COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Mauricie-

Centre-du-Québec

DRUMMONDVILLE

 

Le

11 août 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

193400-04B-0210

DEVANT la COMMISSAIRE :

Me Diane Lajoie

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉe DES MEMBRES :

Michel Simard

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Régis Gagnon

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIERS CSST :

121181382-1

121181382-2

AUDIENCE TENUE LE :

8 juillet 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Trois-Rivières

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JOCELYNE BEAUCHEMIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

HÔPITAL CHRIST-ROI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 25 octobre 2002, la travailleuse, madame Jocelyne Beauchemin, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle elle conteste une décision rendue le 17 septembre 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), à la suite d’une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST, d’une part, confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 24 juillet 2002 et déclare que la travailleuse est capable d’exercer son travail depuis le 23 juillet 2002 et qu’en conséquence, elle n’a plus droit aux indemnités prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) après cette date (R - 11281382‑00001).

[3]               D’autre part, la CSST déclare irrecevable la demande de révision de la travailleuse quant à la décision rendue initialement le 29 juillet 2002 et déclarant que la lésion professionnelle du 1er août 2001 n’a causé aucune atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, la CSST étant liée par les conclusions médicales du médecin de la travailleuse. En conséquence, la travailleuse n’a pas droit à une indemnité pour dommages corporels (R‑121181382-00002).

[4]               À l’audience, la travailleuse et l’employeur, Hôpital Christ-Roi[2], sont présents et représentés.

 

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[5]               La travailleuse conteste seulement la partie de décision relative à sa capacité d’exercer son emploi (00001). Elle demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la décision rendue par la CSST à ce sujet est prématurée puisque le rapport d’évaluation médicale (REM) portant sur les limitations fonctionnelles produit par le docteur Mario Giroux, orthopédiste, le 11 avril 2002 et corrigé le 10 juillet 2002, ne lie pas la CSST.

[6]               En effet, la travailleuse prétend que le docteur Giroux n’est pas le médecin qui a charge et que même si on le considérait comme tel, son rapport ne peut être liant au sens de la loi puisque la docteur Giroux n’a pas rempli adéquatement le mandat que lui a confié le docteur Jean Blondin, médecin qui a charge de la travailleuse.

[7]               En conséquence, la travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de retourner le dossier à la CSST dans l’attente que soit faite l’évaluation des limitations fonctionnelles par le médecin qui a charge de la travailleuse, le docteur Blondin.

 

L'AVIS DES MEMBRES

[8]               Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que le docteur Giroux est devenu, aux fins de l’évaluation des limitations fonctionnelles, le médecin qui a charge de la travailleuse, ce mandat d’évaluation lui ayant été confié par le docteur Blondin, jusqu’alors médecin qui a charge de la travailleuse.

[9]               Quant à son rapport d’évaluation médicale, il est conforme à l’article 203 de la loi et, en conséquence, la CSST et la Commission des lésions professionnelles y sont liées, conformément à l’article 212 de la loi.

 

LES FAITS ET LES MOTIFS

[10]           La travailleuse conteste la décision de la CSST qui la déclare apte à exercer son emploi depuis le 23 juillet 2002. Elle prétend que cette décision est prématurée puisque la CSST ne bénéficie pas d’une évaluation valable des limitations fonctionnelles reliées à la lésion professionnelle du 1er août 2001.

[11]           Quant à l’employeur, il prétend au contraire que le REM fait par le docteur Giroux, alors médecin qui a charge de la travailleuse, est conforme à l’article 203 de la loi et lie en conséquence la CSST et la Commission des lésions professionnelles. La travailleuse ne peut donc pas contester les conclusions médicales de son propre médecin et la CSST était justifiée de conclure à sa capacité de travail sur la base de ce REM.

[12]           La Commission des lésions professionnelles doit donc déterminer si le docteur Giroux est le médecin qui a charge et si son REM lie la CSST et le présent tribunal.

[13]           Mais d’abord, il convient de rapporter les faits pertinents au présent litige.

