Casavant et Rôtisseries Lanaudière |
2013 QCCLP 365 |
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[1] Le 31 janvier 2011, madame Isabelle Casavant (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 18 janvier 2011, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST conclut que la demande de révision de la travailleuse, datée du 10 décembre 2010, à l’encontre de sa décision rendue le 31 août 2010 refusant la réclamation de la travailleuse, a été produite à l’extérieur des délais prescrits par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[3] Le 6 septembre 2012, la Commission des lésions professionnelles[2] accueille la question préliminaire soulevée par la travailleuse et déclare que cette dernière a fait la démonstration d’un motif raisonnable pour être relevée de son défaut d’avoir formulé sa demande de révision dans le délai prévu par la loi. Elle déclare recevable la demande de révision de la travailleuse datée du 10 décembre 2010 et convoque les parties à une audience au mérite.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) d’infirmer la décision rendue par la CSST le 31 août 2010 et de déclarer qu’elle a subi, le 27 avril 2010, une lésion professionnelle.
QUESTION PRÉLIMINAIRE
[5] Une conférence préparatoire a lieu le 3 avril 2012 à laquelle participent la procureure de la travailleuse et le procureur de l’employeur. À cette conférence préparatoire, le procureur de l’employeur annonce qu’il entend soulever une question préliminaire à l’encontre de la requête en contestation de la travailleuse. La question préliminaire vise à faire déterminer par la Commission des lésions professionnelles la présence ou non d’un diagnostic émis par la médecin qui a charge de la travailleuse. L’employeur prétend qu’en l’absence d’un diagnostic, le tribunal ne pourrait conclure à la présence d’une lésion professionnelle, que ce soit une blessure, une maladie ou même une récidive, rechute ou aggravation. Ce faisant, un élément essentiel de la réclamation de la travailleuse serait manquant et cette réclamation devrait être refusée.
[6] Une audience sur cette question préliminaire est tenue à Joliette le 12 novembre 2012. La travailleuse est présente et représentée. Les rôtisseries Lanaudière (l’employeur) est également présent et représenté. L’affaire est mise en délibéré le même jour.
LA PREUVE SUR LA QUESTION PRÉLIMINAIRE
[7] Pour rendre sa décision, le tribunal a pris connaissance du dossier médico-administratif mis à sa disposition. Il a entendu le témoignage de la travailleuse. Le tribunal a également étudié les documents déposés à l’audience. Il en retient les faits suivants.
[8] Le 23 octobre 2010, la travailleuse, une aide-cuisinière au service de l’employeur, signe un formulaire Réclamation du travailleur. Elle allègue avoir subi une récidive, rechute ou aggravation, le 15 avril 2010, d’une lésion professionnelle initiale qui serait survenue le 15 mai 2009. La réclamation pour cette lésion professionnelle initiale a été refusée par la Commission des lésions professionnelles par une décision rendue le 19 juillet 2012[3].
[9] Annexée à son formulaire, la travailleuse produit à cette occasion une longue déclaration manuscrite.
[10] Le 27 avril 2010, la travailleuse consulte la docteure Serfaty. Cette dernière diagnostique, en plus de l’épicondylite au coude gauche, des « symptômes d’anxiété »[4].
[11] Le 3 mai 2010, la docteure Serfaty indique à nouveau « anxiété » sur le rapport médical qu’elle produit[5]. Elle ajoute : « patiente se dit harcelée par sa patronne et incapable de retourner à cet emploi ».
[12] Par la suite, la docteure Serfaty mentionne sur les rapports médicaux[6] qu’elle produit « anxiété ».
[13] Sur quelques-uns de ces rapports, la docteure Serfaty ajoute la mention « conflit avec l’employeur ».
[14] Le 31 août 2010, la CSST rejette la réclamation « pour des symptômes d’anxiété » de la travailleuse.
[15] Le 19 janvier 2011, la docteure Serfaty a demandé à ce que la travailleuse soit vue en psychiatrie.
[16] Les notes cliniques de la docteure Serfaty, comprises entre le 10 janvier 2011 et le 13 mars 2012, ont été déposées lors de l’audience.
[17] Dans ses notes cliniques, à la rencontre du 5 mai 2011, la docteure Serfaty suspecte un trouble anxieux généralisé. Sur le rapport médical de la CSST (#00442) daté du même jour, elle inscrit comme diagnostic « anxiété améliorée ».
