Duda et Ouimet Tomasso inc. (F) |
2014 QCCLP 2965 |
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[1] Le 5 décembre 2012, monsieur Jerzy Duda (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 22 novembre 2012, à la suite d’une révision administrative.
[2] Dans le cadre de cette décision, la CSST déclare irrecevable, puisque déposée hors délai, la réclamation pour lésion professionnelle déposée le 25 août 2012 par le travailleur.
[3] Une audience s’est tenue à Montréal le 9 mai 2014 en présence du travailleur et de son procureur.
L’OBJET DU LITIGE
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déterminer qu’il n’a pas déposé sa réclamation hors du délai légal pour ce faire. Il demande que l’on reconnaisse qu’il a été victime d’une lésion professionnelle.
[5] Invité à préciser le diagnostic au soutien de sa réclamation, le procureur du travailleur précise n’en avoir aucun à soumettre.
LA PREUVE
[6] Le représentant du travailleur, bien que présent à l’audience, n’a administré aucune preuve demandant au tribunal de rendre une décision sur dossier.
[7] Le 25 août 2012, le travailleur dépose à la CSST une réclamation pour lésion professionnelle. Il y écrit travailler pour Ouimet Tomasso inc. (l’employeur) depuis huit ans au nettoyage avec des produits chimiques et être soumis à des écarts de température importants, lesquels ont eu un effet sur sa santé. Il mentionne ressentir des engourdissements au niveau des pieds, avoir des douleurs musculaires, de la douleur dans son bras gauche et dans son dos.
[8] Aucune attestation médicale complétée par un médecin n’accompagne le dossier. Aucun diagnostic n’est soumis à la CSST au soutien de la réclamation du travailleur.
[9] Une évaluation psychiatrique à l’Hôpital général juif rédigée par Mathura Thevarajah, résident, conclut qu’aucun diagnostic psychiatrique ne peut être confirmé et qu’il n’y a pas d’évidence de dépression ou de trouble psychotique. On suggère d’éliminer la possibilité que le patient soit hypocondriaque ou qu’il souffre de trouble de conversion.
[10] Les notes de consultation de la docteure Ewa Stasiak sont également au dossier. Elles relatent que le travailleur se plaint de fatigue et est convaincu que le travail qu’il a effectué l’a rendu malade, qu’il a des soubresauts d’agressivité, qu’il fait de l’insomnie, qu’il ressent des douleurs généralisées, mais aucun diagnostic n’y est retenu. La docteure Stasiak suggère plutôt des consultations auprès de spécialistes pour clarifier le tableau clinique.
[11] Aucun document supplémentaire n’est fourni à l’audience, le procureur du travailleur mentionnant ne pas avoir de diagnostic à soumettre au soutien de la réclamation du travailleur.
L’AVIS DES MEMBRES
[12] Tant le membre issu des associations d’employeurs que le membre issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête du travailleur. Aucun diagnostic n’est soumis à l’appui de la réclamation du travailleur. En l’absence de diagnostic, il est impossible de conclure que ce dernier a été victime d’une blessure ou d’une maladie. On ne peut donc retenir qu’il y a lésion professionnelle.
[13] Pour rendre une décision, la Commission des lésions professionnelles doit au départ se baser sur un diagnostic médical qui puisse être évocateur de l’existence d’une lésion. En l’absence de cet élément de base à une étude de l’admissibilité d’une réclamation, la requête du travailleur est irrecevable.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[14] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la réclamation pour lésions professionnelles présentée par le travailleur le 25 août 2012 est recevable en application avec la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). Les articles 270 à 272 de la loi prescrivent le délai accordé au travailleur pour présenter une réclamation pour lésion professionnelle. Ces articles se lisent comme suit :
270. Le travailleur qui, en raison d'une lésion professionnelle, est incapable d'exercer son emploi pendant plus de 14 jours complets ou a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique ou, s'il décède de cette lésion, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la lésion ou du décès, selon le cas.
L'employeur assiste le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, dans la rédaction de sa réclamation et lui fournit les informations requises à cette fin.
Le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, remet à l'employeur copie de ce formulaire dûment rempli et signé.
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1985, c. 6, a. 270.
271. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui ne le rend pas incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion ou celui à qui aucun employeur n'est tenu de verser un salaire en vertu de l'article 60, quelle que soit la durée de son incapacité, produit sa réclamation à la Commission, s'il y a lieu, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de sa lésion.
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1985, c. 6, a. 271.
272. Le travailleur atteint d'une maladie professionnelle ou, s'il en décède, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la date où il est porté à la connaissance du travailleur ou du bénéficiaire que le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle ou qu'il en est décédé, selon le cas.
Ce formulaire porte notamment sur les nom et adresse de chaque employeur pour qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie professionnelle.
La Commission transmet copie de ce formulaire à chacun des employeurs dont le nom y apparaît.
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1985, c. 6, a. 272.
[15] Ainsi, la prémisse de base pour présenter une réclamation est d’être victime d’une lésion professionnelle. Cette dernière notion est définie à l’article 2 de la loi, lequel se lit comme suit :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[16] Pour conclure qu’un travailleur est porteur d’une blessure ou d’une maladie, il faut disposer d’un diagnostic puisque ce dernier permettra de cerner la nature de la lésion qui l’affecte. Ce diagnostic pourra, selon les circonstances, être plus ou moins circonscrit et sa spécificité pourra varier. En l’absence de ce dernier, on ne peut conclure à l’existence d’une lésion professionnelle.
[17] Dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles ne dispose d’aucun diagnostic et aucune attestation médicale n’a été complétée, conformément aux dispositions de l’article 199 de la loi. Cet article se lit comme suit :
199. Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui-ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et :
1° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou
2° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.
Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.
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1985, c. 6, a. 199.
[18] Une lecture attentive de l’ensemble de la documentation au dossier ne permet pas de retenir qu’un diagnostic ait été posé et soumis à la CSST afin que cette dernière évalue la possibilité que le travailleur soit porteur d’une lésion professionnelle.
[19] En l’absence de diagnostic, il est impossible pour la CSST ou pour la Commission des lésions professionnelles d’examiner la relation pouvant exister entre les symptômes rapportés et l’exercice du travail.
[20] Le processus décisionnel prévu à la loi est fondé sur l’existence d’un diagnostic puisque la CSST doit rendre ses décisions en fonction de ceux émis par le médecin qui a charge ou ceux du médecin qui la liera. L’article 224 de la loi est clair sur ce sujet :
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.
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1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
[Notre soulignement]
[21] À défaut de disposer d’un diagnostic émis par un médecin, le travailleur ne peut présenter une réclamation pour lésion professionnelle.
[22] La requête doit donc être rejetée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête présentée par monsieur Jerzy Duda, le travailleur;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 22 novembre 2012, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE irrecevable la réclamation pour lésions professionnelles déposée le 25 août 2012.
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Michel Larouche |
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Me Izak Myszka |
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MYSZKA & TEPNER |
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Représentant de la partie requérante |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.