[14]           Madame Beauchemin est préposée aux bénéficiaires pour l’employeur depuis février 1998. Le 1er août 2001, elle se blesse au dos en prodiguant des soins à deux patientes. Le 6 septembre 2001, la CSST accepte sa réclamation pour une entorse lombaire.

[15]           Il appert du dossier que le docteur Jean Blondin a pris en charge la travailleuse.

[16]           Le 27 novembre 2001, le docteur Henri-Louis Bouchard, orthopédiste membre du Bureau d'évaluation médicale (BEM), émet son avis. Il confirme le diagnostic d’entorse lombaire, déclare que la lésion n’est pas consolidée et recommande un programme d’exercices. Le 7 décembre 2001, la CSST rend une décision à la suite de cet avis du BEM.

[17]           Le 11 mars 2002, le docteur Blondin émet le rapport final. Il retient le diagnostic d’entorse lombaire et d’arthrose facettaire. Il fixe la consolidation au 11 mars 2002. Il prévoit des limitations fonctionnelles mais aucune atteinte permanente. Ainsi, la travailleuse ne conteste pas la partie de décision de la CSST rendue à la suite d’une révision administrative le 17 septembre 2002 quant à l’absence d’atteinte permanente (R-12181382-00002).

[18]           Sur le rapport final, le docteur Blondin écrit :

« A faire expertiser en orthopédie pour les limitations. » (Page 53 du dossier)

 

 

[19]           Il est admis par la travailleuse que c’est le docteur Blondin qui l’a référée au docteur Mario Giroux, orthopédiste, pour cette évaluation.

[20]           Dès maintenant, le tribunal conclut deux choses. D’abord, le rapport final émis le 11 mars 2002 par le docteur Blondin ne revêt pas de caractère liant pour la CSST ou la Commission des lésions professionnelles quant aux limitations fonctionnelles puisque ce rapport final ne remplit pas les exigences prévues par l’article 203 de la loi :

203. Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui‑ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.

 

Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant :

 

1° le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des dommages corporels adopté par règlement;

2° la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;

3° l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.

 

Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.

________

1985, c. 6, a. 203.

 

 

[21]           Bien qu’il prévoit que la lésion professionnelle entraîne des limitations, le docteur Blondin n’en fait pas la description au rapport final.

[22]           Ensuite, le tribunal conclut que le rapport qui lie la CSST et le tribunal est celui qui décrit les limitations fonctionnelles, soit en l’espèce, le REM produit par le docteur Giroux le 11 avril 2002.

[23]           La soussignée souscrit à l’opinion émise par la commissaire dans l’affaire Ferron[3] de même qu’à celle de la commissaire qu’elle cite :

« 23. Par conséquent, selon le tribunal, l’affirmation ou la négation de l’existence d’une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique ou de limitations fonctionnelles sur le formulaire de rapport médical final ne permet pas la description du pourcentage de l’atteinte permanente et celle des limitations fonctionnelles comme l’indique l’article 203 de la Loi.

 

24. La Commission d’appel en matière de lésions professionnelles3 et la Commission des lésions professionnelles4 se sont déjà prononcées sur cette question. Dans l’affaire Colgan, après avoir bien établi le droit applicable, la commissaire Joëlle L’Heureux s’exprime comme suit :

       L’affirmation ou la négation pure et simple de l’existence d’une atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles, demandée au formulaire de « rapport final » par la Commission, ne correspond à aucune des étapes de la procédure d’évaluation médicale prévue à la loi. L’article 203 paragraphes 2 et 3, prévoit spécifiquement qu’à la suite de la consolidation de la lésion, le médecin ayant charge du travailleur doit indiquer le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur d’après le barème des dommages corporels adopté par règlement(2) et doit décrire les limitations fonctionnelles du travailleur résultant de cette lésion.

 

       Le geste demandé par la Commission au médecin, par le biais du « rapport final », ne correspond pas au geste demandé par le législateur à l’article 203.

