Iamgold — Mine Doyon et Fortin

2011 QCCLP 4657

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

11 juillet 2011

 

Région :

Abitibi-Témiscamingue

 

Dossier :

296867-08-0608

 

Dossier CSST :

128548831

 

Commissaire :

Paul Champagne, juge administratif

 

Membres :

Rodney Vallière , associations d’employeurs

 

Jean-Pierre Valiquette, associations syndicales

Assesseur :

Yves Landry, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Iamgold - Mine Doyon

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Claude Fortin

 

Partie intéressée

 

 

 

Et

 

 

 

Entreprises Dynatec Mining ltée

 

Les mines Camflo ltée (F)

 

Zuritt Corporation ltée (F)

 

            Parties intéressées

 

 

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 21 août 2006, Iamgold-mine Doyon (l’employeur) dépose auprès de la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 9 août 2006 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme des décisions qu’elle a initialement rendues le 11 avril 2006, le 25 avril 2006, le 9 mai 2006 et le 10 mai 2006. Elle déclare que le travailleur a subi une maladie pulmonaire professionnelle le 28 septembre 2005. Elle déclare également que la lésion a entraîné une atteinte permanente de 110% auquel s’ajoute 55 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie. Elle déclare également que le travailleur a droit à la réadaptation et, puisqu’il est impossible que le travailleur reprenne son emploi ou un autre emploi, il a droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à l’âge de 68 ans.

[3]           Une audience s’est tenue à Val-d’Or le 7 et le 8 décembre 2009 ainsi que le 5 mars 2010. Le travailleur était absent mais il était représenté. L’employeur (Iamgold - Mine Doyon) était présent et représenté. Bien que dûment convoqué, l’employeur Entreprises Dynatec Mining ltée ne s’est pas présenté à l’audience. Les employeurs Mines Camflo ltée et Zuritt Corporation ltée sont fermés.

[4]           Il a été convenu avec les représentants des parties présentes que l’audience ne porte que sur l’admissibilité de la lésion professionnelle. Le cas échéant, les parties seront convoquées à nouveau pour disposer des autres questions en litige.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]           L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle et qu’il n’a pas droit aux prestations prévues par la loi.

L’AVIS DES MEMBRES

[6]           Conformément aux dispositions de l’article 429.50 de la loi[1], le soussigné a obtenu l’avis des membres qui ont siégé auprès de lui sur les questions faisant l’objet de la présente contestation.

[7]           Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que le tribunal devrait accueillir la requête de l’employeur et déclarer que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle. La preuve ne révèle aucun autre cas d’adénocarcinome pulmonaire chez les autres travailleurs de l’employeur. Les examens médicaux ne démontrent pas la présence de silicose, la preuve médicale ne permet donc pas de relier le cancer du travailleur à l’exposition aux poussières de silice. Le travailleur est aussi exposé aux émanations de diesel toutefois celles-ci sont nettement en-deça des normes règlementaires selon la preuve présentée à l’audience. La maladie qui affecte le travailleur est donc d’origine personnelle.

[8]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis que le tribunal devrait rejeter la requête de l’employeur. Il est d’avis que le travailleur a été exposé à des émanations de diesel et qu’il s’agit d’un cancérigène reconnu par la doctrine médicale. La preuve  démontre une exposition constante du travailleur aux émanations des moteurs diesel dans le cadre de ses tâches d’électricien sous terre pendant près de 25 ans. Le travailleur a donc subi une maladie professionnelle.

Moyen préalable de l’employeur.

[9]           Le représentant de l’employeur s’est objecté au témoignage du docteur Gaston Ostiguy, médecin expert du travailleur puisqu’il est membre du Comité B des maladies pulmonaires professionnelles et qu’il est cosignataire du rapport déposé dans le présent dossier. Le tribunal a pris cette objection sous réserve. Dans son argumentation écrite, le représentant de l’employeur ne remet pas en question la qualification de témoin expert du docteur Ostiguy mais il soutient que, compte tenu de son implication dans le dossier, il ne présente pas l’indépendance et l’objectivité que doit rencontrer un témoin expert. Il demande donc que son témoignage soit rejeté.

[10]        Le tribunal est d’avis que l’implication du docteur Ostiguy dans le dossier ne fait pas obstacle à la recevabilité de son témoignage ni à sa qualification de témoin expert. L’objection de l’employeur vise la crédibilité et la valeur probante de l’opinion du docteur Ostiguy. Le tribunal est d’avis qu’il ne peut rejeter une preuve  utile à une partie pour le seul motif qu’elle pourrait présenter une apparence de partialité. La recevabilité d’une preuve doit être distinguée de sa force probante. La partialité d’un expert, si elle existe, n’est pas pertinente à la recevabilité de son témoignage mais concerne plutôt l’appréciation de sa force probante[2].

[11]        Le tribunal conclut sur cette question que le témoignage du docteur Gaston Ostiguy est recevable. Le tribunal se réserve l’appréciation de la valeur probante de son témoignage en tenant compte de sa participation active dans le présent dossier.

LES FAITS

[12]        De l’ensemble de la preuve au dossier de même que celle présentée à l’audience, le tribunal retient les éléments suivants.

[13]        Le travailleur est électricien. Il fait ce travail pour différents employeurs dans des mines sous terre depuis 1979. Il a été à l’emploi de Iamgold - Mine Doyon de 1989 à 2005. Le travailleur était âgé de 44 ans en 2005.

[14]        Une radiographie pulmonaire réalisée le 8 août 2005 révèle la présence d’une masse au lobe inférieur du poumon  gauche. Le travailleur subira d’autres examens et traitements médicaux par la suite. La preuve médicale révèle que le travailleur a fait usage du tabac à l’âge de 18 et 19 ans. Les médecins au dossier n’ont pas retenu ce facteur comme étant contributif à la maladie du travailleur puisqu’il est trop négligeable.

[15]        Le travailleur subira une thoracotomie exploratrice avec biopsie  le 30 septembre 2005. L’analyse des tissus démontre un adénocarcinome de type T2 N2.

[16]        Le 3 novembre 2005, le travailleur produit une réclamation à la CSST pour une maladie pulmonaire professionnelle.

[17]        Conformément aux dispositions prévues aux articles 226 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, le dossier du travailleur est référé au Comité B des maladies professionnelles pulmonaires de  Montréal. Le 16 mars 2006, ce comité produit un rapport dans lequel  il mentionne les éléments suivants :

Histoire professionnelle

 

Monsieur Fortin a toujours travaillé comme électricien dans le secteur minier sous terre et ceci depuis l’âge de 18 ans. Il est en arrêt de travail depuis le 30 septembre 2005. Il a travaillé pour différentes entreprises minières, mais on retient surtout, Barrick Mine Camflo de 1980 à 1988 et depuis 1989 jusqu’à son arrêt de travail pour la Mine Doyon de Cambior.

 

Comme électricien, il suit de très près les foreurs et les dynamiteurs, car il doit assurer la ventilation des galeries et deuxièmement, il doit s’assurer que le matériel de forage qui fonctionne à l’électricité puisse être adéquatement alimenté.

 

Son travail l’expose également à des émanations de carburant diesel puisque les jumbos, les plates-formes et les chargeuse fonctionnent avec des moteurs diesels.

 

Comme son travail d’électricien l’oblige à suivre les mineurs qui ouvrent les galeries, souvent les systèmes de ventilation n’assurent que de l’air recirculé c’est-à-dire provenant de galeries adjacentes ou supérieures et non pas de l’air frais provenant de l’extérieur.

 

Questionnaire cardiorespiratoire

 

Monsieur Fortin a toujours été un individu en bonne santé. Il avait demandé compte tenu de son exposition à beaucoup de poussières de mine et beaucoup d’émanations de moteurs-diesels, d’avoir un bilan médical à tous les ans et non pas à tous les 3 ans. Il avait donc une radiographie pulmonaire sur une base annuelle et lors de son bilan médical à la fin du mois de juillet 2005, on a vu une lésion sur sa radiographie pulmonaire à la base gauche, il a été référé en pneumologie au Dr Lauzon. Ce dernier a fait une bronchoscopie le 16 août 2005. La bronchoscopie n’a révélé qu’une bronchite légère diffuse.