[18] Le 27 décembre 2012, la médecin qui a charge de la travailleuse, inscrit dans son dossier qu’elle a comme impression « anxiété avec trouble de la personnalité ». Sur le rapport médical de la CSST (#09940) daté du même jour, elle inscrit comme diagnostic « anxiété ».
[19] Le 25 janvier 2012, la docteure Serfaty inscrit que le test de dépistage pour un déficit d’adaptation est plus ou moins concluant. Elle suspecte toujours de l’anxiété et un trouble de personnalité. Sur le rapport médical de la CSST (#58030) daté du même jour, elle inscrit comme diagnostic « anxiété ».
L’AVIS DES MEMBRES
[20] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis d’accueillir la requête sur la question préliminaire déposée par l’employeur.
[21] Ils constatent que le seul « diagnostic » émis par la médecin qui a charge de la travailleuse est « anxiété » et que l’anxiété, sans aucune autre précision, n’est pas un diagnostic, mais bien un symptôme. La loi exige la présence d’une maladie ou d’une blessure qui peut inclure la récidive, la rechute ou l’aggravation pour qu’une lésion professionnelle soit reconnue. Ils sont d’opinion qu’en l’absence d’une telle maladie ou blessure la réclamation de la travailleuse ne peut être accueillie.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[22] La Commission des lésions professionnelles doit d’abord déterminer si le terme « anxiété » peut être considéré comme un diagnostic dans le cadre de la détermination de la présence d’une lésion professionnelle.
[23] L’employeur a annoncé cette question préliminaire lors d’une conférence préparatoire qui s’est tenue en présence des parties le 3 avril 2012. Elle a été soumise lors de l’audience tenue le 12 novembre 2012.
[24] L’article 267 de la loi prévoit que :
267. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui le rend incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion doit remettre à son employeur l'attestation médicale prévue par l'article 199 .
Si aucun employeur n'est tenu de verser un salaire à ce travailleur en vertu de l'article 60, celui-ci remet cette attestation à la Commission.
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1985, c. 6, a. 267.
[25] De son côté, l’article 199 établit que :
199. Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui-ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et :
1° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou
2° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.
Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.
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1985, c. 6, a. 199.
[Nos soulignements]
[26] Sur cette question, la Commission des lésions professionnelles s’est prononcée à quelques reprises. Il faut retenir la décision dans l’affaire Beaucaire et Municipalité St-Joseph-du-Lac[7] comme étant la décision phare. Cette décision a été suivie à plusieurs reprises par la suite[8]. Pour illustrer le principe, il convient de citer le passage suivant tiré de la décision Robert[9] :
[122] Bien que l’effet de l’application conjuguée des articles 199 et 267 réfèrent à une lésion initiale qui rend le travailleur incapable de travailler qui doit remettre à son employeur l’attestation médicale indiquant le diagnostic émis par le médecin qui en prend charge, le tribunal considère que l’attestation médicale exigée par ces dispositions constitue un élément nécessaire à l’examen et la considération de l’admissibilité de la réclamation initiale pour lésion professionnelle, mais également pour les réclamations subséquentes découlant de l’application de la loi notamment dans le cadre de la procédure d’évaluation médicale prévue aux articles 199 et suivants de la loi.
[123] À cet égard, le tribunal partage les propos émis par notre collègue Jean-François Martel dans l’affaire Beaucaire et Municipalités St-Joseph-du-Lac15 :
[19] Le dépôt d’une attestation médicale émanant du médecin qui a charge du travailleur blessé est un élément nécessaire à la prise en considération initiale de toute demande en vue d’obtenir les avantages prévus à la loi, selon la procédure de réclamation instaurée au chapitre VIII de la loi, tout comme à la détermination subséquente des droits des parties impliquées est tributaire des autres rapports médicaux souscrits par le ou les médecins ayant pris le travailleur en charge. Plusieurs articles de la loi illustrent ce mécanisme d’application, les articles 267, 269, 199, 200, 202, 203, 204, 212 et 224 notamment :
[…]
[21] Dès l’ouverture d’un dossier à la suite du dépôt d’une réclamation, l’Attestation médicale initiale et le premier rapport du médecin traitant fournissent des informations cruciales pour les parties en cause : d’abord préciser la date à laquelle le fait accidentel allégué est survenu, ensuite identifier la nature de la lésion (c’est le diagnostic), justifier l’absence du travail et en fixer la durée, prévoir la période de consolidation de la lésion, annoncer un plan de traitement et même, si possible, faire un pronostic quant à d’éventuelles séquelles permanentes. Il ne s’agit donc pas d’une exigence de pure forme à laquelle on peut passer outre comme en matière procédurale, selon l’article 353 de la loi. Au contraire, étant donné que les droits et recours dont tous les intéressés pourront se prévaloir conformément à la loi dépendent largement des informations médicales livrées dès le début du dossier, les documents médicaux d’ouverture représentent une condition de fond substantielle et indispensable à l’exercice du droit de réclamer.
