
[77] Dans ce dossier, Luc Vaillancourt introduit une requête pour nomination d’un arbitre, requête qui fait l’objet d’une transaction homologuée par la Cour supérieure le 4 août 2003.
[78] Le 26 août 2003, on note au procès-verbal de la conférence préparatoire de l’arbitrage [18] que les procureurs de Luc Vaillancourt s’engagent à ne pas présenter de requête en inhabilité à l’égard de quelconque procureur des intimés.
[79] Le 3 décembre 2003[19], une sentence arbitrale interlocutoire est prononcée concernant les moyens préliminaires. Par cette sentence, il résulte que 9039-3463 est exclue du débat en raison de l’option exercée par Luc Vaillancourt le 11 décembre 2002. 9039-3463 n’est donc plus partie à l’arbitrage.
[80] Jusqu’à la fin janvier 2004, tous les actionnaires corporatifs de 9039-3463 reliés à la famille Grenon sont représentés par Me Rodrigue Larouche de Larouche Lalancette Pilote Bouchard, s.e.n.c., puis par Me Pierre Lefebvre de Fasken Martineau Dumoulin, s.e.n.c. On se souvient que Me Bergeron a représenté Gilles Grenon et Louise Grenon pour un litige entre actionnaires de la compagnie 2532-9574 Québec inc.
[81] L’actionnaire, Société en commandite Soccrent 2, est représenté par Me Gina Doucet de Cain, Lamarre, Casgrain, Wells, s.e.n.c.
LES NORMES DE DÉONTOLOGIE [20] ET LE CODE CIVIL DU QUÉBEC
3.06.06 L’avocat doit éviter toute situation où il serait en conflit d’intérêts. Dans l’appréciation de toute situation pouvant donner naissance à un conflit d’intérêts, l’avocat peut consulter un conseil nommé à cette fin par le Barreau.
3.06.07 L’avocat est en conflit d’intérêts lorsque, notamment :
1. il représente des intérêts opposés;
2. il représente des intérêts de nature telle qu’il peut être porté à préférer certains d’entre eux ou que son jugement et sa loyauté peuvent en être défavorablement affectés;
3. il agit à titre d’avocat d’un syndic ou d’un liquidateur, sauf à titre d’avocat du liquidateur nommé en vertu de la Loi sur la liquidation des compagnies (L.R.Q., c. L-4), et représente le débiteur, la compagnie ou la société en liquidation, un créancier garanti ou un créancier dont la réclamation est contestée ou a représenté une de ces personnes dans les deux années précédentes, à moins qu’il ne dénonce par écrit aux créanciers ou aux inspecteurs tout mandat antérieur reçu du débiteur, de la compagnie ou de la société ou de leurs créanciers pendant cette période.
3.06.08 Pour décider de toute question relative à un conflit d’intérêts, il faut considérer l’intérêt supérieur de la justice, le consentement exprès ou implicite des parties, l’étendue du préjudice pour chacune des parties, le laps de temps écoulé depuis la naissance de la situation pouvant constituer ce conflit, ainsi que la bonne foi des parties.
L’article
DÉCISION
[82] Gauthier Bédard prétend, entre autres, que Luc Vaillancourt a renoncé à soulever leur inhabilité pour agir pour 9039-3463 puisqu’il a tenté une première approche auprès de Me Bergeron en novembre 2002 afin qu’il intervienne auprès de Gilles Grenon pour qu’une rencontre ait lieu avec le comité de direction en présence de Me Guy Paquette.
[83] Ce moyen n’est pas convaincant et ne peut être retenu.
[84] Il est très compréhensible qu’avant d’entreprendre des procédures judiciaires, dont on connaît actuellement l’ampleur mais qui était envisageable, Luc Vaillancourt a tenté le tout pour le tout pour un règlement hors cour.
