Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Montréal

MONTRÉAL, le 7 février 2002

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

142621-71-0007

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Carmen Racine

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Marc-André Régnier

Associations d’employeurs

 

 

 

 

Marcel Desrosiers

Associations syndicales

 

 

 

 

ASSISTÉE DE L’ASSESSEUR :

 

 

Docteur Albert Charbonneau

 

DOSSIERS CSST :

115874653-1

115874653-2

AUDIENCE TENUE LE :

17 janvier 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Montréal

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ÉRIC LEFEBVRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ÉTABLISSEMENT DE DÉTENTION DE SAINT-JÉRÔME

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL-MONTRÉAL 3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 12 juillet 2000, monsieur Éric Lefebvre (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 21 juin 2000 à la suite d’une révision administrative (la révision administrative).

[2]               Par cette décision, la CSST maintient deux décisions qu’elle a initialement rendues le 6 décembre 1999 et, en conséquence :

-elle détermine que le travailleur n’a pas été victime d’une récidive, rechute ou aggravation le 15 novembre 1999 ;

-elle déclare que le travailleur doit rembourser la somme de 2 004,42$, représentant l’indemnité de remplacement du revenu versée du 23 février au 29 avril 1999 à la suite de la lésion professionnelle subie le 21 décembre 1998, puisque cette lésion professionnelle était consolidée le 23 février 1999 et que le travailleur était capable d’exercer son emploi à cette date.

[3]               Le représentant du travailleur et la représentante de la CSST sont présents à l’audience. Le travailleur étant incarcéré au Nouveau-Brunswick, il assiste à l’audience et témoigne par le biais d’une visioconférence. Quant à l’employeur, l’Atelier de l’établissement de détention de Saint-Jérôme, il avise la Commission des lésions professionnelles de son absence à l’audience. Le tribunal procède donc sans ce dernier.

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[4]               Le représentant du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le travailleur n’a pas été victime d’une récidive, rechute ou aggravation, le 15 novembre 1999, mais d’une continuité de la symptomatologie reliée à la lésion professionnelle subie le 21 décembre 1998, lésion professionnelle n’ayant pas encore fait l’objet d’une consolidation à cette date.

[5]               De plus, compte tenu de la demande précédente, le représentant du travailleur prie la Commission des lésions professionnelles de déclarer que ce dernier n’a pas à rembourser la somme réclamée par la CSST.

 

 

 LES FAITS

[6]               En 1998, le travailleur est incarcéré à l’établissement de détention de Saint-Jérôme et il œuvre, comme journalier, dans un atelier existant à cet établissement.

[7]               Le 21 décembre 1998, il est victime d’une lésion professionnelle dans les circonstances suivantes : il décharge une remorque, il glisse et sa jambe droite reste coincée sous les roues d’un chariot-élévateur.

[8]               Le 22 décembre 1998, il consulte le docteur D. Forest qui diagnostique une entorse à la cheville et au genou droits et une contusion à la jambe. Il prescrit des béquilles.

[9]               Le 29 décembre 1998, le travailleur rencontre le docteur P. Noël qui reprend ces diagnostics et qui y ajoute une contusion à la main gauche. Il croit que l’apposition d’un plâtre serait indiquée et il dirige le travailleur au service d’urgence.

[10]           Le 30 décembre 1998, le docteur Gélinas examine le travailleur. Il maintient les diagnostics d’entorses à la cheville et au genou droits et il note plutôt une contusion à la main droite.

[11]           Le 6 janvier 1999, le travailleur revoit le docteur Noël. Il dirige de nouveau le travailleur à l’urgence car il estime que le plâtre de ce dernier est à refaire.

[12]           Le 2 février 1999, le travailleur rencontre le docteur Mario Giroux, orthopédiste. Il lui retire son plâtre à la cheville droite et il prévoit le revoir le 23 février 1999.

[13]           Le 23 février 1999, le travailleur consulte le docteur Marc Antoniades, orthopédiste. Il inscrit ce qui suit dans ses notes de consultation :

Va bien.

Douleur résiduelle cheville D

Œdème mais en voie de régression.

¯douleur jambe D

ROM N genou + cheville D

Consolidation 23/2

Congé R/PRN.

 

 

 

[14]           Ce médecin ne rédige aucun rapport médical d’évolution et aucun rapport médical final pour la CSST.

[15]           Le 3 mars 1999, l’agent de la CSST a une conversation téléphonique avec le travailleur. Il note que ce dernier n’a plus de plâtre mais porte une orthèse.

[16]           Le 12 avril 1999, la CSST accepte la réclamation du travailleur sur la base des diagnostics d’entorse à la cheville et au genou droits et de contusion à la main droite. Elle reconnaît qu’il a été victime d’un accident du travail.

[17]           À cette même date, le travailleur communique de nouveau avec l’agent de la CSST. Il indique qu’il devra faire de la physiothérapie trois fois par semaine comme l’a prescrit son médecin traitant, le docteur Grenier. L’agent décide donc de payer l’indemnité de remplacement du revenu du 5 janvier au 18 avril 1999.

[18]           En juin 1999, le dossier du travailleur est transféré à un nouvel agent d’indemnisation. Ce dernier inscrit aux notes évolutives qu’il vérifiera si le travailleur est toujours au Centre de détention de Trois-Rivières et s’il reçoit des traitements de physiothérapie. Dans la négative, il établira la capacité de travail du travailleur au 30 avril 1999. Par la suite, l’agent note que le travailleur a quitté ce centre de détention depuis quelques temps et, en conséquence, il fixe la capacité de travail au 30 avril 1999. Cependant, aucune décision écrite ne concrétise ces notes de l’agent.