 

       Comme le législateur a aussi prévu que la Commission est liée par l’avis du médecin ayant charge du travailleur, il apparaît normal à la Commission d’appel que l’avis sur lequel la Commission devient liée corresponde à un sujet sur lequel la loi demande au médecin ayant charge du travailleur de se prononcer.

 

       De plus, l’absence de spécification sur la nature de la limitation fonctionnelle accordée, ou sur l’atteinte permanente dont est affligé le travailleur, rend ces séquelles abstraites. La limitation fonctionnelle, tout comme l’atteinte permanente, ne devient réelle, et donc applicable, ou encore contestable, que lorsqu’elle est décrite dans sa nature.

25. Le tribunal adhère à ces propos de la commissaire L’Heureux. Pour le tribunal, le rapport d'évaluation médicale sert à décrire la nature et le détail des séquelles. Plus spécifiquement, on peut y indiquer le détail et le pourcentage de l’atteinte permanente et procéder à l’évaluation des limitations fonctionnelles. Ce faisant, elles deviennent réelles, applicables et conséquemment contestables selon la procédure prévue.

 

_____________

3              Colgan et C.A. Champlain Marie-Victorin, [1995] C.A.L.P. 1201 .

4          Proulx et Fenêtres Charron, C.L.P. 84022-64-9611, 6 octobre 1998, J.-D. Kushner,              requête en révision rejetée 26 avril 1999

 

(2)      Règlement sur le barème des dommages corporels, Décret 1291-87 du 19/8/87, (1987) 119 G.O. II 5576»

 

 

[24]           En référant la travailleuse au spécialiste Giroux, le docteur Blondin refuse de faire lui-même l’évaluation des limitations fonctionnelles et délègue cette compétence au docteur Giroux. Par cette délégation de compétence, c’est le docteur Giroux qui devient, aux fins de l’évaluation des limitations fonctionnelles, le médecin qui a charge de la travailleuse[4].

[25]           Le 11 avril 2002, le docteur Giroux émet le REM. Au chapitre des limitations fonctionnelles, il conclut ainsi :

« Madame Beauchemin présente un problème de lombalgie persistant pour lequel, je crois qu’il y a un haut risque de rechute si celle-ci est retournée à son travail actuel. Je recommande donc qu’elle évite de travailler en se penchant vers l’avant dans les mouvements extrêmes, qu’elle évite de soulever des charges lourdes. Ces limitations fonctionnelles sont toutefois en relation avec le problème d’arthrose facettaire et sans relation avec l’événement traumatique du 1er août 2001. » (page 27)

 

 

[26]           Force est donc de constater que le docteur Giroux est d’opinion que les limitations fonctionnelles reconnues à la travailleuse ne sont pas reliées à la lésion professionnelle. Il n’est donc pas du même avis que le docteur Blondin qui, au rapport final, prévoyait l’existence de telles limitations en rapport avec la lésion professionnelle.

[27]           Toutefois, tel que déjà mentionné, le rapport final du 11 mars 2002 du docteur Blondin ne peut lier le tribunal quant aux limitations fonctionnelles puisqu’il n’en fait pas la description comme le requiert l’article 203 de la loi.

[28]           De plus, le tribunal est d’avis que le fait qu’il existe un désaccord entre le docteur Blondin et le docteur Giroux quant aux limitations fonctionnelles, ne rend pas le REM invalide et préserve le statut de médecin qui a charge du docteur Giroux pour cette évaluation. La Commission des lésions professionnelles a déjà reconnu ces principes. Dans l’affaire Fiset[5], le commissaire écrit :

« Il est vrai que le rapport final émis par le docteur Laliberté le 30 novembre 2000 mentionnait la présence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. Cependant, comme ce rapport ne comportait pas les éléments prévus par l’article 203, tels le pourcentage d’atteinte et la description des limitations fonctionnelles, il ne pouvait lier la CSST. »

 

[29]           Dans l’affaire Armatures Bois-Francs inc.[6], le commissaire conclut :

« Comme il a été décidé dans la cause Côté et Gestion Rémy Ferland inc. et CSST-Chaudière-Appalache, c’est donc le rapport d’évaluation médicale, dans le présent cas celui du docteur Tremblay, qui liait la CSST puisque c’est celui qui est conforme à l’article 203 de la loi, malgré certaines contradictions avec le rapport final du médecin traitant. »

 

 

[30]           Lorsque le médecin qui a charge refuse d’évaluer les limitations fonctionnelles et confie cette évaluation à un spécialiste, un orthopédiste dans le cas qui nous occupe, il lui délègue sa compétence sur ce point et s’en remet à son opinion. Sinon, pourquoi ne pas faire lui-même cette évaluation?