[85] Gauthier Bédard prétend également que Luc Vaillancourt a renoncé à soulever leur inhabilité pour agir pour 9039-3463 puisqu’il s’est engagé dans le dossier d’arbitrage à ne pas présenter de requête en inhabilité.
[86] Gauthier Bédard plaide la déconsidération de la justice puisque Luc Vaillancourt ne soulève l’inhabilité des procureurs de 9039-3463 que dans le présent dossier. Si Luc Vaillancourt renonce pour un dossier, il renonce pour l’autre également. Si Gauthier Bédard est inhabile dans l’un, il est inhabile dans l’autre. Il n’y a pas deux justices.
[87] Le tribunal est d’avis que l’engagement de Luc Vaillancourt dans le dossier d’arbitrage ne l’empêche pas de soulever l’inhabilité dans le présent dossier.
[88] Dès le début, Luc Vaillancourt a fait valoir par correspondances qu’il réservait ses droits de soulever l’inhabilité de Gauthier Bédard. On ne peut considérer qu’il y a eu renonciation.
[89] Dans le dossier d’arbitrage, les questions soumises au comité sont fort différentes de celles de la nature d’un recours en dommages et en oppression.
[90] Ce débat est devenu théorique puisque les parties à l’arbitrage ne sont que les actionnaires de 9039-3463.
Les conflits d’intérêts et l’obligation de loyauté
[91] En 1988, Luc Vaillancourt introduit Me Bergeron au Groupe Alba. Il s’occupe, à titre d’avocat de la compagnie, de l’acquisition des Calcites du Nord. Il devient l’avocat corporatif de 9039-3463. Luc Vaillancourt dirige 9039-3463 sous la supervision du conseil d’administration. Il est actionnaire de 9039-3463 et administrateur de 9039-3463 et des filiales.
[92] Me Bergeron connaît tous les projets de Luc Vaillancourt pour 9039-3463. Il connaît toutes les visions opposées des autres administrateurs.
[93] Me Bergeron demeure l’avocat de 9039-3463 et reçoit principalement ses mandats de Gilles Grenon et Jean-Julien Grenon.
[94] Les intérêts de 9039-3463 sont susceptibles d’être divergents des intérêts des administrateurs. 9039-3463 a intérêt à être représentée par des procureurs totalement indépendants.
[95] Lorsqu’un problème survient, Luc Vaillancourt consulte Me Bergeron tant pour lui-même qu’à titre d’administrateur de 9039-3463. Gilles Grenon le consulte également en tant qu’administrateur et pour lui-même (ses affaires matrimoniales) et en tant qu’actionnaire dernièrement de 2532-9574 Québec inc.
[96] Me Bergeron est intervenu entre Luc Vaillancourt et Gilles Grenon pour les conseiller sur l’insertion d’une clause [21] dans le dernier contrat de travail de Luc Vaillancourt le liant à 9039-3463. Ce contrat n’est pas encore signé au moment de son départ.
[97] Luc Vaillancourt est toujours administrateur et actionnaire de 9039-3463.
[98] Même si des liens d’amitié ne sont pas les mêmes pour tous, au fil des ans et des événements Luc Vaillancourt se sent en confiance auprès de Me Bergeron, Me Gauthier et Me Reimnitz.
[99] Il se sent trahi et profondément déçu que Me Bergeron et Me Gauthier représentent 9039-3463 dans le conflit qui le concerne en tant que directeur général, actionnaire et administrateur de cette compagnie.
[100] Gauthier Bédard, inconfortable dans la situation dénoncée de conflit d’intérêts, reçoit le mandat des administrateurs présents à l’assemblée du conseil d’administration tenue le 27 avril 2003 de présenter une requête en jugement déclaratoire.
[101] Le 9 juin 2003, la requête pour jugement déclaratoire est rejetée sur une requête en irrecevabilité. L’inconfort de Gauthier Bédard semble dissipé mais toute la question demeure non résolue sur la situation dénoncée de conflit d’intérêts.