[19]           Le 3 juin 1999, la CSST s’adresse au travailleur en ces termes :

Objet : Demande de renseignements

 

Madame,

 

Nous avons essayé sans succès de vous joindre par téléphone. Pourriez-vous nous appeler sans tarder au numéro ci-dessous. Nous pourrons ensuite continuer l’étude du dossier. De plus, je n’ai pas eu de nouvelles de votre visite médicale qui était prévue le 30 avril 1999 avec le Dr Grenier : ce qui explique la non-prolongation de vos paiements. Pour permettre le traitement de votre demande, nous avons besoin du compte-rendu de votre dernière visite médicale et de votre plan de traitement actuel.

 

Nous comptons sur votre collaboration pour donner suite à cette lettre le plus tôt possible. [sic]

 

 

 

[20]           La Commission des lésions professionnelles note que le paragraphe avisant le travailleur de son droit de demander la révision et des délais pour ce faire n’est pas reproduit dans cette lettre.

[21]           Le 15 novembre 1999, le travailleur écrit à la CSST. Il est alors au pénitencier de Kamloops en Colombie-Britannique. Il s’exprime ainsi :

Ceci est pour vous confirmer que depuis mon accident le 21-12-98. Je n’ais jamais put recommencer à travailler car, je suis encor invalide, si vous n’avez par reçu les medical certificat plus tôt, c’est que mon doctor au centre de détention de 3 Rivière. Le doctor Trahan ne veut remplir aucun formulaire de CSST. Après cela j’ai été transférer de prison en prison, Maintenant je suis rendu en prison au B.C. (Colombie-Britanique) depuis environ 4 à 5 mois. J’avais boucoup de misaire à parler en anglais à vrai dire, je ne pouvais même pas m’exprimer en anglais. Mais après quelque mois j’arrive à me faire comprendre. J’espère que vous serrez compréhensif à mon égare pour me faire parvenir mes dû entérieur car depuis ma dernière réclamation, je n’ais jamais pu recommenser à travailler vu mon invalidité.

[…]

J’aimerais vous faire parvenir ma nouvelle adresse

 

Éric Lefebvre, Lambert

K.C.C.C.

Box 820

Kamloops B.C.

V2C 5M9

 

Du même fait si cela est possible que vous adresser toute mon courrier à mes (2) noms de famille, mais chèque aussi car je porté le nom de famille à mon père et ma mère ici au B.C. il sont vraiment sur les principe. Pour facilité la réception de mon courier j’apricirais que vous marquer mes 2 non de famille et mon numéro de dossier. [sic]

 

 

 

[22]           À cette même date, le travailleur consulte un médecin au Centre de détention de la Colombie-Britannique. Ce médecin complète une attestation médicale sur laquelle il retient un diagnostic de blessure ligamentaire à la cheville et au genou droits. Il prévoit un arrêt du travail de plus de 60 jours.

[23]           Le travailleur complète également un formulaire « Réclamation du travailleur » sur lequel il note être victime d’une lésion professionnelle le 21 décembre 1998 et sur lequel il inscrit ce qui suit à la case « Description de l’événement » :

Vous l’aver déjà ma première réclamation tout est inscrit.

 

Cela fait presque 11 mois que je n’ais pus recommencer à travailler vu que je suis encor invalide. [sic]

 

 

 

[24]           Le 30 novembre 1999, l’agent d’indemnisation de la CSST indique que, après avoir reçu les notes de consultation du 23 février 1999, il modifie la date de capacité d’exercer l’emploi au 23 février 1999 puisque la lésion du travailleur est consolidée à cette date. Encore une fois, cette intention ne fait pas l’objet d’une décision de la CSST.

[25]           Le 6 décembre 1999, la CSST signale avoir reçu la réclamation du travailleur pour une récidive, rechute ou aggravation le 15 novembre 1999. Elle refuse cette réclamation car il n’y a pas de preuve de détérioration objective de son état de santé.

[26]           Le 6 décembre 1999, la CSST rend une seconde décision en ces termes :

Nous vous avisons que des sommes vous ont été versées en trop par suite de votre réclamation pour la lésion professionnelle du 21 décembre 1998. En effet, vous avez reçu des indemnités de remplacement du revenu jusqu’au 29 avril 1999 alors que vous étiez capable d’exercer votre emploi à compter du 23 février 1999. On vous a ainsi versé des indemnités pendant 66 de trop. Vous devez donc 2004.42$ à la CSST.

 

 

 

[27]           Le travailleur demande la révision de ces décisions. Il explique que, à la suite de son transfert à la prison de Trois-Rivières, il n’a pu obtenir de rapports médicaux pour la CSST. Il a dû profiter d’un congé pour rencontrer le docteur Louis Grenier en avril 1999. Ce médecin constate des problèmes résiduels et il prescrit des traitements de physiothérapie. Toutefois, le médecin du Centre de détention de Trois-Rivières refuse de donner suite à cette prescription. Par la suite, le travailleur est transféré au Centre de détention de Colombie-Britannique et, après quatre mois de démarches et de nombreuses plaintes, il réussit à voir un médecin qui complète les documents pour la CSST. Il demande à la CSST de tenir compte de l’ensemble de ces circonstances.