 

Le réclamant a donc été dirigé en chirurgie thoracique. Il a eu une thoracotomie exploratrice avec biopsie de la lésion du lobe inférieur gauche et biopsie ganglionnaire en date du 30 septembre 2005. Cette chirurgie a été faite au centre hospitalier Hôtel-Dieu d’Amos par le Dr Félix Gaillard. La biopsie par trocart dans la lésion pulmonaire du lobe inférieur gauche a montré qu’il s’agissait d’un adénocarcinome. De plus, des prélèvements ganglionnaires auraient été positifs pour un envahissement par adénocarcinome. Il s’agissait donc semble-t-il d’un T2, N2.

 

Il a été en consultation en onco-hématologie le 24 octobre 2005. On a donc suggéré de la radiothérapie et de la chimiothérapie.

 

Cependant, monsieur Fortin a dû retourner à l’hôpital à cause d’un épanchement pleural gauche et on soupçonnait une fistule pleuropulmonaire. On a mis un drain thoracique le 25 octobre 2005 et tenté une symphyse pleurale avec du talc.

 

Le 29 octobre 2005, on a du réintervenir par mini-thoracotomie gauche et réinstaller des drains thoraciques et retenter un talcage pleural.

 

Monsieur Fortin est venu à Montréal à partir du 21 novembre 2005 pour commencer sa radiothérapie et sa chimiothérapie. Il a eu quatre séances de chimiothérapie probablement à base de cisplatine et de Naverbine. La chimiothérapie s’est terminé le 28 décembre 2005 et la radiothérapie s’est terminé le 19 janvier 2005.

 

Depuis cette date, monsieur Fortin ne se sent pas trop mal. Cependant, il présente une douleur thoracique sur la ligne axillaire postérieure du côté gauche au niveau des sites de thoracoscopie et de thoracotomie. Cette douleur est de plus en plus intense et n’est pas adéquatement soulagée par ses comprimés de Dilaudid même à dose complète de 2 mg bid.

 

Il présente une dypsnée accrue qui n’existait pas au cours des années dernières. Sa dypsnée peut être actuellement évaluée à 2/5. Il se plaint également de toux avec expectorations blanchâtres. À noter qu’avant la découverte de cette masse pulmonaire, monsieur Fortin était totalement asymptomatique sur le plan respiratoire et qu’il pratiquait des activités sportives sur une haute échelle.

 

Il n’a pas d’hémopstésie. Il n’a pas de symptomatologie cardiaque. Il n’a pas d’histoire d’asthme et ne se connait pas d’allergie.

 

 

Tabac :             Il a fumé à peine quelques cigarettes vers l’âge de 18 ou 19 ans. Son père était un fumeur lorsque monsieur Fortin était enfant. Sa mère ne fumait pas et lui-même n’a jamais fumé à toute fin pratique si ce n’est pour les quelques cigarettes à l’adolescence. Il s’est marié à l’âge de 23 ans.

 

[…]

 

 

 

 

CONCLUSIONS

 

Diagnostic :

Les membres du Comité reconnaissent que monsieur Fortin est porteur d’un cancer du poumon de type adénocarcinome. Il s’agissait tout au moins d’un T2-N2 qui a été traité par chimiothérapie et radiothérapie.

 

Les membres du Comité reconnaissent que ce cancer pulmonaire est de nature professionnelle et représente une maladie pulmonaire professionnelle de par l’exposition de monsieur Fortin à la poussière de silice et de par son exposition aux gaz d’échappement des moteurs-diesels et ceci en l’absence de silicose visible radiologiquement.

 

 

[18]        Le 23 mars 2006, le Comité spécial des présidents entérine les conclusions du Comité des maladies pulmonaires professionnelles B de Montréal. Le rapport du Comité spécial fait état des éléments suivants :

À leur réunion du 23 mars 2006, les membres soussignés du Comité spécial des présidents ont étudié le dossier de ce réclamant.

 

Ils ont pris connaissance des conclusions de l’expertise antérieure. Ils ont revu l’histoire professionnelle, les données du questionnaire cardiorespiratoire, la médication, les habitudes, les antécédents personnels et familiaux.

 

La description de l’examen physique de même que les résultats des examens de laboratoire ont été notés.

 

Ils ont relu les radiographies pulmonaires et ils ont analysé les valeurs du bilan fonctionnel respiratoire.

 

À la suite de cet examen, ils entérinent les conclusions émises par le comité des maladies pulmonaires « B » de Montréal, à savoir qu’ils reconnaissent un cancer pulmonaire professionnelle secondaire à son exposition aux émanations des moteurs diesels dans les lieux de son employeur, la compagnie Cambior.

 

 

[19]        Le tribunal constate que ce comité n’a pas retenu l’exposition à la poussière de silice comme facteur de risque pour le travailleur, mais uniquement l’exposition aux émanations de moteurs diesel ou EMD[3].

[20]        Le 11 avril 2006, la CSST rend sa décision et accepte la réclamation du travailleur pour une maladie pulmonaire professionnelle.

[21]        Le tribunal a entendu plusieurs témoignages à l’audience dont ceux de deux pneumologues. Il y a lieu de faire une revue de l’ensemble de la preuve testimoniale et documentaire en retenant les éléments pertinents.

Témoignage de monsieur Pierre Simon

[22]        Monsieur Simon est contremaître pour l’employeur. Il est électricien et il a été collègue de travail du travailleur de 1990 à 2002 puis contremaître du travailleur de 2002 à 2008. Dans son témoignage, il a détaillé les tâches effectuées par le travailleur chez l’employeur. Les tâches consistent principalement à installer les systèmes d’éclairage, de ventilation et de pompage. Le travailleur fait également l’entretien et les réparations des équipements, soit sur place ou en atelier sous terre.

[23]        Le travailleur travaillait la plupart du temps sous terre. Les équipements mobiles sont pour la plupart munis de moteurs diesel et il y a des émanations de diesel. Les électriciens utilisent des équipements avec moteurs diesel pour se déplacer dans la mine. Les travailleurs sont équipés d’appareils de détection qui déclenchent une alarme lorsque les émanations des moteurs diesel sont trop importantes. Le travailleur n’avait pas accès aux galeries non ventilées. Les électriciens ne sont pas les premiers à se présenter dans les zones de forage, ils sont en support aux mineurs. 

[24]        Par ailleurs, les nouvelles galeries souterraines étaient ventilées avant que le travailleur aille y installer des équipements. Au besoin, le travailleur dispose de masques pour se protéger.

[25]        À partir des fiches de présence du travailleur, monsieur Simon a confectionné un tableau représentant en pourcentage le temps de travail alloué par le travailleur dans ses différentes tâches entre le 14 septembre 2003 et le 27 septembre 2005, soit pour les deux dernières années de travail du travailleur chez l’employeur Iamgold - Mine Doyon. Ce tableau correspond à son témoignage en ce qui concerne la répartition du travail dans les galeries de la mine et en atelier sous terre. Environ 50 % du temps de travail s’effectue en atelier sous terre pour l’entretien et la réparation des équipements et l’autre 50 % s’effectue dans les galeries de la mine. Monsieur Simon a affirmé que les conditions de travail étaient similaires depuis son embauche par l’employeur.

[26]        Le tribunal retient que les tâches de monsieur Claude Fortin s’exerçaient pour au moins 90 % du temps de travail  sous terre soit en atelier ou dans les galeries de la mine. Monsieur Simon n’a connu aucun autre électricien atteint d’un cancer du poumon depuis qu’il travaille pour l’employeur.