[124] Ce faisant, le tribunal est d’avis que les attestations médicales doivent être déposées au moment du dépôt de la réclamation par le travailleur qui exerce des droits en vertu de la loi et qui souhaite en obtenir des avantages de manière à permettre à la CSST de disposer de toutes les informations nécessaires au traitement et à l’analyse de sa réclamation et ceci est valable tant à l’égard du dépôt de la réclamation initiale que des réclamations subséquentes telle que pour une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation.
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15 [Référence omise]
[27] Dans l’affaire St-Laurent[10], la Commission des lésions professionnelles spécifie :
[19] Conformément au raisonnement développé par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Beaucaire et Municipalité St-Joseph-du-Lac3, le présent tribunal est d’avis que la nécessité d’une attestation médicale ou d’un rapport médical d’évolution n’est pas une exigence de pure forme, mais une question de forme indispensable à l’exercice du droit de réclamer.
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3 [Référence omise]
[Nos soulignements]
[28] Il faut donc conclure que pour déposer une réclamation, le travailleur doit fournir une attestation médicale comportant un diagnostic.
[29] À l’égard de la réclamation de la travailleuse, signée le 23 juin 2010, par sa requête, l’employeur prétend qu’il y a absence de diagnostic émis par un médecin.
[30] Dans un premier temps, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si un diagnostic est retenu par la médecin qui a charge de la travailleuse. La docteure Serfaty n’a jamais inscrit un autre terme qu’« anxiété » dans tous les rapports CSST émis dans le cadre de la réclamation de la travailleuse. Elle ne l’a jamais qualifié.
[31] La Commission des lésions professionnelles observe que la médecin qui a charge au cours des quelque 28 visites médicales desquelles un rapport médical a été produit a toujours écrit le même terme, soit « anxiété ». Si la docteure Serfaty avait voulu modifier ce qu’elle rapporte, elle a eu suffisamment d’occasions pour le faire.
[32] Après l’annonce de la question préliminaire du procureur de l’employeur, aucune démarche n’a été faite par la travailleuse pour chercher à faire préciser l’opinion de la docteure Serfaty, pas de rapport complémentaire, pas de témoignage de la médecin. Il faut donc conclure que ce qui est mentionné aux rapports est ce qui devait être inscrit.
[33] Suivant les enseignements de la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Boies[11], le tribunal a également étudié attentivement les notes cliniques du médecin qui ont été déposées au dossier par la travailleuse.
[130] Dans un tel contexte, la CSST, le Bureau d’évaluation médicale et, en dernière instance, le tribunal rechercheront les signes cliniques qui permettront de préciser le diagnostic de la lésion alléguée.
[131] Il faut donc se garder d’écarter l’application de la présomption uniquement sur la foi du libellé du diagnostic retenu, sans autre analyse.
[132] En pareilles situations, le tribunal croit qu’il est nécessaire d’aller au-delà des termes utilisés par le médecin qui a charge pour tenir lieu de diagnostic et faire une analyse de l’ensemble du tableau clinique apparaissant au dossier. Un tel exercice permettra de préciser le véritable diagnostic et d’objectiver une blessure55. En somme, il faut chercher à comprendre ce que le médecin qui a charge du travailleur a voulu dire et qui traduirait le véritable diagnostic de la blessure qu’il constate.
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55 Précitée, note 54, paragr. [28].
[34] Certes, dans l’affaire Boies, la Commission des lésions professionnelles discute de cette recherche de signes cliniques dans le cadre de l’identification d’une blessure. Le tribunal est d’avis qu’il doit en être ainsi dans la recherche d’un diagnostic qui doit établir la présence d’une maladie ou d’une lésion professionnelle.