[28]           Effectivement, en mars ou avril 1999, le travailleur rencontre le docteur Louis Grenier à la Clinique médicale de Saint-Agapit. Il note ce qui suit :

Pt qui a été impliqué dans un accident de travail le 21 décembre 98. A été mis en arrêt, un Dx de Contusion et entorse mains drte, genou drt et cheville drte a été retenu.

Act. il a été consolidé mais présente encore des séquelles douloureuses surtout au niveau de sa cheville et de son genou.

 

On note également une sensibilité au niveau de la face dorsale de la main drte ou on note également une lég. induration au niveau du 2ème métacarpe.

 

Au niveau du genou on note un mvt de flexion extension normal. Le stress en varrus-valgus est normal.

 

Le signe de rabot est positif ce qui laisse porté un Dx de Syndrome fémoro-patellaire post-traumatique.

 

Au niveau de la cheville, on note une douleur qui est augm. par l’inversion ce qui signe une atteinte encore une fois des ligaments au niveau de la face externe du pied.

 

Le pt devrait projeter de la physio. à raison de 3/sem. pour 3 semaines étant donné qu’il est incapable de prendre des anti-infl.

 

Il devra également appl. localement de la glace de façon rég. pour sa jambe et également quoi faire pour étirer sa musculature au niveau de son membre inf. droit.

 

 

 

[29]           Par ailleurs, le 3 novembre 1999, le travailleur rencontre un médecin, dont le nom est illisible, au Centre de détention de Colombie-Britannique. Il note l’accident survenu le 21 décembre 1998 et la sensibilité persistante aux ligaments de la cheville droite. Il indique qu’il tentera d’obtenir le dossier médical du travailleur.

[30]           Le 5 janvier 2000, le travailleur est examiné par le docteur Sommerville. Il observe une douleur au genou droit et à la cheville droite. Il prescrit une orthèse au genou. Il remarque également la présence d’une douleur au dos et il s’interroge sur le lien existant entre cette condition et les conséquences de l’accident.

[31]           Le 17 janvier 2000, le travailleur rencontre un physiothérapeute pour un problème d’instabilité à la cheville droite.

[32]           Le 8 février 2000, le physiothérapeute indique une perte d’amplitude des mouvements de la cheville droite dans toutes les directions et il entreprend des traitements dans le but de corriger la posture du travailleur et améliorer la force et la mobilité de la cheville droite.

[33]           Le 9 février 2000, une radiographie du genou droit et de la cheville droite est prescrite mais les résultats ne se retrouvent pas au dossier.

[34]           Par la suite, le travailleur dépose de nombreuses plaintes dans le but de recevoir les soins appropriés à son état.

[35]           Le 21 juin 2000, la révision administrative maintient les décisions rendues par la CSST le 6 décembre 1999 d’où le présent litige.

[36]           Enfin, le travailleur fournit certains documents émanant des centres de détention fréquentés en 2001. Ces documents démontrent qu’il souffre toujours de douleurs à la cheville, à la main et au genou droits et qu’il a de la difficulté à obtenir les soins qu’il réclame.

[37]           Le travailleur témoigne par voie de visioconférence puisqu’il est présentement détenu au Centre de détention de Renous au Nouveau-Brunswick.

[38]           Il explique que, le 21 décembre 1998, il est détenu au Centre de détention de Saint-Jérôme et il œuvre comme journalier à l’atelier de cet établissement. Ce travail consiste en une foule de petits travaux manuels allant du classement des ustensiles au déchargement des remorques.

[39]           Le 21 décembre 1998, il s’affaire à décharger une remorque. Il est à l’intérieur de la remorque et il place les boîtes à proximité de la porte de la remorque de façon à ce que le chariot-élévateur puisse les saisir et les déplacer.

[40]           Or, le chariot-élévateur se prend dans la neige. De la boîte du camion, il tente de le pousser pour le dégager. Ce faisant, il perd l’équilibre et il glisse par terre entre le chariot-élévateur et le camion. Sa jambe droite se coince sous les roues du chariot-élévateur et en essayant de dégager sa jambe, sa main droite est également écrasée.

[41]           Il est amené à l’hôpital de Saint-Jérôme où on lui appose un plâtre à la cheville droite, une orthèse au genou droit et de la glace et un pansement à la main droite.

[42]           Quelques semaines après son accident, il est transféré au Centre de détention de Trois-Rivières. Il y reste de quatre à cinq mois. Il y rencontre le docteur Trahan qui refuse systématiquement de fournir tout document à la CSST.

[43]           Il se rend deux fois au Centre hospitalier de Trois-Rivières. Il consulte l’orthopédiste de garde qui lui enlève son plâtre. Il explique que, lorsqu’un détenu se rend au Centre hospitalier, il est sous bonne garde et les consultations vont rondement. Il ne se rappelle pas que l’orthopédiste de garde lui ait mentionné que ses lésions étaient guéries.

[44]           En avril 1999, il profite d’un congé pour visite familiale pour rencontrer son médecin de famille, le docteur Louis Grenier. Ce dernier constate des problèmes résiduels à la cheville et au genou droits et il prescrit des traitements de physiothérapie. Toutefois, le docteur Trahan du Centre de détention de Trois-Rivières refuse de le laisser recevoir ces traitements à l’externe et aucun service de physiothérapie n’existe au Centre de détention. Le travailleur ne reçoit donc pas les traitements prescrits par le docteur Grenier.