Témoignage de monsieur Jules Barriault

[27]        Monsieur Barriault est technicien minier pour l’employeur depuis 1990. Son emploi consiste à gérer le réseau de ventilation de la mine. Un plan du réseau de ventilation a été déposé à l’audience. ll y a trois cheminées principales  d’air qui alimentent la mine et d’autres ventilateurs sont installés vis-à-vis les galeries secondaires pour y pousser l’air frais. Les ventilateurs sont munis de détecteurs de gaz pour le monoxyde de carbone, le dioxyde de soufre et les gaz explosifs.

[28]        Les entrées d’air frais sont éloignées du circuit d’air évacué afin d’éviter de réintroduire de l’air vicié dans la mine. Le système permet le réacheminement de l’air frais dans les galeries plus éloignées des cheminées principales.

[29]        Monsieur Barriault est affecté au sauvetage minier et il a affirmé qu’à quelques reprises, les travailleurs ont du sortir de la mine. S’il y a dynamitage, le secteur est sécurisé et les travailleurs ne peuvent y aller sans protection. Ils disposent alors d’un équipement avec oxygène. La mine est également équipée de gicleurs pour rabattre les poussières au sol.

[30]        À toutes les semaines, monsieur Barriault visite la mine et il mesure le nombre de pieds cubes d’air par minute dans différents endroits dans la mine. Il mesure également le niveau de monoxyde de carbone, d’oxygène et de dioxyde d’azote dans les galeries de la mine. Il collige les résultats dans un registre. Le registre pour l’année 2005 a été déposé au tribunal.

[31]        Le registre fait état de variables dans la quantité d’air qui circule dans la mine ainsi que du taux d’oxygène, de monoxyde de carbone et de dioxyde d’azote. Le taux d’oxygène est pratiquement toujours entre 20 % et 21 % de la pression atmosphérique normale. Le taux de monoxyde de carbone varie de 0 à 5 PPM[4], exceptionnellement il atteint des valeurs supérieures pouvant aller jusqu’à 11 PPM. Quant au taux de dioxyde d’azote, le plus souvent il est à 0 PPM, parfois il varie entre 0,1 à 0,7 PPM.

[32]        Le tribunal tient à préciser que le Règlement sur la santé et la sécurité du travail[5] édictent les normes à respecter pour la qualité de l’air dans un établissement au Québec. Ce règlement édicte des normes pour les établissements dont l’exploitation entraîne des émissions de poussière, de fumée, de gaz, de vapeur, de brouillard et de gaz dans la zones respiratoires des travailleurs. Une annexe à ce règlement impose des limites aux contaminants de l’air.

[33]        Le règlement prévoit que le taux de monoxyde de carbone ne doit pas dépasser 35 PPM et celui du dioxyde d’azote ne doit pas dépasser 5,6 PPM.

[34]        Ainsi pour l’année 2005, les résultats d’échantillonnages de l’air chez l’employeur révèlent que le volume d’oxygène, le taux de monoxyde de carbone ainsi que le taux de dioxyde d’azote sont bien en-deça des normes prescrites par la règlementation.

Témoignage de Billy Rivard

[35]        Monsieur Rivard est hygiéniste industriel pour l’employeur depuis 2003. À chaque année, il procède à des échantillonnages pour mesurer la présence de silice cristalline, de poussière combustible respirable[6] (PCR), de fumée de soudure et de brouillard d’huile. Le tribunal tient à préciser que les PCR contiennent les résidus de combustion des moteurs diesel. Pour réaliser ses échantillons, monsieur Rivard installe une pompe sur des travailleurs de différents corps d’emploi avant le début de leur quart de travail. Après le quart de travail, la pompe est retirée puis elle est acheminée à un laboratoire spécialisé pour analyse. Au besoin, il fait des tests additionnels si la situation l’exige.

[36]        Avec les résultats des tests d’échantillonnages, monsieur Rivard confectionne des graphiques. Ceux pour les années 2007 à 2009 pour le corps d’emploi d’électriciens chez l’employeur ont été déposés à l’audience. Pour ces trois années, les tests révèlent que la présence de silice et de PCR pour les électriciens est bien en bas de la norme fixée par la règlementation qui établit que le taux de silice cristalline ne doit excéder 0,1 PPM et que le taux de PCR ne doit pas excéder 0,60 PPM. Le résultats des échantillonnages effectués par monsieur Rivard se situe entre 0,01 et 0,02 PPM pour la poussière de silice et de 0,05 à 0,11 pour les PCR pour les années 2007 à 2009.

[37]        Un autre tableau a été déposé en preuve pendant le témoignage de monsieur Rivard. Il résume les résultats des échantillonnages pour les poussières respirables retrouvées chez l’employeur, les poussières de silice et les poussières combustibles respirables (PCR) pour les années 1991 à 1998. Ce tableau indique que pour les années 1991 à 1993 ainsi que celles de 1999 à 2005, un électricien a été exposé aux poussières de silice de 0,00 PPM à 0,09 PPM. Quant aux PCR, ce même tableau indique qu’un électricien, pour les années 1998 à 2005, a été exposé entre 0,11 et 0,25 milligrammes par mètre carré (mg/m3) alors que la règlementation était à 1,5 Mg/M3 jusqu’en 2003 et de 0,6 mg/m3 depuis 2003.

[38]        Monsieur Rivard a affirmé que les travailleurs les plus exposés portent des masques. Il y a déjà eu des résultats anormaux en particulier pour les travailleurs affectés au concassage où les tests se sont avérés dans 10 à 15 % des cas au-delà de la norme règlementaire pour l’exposition aux poussières de silice. Par ailleurs, il ne connait pas d’autres travailleurs atteints d’un cancer du poumon.

[39]        Le tribunal tient à préciser que les résultats d’échantillonnages effectués après septembre 2005, soit après l’arrêt de travail du travailleur, sont peu pertinents au présent litige.

Témoignage de monsieur Émile Couture

[40]        Monsieur Émile Couture est technologiste en hygiène industrielle depuis 1980. Depuis 1999, monsieur Couture a une entreprise spécialisée dans des évaluations d’hygiène industrielle telles pour le bruit, les poussières, les contraintes thermiques, la ventilation et les matières dangereuses.

[41]        Il  a procédé à une vérification des procédures d’échantillonnage de l’air ambiant chez l’employeur pour l’année 2005. Sa méthode de travail consiste à analyser les procédures de l’employeur en fonction des normes prescrites par la règlementation en vigueur. Il a assisté à la préparation des équipements, il a vérifié les notes, les rapports d’échantillonnage et les résultats de laboratoire.

[42]        Le 15 août 2007, monsieur Couture a également confectionné un rapport écrit qui a été déposé au dossier du tribunal et dans lequel il fait état des différents résultats de ses analyses. Il mentionne dans son rapport des éléments suivants :

[…]

Le registre des relevés de ventilation 2005  aussi été passé en revue, ce registre comprend notamment les relevés des concentrations de monoxyde de carbone (CO) et de dioxyde d’azote (NO2) . Les concentrations de CO sont généralement en dessous de 5 parties par million (ppm) comparativement à la norme d’exposition de 35 PPM pour des quarts de 8 heures. Alors que les concentrations de NO2 sont généralement en dessous de 0,3 ppm, comparativement à la norme d’exposition de 3 ppm. Pour quelques dates, il y a des résultats supérieurs et des correctifs pour améliorer la  ventilation y sont inscrits.

 

Les analyses pour les PCR et la silice cristalline quartz, analysé sur le même filtre, ont été effectuées par le Laboratoire CANMET. D’autres filtres qui requéraient seulement une analyse pour la silice cristalline quartz, ont été analysés par le Laboratoire de l’IRSST. À noter que le Laboratoire CANMET est un laboratoire du Ministère des ressources naturelles du Canada et que le Laboratoire de l’IRSST fait partis d’un organisme du gouvernement du Québec et qu’il est accrédité par l’American Industrial Hygiene Association (AIHA).