[31]           De plus, le tribunal est d’avis qu’en confiant l’évaluation de la travailleuse à un autre médecin, le docteur Blondin ne pouvait s’immiscer dans sa compétence au point d’imposer une conclusion au docteur Giroux.

[32]           Le tribunal est donc d’avis que le désaccord entre l’avis du médecin émis au rapport final et celui du médecin qui procède à l’évaluation ne peut être une justification à rejeter le REM.

[33]           Considérer la chose autrement permettrait de faire examiner à nouveau la travailleuse, par un autre médecin, et ce, jusqu’à ce que l’évaluateur en vienne à la même conclusion que le médecin qui confie le mandat. Le tribunal ne croit pas que ce soit là l’esprit de la loi qui édicte que le travailleur ne peut contester une question d’ordre médical sur laquelle la CSST est liée[7].

[34]           La Commission des lésions professionnelles constate de plus au dossier que le REM du docteur Giroux fut acheminé le 3 juillet 2002 au docteur Blondin. À cette date, la correction du 10 juillet 2002 portant sur l’évaluation du pourcentage d’atteinte permanente n’est pas encore faite, mais la CSST avise le docteur Blondin, au moment de la transmission du REM, que cette correction sera faite sous peu (page 100).

[35]           Il n’y a pas au dossier d’indications permettant de conclure que le docteur Blondin a signifié alors à la CSST son désaccord avec le REM du docteur Giroux.

[36]           Le tribunal conclut donc que, par le mandat confié par le docteur Blondin au docteur Giroux, celui-ci est devenu, pour l’évaluation des limitations fonctionnelles, le médecin qui a charge de la travailleuse.

[37]           Son REM, qui décrit les limitations fonctionnelles, répond aux critères de l’article 203 de la loi et est le rapport médical qui liait la CSST sur cette question, malgré la divergence d’avec le rapport final.

[38]           La travailleuse reproche au docteur Giroux de ne pas avoir rempli adéquatement le mandat que lui a confié le docteur Blondin.

[39]           Avec respect, la Commission des lésions professionnelles ne partage pas ce point de vue. Le mandat confié au docteur Giroux était d’évaluer les limitations fonctionnelles liées à la lésion professionnelle, soit l’entorse lombaire causée par l’événement du 1er août 2001. Or, le docteur Giroux évalue que cette lésion n’a pas causé de limitations. C’est ce qui ressort clairement de sa conclusion citée plus haut. Il a donc remplit son mandat d’évaluation, et ce, même si sa conclusion diffère de l’avis émis par le docteur Blondin au rapport final.

[40]           De plus, le tribunal est d’avis qu’il est de la compétence du médecin de se prononcer sur le lien qui existe entre les limitations fonctionnelles reconnues et la lésion professionnelle, cette question en étant une de nature médicale[8] .

[41]           Le docteur Giroux pouvait donc relier ces limitations à la condition personnelle d’arthrose facettaire de la travailleuse, condition d’ailleurs aussi reconnue par le docteur Blondin sur le rapport final du 11 mars 2002.

[42]           On reproche aussi au docteur Giroux de s’être prononcé sur le diagnostic, alors qu’il n’avait pas à le faire. On lui reproche d’avoir évaluer les limitations en fonction du diagnostic qu’il retient, c’est-à-dire un syndrome facettaire et de l’arthrose facettaire multi-étagée et non en fonction de celui d’entorse lombaire.