[45]           Par la suite, le travailleur est transféré au Centre de détention de Kamloops en Colombie-Britannique.

[46]           Il ressent toujours des douleurs à la cheville et au genou droits. Il a aussi mal au dos à cause de la posture déficiente et de la boiterie engendrées par ses douleurs au membre inférieur droit. Il demande donc de voir un médecin.

[47]           Le travailleur explique qu’il n’est pas simple de voir un médecin en prison. Il faut faire une requête et attendre qu’il soit disponible.

[48]           En novembre 1999, il rencontre un médecin qui accepte de fournir des rapports à la CSST. Il fait alors mention de son accident et des problèmes de douleurs au dos, à la cheville et au genou droits. Le médecin le dirige en orthopédie et il lui prescrit une orthèse pour la cheville et le genou. On lui donne également un dépliant avec des exercices à accomplir.

[49]           En juin 2000, le travailleur se retrouve au Centre de détention de Québec. Il profite d’un congé pour rencontrer de nouveau le docteur Grenier en septembre 2000. Il dépose un document rédigé par le docteur Grenier et relatant cette visite en ces termes :

Il fut revu en date du 06-09-2000 […] pour séquelles douloureuses au niveau du genou droit et de la cheville droite, suite à une entorse qui serait survenue en 1998. Le patient nous parle également d’un syndrôme douloureux à la région lombaire, qui se manifeste de façon intermittente.

 

Examen, laisse voir une sensibilité à la mobilisation du genou, et le stress en varrus-valgus est négatif. Pas d’instabilité. Le patient devra passer une investigation radiologique. Il fut libéré avec Vioxx et Pentaloc. [sic]

 

 

 

[50]           Il est, par la suite, transféré au Centre de détention de Springhill en Nouvelle-Écosse.

[51]           Il y rencontre quelques médecins et une physiothérapeute mais le tout ne va pas sans heurt. Il doit formuler un bon nombre de plaintes pour avoir droit aux soins qu’il considère appropriés. Il est actuellement sur une liste d’attente dans le but de rencontrer un orthopédiste.

[52]           Le travailleur précise ne jamais avoir eu de problèmes à la main droite, à la cheville droite et au genou droit avant l’événement de décembre 1998.

[53]           Par ailleurs, il n’a eu aucun autre accident par la suite et il n’a pas été impliqué dans des bagarres ou des bousculades aux centres de détention qu’il a fréquentés. Il n’a pas fait de sport puisqu’il estime qu’il n’est plus en état d’en faire depuis l’événement.

[54]           En outre, le travailleur indique ne pas avoir reçu la lettre rédigée le 3 juin 1999 par la CSST.

[55]           À cette époque, le courrier devait être acheminé chez son oncle. Or, ce dernier décide de ne plus s’en occuper.

[56]           De son côté, il essaie de communiquer son changement d’adresse à la CSST. Il téléphone quatre à cinq fois et il laisse des messages dans la boîte vocale de son agent mais il ne réussit pas à lui parler directement.

[57]           La Commission des lésions professionnelles retrouve au dossier à ce sujet deux messages laissés à l’agent d’indemnisation, les 22 mars et 27 mai 1999, qui sont libellés comme suit :

22 mars 1999 : Il tente de te rejoindre. Tu ne peux rappeler car il est dans un centre de détention.

 

27 mai 1999 : Le T demande que quelqu’un envoie un fax cet après-midi à sa banque a/s de Line Charest […]

 

Il veut qu’on envoie le relevé des chèques qu’il a reçus de nous. […]

 

Aussi, paiement arrêté depuis 29/4 pourquoi? Monsieur se plaint qu’il essaie de te rejoindre depuis 3 sem.

 

 

 

[58]           Le travailleur poursuit son témoignage en précisant que, le 15 novembre 1999, il complète un formulaire « Réclamation du travailleur ». Ce document lui est fourni par la CSST qui l’incite à le remplir puisque son premier formulaire ne serait plus valide. En ce qui le concerne, son état n’est pas une rechute de son accident mais bien la suite de ce dernier.

[59]           La représentante de la CSST s’en remet à la preuve retrouvée au dossier.

L'ARGUMENTATION DES PARTIES

[60]            Le représentant du travailleur souligne l’importance du traumatisme affectant ce dernier le 21 décembre 1998.

[61]           Il indique que le rapport du docteur Antoniades ne permet pas d’établir que la lésion professionnelle est consolidée sans atteinte permanente et sans limitations fonctionnelles le 23 février 1999. En effet, le docteur Antoniades note toujours de la douleur et de l’œdème à cette date. La simple mention d’une consolidation, surtout dans un contexte carcéral où le travailleur ne fait l’objet d’aucun suivi médical régulier, ne peut suffire à mettre fin au versement de l’indemnité de remplacement du revenu.

[62]           De plus, si cette lésion avait été consolidée à cette date, le docteur Grenier et les médecins du pénitencier de Kamloops n’auraient pas constaté de problèmes ou initié d’autres traitements.

[63]           En outre, le représentant du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de tenir compte du milieu carcéral dans l’évaluation de ce dossier. Ainsi, bien que la loi relative au système correctionnel incite les centres de détention à fournir des services de santé, l’accès à ces services est limité comme le démontrent les nombreuses plaintes formulées par le travailleur à ce sujet.