 

Il apparaît que les procédures d’échantillonnage et d’analyses utilisées à Gestion Iamgold-Québec inc. - Mine Doyon, respectent ce qui est prescrit par la règlementation, ce qui indique que les résultats des niveaux d’exposition mesurés par l’entreprise respectent les critères de précision et d’exactitudes des méthodes établies et que les résultats sont valables. Les résultats fournis par l’entreprise montrent que les niveaux d’exposition des électriciens sont bien inférieurs aux normes d’exposition.

 

 

[43]        Dans son rapport, monsieur Couture fait état qu’il a vérifié l’échantillonnage effectué en 1992 et 1993 et qu’il s’agit essentiellement des mêmes procédures que celles utilisées en 2005.

 

Témoignage de monsieur Dominique Boucher

[44]        Monsieur Boucher est électricien. Il a travaillé pour l’employeur pendant 13 ans soit de 1994 à 2006. Pendant environ six années, il a travaillé avec monsieur Claude Fortin. Il a affirmé que ses tâches étaient semblables à celles du travailleur. Lui et le travailleur étaient  spécialisés dans la construction soit dans le développement de nouvelles galeries de mines. Leurs tâches consistaient à installer dans les galeries le filage et les installations nécessaires pour la ventilation et l’éclairage. Ils étaient aussi affectés à la réparation de divers équipements.

[45]        Pour effectuer leurs tâches, ils se déplacaient avec des navettes fonctionnant au diesel. À son avis, en raison de leur affectation dans la construction de nouvelles galeries, ils étaient davantage exposés aux poussières et aux EMD puisque la ventilation n’était pas adéquate dans ces secteurs étant donné qu’ils installaient eux-mêmes les systèmes de ventilation. Monsieur Boucher n’a pas pu préciser à quel niveau de poussière ou d’émanation de gaz diesel ils ont été exposés.

[46]        Lorsqu’il y avait trop de poussières, monsieur Boucher portait un masque. À sa connaissance, monsieur Claude Fortin ne portait pas de masque la plupart du temps.

Témoignage de monsieur André Racicot

[47]        Monsieur Racicot est mécanicien industriel pour l’employeur depuis 1980. Il a une formation en santé et sécurité et il est affecté à temps plein depuis 1988 à titre de représentant à la prévention.

[48]        Ses tâches consistent principalement à faire l’inspection du milieu de travail et à participer aux enquêtes lorsque survient un accident. Il intervient lorsqu’un travailleur exerce un droit de refus et il participe aux activités du comité de santé et de sécurité chez l’employeur.

[49]        Il participe à des tournées de conformité et à des inspections planifiées avec l’employeur. Des échantillonnages sont effectués pour évaluer le niveau de poussière de silice. Il en est de même pour les poussières de combustibles des moteurs diesel.

[50]        Monsieur Racicot a fait état d’avis de corrections et de rapports d’interventions (des copies ont été déposées à l’audience) émis par la CSST entre 1994 et 2004 pour des problèmes reliés à la qualité de l’air.  La CSST est intervenue auprès de l’employeur le 16 juin 1994, le 29 juillet 1996, le 7 octobre 1997, le 26 janvier 1999, le 16 mars 1999, le 23 novembre 2004 et le 2 décembre 2005 pour des problèmes reliés à la qualité de l’air soit pour des ventilateurs défectueux ou des systèmes d’échappement défectueux des équipements mobiles et pour des sols qui ne sont pas suffisamment humidifiés.

[51]        Par ailleurs, monsieur Racicot a mentionné qu’à sa connaissance aucun travailleur était atteint d’un cancer pulmonaire chez l’employeur. Huit travailleurs sont atteints de silicose mais aucun électricien.

Témoignage du docteur Paolo Renzi

[52]        Le docteur Paolo Renzi, pneumologue, a témoigné en qualité d’expert pour l’employeur. Le tribunal dispose également de l’expertise du docteur Gildo Renzi, pneumologue, qui a été déposée au dossier du tribunal avant l’audience. Le tribunal tient à préciser que le docteur Paolo Renzi est le fils du docteur Gildo Renzi.

[53]        D’entrée de jeu de son témoignage, le docteur Paolo Renzi a affirmé qu’il était totalement en accord avec l’expertise du docteur Gildo Renzi.

[54]        Par ailleurs, de son témoignage, le tribunal retient les éléments suivants.

[55]        Il est d’avis que le Comité B des maladies pulmonaires de Montréal a fondé son rapport sur les allégations du travailleur selon lesquelles il était exposé à des conditions difficiles sous terre, soit à des poussières et des EMD. La CSST a fait de même pour rendre sa décision. Quant au Comité spécial des présidents, il n’a retenu que l’exposition aux EMD puisque le travailleur ne présente pas de silicose.

[56]        Le docteur Renzi ne retient pas non plus que l’exposition à la silice aurait pu jouer un rôle dans la pathologie du travailleur vu l’absence de silicose.

[57]        Le docteur Renzi est d’avis que depuis 1990, le travailleur exécute un travail dans des conditions à peu près semblables et qu’il est exposé à de la poussière de silice à l’intérieur des normes prévues par la règlementation. Même si la norme est devenue plus sévère en 2003, la preuve démontre que l’exposition était quand même inférieure à cette nouvelle norme. Au surplus, le travail d’électricien implique moins d’exposition que les mineurs et les foreurs.

[58]        Quant à la relation entre l’exposition à la poussière de silice et le cancer du poumon, il a expliqué qu’il existe deux courants de pensée. Un premier exige la présence préalable de silicose. Un deuxième n’exige pas la présence de silicose.

[59]        Le docteur Renzi s’en remet à l’étude des docteurs Lacasse et al.[7] Cette étude a été réalisée à partir de 11 études sélectionnées de la littérature épidémiologique mondiale entre 1966 et 2007. Cette étude conclut qu’il existe une relation entre l’exposition à la silice et le cancer du poumon. Toutefois, le risque est apparent lorsque l’exposition est très élevée et bien au-delà des normes recommandées par le National Institute of Occupationnal Safety and Healt, soit 0,05 mg/m3 pendant une journée de travail de 10 heures et de 40 semaines par année pour une durée de plus de 30 ans.

[60]        Selon le docteur Renzi, l’exposition du travailleur dans le présent dossier est en moyenne de 0,03 mg/m3 entre 1999 et 2005. Vu le faible taux d’exposition et l’absence de silicose, il en conclut que dans ce dossier, le travailleur n’a pas de risque accru de développer un cancer du poumon.

[61]        Quant à l’exposition aux EMD, il reconnait que ces gaz contiennent des agents cancérigènes. Selon les études réalisées[8], la relation entre l’exposition aux émanations de diesel et le cancer du poumon a été concluante pour les rats. La doctrine médicale s’en remet également aux données concernant les camionneurs. Il n’existe aucune étude pour les mineurs alors que dans certaines mines, l’exposition est importante.

[62]        À son avis, selon les études, le risque n’est pas significatif. Le ratio de mortalité par cancer du poumon et l’exposition aux EMD est minime lorsque l’exposition est peu importante.

[63]        Selon l’étude Hesterberg[9], le risque chez les camionneurs n’est pas concluant puisque le taux est demeuré le même que celui qui existait avant la venue massive des moteurs diesel.

[64]        Sur 22 études réalisées, 20 concluent que l’exposition aux EMD n’ont pas d’incidence sur le cancer du poumon. Pour le docteur Renzi, ce constat est significatif. Par ailleurs, un cancer du poumon est d’origine multifactorielle. Il peut être relié à l’environnement et aussi à d’autres facteurs. Selon les données médicales, dans 10 à 20 % des cas, il n’est pas possible d’identifier la cause d’un cancer du poumon. Il a précisé qu’il ignore si des études ont conclu que l’exposition combinée à la silice et aux EMD pouvaient augmenter le risque de développer un cancer du poumon.