[35] Le tribunal retient des notes cliniques et des rapports médicaux de la docteure Serfaty que cette dernière n’a pas pu aller plus loin que l’émission du terme « anxiété » au chapitre de ce qu’elle rapporte. Elle a investigué, bien après les décisions de la CSST, tant en première instance qu’au niveau de la révision administrative, d’autres pistes diagnostiques. Elle a suspecté ou eu comme impression que la travailleuse a pu être atteinte d’un trouble d’anxiété généralisé[12], d’un trouble de la personnalité[13] ou d’un déficit d’attention (TDAH)[14]. Ces suspicions ou impressions diagnostiques n’ont pas été confirmées.
[36] Par ailleurs, outre la mention d’anxiété ou de ces recherches de diagnostics, les notes de la docteure Serfaty ne révèlent pas d’autres signes cliniques suffisants pour confirmer la présence d’un diagnostic différent de celui qu’elle a émis sur les rapports CSST.
[37] La Commission des lésions professionnelles est liée par ce que la médecin qui a charge a inscrit sur ces rapports médicaux. Elle doit rechercher des signes cliniques qui pourraient l’aider à préciser un diagnostic qui dans son libellé serait imprécis ou trop vague, mais en aucun cas la Commission des lésions professionnelles ne doit substituer sa perception ou déduction à ce que le médecin a inscrit. Elle ne peut non plus créer un diagnostic ou suggérer que le médecin a voulu émettre un diagnostic différent que celui qu’il a inscrit, sous réserve de ce qui est mentionné plus haut à l’égard de la recherche de signes cliniques. L’analyse des faits déposés nous empêche également un tel exercice en ce que, comme mentionné, rien ne nous permet de préciser d’avantage le diagnostic.
[38] En fonction de ces critères et de l’analyse de la preuve, la Commission des lésions professionnelles retient que la docteure Serfaty a émis aux rapports qu’elle a signés que l’« anxiété ».
[39] Est-ce que l’anxiété est un diagnostic? La Commission des lésions professionnelles est d’avis de répondre par la négative à cette question pour les motifs qui suivent.
[40] Il convient de mentionner en premier lieu que le terme « anxiété » n’apparaît pas au DSM-IV[15]. Dans ce manuel, qui constitue ni plus ni moins l’outil de classification des diagnostics le plus suivi en matière de lésion psychologique ou psychiatrique, on retrouve l’anxiété à titre de symptôme.
[41] La travailleuse dépose en argumentation des textes publiés sur internet[16]. Ces textes, selon ses prétentions, démontreraient que l’anxiété pourrait être considérée comme un diagnostic. Le tribunal ne retient pas cet argument. Dans un premier temps, il faut remarquer qu’ils n’ont pas été déposés en preuve par aucun témoin compétent pour les commenter. Par ailleurs, ces textes ne sont pas tirés d’une littérature scientifique, et ne peuvent l’être, à tout le moins, aucune preuve n’en est faite. À la lecture de ces textes, on constate qu’ils sont d’une nature générale et ont un but de vulgarisation. Le tribunal ne peut les considérer comme des éléments de doctrine comme le serait un dictionnaire des diagnostics ou encore le DSM-IV.
[42] La Commission des lésions professionnelles a eu l’occasion à plusieurs reprises de rappeler que l’anxiété sans autres signes ou éléments diagnostiques complémentaires ne constituait pas un diagnostic, mais bien un symptôme. Dans l’affaire Duval[17], elle mentionne :
[45] La Commission des lésions professionnelles doit décider de la question en litige sur la base du diagnostic d’anxiété posé par le docteur Charpentier. En fait, il ne s’agit pas d’un véritable diagnostic, l’anxiété étant plutôt un symptôme.
[46] Toutefois, tel que le soumet la procureure de la travailleuse, la Commission des lésions professionnelles est liée par le diagnostic émis par le médecin traitant, soit celui d’anxiété, qui n’a pas fait l’objet d’une contestation.
[47] Bien qu’elle soit liée par ce diagnostic, la Commission des lésions professionnelles estime que celui-ci ne fait pas foi de la présence d’une lésion chez la travailleuse.
[43] En révision, la Commission des lésions professionnelles a souligné qu’en première instance elle n’était pas saisie de la question de déterminer le diagnostic. Elle ajoute que ce n’est pas « en raison de l’imprécision du diagnostic que la réclamation de la travailleuse a été refusée… »[18]. La situation de la présente affaire se distingue fondamentalement de l’affaire Duval. Dans le présent dossier, le tribunal est saisi d’une requête visant à déterminer s’il y a ou non présence d’un diagnostic comme l’exige l’article 267 de la loi.