[64]           Par ailleurs, le travailleur n’a jamais envisagé son dossier sous l’angle de la récidive, rechute ou aggravation. C’est la CSST qui l’oriente sur cette voie. Le travailleur a toujours prétendu, même dans le formulaire qu’il complète à la demande de cet organisme, que ses problèmes sont la continuité de ceux constatés depuis la lésion professionnelle subie le 21 décembre 1998.

[65]           Le représentant du travailleur cite plusieurs dispositions législatives. Il soutient que le médecin traitant de ce dernier est le docteur Grenier. Or, les trouvailles du docteur Grenier sont confirmées par les médecins du Centre de détention de Kamloops et la CSST est liée par les diagnostics émis et les traitements suggérés par ces médecins.

[66]           Le représentant du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’accueillir la requête déposée par ce dernier et de déclarer que la lésion professionnelle du 21 décembre 1998 n’est pas consolidée le 23 février 1999, que le travailleur a toujours besoin de traitements et qu’il a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu.

[67]           Il dépose deux décisions soutenant son argumentation[1].

[68]           La représentante de la CSST soutient que, aux fins de sa lésion professionnelle, le docteur Antoniades est le médecin traitant du travailleur. Or, ce dernier consolide sa lésion professionnelle le 23 février 1999 et le travailleur ne peut contester cette opinion. Les documents médicaux fournis le 15 novembre 1999 ne peuvent donc être envisagés que sous l’angle de la récidive, rechute ou aggravation.

[69]           Les rapports médicaux fournis par le docteur Grenier ou par les médecins du Centre de détention de Kamloops ne font état que de séquelles douloureuses sans constatation objective ; ils sont donc insuffisants pour reconnaître une récidive, rechute ou aggravation à cette date.

[70]           De plus, la représentante de la CSST est perplexe face au refus des médecins d’émettre des rapports médicaux à la CSST ou de rencontrer le travailleur en milieu carcéral. Elle suggère que ces refus indiquent qu’il n’y a pas matière à faire de tels rapports ou à procéder à de telles rencontres puisque la lésion est guérie et que le travailleur n’a plus besoin de soins. Elle conclut que la lésion du travailleur est consolidée avec des séquelles douloureuses non objectivées ne permettant pas d’indemniser ce dernier.

[71]           En outre, la représentante de la CSST rappelle la décision du 3 juin 1999. Elle note que cette décision n’a pas été contestée. Or, cette décision indique que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu est cessé faute d’informations de la part du travailleur. Cet élément s’ajoute à la consolidation de la lésion pour justifier l’arrêt du versement de l’indemnité et le remboursement réclamé.

[72]           Enfin, la représentante de la CSST soutient que toutes les actions prises par cet organisme dans ce dossier sont bien fondées compte tenu des informations mises à sa disposition.

[73]           Ainsi, le docteur Antoniades consolide la lésion du travailleur en février 1999. Or, le travailleur n’avise pas la CSST de cette consolidation bien qu’il ait l’obligation de le faire selon l’article 133 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi). La CSST poursuit, sans droit, le versement de l’indemnité de remplacement du revenu et elle a donc raison d’en réclamer le remboursement.

[74]           De plus, le 3 juin 1999, la CSST avise le travailleur de la cessation du versement de l’indemnité de remplacement du revenu vu l’absence d’informations médicales concernant son état de santé.

[75]           Ce n’est que le 15 novembre 1999 que le travailleur fournit cette information. Or, comme mentionné précédemment, cette information médicale ne permet pas de reconnaître une récidive, rechute ou aggravation à cette date.

[76]           Le travailleur n’a donc pas fait tous les efforts possibles pour informer la CSST et aucun motif ne permet de maintenir le versement de l’indemnité de remplacement du revenu au-delà des sommes déjà payées par cet organisme.

[77]           Elle demande donc à la Commission des lésions professionnelles de maintenir les décisions rendues par la révision administrative dans ce dossier.

L'AVIS DES MEMBRES

[78]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis qu’il y a lieu d’accueillir la requête déposée par le travailleur et de déclarer que la lésion professionnelle survenue le 21 décembre 1998 n’est pas consolidée le 23 février 1999 et que les soins reçus à compter du 15 novembre 1999 ne sont pas reliés à une récidive, rechute ou aggravation mais constituent une continuité du suivi médical amorcé à la suite de la lésion professionnelle. Le travailleur n’a donc pas à rembourser l’indemnité de remplacement du revenu versée puisque sa lésion n’est pas consolidée.

[79]           En effet, il ressort de l’ensemble de la documentation médicale que la lésion du travailleur n’est pas consolidée le 23 février 1999. Le médecin note des douleurs résiduelles et un œdème à cette date.

[80]           De plus, en avril 1999, le docteur Grenier constate des problèmes et prescrit des traitements pour ces derniers. Les difficultés d’obtenir des soins adéquats en milieu carcéral ne peuvent faire perdre les droits dont bénéficie le travailleur en vertu de la loi.

[81]           Le membre issu des associations d’employeurs est aussi d’avis qu’il y a lieu d’accueillir la requête déposée par le travailleur. Il estime que, le 23 février 1999, les informations dont dispose la CSST sont insuffisantes pour conclure que la lésion professionnelle est consolidée et que le travailleur est en mesure d’exercer son emploi prélésionnel. En effet, aucun rapport final n’est émis et aucune évaluation médicale des séquelles possibles et des limitations fonctionnelles n’est effectuée. La CSST ne peut donc mettre fin au versement de l’indemnité de remplacement du revenu le 23 février 1999 et traiter l’information médicale postérieure sous l’angle de la récidive, rechute ou aggravation.