Témoignage du docteur Gaston Ostiguy

[65]        Le docteur Ostiguy a témoigné en qualité d’expert pour le travailleur. Il est pneumologue.

[66]        Le tribunal a eu l’occasion d’apprécier l’opinion exprimée par le docteur Ostiguy à l’audience. Une opinion fondée sur ses connaissances scientifiques et conforme aux faits prouvés dans la présente affaire. Le tribunal estime donc que le docteur Ostiguy a fait preuve de toute l’objectivité attendue d’un témoin expert.

[67]        Lors de son témoignage, le docteur Ostiguy a reconnu que lors de l’avis du Comité B dont il faisait partie le 16 mars 2006, il ne disposait pas des taux d’expositions du travailleur aux poussières de silice et aux PCR chez les employeurs pour lesquels il a travaillé. Le docteur Ostiguy s’en est remis à l’histoire professionnelle du travailleur à savoir qu’il est électricien dans des mines sous terre depuis 20 ans.

[68]        Selon le docteur Ostiguy, le cancer du poumon est rare chez les non-fumeurs ce qui est le cas dans le présent dossier. Pour les non-fumeurs, le cancer du poumon est associé à d’autres produits cancérigènes. Il affirme que les grands organismes reconnus dans le monde en toxicologie sont d’avis que les PCR sont cancérigènes pour l’être humain.

[69]        Le docteur Ostiguy a commenté une étude réalisée[10] auprès de chauffeurs de camions et d’autobus, de mécaniciens, d’employés de chemins de fer, de débardeurs et d’opérateurs de machinerie lourde. Cette méta-analyse de 23 études publiées entre 1976 et 1993 conclut à un effet dose-réponse positif de développer un cancer du poumon à la suite d’expositions aux EMD. Les mineurs sont exclus de cette étude en raison des facteurs confondants soit la présence de silice, de radon et d’arsenic.

[70]        Le docteur Ostiguy a également commenté des articles de doctrine[11] qui font le lien entre l’exposition aux PCR et le cancer du poumon. Le risque relatif est augmenté selon les analyses réalisées auprès des travailleurs de chemins de fer[12]. Il en est de même pour les travailleurs de l’industrie du camionnage[13]. Il est par ailleurs d’avis qu’il n’y a pas de seuil sécuritaire.

[71]        Selon le docteur Ostiguy, les entreprises minières sont très strictes quant à l’état de santé des travailleurs qu’elles embauchent et cette pratique explique la rareté des cas de cancer du poumon chez les mineurs. Le travailleur était un non-fumeur en bonne santé et aucun autre facteur, à part les poussières de silice et les PCR, peuvent expliquer l’apparition de sa maladie.

[72]        Quant à l’exposition à la poussière de silice, le docteur Ostiguy est d’avis que la plupart des études concluent à un risque lorsque le taux d’exposition est supérieur à 0,1 PPM par mètre cube d’air ce qui correspond aux normes règlementaires actuelles. Les organisations mondiales de la santé ont abaissé cette norme jusqu’à ce niveau au cours des dernières années afin de diminuer le risque. Le risque est en fonction de la durée d’exposition.

[73]        Il est d’avis que la silice peut être cancérigène même en l’absence de silicose. Il est d’avis qu’il est possible que celle-ci était présente chez le travailleur mais non visible radiologiquement. Bien qu’il ne dispose pas d’études concernant l’effet de l’exposition simultanée à deux facteurs de risque, le docteur Ostiguy est d’avis qu’il serait logique de conclure que le risque est augmenté.

La doctrine scientifique

 

[74]        À l’audience, les parties ont déposé de nombreuses études scientifiques concernant les effets de l’exposition à la poussière de silice, aux EMD et aux PCR sur l’incidence du cancer du poumon. Les témoins experts s’y sont référés à de nombreuses reprises lors de leurs témoignages.

[75]        Dans un premier temps, le tribunal tient à préciser qu’aucune de ces études ne concerne spécifiquement les travailleurs dans une mine sous terre, tel le cas du travailleur dans le présent dossier. C’est donc par analogie avec des travailleurs de d’autres secteurs d’activités que les parties soutiennent leurs positions respectives.

[76]        Compte tenu de l’importance de cette preuve pour l’appréciation du litige soumis, le tribunal estime utile de faire une analyse sommaire de chacune des études scientifiques déposées par les parties en y ajoutant quelques commentaires, s’il y a lieu.

[77]        Examinons d’abord les études déposées par la représentante du travailleur :

[78]        Dans « Guide to occupationnal exposure value »[14], l’auteur recense les conclusions de différents organismes dédiés à la recherche sur le cancer et à la santé et à la sécurité en milieu de travail pour les travailleurs exposés aux poussières de silice et aux EMD. En ce qui concerne la silice, les conclusions vont du soupçon à la reconnaissance de la cancérogénité de la silice. Quant aux émanations des moteurs diesel, les conclusions vont de la possibilité à la probabilité et à la cancérogénité.

[79]        Dans « Émissions de diesel et cancer du poumon, meta-analyse »[15], l’auteur analyse les résultats de plusieurs études publiées entre 1975 et 1995 concernant les PCR et le cancer du poumon[16]. Ces études ont été réalisées auprès de chauffeurs de camions et d’autobus, de mécaniciens, d’employés de chemin de fer, de débardeurs et d’opérateurs de machinerie lourde. Les mineurs ont été exclus de cette analyse en raison des facteurs confondants telle l’exposition à la silice, au radon et à l’arsenic. Le taux d’exposition aux poussières combustibles respirables n’est pas connu, les conclusions de ces études reposent donc sur une présomption d’exposition pour les emplois retenus. Cette étude conclut à un risque relatif plus élevé pour ces travailleurs.

[80]        Dans « Diesel Exhaust, what is Diesel Exhaust? »[17], les auteurs font une analyse sommaire des composantes des PCR, une multitude de substances différentes principalement composées de gaz et de particules. Cet article rapporte que les travailleurs de chemin de fer qui ont plus de 20 ans de service sont plus susceptibles de développer un cancer du poumon que la population en général. Cette étude n’indique pas le taux d’exposition réelle des travailleurs de chemin de fer aux émanations de moteurs diesel.

[81]        Dans « What is Diesel Exhaust »[18], les docteurs Frumkinn et Thun sont d’opinion que les travailleurs exposés aux PCR de façon importante et sur une période de temps prolongée, tels les employés de chemin de fer, les opérateurs de machinerie lourde, les mineurs et chauffeurs de camions, sont plus à risque de développer un cancer du poumon que les travailleurs qui ne sont pas exposés.

[82]        Dans « Diesel and Gasoline Engine Exhausts »[19], on conclut également que les émanations de moteurs diesel sont probablement cancérigènes.

[83]        Dans U.S. « EPA Health Assessment for Diesel Engine Exhaust : A review »,[20] les auteurs concluent que les émanations des moteurs diesel sont possiblement cancérigènes même si l’évidence de la relation n’est pas suffisante en raison de l’inexistence de courbe dose-réponse fiable. Cet article tient compte de la diminution de la toxicité des PCR en raison de l’amélioration de la composition du diesel et des systèmes d’échappement des moteurs diesel.

[84]        Dans « Smoking imputation and lung cancer in railroad workers exposed to diesel exhaust »[21], les auteurs Garshick et als traitent de l’effet confondant du tabagisme et de l’exposition aux poussières combustibles respirables. Dans une autre étude intitulée « Lung Cancer and Vehicle Exhaust in trucking Industry Workers »[22], les auteurs Eric Garshick et als émettent l’hypothèse que le risque de développer un cancer du poumon chez les travailleurs qui présentent un historique professionnel avec une exposition régulière aux PCR est plus élevé que chez les travailleurs qui ne sont pas exposés.