[43]           Encore là, la Commission des lésions professionnelles ne voit pas les choses de la même manière. Bien que le diagnostic pré-évaluation identifié par le docteur Giroux soit celui de syndrome facettaire et arthrose facettaire, cela ne veut pas dire qu’il ait ignoré, aux fins de son évaluation, celui de la lésion professionnelle.

[44]           Au contraire, il relate, au point 4 du REM, l’événement du 1er août 2001. De plus, son examen physique est consacré à la colonne dorsolombaire et aux hanches, ce qui apparaît pertinent en l’espèce. Il en est de même des examens paracliniques qu’il a considérés.

[45]           Il réitère de plus, dans la conclusion du rapport, son opinion quant au lien entre les limitations et l’événement du 1er août 2001 :

« Madame Beauchemin a présenté un problème de lombalgie secondaire à un contrecoup au niveau de la région lombaire suite à un faux mouvement. Ce mécanisme de production aurait aggravé une condition personnelle auparavant asymptomatique. Toutefois, les douleurs persistantes actuelles ne sont plus en relation avec l’événement traumatique initial. La patiente présente en effet une investigation qui a révélé de l’arthrose facettaire qui expliquerait la prolongation des phénomènes douloureux. Je recommande donc des limitations fonctionnelles en relation avec cette condition personnelle considérant le haut risque de rechute. »

 

[46]           Dans son rapport corrigé du 10 juillet 2002, le docteur Giroux évalue à 0 % le déficit anatomo-physiologique relié à l’entorse sans séquelle fonctionnelle objectivée (code 203997), ce qui rejoint l’opinion émise par le docteur Blondin dans le rapport final quant à l’absence de déficit anatomo-physiologique.

[47]           À la lumière de ces éléments, le tribunal ne peut en venir à la conclusion que le docteur Giroux n’a pas tenu compte de la lésion professionnelle dans l’évaluation qu’il fait des limitations fonctionnelles.

[48]           Quant au diagnostic, il n’a jamais été question de remplacer celui de la lésion professionnelle par ceux mentionnés par le docteur Giroux dans son REM. La CSST a rendu toutes ses décisions en fonction du diagnostic qui la lie, soit celui d’entorse lombaire.

[49]           Le tribunal comprend du REM du docteur Giroux que les diagnostics de syndrome facettaire et d’arthrose facettaire correspondent à l’état de la travailleuse au moment de l’évaluation, d’autant plus qu’à ce moment, l’entorse lombaire est consolidée depuis le 11 mars 2002, le docteur Blondin ayant même noté au rapport final que l’état de madame Beauchemin était stable depuis deux, trois mois.

[50]           Les diagnostics du REM ne peuvent évidemment pas remplacer celui d’entorse lombaire quant à la lésion professionnelle. Sur ce point, le tribunal partage l’opinion du juge Philippon émise dans l’affaire Slailaty[9]. Toutefois, il émet certaines réserves quant à la comparaison que fait le représentant de la travailleuse entre cette affaire et celle qui nous occupe.

[51]           D’abord, dans l’affaire Slailaty, il n’est pas clair que la référence de la travailleuse au docteur Wiltshire ait été faite par le médecin qui a charge, les juges de la Cour d’appel étant partagés sur cette question. Or, en la présente affaire, il est admis que c’est le docteur Blondin qui a référé la travailleuse au docteur Giroux.

[52]           De plus, en l’espèce, tel que déjà mentionné, la CSST n’a pas remplacé les conclusions du docteur Blondin et celles du BEM quant au diagnostic par celles du docteur Giroux, comme le reproche le juge dans l’affaire Slailaty.

[53]           En conclusion, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’en l’espèce, la CSST était liée par les conclusions du docteur Giroux quant à la description des limitations fonctionnelles et elle était donc bien fondée de rendre une décision sur la capacité de la travailleuse à exercer son emploi, basée sur ses conclusions.

[54]           En effet, le docteur Giroux est devenu, quant à l’évaluation des limitations fonctionnelles, le médecin qui a charge de la travailleuse, et ce, à la demande expresse du docteur Blondin. De plus, c’est l’évaluation qu’il fait des limitations fonctionnelles qui lie la CSST et le tribunal, puisqu’elle répond aux critères de l’article 203 de la loi.