[82]           Par ailleurs, comme la CSST ne peut mettre fin à ce versement, elle ne peut en réclamer le remboursement.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[83]           La contestation initiée par le travailleur comporte plusieurs volets qui peuvent se résumer comme suit :

-la lésion professionnelle du 21 décembre 1998 est-elle consolidée le 23 février 1999 ? ; le travailleur est-il en mesure d’exercer son travail à cette date ? ; la CSST pouvait-elle mettre fin au versement de l’indemnité de remplacement du revenu le 23 février 1999 ? ; le travailleur a-t-il reçu sans droit une indemnité de remplacement de revenu du 23 février 1999 au 29 avril 1999 ?

-la lettre du 3 juin 1999 est-elle une décision et, dans l’affirmative, quel est l’impact de cette dernière ?

-le travailleur a-t-il été victime d’une récidive, rechute ou aggravation le 15 novembre 1999 ? ou les soins reçus à compter de novembre 1999 s’inscrivent-ils dans la continuité des soins reçus depuis la survenue de la lésion professionnelle ?

La consolidation de la lésion professionnelle survenue le 21 décembre 1998, la capacité de travail du travailleur, le droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu et la fin du versement de cette indemnité

[84]           La CSST réclame au travailleur la somme de 2 004,42$ à titre d’indemnité de remplacement du revenu versée en trop puisqu’elle détermine que la lésion survenue le 21 décembre 1998 est consolidée le 23 février 1999, que le travailleur est en mesure de reprendre son emploi à cette date et qu’il a, en conséquence, reçu sans droit l’indemnité de remplacement du revenu versée du 23 février au 29 avril 1999.

[85]           L’article 2 de la loi édicte qu’une lésion est consolidée lorsqu’elle est guérie ou lorsqu’elle est stabilisée et qu’aucune amélioration de l’état de santé du travailleur n’est prévisible.

[86]           De son côté, la capacité de travail d’un travailleur n’est pas définie à la loi. Elle s’infère de la guérison de la lésion ; ainsi, une lésion guérie ne devrait pas empêcher un travailleur de reprendre son travail régulier. Toutefois, lorsque la lésion est stabilisée sans guérison complète, la capacité de travail du travailleur doit faire l’objet d’une évaluation spécifique qui tient compte de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles découlant de la lésion professionnelle.

[87]           Or, le seul document permettant à la CSST d’établir la consolidation de la lésion au 23 février 1999 est la note de consultation du docteur Antoniades qui mentionne de façon laconique « consolidation 23/2 » sans détailler davantage.

[88]           Pourtant, dans ce même document, le docteur Antoniades inscrit qu’une douleur est toujours présente à la cheville et à la jambe droites et que l’œdème à la cheville est en voie de régression.

[89]           La Commission des lésions professionnelles ne peut donc conclure, sur la base de ce document, que la lésion est guérie ou stable sans possibilité d’amélioration.

[90]           En fait, la Commission des lésions professionnelles estime que, vu l’ambiguïté découlant de cette note, la CSST aurait dû s’enquérir de l’état de santé du travailleur ou, à tout le moins, réclamer un rapport final confirmant cette note. En l’absence de l’une ou l’autre de ces démarches, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’elle ne possède pas les éléments de preuve lui permettant de conclure que la lésion professionnelle, survenue le 21 décembre 1998, est consolidée le 23 février 1999.

[91]           De plus, en avril 1999, le docteur Grenier constate des douleurs résiduelles au site de la lésion professionnelle et il suggère des traitements de physiothérapie. Ces données sont peu compatibles avec la présence d’une lésion professionnelle consolidée par guérison ou stabilisation.

[92]           En outre, aucun rapport médical ne statue sur l’existence ou la non-existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles découlant de cette lésion professionnelle. Or, un tel rapport est essentiel à la détermination de la capacité de travail du travailleur. En effet, la CSST ne peut statuer sur la capacité de travail du travailleur avant de s’être assurée qu’il ne résulte aucune atteinte permanente ou limitation fonctionnelle de sa lésion professionnelle ou, lorsqu’une telle atteinte permanente ou de telles limitations fonctionnelles existent, avant de s’être assurée de la compatibilité de cette atteinte et de ces limitations avec le travail accompli par le travailleur. La CSST ne peut donc déterminer que le travailleur est capable d’exercer son emploi le 23 février 1999 puisque, à cette date, elle n’a en main aucun rapport médical se prononçant sur ces aspects de la lésion professionnelle.

[93]           Par ailleurs, la CSST ne peut mettre fin au versement de l’indemnité de remplacement du revenu le 23 février 1999. En effet, l’article 57 de la loi prévoit que le droit à l’indemnité de remplacement du revenu s’éteint lorsque le travailleur redevient capable d’exercer son emploi. Or, comme mentionné précédemment, la preuve disponible ne permet pas de conclure que le travailleur est redevenu capable d’exercer son emploi le 23 février 1999.