[85]        Dans « Occupational and environnemental respiratory disease »[23], les auteurs Harber et als concluent à un risque augmenté de cancer pulmonaire chez les travailleurs exposés à la poussière de silice et aux PCR. Dans cette étude, les auteurs indiquent que la seule exposition à la silice n’est pas concluante puisqu’il existe différents types de silice et qu’il est possible que la cancérogénéité varie en fonction du type de silice. Ils sont d’opinion par ailleurs que la seule présence de silice n’est pas suffisante pour établir une relation avec le cancer du poumon. En présence de silicose, cette relation est probable.

[86]        Dans « IARC Monographs on the evaluation of carcinogenic risks to humans »[24], les auteurs concluent à une évidence pour les humains de la cancérogénéité de la silice cristalline ou cristobalite. Toutefois, cette évidence n’est pas suffisante en ce qui concerne l’exposition à la silice de type diatomée ou la silice amorphe synthétique.

[87]        Dans « Silica crystalline : a-Quartz and cristobalite »[25], les auteurs se penchent aussi sur l’incidence de l’exposition à la silice et le cancer du poumon. Ils sont d’avis que la prévalence du cancer est plus importante en présence de silicose et que les résultats ne sont pas concluants en présence seulement de la silice. Ainsi, la prévalence du cancer du poumon est plus importante en présence de silicose.

[88]        Dans « Les émissions de moteurs diesel; revue sommaire de leur composition et des risques de développement du cancer du poumon »[26], les auteurs sont d’avis que l’exposition aux EMD est un cancérigène possible. Il y a lieu de citer un passage pertinent de cet article :

Plusieurs groupes d’experts se sont penchés sur les risques de développement de cancers pulmonaires suite à l’exposition aux EMD. Le Tableau 3, produit à partir d’informations contenues dans certains des articles consultés, dresse une liste de certaines des grandes conclusions qui ont été tirées par ces chercheurs et divers instituts de recherche et organismes gouvernementaux. Nous constatons que plus de 40 ans après la première étude épidémiologique sur le sujet, la controverse se poursuit et les opinions diffèrent.

 

Lorsque l’on résume les études positives et négatives, l’évidence pour le cancer pulmonaire supporte un effet cancérigène faible mais l’évidence pourrait être circonstancielle. Néammoins, certaines études ont montré un excès de risques même après avoir contrôlé pour le tabagisme et l’exposition à l’amiante. Même si plusieurs résultats publiés sont statistiquement peu significatifs, ils sont généralement consistants à montrer une association faible entre l’exposition aux EMD et le cancer pulmonaire. Ils suggèrent qu’une exposition prolongée aux EMD à fortes concentration sur plusieurs années pourrait être associée avec une augmentation du risque  de développement de cancer pulmonaire. L’absence de mesures suffisantes d’exposition des populations étudiées semble le principal problème méthodologique limitant l’interprétation des données épidémiologiques et leur utilisation dans l’évaluation du risque. La question des facteurs confondants est aussi difficile à aborder. La cause principale, la fumée de cigarette, a été tenue en compte dans certaines études et n’a pas permis d’expliquer totalement l’augmentation du risque laissant ainsi une contribution aux EMD.

 

 

[89]        Examinons maintenant les études déposées par l’employeur :

[90]        Dans « Dose-Response meta-analysis of silica and lung cancer »[27], les docteurs Lacasse, Gagné, Martin et Lakhal ont fait une méta-analyse sur les effets cancérigènes de la silice en fonction du niveau d’exposition. Leur conclusion est que la silice est un agent cancérigène pour le poumon. Cependant, ce risque se manifeste quand l’exposition cumulative est très au-delà des limites recommandées et pour une exposition très prolongée.

[91]        Dans « What is new in diesel »[28], les auteurs discutent des améliorations apportées au combustible diesel pour le rendre moins polluant et moins nocif pour la santé depuis le début des années 1980. Cet article conclut à la cancérogénéité des EMD. Cet article rapporte que les données pour les mineurs souterrains ne montrent pas une incidence plus élevée de cancer que les mineurs en surface, lesquels sont peu exposés aux émanations de combustion de diesel.

[92]        Dans « A Critical Assessment of Studies on the Carcinogenic Potential of Diesel Exhaust »[29], les auteurs Hesterberg et als ont fait une méta-analyse de plus de 250 études concernant la cancérogénicité des EMD. Cette étude conclut qu’il n’est pas possible de prédire les effets des EMD sur la santé humaine ni de relier l’exposition aux EMD à une augmentation des cancers du poumon.

[93]        À ce stade, le tribunal dispose de toute la preuve utile pour disposer du litige dans le présent dossier.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[94]        La Commission des lésions professionnelles doit décider si monsieur Claude Fortin a subi une maladie pulmonaire professionnelle le 28 septembre 2005.

[95]        Dans le présent dossier, le diagnostic de la maladie dont est atteint le travailleur est un cancer de type adénocarcinome au poumon. Ce diagnostic n’est pas remis en cause par les parties et il lie la CSST de même que le tribunal afin de statuer sur l’admissibilité de la réclamation du travailleur tel que le prévoit l’article 233 de la loi :

233.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi sur les droits du travailleur qui lui produit une réclamation alléguant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire, la Commission est liée par le diagnostic et les autres constatations établis par le comité spécial en vertu du troisième alinéa de l'article 231 .

__________

1985, c. 6, a. 233.

 

 

[96]        La notion de lésion professionnelle est définie à l’article 2 de la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

 

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

 

 

[97]        L’article 29 de la loi prévoit des présomptions qui facilite la preuve de l’existence d’une maladie professionnelle. Cette disposition se lit comme suit :

29.  Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

[98]        La section V de l’annexe 1 de la loi fait présumer qu’il y a une relation entre le cancer du poumon et l’exposition à l’amiante. Dans le présent dossier, le tribunal ne dispose d’aucune preuve voulant que le travailleur aurait été exposé à la fibre d’amiante. La présomption de l’article 29 ne peut donc s’appliquer.

[99]        Le travailleur doit donc démontrer par une preuve prépondérante qu’il a contracté sa maladie par le fait ou à l’occasion de son travail ou que la maladie est reliée aux risques particuliers de son travail ou caractéristique de son travail.[30]

30.  Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[100]     Afin d’établir qu’une maladie est caractéristique d’un travail, on doit disposer d’une preuve qui établit qu’un nombre important ou significatif de personnes, travaillant dans des conditions semblables à celles du travailleur, ont également été affectées par la même maladie. Généralement, cette preuve se fait à l’aide d’études statistiques et épidémiologiques et nécessite donc un nombre significatif d’individus touchés afin d’éliminer toute association fortuite. Il faut donc que cette maladie se retrouve plus souvent chez un groupe de travailleurs qu’ailleurs[31].

[101]     La preuve démontre qu’aucun autre cas d’adénocarcinome au poumon n’a été répertorié chez l’employeur. Les représentants des parties n’ont pas soutenu dans leurs argumentations respectives que la maladie du travailleur pouvait être caractéristique du travail. Dans les circonstances, le tribunal est d’avis qu’il n’y a pas lieu de retenir ce cadre d’analyse.

[102]     Le travailleur doit donc démontrer par une preuve prépondérante que sa maladie résulte des risques particuliers de son travail. La preuve doit démontrer l’existence du risque et que ce risque a contribué de façon significative et déterminante au développement de la maladie. Le fardeau de la preuve appartient au travailleur.

[103]     Le tribunal tient à préciser que le niveau de preuve est celui de la prépondérance. Le travailleur n’a donc pas à faire la preuve d’une certitude scientifique quant à la relation entre le cancer qui l’affecte et les risques auxquels il a pu être exposés dans le cadre de son travail. La Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Chiasson[32] s’est prononcée sur le fardeau de preuve qui incombe au travailleur :

[24]  Le fardeau de preuve qui repose sur les épaules de l’intimée est extrêmement lourd, eu égard encore une fois à l’étiologie et à la symptomatologie mal connues et si mal développées de ce syndrome. C’est presque ce que l’on appelait dans l’ancien droit la «probatio diabolica», c’est-à-dire une preuve extrêmement difficile à établir. Mais, rappelons-le cependant, la seule difficulté d’établir le lien causal n’a pas pour effet de changer le critère traditionnel de la simple prépondérance de preuve.