[102] Gauthier Bédard continue de représenter 9039-3463 et ne recherche aucune opinion légale.
[103] Les procureurs de 9039-3463 connaissent toute la situation de Luc Vaillancourt comme employé et administrateur et actionnaire, et cela au-delà même des relations qui ne sont pas aussi intimes que Luc Vaillancourt aurait cru.
[104] Même si non allégué dans la requête en déclaration d’inhabilité, le tribunal ne peut passer sous silence le rôle joué par Me Tremblay les 29 et 30 mars 2001. Elle porte tous les chapeaux.
[105] Elle représente le prêteur, la BNC, pour le déboursement du financement. La convention de prêt et de subordination doit être signée par toutes les parties, l’emprunteur et les intervenants. Elle ne représente pas la BDC pour le déboursement du financement qui est cependant une condition essentielle au déboursement du prêt de la BNC. L’engagement personnel de Luc Vaillancourt lui cause un problème. Il ne veut plus signer.
[106] Elle convainc tous les actionnaires de 9039-3463 qu’advenant le cas où Luc Vaillancourt soit tenu d’honorer son cautionnement envers la BDC, les parties conviennent que la perte subie par Luc Vaillancourt sera partagée entre tous les actionnaires, au prorata des actions votantes et participantes qu’ils détiennent dans le capital-actions de 9039-3463, chaque partie s’engageant à indemniser et par conséquent à rembourser Luc Vaillancourt de la proportion de la perte qu’il aura payée en trop. Sur la foi de cet engagement, Luc Vaillancourt signe.
[107] Elle prépare un document à cet effet que tous les actionnaires doivent signer. À ce jour, ce document n’est pas encore signé.
[108] De plus, Me Tremblay pourrait poursuivre personnellement Luc Vaillancourt pour le recouvrement du prêt contracté par 9039-3463 auprès de la BDC.
[109] Gauthier Bédard soutient qu’il n’y a aucune connexité entre les actes posés personnellement pour Luc Vaillancourt et le litige actuel. Gauthier Bédard soutient également que toutes les procédures dénoncées par Luc Vaillancourt, dans lesquelles l’étude aurait agi pour lui-même, n’entraînent pas la communication d’informations confidentielles qui pourraient être utilisées dans le litige actuel pas plus que devant le Tribunal d’arbitrage. Ces mandats ont été exécutés alors que Gauthier Bédard agissait comme procureurs des compagnies du Groupe Alba depuis 1989.
[110] L’obligation de loyauté va au-delà du secret professionnel. Au-delà des émotions et des sentiments, au-delà du secret professionnel, il y a plus. Le devoir de loyauté de l’avocat est essentiel à l’intégrité de l’administration de la justice.
[111] Le tribunal se doit d’intervenir chaque fois qu’une telle situation risque de se produire.
[112] Il est regrettable que Luc Vaillancourt ait dû présenter une telle requête en déclaration d’inhabilité pour que Gauthier Bédard réalise la nécessité de se retirer.
[113] Gauthier Bédard avait raison d’être inquiète de sa situation. Elle aurait dû y réfléchir davantage ou chercher conseil sur ces questionnements.
[114] Les conclusions de la requête en jugement déclaratoire sont révélatrices de l’ambiguïté ou du questionnement même que Gauthier Bédard pouvait avoir sur sa propre situation.
[115] La Cour supérieure dans la cause Chassé c. Caron [22] reprend les principes émis par la Cour suprême :
En appliquant les principes émis par la Cour suprême dans l’arrêt Succession MacDonald c. Martin, le tribunal doit déterminer ce qu’en penserait «l’homme de la rue raisonnablement informé» face à une telle situation.
[…]
Il est essentiel et primordial qu’aux yeux du public et des justiciables, il soit démontré non seulement qu’il n’existe pas de conflit réel mais aussi qu’il n’y a pas de conflit apparent.