[94]           De plus, l’article 132 de la loi précise que la CSST cesse de verser une indemnité de remplacement du revenu à la date où elle reçoit du médecin qui a charge du travailleur un rapport indiquant la date de consolidation de sa lésion professionnelle et le fait que ce dernier n’en garde aucune limitation fonctionnelle.

[95]           La note du 23 février 1999 du docteur Antoniades ne comporte aucun énoncé au sujet des limitations fonctionnelles. Elle ne peut donc justifier la cessation du versement de l’indemnité de remplacement du revenu.

[96]           Il est vrai que la représentante de la CSST soutient que le travailleur reçoit, sans droit, une indemnité de remplacement du revenu du 23 février au 29 avril 1999 et que la CSST peut récupérer ce montant selon l’article 133 de la loi. Cependant, la Commission des lésions professionnelles ne peut en venir à une telle conclusion.

[97]           L’article 133 de la loi permet à la CSST de recouvrer le montant d’une indemnité de remplacement du revenu reçue sans droit depuis la date de consolidation de la lésion lorsque le travailleur a été informé, par le médecin qui en a charge, de la date de consolidation de sa lésion et du fait qu’il n’en garde aucune limitation fonctionnelle.

[98]           Or, il ressort du témoignage du travailleur à l’audience que, compte tenu des conditions dans lesquelles un détenu est escorté lors de ses visites à l’hôpital, ce dernier a rencontré rapidement le docteur Antoniades qui ne l’a pas avisé de la consolidation de sa lésion ou de l’existence ou de la non-existence de limitations fonctionnelles. Les sommes versées ne peuvent donc être recouvrées conformément à l’article 133 de la loi. De plus, les informations fournies par le docteur Antoniades ne permettent pas de conclure que la lésion professionnelle subie par le travailleur est consolidée sans atteinte permanente ou limitations fonctionnelles. Le travailleur avait donc le droit de recevoir une indemnité de remplacement du revenu du 23 février 1999 au 29 avril 1999 et la CSST ne peut en réclamer le remboursement.

[99]           La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que la lésion professionnelle survenue le 21 décembre 1998 n’est pas consolidée le 23 février 1999, que le travailleur n’est pas en mesure de reprendre son travail à cette date, qu’il n’a pas reçu sans droit l’indemnité de remplacement du revenu du 23 février au 29 avril 1999 et qu’il n’a donc pas à rembourser la somme de 2 004,42 $ réclamée par la CSST.

La nature et l’impact de la lettre du 3 juin 1999

[100]       La représentante de la CSST soutient que la lettre du 3 juin 1999 est une décision finale qui doit produire des effets. Or, cette décision avise le travailleur de la cessation du versement de l’indemnité de remplacement du revenu vu l’absence d’informations médicales fournies par le travailleur. Cette décision justifie également l’arrêt du versement de l’indemnité de remplacement du revenu.

[101]       Avec respect, la Commission des lésions professionnelles ne peut retenir cette prétention.

[102]       D’une part, la Commission des lésions professionnelles demeure perplexe face au processus adopté par la CSST dans ce dossier. En effet, l’agent d’indemnisation de la CSST cesse le versement de l’indemnité de remplacement du revenu, le 29 avril 1999, au motif que le travailleur a quitté le Centre de détention de Trois-Rivières. Il ne rend, cependant, aucune décision formelle à ce sujet. Or, le fait d’avoir quitté un centre de détention ne constitue pas un motif permettant de mettre fin, de façon occulte, au versement de l’indemnité de remplacement du revenu.

[103]       D’autre part, le 3 juin 1999, la CSST s’adresse au travailleur dans une missive intitulée « Demande de renseignements ». Elle l’avise alors, pour la première fois, de la cessation du versement de l’indemnité de remplacement du revenu le 29 avril 1999 et du motif de cet arrêt, à savoir l’absence d’informations au sujet de sa visite médicale auprès du docteur Grenier. La CSST réclame alors le compte-rendu de cette visite médicale et le plan de traitement prescrit. Pourtant, le 12 avril 1999, le travailleur communique avec l’agent d’indemnisation et lui fait part des conclusions du docteur Grenier et des traitements qu’il prescrit. La CSST n’est donc pas laissée dans l’ignorance sur cette question.

[104]       Par ailleurs, cette lettre ne fait aucune mention des droits de contestation du travailleur et du délai pour ce faire. La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que cette lettre n’est pas une décision ; elle s’assimile plutôt à une simple demande de renseignements où il est fait état d’une décision occulte rendue précédemment. Cette lettre n’a donc pas l’impact que lui prête la représentante de la CSST.

[105]       De plus, cette lettre ne fait aucunement état de la base légale permettant la cessation du versement de l’indemnité de remplacement du revenu le 29 avril 1999. Cependant, une revue des dispositions législatives pertinentes oriente la Commission des lésions professionnelles vers l’article 142 de la loi.

[106]       L’article 142 de la loi permet à la Commission des lésions professionnelles de réduire ou suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu si le travailleur refuse ou néglige de fournir les renseignements qu’elle requiert ou si le travailleur, sans raison valable, omet ou refuse d’informer son employeur du fait que son médecin a consolidé sa lésion avec ou sans limitations fonctionnelles.

[107]       Or, les faits en preuve ne démontrent aucune de ces situations. En effet, aucune preuve ne permet de conclure que le travailleur refuse ou néglige de fournir les renseignements que la CSST requiert.

[108]       D’une part, la Commission des lésions professionnelles ne retrouve au dossier aucune demande formelle de la CSST au sujet du suivi médical du travailleur hormis la lettre du 3 juin 1999.

