Bourassa et Groupe conseil Giguère & Fréchette |
2007 QCCLP 6866 |
______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
[1] Le 11 mai 2007, madame Claire Bourassa dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d'une révision administrative, le 7 mai 2007.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision du 7 février 2007 et déclare que madame Bourassa n'a pas droit au remboursement du coût de remplacement de ses lunettes de lecture.
[3] Le 24 octobre 2007, le tribunal envoie aux parties un avis par lequel il convoque celles-ci à une audience devant la Commission des lésions professionnelles de Saint-Jérôme. L'audience est fixée au 4 décembre 2007. Il n'y a aucun retour de courrier de cet avis de convocation.
[4] Le 12 novembre 2007, monsieur Carol Fréchette, représentant de Groupe conseil Giguère & Fréchette (l’employeur), adresse une lettre à la Commission des lésions professionnelles pour informer le tribunal que l'employeur ne sera pas représenté à l’audience prévue le 4 décembre 2007.
[5] Le 4 décembre 2007, la Commission des lésions professionnelles tient une audience à Saint-Jérôme à laquelle madame Bourassa n'est pas présente.
[6] En vertu de l'article 429.15 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), la Commission des lésions professionnelles peut procéder à l'instruction de l'affaire et rendre une décision si une partie dûment avisée ne se présente pas au temps fixé pour l'audition et qu'elle n'a pas fait connaître un motif valable justifiant son absence.
[7] Madame Bourassa ne fait pas connaître un motif pour justifier son absence à l'audience du 4 décembre 2007. Le tribunal procède donc en son absence.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[8] Madame Bourassa demande le remboursement du coût de remplacement de ses lunettes de lecture.
L'AVIS DES MEMBRES
[9] Les membres issus des associations syndicales et d'employeurs sont d'avis qu’il y a lieu de rejeter la requête de madame Bourassa, de confirmer la décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative le 7 mai 2007 et de déclarer que madame Bourassa n'a pas droit au remboursement du coût de remplacement de ses lunettes de lecture.
[10] Il n'a pas été démontré de façon probante que madame Bourassa satisfait les quatre conditions prévues par la loi pour avoir droit au remboursement du coût de sa prothèse.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[11] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si madame Bourassa a droit au remboursement du coût de remplacement de ses lunettes de lecture.
[12] L'article 113 de la loi prévoit ce qui suit en ce qui a trait à l'indemnité à laquelle un travailleur a droit pour la réparation ou pour le remplacement d'une prothèse ou d'une orthèse :
113. Un travailleur a droit, sur production de pièces justificatives, à une indemnité pour la réparation ou le remplacement d'une prothèse ou d'une orthèse au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2) endommagée involontairement lors d'un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant par le fait de son travail, dans la mesure où il n'a pas droit à une telle indemnité en vertu d'un autre régime.
L'indemnité maximale payable pour une monture de lunettes est de 125 $ et elle est de 60 $ pour chaque lentille cornéenne; dans le cas d'une autre prothèse ou orthèse, elle ne peut excéder le montant déterminé en vertu de l'article 198.1.
__________
1985, c. 6, a. 113; 1992, c. 11, a. 5; 2001, c. 60, a. 166.
[13] Il ressort de cet article que pour avoir doit à une indemnité pour la réparation ou pour le remplacement d'une prothèse ou d'une orthèse, le travailleur doit démontrer que sa situation répond aux conditions suivantes :
Ø la prothèse ou l'orthèse doit avoir été endommagée ;
Ø le dommage doit être survenu de façon involontaire ;
Ø le dommage doit être survenu lors d'un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause survenant par le fait de son travail ;
Ø le travailleur ne doit pas avoir droit à une telle indemnité en vertu d'un autre régime.
[14] Dans le présent cas, madame Bourassa adresse une lettre à la CSST en date du 11 décembre 2006 dans laquelle elle demande le remboursement du coût de remplacement de ses lunettes de lecture.
[15] Madame Bourassa écrit que le 23 novembre 2006, elle a « perdu ses lunettes » dans l'exercice de ses fonctions. Elle relate qu'elle porte des lunettes de lecture qui sont attachées à une chaîne suspendue dans son cou. Elle doit utiliser ces verres pour effectuer son travail à l'ordinateur.
[16] Le 23 novembre 2006, elle se rend dans un magasin de grande surface pour faire l'achat de fournitures de bureau pour son employeur. De retour à son domicile, madame Bourassa constate que ses lunettes de lecture ne sont plus attachées à la chaîne. Elle retourne dans le stationnement du magasin et y retrouve un des verres de ses lunettes. Elle conclut qu'elle a dû accrocher ses lunettes sans en avoir connaissance au moment où elle plaçait ses achats dans le coffre arrière de sa voiture.
[17] Le tribunal constate que les lunettes de lecture dont madame Bourassa demande le remboursement du coût de remplacement constituent une orthèse au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres[2].
[18] Le tribunal note, par ailleurs, que cette orthèse a été endommagée puisque madame Bourassa a retrouvé l'un des verres de cette paire de lunettes dans le stationnement du magasin dans lequel elle a effectué l'achat de fournitures de bureau pour son employeur, tel qu’il appert des informations qui figurent sur la lettre adressée par madame Bourassa à la CSST en date du 11 décembre 2006.
[19] Le tribunal considère que le dommage à cette prothèse est survenu lors d'un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause.
[20] En effet, selon toutes probabilités, les verres correcteurs, qui étaient attachés à une chaîne suspendue au cou de madame Bourassa, sont tombés au sol alors qu'elle se trouvait dans le stationnement du magasin en question puisque cette dernière a retrouvé un verre à cet endroit.