[55]           La Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’elle ne peut donner suite à la demande de la travailleuse de retourner le dossier à la CSST dans l’attente que le docteur Blondin produise un rapport d’évaluation des limitations fonctionnelles. Étant donné les conclusions auxquelles en vient le tribunal, agir ainsi équivaudrait à reconnaître à la travailleuse le droit de contester l’avis du médecin qui a charge, ce que la loi ne permet pas.

[56]           Ce serait également reconnaître qu’un travailleur dont le médecin a d’abord refuser de procéder à l’évaluation des séquelles permanentes et a en conséquence délégué sa compétence à un autre médecin, puisse ensuite faire reprendre cette évaluation si elle ne le satisfait pas.  Le tribunal ne peut souscrire à un tel procédé. Dans l’affaire Côté[10], le commissaire s’exprime ainsi à ce sujet :

« La preuve a démontré que le travailleur, insatisfait du fait que le docteur Garneau n’a pas octroyé de limitations fonctionnelles, l’a répudié pour demander au Docteur Drolet d’être référé à un autre médecin. De l’avis du tribunal, une telle façon de procéder est inacceptable et un travailleur ne peut ainsi changer de médecin traitant au gré de son humeur, lorsqu’il est insatisfait des conclusions de ce dernier. Cela aurait ainsi pour effet de permettre indirectement à un travailleur de contester l’avis de son médecin traitant, ce que la loi ne permet pas de faire directement. Une telle façon de procéder peut conduire à une surenchère inacceptable. »

 

 

[57]           Ainsi, les conclusions médicales qui lient le tribunal sont à l’effet que la lésion professionnelle n’a causé aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles à la travailleuse. Il faut donc conclure que la travailleuse est capable d’exercer son emploi.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de madame Jocelyne Beauchemin, la travailleuse;

CONFIRME la partie de décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 17 septembre 2002, à la suite d’une révision administrative, portant sur la capacité de la travailleuse à exercer son emploi (R-121181382-00001);


DÉCLARE que le docteur Mario Giroux est devenu le médecin qui a charge aux fins de l’évaluation des limitations fonctionnelles de la travailleuse;

ET

DÉCLARE que la travailleuse était capable, le 23 juillet 2002, d’exercer son travail.

 

 

 

 

 

Me Diane Lajoie

 

Commissaire

 

 

 

 

 

C.S.D.

(Me Thierry Saliba)

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

GILBERT, AVOCATS

(Me Catherine Bergeron)

 

Représentante de la partie intéressée

 

 

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

[2]          À la suite de fusions d’établissements dans le milieu hospitalier, l’employeur est maintenant désigné sous le nom de Centre de santé Nicolet-Yamaska. Il s’agit de la même entité ayant gardé la même adresse.

[3]          Ferron et Panneaux Maski inc., C.L.P. 172710-04-0111, 3 octobre 2002, S. Sénéchal

[4]          Morneau et Maison du Soleil levant, C.L.P. 140756-08-0006, 20 mars 2002, R. Savard

[5]          Fiset et Meunerie Gérard, C.L.P. 179708-04B-0202, 10 mai 2002, J.-F. Clément

[6]          Armatures Bois-Francs inc. et Allard, C.L.P. 171777-64-0111, 22 avril 2003, R. Daniel; Voir au même effet Morneau et Maison du Soleil levant, C.L.P. 140756-08-0006, 20 mars 2002, R. Savard

[7]          Article 358 de la loi. Voir aussi Côté et Gestion Rémy Ferland inc., C.L.P. 175597-03B-0201, 20 juin 2002, J.-F. Clément

[8]          Gagné et Pyrotex ltée, C.A.L.P. 57950-62-9403, 29 février 1996, M. Zigby

[9]          Slailaty c. Commission d'appel en matière de lésions professionnelles [1999] C.L.P. 713 (CA.)

[10]         Op. Cit., note 9

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