[109]       La CSST ne peut donc prétendre que le travailleur refuse ou néglige de fournir des renseignements qu’elle n’a pas requis précédemment.

[110]       D’autre part, le travailleur communique avec l’agent d’indemnisation, dès le 15 avril 1999, pour l’aviser des conclusions du docteur Grenier. Par la suite, en mai 1999, le travailleur essaie de communiquer avec l’agent pour s’enquérir des motifs expliquant l’arrêt du versement de l’indemnité de remplacement du revenu. La Commission des lésions professionnelles ne peut donc conclure que le travailleur fait défaut d’informer la CSST.

[111]       Il est certes difficile pour le travailleur de renseigner la CSST au sujet de sa situation vu sa vie en milieu carcéral et ses nombreux transferts de centres de détention. La Commission des lésions professionnelles ne peut toutefois conclure que ce dernier néglige ou refuse de fournir des renseignements. La CSST ne peut donc se baser sur cette partie de l’article 142 de la loi pour justifier l’arrêt des prestations.

[112]       En outre, la Commission des lésions professionnelles considère que le travailleur n’a pas, sans raison valable, omis ou refusé d’informer son employeur du fait que son médecin traitant avait consolidé sa lésion avec ou sans limitations fonctionnelles. En effet, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion que la lésion du travailleur n’est pas consolidée le 23 février 1999. De plus, le travailleur n’a pas été avisé de cette note laconique du docteur Antoniades. Enfin, le docteur Antoniades ne traite aucunement de la question des limitations fonctionnelles. Cette partie de l’article 142 de la loi ne peut également servir d’appui à la cessation du versement de l’indemnité de remplacement du revenu.

[113]       La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que la lettre du 3 juin 1999 ne constitue qu’une simple demande de renseignements et qu’elle ne justifie, d’aucune façon, la cessation du versement de l’indemnité de remplacement du revenu le 29 avril 1999.

Les soins reçus à compter du 15 novembre 1999 : récidive, rechute ou aggravation ou continuité des traitements reliés à la lésion professionnelle survenue le 21 décembre 1998 ?

[114]       La CSST traite la réclamation du travailleur et l’attestation médicale émise le 15 novembre 1999 sous l’angle de la récidive, rechute ou aggravation puisqu’elle considère que la lésion professionnelle initiale est consolidée le 23 février 1999.

[115]       Or, comme mentionné précédemment, la Commission des lésions professionnelles ne retient pas cette interprétation des notes médicales du docteur Antoniades. Ces notes ne peuvent donc justifier la démarche entreprise par la CSST dans ce dossier.

[116]       De plus, il ressort de l’ensemble du dossier médical du travailleur que sa lésion au membre inférieur droit est toujours active en mars 1999, lors de sa conversation téléphonique avec un agent de la CSST, et en avril et en novembre 1999, lors de ses consultations auprès du docteur Grenier et auprès du médecin affecté au Centre de détention de Kamloops, puisque le travailleur avise l’agent d’indemnisation qu’il porte toujours une orthèse et puisque les médecins consultés constatent des problèmes pour lesquels ils prescrivent des traitements de physiothérapie, des orthèses et une consultation en orthopédie.

[117]       Par ailleurs, c’est à la suite d’une suggestion de la CSST que le travailleur remplit une nouvelle réclamation. Cependant, il ressort clairement de ce document que ce dernier ne décrit pas de problèmes qui seraient réapparus après la guérison de sa lésion ; il décrit plutôt des problèmes qui s’inscrivent dans la continuité de ceux constatés lors de la lésion initiale.

[118]       La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que l’information médicale fournie le 15 novembre 1999 ne doit pas être envisagée sous l’angle d’une récidive, rechute ou aggravation mais bien comme une poursuite du suivi médical amorcé à la suite de la lésion professionnelle survenue le 21 décembre 1998.

[119]       La Commission des lésions professionnelles infirme donc la décision rendue par la révision administrative.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête déposée par le travailleur, monsieur Éric Lefebvre, le 12 juillet 2000 ;

INFIRME la décision rendue par la révision administrative le 21 juin 2000 ;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas été victime d’une récidive, rechute ou aggravation, le 15 novembre 1999, mais bien d’une continuité des symptômes développés à la suite de la lésion professionnelle subie le 21 décembre 1998 ;

DÉCLARE que le travailleur a droit au versement des indemnités prévues à la loi ;

DÉCLARE que la CSST ne pouvait mettre fin au versement de l’indemnité de remplacement du revenu le 23 février ou le 29 avril 1999 ;

DÉCLARE que le travailleur ne doit pas rembourser la somme de 2 004,42$ représentant l’indemnité de remplacement du revenu versée du 23 février 1999 au 29 avril 1999.

 

 

 

Me Carmen Racine

 

Commissaire

 

 

 

 

 

RÉNALD GUILBAULT (S.S.T.)

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

PANNETON LESSARD

Me Karine Morin

 

Représentante de la partie intervenante

 

 

 



[1]          Brault & Martineau inc. et Beaudoin, C.A.L.P. 82190-60-9608, le 6 octobre 1997, B. Lemay ; Lebel et Établissement de détention de Montréal, C.A.L.P. 42882-62-9208, le 29 septembre 1995, B. Lemay.

[2]          L.R.Q., c. A-3.001.

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