[44] La Commission des lésions professionnelles tient des propos similaires dans l’affaire Succession Bernard Gobeil[19] :
[46] Le tribunal n’ignore pas que l’anxiété est un symptôme et non un diagnostic. L’extrait du DSM-IV au dossier réfère au trouble d’adaptation comme à un diagnostic différentiel du syndrome de stress post-traumatique.
[45] Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles discute également d’un autre diagnostic « trouble d’adaptation ». Le tribunal rappelle que rien dans la preuve ne permet de préciser la mention « anxiété ».
[46] Dans l’affaire Plouffe[20], la Commission des lésions professionnelles écrit :
[167] La Commission des lésions professionnelles rappelle que l’anxiété est un symptôme et non un diagnostic en soi. Ce symptôme peut être associé à différents diagnostics, dont le stress post-traumatique.
[47] Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles a noté que l’anxiété était jumelée avec le diagnostic de syndrome de stress post-traumatique. Elle spécifie que la question de la détermination diagnostic comme telle n’a pas été soumise au Bureau d’évaluation médicale. Outre le paragraphe précité, la Commission des lésions professionnelles ne va pas plus loin sur l’existence même d’un diagnostic.
[48] La Commission des lésions professionnelles a aussi inscrit une opinion incidente semblable dans l’affaire Neveu[21] :
[64] La CSST a soumis le dossier de madame Neveu à son bureau médical. Le docteur Diane Favreau donne son avis sur cette anxiété post-traumatique afin de décider s’il y a une relation probable avec l’événement du 2 mars 2006. D'abord, le docteur Favreau note que selon la classification des troubles anxieux, selon le DSMIV-R, qui est l’édition la plus récente de l’outil de classification des maladies mentales le plus utilisé en Amérique du Nord, l’anxiété post-traumatique ne fait pas partie de la liste des troubles anxieux qui comprend, notamment, l’état de stress post-traumatique. L’anxiété comme telle est un symptôme et non un diagnostic. L’ajout du qualificatif « post-traumtique », écrit le docteur Favreau, peut nous orienter vers un stress post-traumatique aigu ou un stress post-traumatique chronique. Il s’agit là d’une réaction face à un événement ayant pu causer la mort ou des blessures graves à la personne elle-même ou à une personne dont elle aurait été le témoin.
[Nos soulignements]
[49] Finalement, dans l’affaire Commission scolaire au Cœur-des-Vallées[22], la Commission des lésions professionnelles reprend l’opinion que l’anxiété constitue un symptôme. Cependant, l’opinion du médecin-conseil de la CSST permettra au tribunal de préciser le diagnostic posé.
[46] Afin de rendre la présente décision, la Commission des lésions professionnelles est liée par le diagnostic d’anxiété posé par le docteur Ng Cheng, médecin ayant pris charge de la travailleuse; ce diagnostic n’ayant pas été contesté.
[47] Par ailleurs, même si l’anxiété peut être un symptôme2, le tribunal estime qu’il constitue, en l’espèce, le diagnostic de la lésion professionnelle et partage l’avis du docteur Belzile, médecin-conseil auprès de la CSST, que ce diagnostic fait partie des troubles anxieux et qu’ils sont décrits au DSM-IV.
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2 Duval et Centre hospitalier de l’Université de Montréal - Pavillon Notre-Dame, C.L.P. 230695- 72-0403, 23 mars 2006, F. Juteau
[50] Encore une fois, cette affaire se distingue du cas à l’étude en ce qu’il existe des éléments de preuve, l’opinion émise par le médecin-conseil de la CSST, permettant la précision du diagnostic, ce qui n’est pas démontré au présent dossier.
[51] Le 31 août 2010, la CSST a refusé la réclamation « pour des symptômes d’anxiété » de la travailleuse. Après analyse de la preuve déposée ainsi que de la jurisprudence, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion que la seule mention du terme « anxiété », sans aucun autre signe clinique noté au dossier médical, est un symptôme et non un diagnostic.