[116] Depuis plus de quinze ans, Gauthier Bédard connaît Luc Vaillancourt en tant que directeur général, administrateur, actionnaire, père de famille, séparé avec un projet de divorce, ayant subi une intervention chirurgicale assez sérieuse pour nécessiter la reformulation rapide d’un testament, joueur de hockey, homme d’affaires avec une vision d’avenir pour la compagnie divergente de la vision d’autres administrateurs.
[117] Le tribunal est d’avis que Gauthier Bédard connaît tout de Luc Vaillancourt au même titre que Me Bergeron connaît les réactions, le comportement et le caractère de Gilles Grenon.
[118] Quand on est capable d’anticiper la réaction de quelqu’un, on le connaît passablement bien.
[119] En faisant cette rétrospective, comment Gauthier Bédard peut-elle représenter en toute neutralité et impartialité une compagnie en connaissant autant l’administrateur qui poursuit que les administrateurs poursuivis?
[120] Il est indéniable que tant que la personne morale est représentée par un avocat qui reçoit ses instructions des administrateurs majoritaires, aucun conflit ne pourra être apparent.
[121] Par souci de transparence, le devoir de loyauté d’un avocat amène à conclure qu’il faut éviter même l’apparence de manquement à la déontologie.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[122] ACCUEILLE la requête en déclaration d’inhabilité;
[123] DÉCLARE l’étude Gauthier Bédard, Société en nom collectif, inhabile à agir à titre de procureurs de 9039-3463 et de Produits Alba inc.;
[124] ORDONNE à 9039-3463 Québec inc. et Produits Alba inc. de se constituer un nouveau procureur dans un délai maximal de trente (30) jours; à défaut
[125] AUTORISE toutes parties à s’adresser à la soussignée par requête pour la nomination d’un procureur indépendant pour 9039-3463 Québec inc. et Produits Alba inc.;
[126] DEMEURE saisie du dossier;
[127] Avec dépens.
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__________________________________ MICHÈLE LACROIX, J.C.S. |
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Me Guy Paquette Paquette Gadler 300, Place d'Youville B-10 Montréal (Québec) H2Y 2B6 Procureurs du requérant Luc Vaillancourt |
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Me Estelle Tremblay Gauthier Bédard & Ass. 364, rue Racine Est C.P. 218 Chicoutimi, (Québec) G7H 5B7 Procureurs des intimés Produits Alba inc 9039-3463 Québec inc. |
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Me Pierre Lefebvre Fasken Martineau Tour de la Bourse 800, Place Victoria, #3400 Montréal (Québec) H4Z 1E9 Nouveaux procureurs des intimés : Gilles Grenon Louise Grenon Victor Grenon Jean-Julien Grenon Jean-Marie Grenon Christine Grenon 2532-9574 Québec inc. 2532-9855 Québec inc. 2959-6749 Québec inc.
Me Gina Doucet Cain Lamarre Casgrain Wells 255, rue Racine Est, Bureau 600 Chicoutimi (Québec) G7H 7L2 |
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Procureurs des intimés : Société en commandite Soccrent 2 Pluri-Capital (PCI) inc. Adam Lapointe Jean-Philippe Harvey |
[1] Pièce I-1.
[2] Pièce P-12.
[3] Pièce P-13.
[4] Pièce P-14.
[5] Pièce P-1.
[6] Pièces P-24 et P-25.
[7] Pièce I-9.
[8] Pièce I-10.
[9] Pièce R-10.
[10] Pièce I-12.
[11] Pièce I-13.
[12] Pièce R-10, clauses 1 et 6.1.
[13] Pièce R-1.
[14] Pièce R-5.
[15] Pièce R-2.
[16] Précitée, note 16.
[17] Id.
[18] Pièce I-7.
[19] Pièce I-8.
[20] Code de déontologie des avocats, R.R.Q., 1981, c. B-1, r.1.
[21] Pièce P-25.
[22]
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.