 

[25]  Qu’en est-il en l’espèce ? La règle fondamentale a été récemment rappelée par notre cour dans l’arrêt Société de l’assurance automobile du Québec c. Viger(9), qui a décidé, dans un cas présentant une analogie évidente avec celui sous étude, que le fait d’exiger une preuve ayant la rigueur scientifique plutôt que la simple preuve prépondérante traditionnellement acceptée et reconnue constituait une erreur manifestement déraisonnable donnant ouverture à révision judiciaire.

 

[…]

 

[29]  Le médecin de la CSST refuse donc de reconnaître une relation causale, non pas en se fondant sur la prépondérance de preuve, mais bien sur l’absence d’une preuve scientifique directe démontrant l’existence de la maladie et de son lien avec l’accident

 

« […] »

 

 

[104]     Par ailleurs, le tribunal adhère à l’analyse de la juge administrative Tardif dans l’affaire Aldérick Morissette (succession)[33] concernant le fardeau que doit rencontrer un travailleur :

[187] Autre constat : la notion de probabilité peut ne pas être la même pour un scientifique que pour un juriste. Le terme probable est en effet réservé par le CIRC aux cas où les données sont limitées. Pour un juriste cependant, si l’existence d’un fait est plus probable que son inexistence, l’existence de ce fait est considérée comme ayant été démontrée. Ainsi, un fait jugé probable par un scientifique demeure pour lui incertain puisque les données sont limitées, alors que le fait peut être considéré prouvé pour un juriste, malgré la part plus ou moins grande d’incertitude qui subsiste.

 

[188] Compte tenu de la large gamme de situations couvertes par le mot probable dans l’esprit d’un scientifique, il pourra donc arriver des situations où la probabilité scientifique est plus exigeante que la probabilité juridique et d’autres situations où la probabilité scientifique et la probabilité juridique se rejoignent.

 

[189] Considérant la rigueur de la démarche d’analyse scientifique, on peut aussi concevoir que la possibilité scientifique établie à partir de données épidémiologiques soit équivalente à une probabilité juridique pour un cas particulier.

 

 

[105]     Compte tenu de la nature de la maladie qui affecte le travailleur, il doit d’abord être démontré que le travailleur a été exposé à des substances cancérigènes de nature à entraîner sa pathologie soit un cancer au poumon.

[106]     Pour déterminer si l’adénocarcinome du poumon qui affecte le travailleur est relié aux risques particuliers de son travail d’électricien dans des mines souterraines, il faut analyser les conditions d’exercice de ce travail par le travailleur. Cette preuve a été faite devant le tribunal en ce qui concerne les tâches d’électricien chez Iamgold - Mine Doyon. Le tribunal a peu d’informations sur ce à quoi a pu être exposé le travailleur alors qu’il était à l’emploi des autres employeurs au présent dossier. Le seul élément dont dispose le tribunal se trouve dans l’ « annexe à la réclamation du travailleur » dans laquelle le travailleur indique que la situation était pire chez les autres employeurs, car il était exposé à des gaz de sautage et à des solvants.

[107]     Le tribunal est d’avis qu’en l’absence de silicose, il ne peut retenir l’exposition à la silice comme un facteur de risque dans la présente affaire. La doctrine médicale associe la présence de silicose au développement du cancer du poumon, toutefois, faut-il être en présence de silicose ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Sur cette question, le tribunal s’en remet à l’expertise du docteur Gildo Renzi et au témoignage du docteur Paolo Renzi. Ceux-ci ont fait une revue de la littérature médicale sur le sujet. Ces études concluent que l’effet carcinogénique de la silice est réel. Toutefois, son incidence n’est concluante que dans les cas ou la silicose est déjà présente. La présence de fibrose pulmonaire associée à la silicose serait le précurseur du cancer ce qui ne peut être le cas dans le présent dossier puisque le travailleur ne présente pas de silicose.

[108]     Ainsi, selon l’avis quasi-unanime des chercheurs sur la question, l’effet cancérigène de la silice existe en présence de silicose. Au surplus, les trois pneumologues du Comité spécial des présidents n’ont pas retenu l’exposition aux poussières de silice comme facteurs de risque. Le tribunal attribue cette conclusion du Comité spécial à l’absence de silicose.

[109]     Le seul autre facteur de risque possible est la présence d’EMD chez les employeurs pour qui le travailleur a effectué un travail d’électricien sous terre.

[110]     Le tribunal constate que la majorité des études déposées en preuve concluent que les EMD sont cancérigènes. Dans « Émissions de diesel et cancer du poumon, meta-analyse », on conclut à un risque relatif plus élevé pour les travailleurs de chemin de fer, les chauffeurs d’autobus et de camions, les débardeurs et les opérateurs de machinerie lourde. Il en est de même dans « Smoking imputation and lung cancer in railroad workers exposed to diesel exhaust ». D’autres études dont « What is Diesel Exhaust », « Diesel and Gasoline Engine Exhausts », «EPA Health Assessment for Diesel Engine Exhaust : A review : »,  « Lung Cancer and Vehicle Exhaust in trucking Industry Workers », « Occupational and environnemental respiratory disease » et « Les émissions de moteurs diesel : revue sommaire de leur composition et des risques de développement du cancer du poumon », concluent que les travailleurs exposés aux EMD sont plus susceptibles de développer un cancer du poumon.

[111]     Les deux experts entendus à l’audience sont d’avis qu’il y a des éléments cancérigènes dans les EMD. Pour l’expert de l’employeur, l’exposition du travailleur aux EMD chez l’employeur n’est pas suffisamment significative pour causer un cancer du poumon. Il s’en remet principalement aux conclusions de l’étude réalisée par Hesterberg[34] et à celle des docteurs Lacasse et als[35] voulant que le risque est minime lorsque l’exposition est peu importante.

[112]     Quant au docteur Ostiguy, l’expert du travailleur, il est d’avis qu’il n’existe pas de seuil sécuritaire et les faits ne permettent pas d’identifier d’autres facteurs de risques.

[113]     Le tribunal est d’avis que la preuve prépondérante lui permet de conclure que les EMD contiennent des éléments cancérigènes et qu’il s’agit d’un facteur de risque pour développer un cancer du poumon. La majorité des études scientifiques concluent à l’existence de ce facteur de risque, les experts à l’audience partagent cette opinion, la conclusion des membres du Comité des maladies pulmonaires professionnelles et celle du Comité spécial des présidents vont dans le même sens.

[114]     La preuve démontre que le taux d’exposition du travailleur aux émanations de moteurs diesel chez l’employeur est en deça des normes règlementaires. À part quelques dépassements ponctuels de la norme règlementaire, le niveau d’exposition aux EMD n’est pas très élevé. Toutefois, pendant la majorité de son temps de travail chez l’employeur, le travailleur est exposé à des EMD puisqu’il exerce ses tâches sous terre en présence d’équipements mobiles fonctionnant avec des moteurs au diesel. Pour les années 1998 et suivantes, la preuve révèle une exposition faible la plupart du temps mais elle est bien réelle.

[115]     La preuve ne permet pas de conclure que le travailleur est toujours exposé à des faibles doses de EMD alors qu’il exerce son travail d’électricien sous terre. Les indications du travailleur dans sa réclamation à la CSST laissent croire que l’exposition était plus importante alors qu’il exerçait son travail pour d’autres employeurs. Le tribunal retient aussi le témoignage de monsieur Dominique Boucher, ce travailleur qui a effectué pendant six années le même travail que le travailleur. Il a témoigné que leur affectation au développement de nouvelles galeries de mines impliquait des tâches avec une ventilation moins adéquate.