[52] Les quelque 28 rapports médicaux au soutien de la réclamation de la travailleuse ne contiennent donc pas de diagnostic au sens où l’article 199 de la loi l’exige. Ainsi, la réclamation de la travailleuse, datée du 23 juin 2010, ne répond pas aux conditions fondamentales de l’article 267 de la loi et elle doit être déclarée irrecevable.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête sur une question préliminaire déposée 12 novembre 2012 par Les rôtisseries Lanaudière, l’employeur;
CONFIRME pour d’autres motifs, la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 31 août 2011, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE irrecevable la réclamation de madame Isabelle Casavant, la travailleuse, signée le 23 juin 2010;
DÉCLARE en conséquence que la travailleuse n’a pas droit aux prestations prévues par la loi en regard de sa réclamation pour symptômes d’anxiété, signée le 23 juin 2010.
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JEAN M. POIRIER |
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Me Isabelle Laurin |
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T.U.A.C. (local 500) |
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Représentant de la partie requérante |
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Me François Bouchard |
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Langlois Kronström Desjardins |
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Représentant de la partie intéressée |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] 2012 QCCLP 5655 .
[3] 2012 QCCLP 4560 .
[4] Rapport # 39410.
[5] Rapport # 39222.
[6] Rapports # 45544, 26375, 59065, 59054, 22002, 21593, 28405, 24603, 51435, 58284, 53034, 22643, 00442, 05670, 02310, 05876, 09321, 08363, 53841, 09940, 58030, 54983, 07140, 55182, 09273, 51096.
[7] C.L.P. 166237-64-0107 et 195115-64-0211, 26 mai 2004, J.F. Martel.
[8] St-Laurent et Isra-Guard IGS Sécurité inc. 2012 QCCLP 4691 ; Robert et Canplast Canada Ltée C.L.P. 332980-71-0711, 369132-71-0902, 370227-71-0902, 27 janvier 2010, R. M. Goyette; Cyr et Construction Bardi, C.L.P. 349770-01B-0805, 9 septembre 2009, J. F. Clément; Bérubé et Ressources Meston inc., C.L.P. 290110-02-0605, 23 avril 2009, J. Grégoire; St-Martin et Métro Grenier, C.L.P. 268000-64-0507, 3 avril 2007, M. Montplaisir; Martin et Bois Laurentien, C.L.P. 232620-64-0404, 31 mai 2005; Bérubé et DJ Express et CSST, C.L.P. 244511-64-0409, 246576- 64-0410, 16 mars 2005, R. Daniel.
[9] Précitée, note 8, paragraphes 122 à 123.
[10] Précitée, note 8, paragraphe 19.
[11] Boies et CSSS Québec-Nord 2011 QCCLP 2775 .
[12] Notes cliniques des 5 mai et 28 novembre 2011.
[13] Notes cliniques des 27 décembre 2011 et du 25 janvier 2012.
[14] Notes cliniques du 25 janvier 2012.
[15] AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION, DSM-IV-TR : Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4e éd., texte révisé, Paris, Masson, 2003.
[16] L’anxiété généralisée. Auteur inconnu [En ligne], <http://www.fondationdesmaladiesmentales.org/la- maladie-mentale.html?t=2&1=3> [page consultée le 8 novembre 2012], L’Anxiété généralisée F41.1 Diagnostic en médecine générale. Auteur inconnu. Iserm,
[En ligne], <http://www.mg-psy.org/php/troubles-courants/reconnaitre-troubles-f41-1.php>
[page consultée le 10 novembre 2012], Anxiété. Auteur inconnu, EurekaSanté,
[En ligne], <http://www.eurekasante.fr/maladies/psychisme/anxiete.html> [page consultée le 16 janvier 2013]. Ce dernier article comporte une réserve mentionnant qu’il est en cours d’actualisation.
[17] Duval et Centre hospitalier de Montréal - Pavillon Notre-Dame, C.L.P. 230695-72-0403, 23 mars 2006, F. Juteau, requête en révision ou révocation rejetée 30 avril 2008 M. Zigby.
[18] Précitée, note 17, paragraphe 23.
[19] Bernard Gobeil (Succ.) et Hydro-Québec (Gestion Acc. Trav.), C.L.P. 266429-02-0507, 24 août 2006, G. Tardif.
[20] Plouffe et Brenka Limousines inc., C.L.P. 187507-71-0207, 1962243-71-0212, 2064145-71-0304, 12 juin 2007, L. Crochetière.
[21] Neveu et Veolia Transport et CSST, C.L.P. 319309-62-0706, 349492-62B-0805, 27 avril 2009, L. Vallières.
[22] Commission scolaire au Cœur-des-Vallées et Rouleau, C.L.P. 344635-07-0803, 28 janvier 2010, S. Séguin.
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