[21] D'ailleurs, la jurisprudence de ce tribunal a reconnu que le fait que des verres tombent au sol constitue un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause[3].
[22] En outre, dans l'affaire Lachance et Abitibi-Consolidated inc. (Division La Tuque), la Commission des lésions professionnelles considère que le caractère imprévu et soudain de l'événement peut même être établi par présomption de fait lorsqu'il existe des faits graves, précis et concordants qui militent dans ce sens[4].
[23] Dans le présent cas, le fait que les lunettes soient attachées à une chaîne suspendue au cou de madame Bourassa au moment où elle fait les achats pour son employeur, que les lunettes n’y soient plus au moment où elle arrive à son domicile et que cette dernière retrouve un verre dans le stationnement du magasin le même jour constituent des faits graves, précis et concordants qui permettent d'établir que ses lunettes de lecture sont tombées au sol au moment où elle se trouvait dans le stationnement du magasin.
[24] Le tribunal estime, par ailleurs, que le dommage aux lunettes de lecture de madame Bourassa est involontaire puisque cette dernière indique, dans sa lettre du 11 décembre 2006, qu'elle n'a pas eu connaissance de la perte de ses lunettes au moment où celles-ci se sont détachées de la chaîne.
[25] En outre, madame Bourassa précise, dans une lettre qu'elle adresse à la CSST le 13 février 2007, que les circonstances de cet événement sont involontaires.
[26] Le tribunal est d'avis, d’autre part, que l'événement en question est survenu par le fait du travail de madame Bourassa puisque cette dernière indique, dans la lettre du 13 février 2007 de même que sur son formulaire de contestation du 11 mai 2007, qu'elle était dans l'exercice de ses fonctions au moment de l'événement.
[27] Le tribunal estime qu’il n'est pas nécessaire que l'événement se produise alors que madame Bourassa se trouve dans l'établissement de l'employeur pour être reconnu comme survenant par le fait du travail dans la mesure où l'activité exercée par cette dernière à ce moment fait partie de ses tâches. Les endroits où elle doit se déplacer dans le cadre de ces activités constituent alors le lieu de son travail et l'activité exercée doit être considérée comme étant survenue par le fait du travail[5].
[28] Dans l'affaire Desrochers et Hydro-Québec[6], la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) en arrive à des conclusions qui militent dans ce sens lorsqu'elle reconnaît qu'en dépit du fait qu'une blessure ne se produise pas alors que le travailleur exerce son travail habituel, elle peut être considérée comme étant survenue par le fait du travail dans la mesure où elle survient alors que ce dernier effectue une fonction ou un geste qui y est relié.
[29] Les informations selon lesquelles madame Bourassa était dans l'exercice de ses fonctions au moment de l'événement ne sont pas contredites. L'événement s'est donc produit par le fait du travail.
[30] Le tribunal estime, enfin, qu'en dépit du fait que les trois premières conditions requises par l'article 113 de la loi soient satisfaites, madame Bourassa n'a pas droit au remboursement du coût de remplacement de ses lunettes de lecture puisque la preuve ne permet pas d'établir que cette dernière n'a pas droit à une telle indemnité en vertu d'un autre régime.
[31] En effet, madame Bourassa ne s'est pas présentée à l'audience. Or, le fardeau de la preuve repose sur elle et il y a absence de preuve sur ce sujet.
[32] Par conséquent, le tribunal ne peut conclure que cette dernière a démontré de façon probante qu'elle satisfait les quatre conditions prévues par la loi pour avoir droit au remboursement du coût de sa prothèse.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de madame Claire Bourassa en date du 11 mai 2007 ;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative le 7 mai 2007 ;
DÉCLARE que madame Bourassa n'a pas droit au remboursement du coût de remplacement de ses lunettes de lecture.
|
|
|
Martine Montplaisir |
|
Commissaire |
|
|
|
|
|
|
|
[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] (L.R.Q., c. L-0.2)
[3] Morin et Poulette grise inc., C.L.P. 117169-32-9905, 9 décembre 1999, R. Ouellet ; Poirier et Médiacom inc., C.L.P. 145224-62-0008, 13 février 2001, É. Ouellet ; Lachance et Abitibi-Consolidated inc. (Division La Tuque), C.L.P. 155194-04-0102, 27 juin 2001, G. Marquis ; Carré et Compagnie de construction et développement Crie ltée, C.L.P. 173067-32-0111, 16 juillet 2002, C. Bérubé ; Gagné et S.T.M. (Réseau des Autobus), C.L.P. 300322-04-0610, 24 novembre 2005, É. Ouellet ; Ferron et Coop. Fédérée de Québec, C.L.P. 300322-04-0610, 21 juin 2007, G. Tardif.
[4] Lachance et Abitibi-Consolidated inc. (Division La Tuque), précitée, note 3
[5] Bourret et Dominion Textile inc., [1992] C.A.L.P. 313 , requête en révision judiciaire rejetée, [1992] C.A.L.P. 1179 (C.S.) ; Bouchard et Aamco Coussinets inc., C.A.L.P. 22557-02-9010, 1er février 1994, R. Ouellet, (J6-08-07) ; Hôtel-Dieu de Lévis et Couturier, C.A.L.P. 51766-03-9306, 8 novembre 1995, M. Beaudoin ; Bélair et Centre de réadaptation la Myriade, C.L.P. 292189-64-0606, 9 mai 2007, M. Montplaisir.
[6] [1992] C.A.L.P. 1241 (C.A.), requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 4 mars 1993, (23263)
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.