[116]     Le tribunal retient aussi que la CSST est intervenu à six reprises auprès de l’employeur en raison de problèmes reliés à la qualité de l’air pendant la période où le travailleur exerçait son travail d’électricien pour l’employeur, soit entre 1994 et 2004. Par ailleurs, les résultats d’échantillonnage pour les PCR déposés en preuve débutent en 1998. Le tribunal ignore donc ce qu’il en était entre 1989 et 1998 alors que le travailleur était à l’emploi de l’employeur.

[117]     Dans le présent dossier, le facteur de risque existe. La preuve démontre que le travailleur a été exposé aux EMD. L’employeur a fait la démonstration à l’audience que le niveau d’exposition à ce facteur de risque était en-deça des normes règlementaires. La preuve démontre que l’employeur fait des efforts louables pour diminuer au minimum l’exposition de ses travailleurs à différents contaminants. Toutefois, la preuve ne démontre pas l’absence totale de ces contaminants. Même à faible dose, ils sont pratiquement toujours présents.

[118]     Le tribunal tient à préciser qu’une norme règlementaire n’est pas l’indication d’un seuil qui permet de déterminer si un travailleur est atteint d’une maladie professionnelle ou non[36]. Les normes existent comme mesure de prévention pour diminuer le risque de développer une pathologie associée à un risque particulier. Les modifications apportées à la règlementation au fil des ans témoignent de l’évolution de la science sur les risques associés à différents contaminants.

[119]     Le tribunal est d’avis que le travailleur a démontré par une preuve prépondérante qu’il est atteint d’une maladie pulmonaire professionnelle. Le travailleur a été exposé aux EMD, soit un facteur de risque, pendant près de 25 ans dans l’exercice de son travail d’électricien sous terre. Au surplus, la preuve ne permet pas d’identifier un autre facteur de risque qui pourrait expliquer la survenance de cette maladie chez un travailleur non-fumeur âgé de 44 ans au moment de sa réclamation et en bonne santé.

[120]     Le tribunal retient également que six pneumologues, soit les membres du Comité des maladies pulmonaires professionnelles « B » de Montréal et les membres du Comité spécial des présidents ont fait la relation entre la maladie du travailleur et son exposition à des EMD dans l’exercice de son travail dans des mines souterraines. Bien que les membres de ces comités ne disposaient pas des taux d’exposition du travailleur aux EMD au cours de sa carrière professionnelle, leur conclusion repose sur une prémisse que la preuve a mis en évidence à savoir que le travailleur a été exposé à un facteur de risque soit l’exposition aux EMD tout au cours de sa carrière professionnelle.

[121]     L’existence de la relation entre le facteur de risque et la maladie qui affecte le travailleur est plus probable que son inexistence.

[122]     Dans les circonstances, la requête de l’employeur est rejetée.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de Iamglod - Mine Doyon (l’employeur);

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 9 août 2006 voulant que monsieur Claude Fortin a subi une maladie pulmonaire professionnelle le 28 septembre 2005 et qu’il a droit aux indemnités prévues par la loi;

RECONVOQUERA les parties pour disposer des autres questions en litige.

 

 

 

__________________________________

 

Paul Champagne

 

 

 

 

Stéphan Ferron, avocat

CAIN LAMARRE CASGRAIN WELLS

Représentant de la partie requérante

 

 

Annick Delisle, avocate

PHILION LEBLANC BEAUDRY

Représentant d’une partie intéressée

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. A 3.001

[2]           Fortugno et Laliberté Associés inc., [2004] C.L.P. 792 .

[3]           Abréviation pour émanations de moteurs diesel.

[4]           Partie par million. Terme largement utilisé par les scientifiques.

[5]           L.R.Q. c. S-2.1

[6]           L’abréviation PCR utilisée plus loin dans la décision réfère aux poussières combustibles respirables.

[7]           Voir Dose-reponse meta-analysis of silica and Jung cancer, in Cancer causes Control, p. 925 à 933, 2009.

[8]           Voir A critical Assessment of Studies on the Carcinogénic Potential of Diesel Exhaust, Hesterberg et al., in Critical Reviews in Toxicology, p. 727 à 776, 2006

[9]           Précité, note 6.

[10]         Émissions de Diesel et Cancer du poumon, Meta-analyse, Dr G. Ostiguy, MUCH, décembre 2009.

[11]         Prevention and early detection, National Toxicology Program (NTP) Report on carcinogens, 11e Edition : Carcinogen profiles. Research Triangle Park : National Toxicology Program 2005, p. 95-97; Diesel Exhaust, Frumkin and Thum 51(3) : 193 - CA : A cancer journal of clinicians.Inhalation toxicology, U.S. Environnemental Protection agency, Washington, DC, USA, online publication date : 01 january 2007.

[12]         « Smoking imputation and lung cancer in railroad workers exposed to diesel exhaust », American Journel of Industrial medecine 49 : p. 709-718

[13]         « Lung cancer and vehicle exhaust in trucking industry workers », Environnemental Health Perspectives, volume 116, number 10, October 2008.

[14]         Signature Publications, Montréal, 2008, Gaston Ostiguy

[15]         G. Ostiguy, « Émissions de Diesel et Cancer du poumon, Méta-analyse »,MUHC, décembre 2009.

[16]         Ces études se basent sur deux articles publiés par des chercheurs soit : Occupational Exposure to Diesel Exhaust and Lung Cancer : A Meta-Analysis in American Journal of Public Health, Michael Lipsett et als., vol. 89, juillet 1999; Diesel Exhaust Exposure and Lung Cancer in Epidemology, Rajiv Bhatia et als, janvier 1998;

[17]         National Toxicology Program (NTP) Report on carcinogens, « Diesel Exhaust, what is Diesel Exhaust? »,11 Edition : Carcinogen profiles.      Research Triangle Park : National Toxicology program 2005, p. 95-97

[18]         Frumkin and Thun, « What is Diesel Exhaust »  51(3) : 193-CA : A cancer journal of clinicians (2001)

[19]         IARC, « Diesel and Gasoline Engine Exhaust »,  volume 46, 1989.

[20]         Charles Ris, « U.S. EPA Health Assessment for Diesel Engine Exhaust : A review », in Inhalation Toxicology, 19(Suppl. 1) : 229-239, 2007.

[21]         Garschick et als., « Smoking Imputation and Lung Cancer in Railroad Workers Exposed to Diesel Exhaust », in American Journal of industrial medecine 49 :709-718 (2006).

[22]         Garshick et als., « Lung Cancer and vehicle exhauts in Trucking Industry Workers » Environnemental Health Perspectives, volume 116, no 10, octobre 2008

[23]         Harber, Shenker et Balmes, « Occupationnal and environnemental respiratory disease », Section VII, p. 589 et suivantes

[24]         Collectif : International agency for research on cancer, « IARC monographs on the evaluation of carcinogenic risks to humans », volume 68, 22 octobre 1996

[25]         « Silica, crystalline : a-Quartz and cristobalite », ACGIH 2006

[26]         Claude Ostiguy et Jacques Lesage, « Les émissions de moteurs diesels : revue sommaire de leur composition et des risques de développement de cancer pulmonaire », IRSST, juin 1998, R-194,

[27]         Lacasse, Gagné, Martin et Lakhal, « Cancer Causes Control » (2009) 20-925-933

[28]         Valberg et Lapin, « Arch Occup Environ Health, Bunn », (2002) 75 (Suppl) : S122-S132.

[29]         Hertesberg et als, « Critical Review in Toxicology », 36-727-776 (2006)

[30]   Cie d’échantillons National ltée [2004] C.L.P. 501 ; Entreprise d’émondage LDL inc. Et Rousseau 214662-04-0308, J.-F. Clément; Centre d’action bénévole des Seigneuries et Boucher-Lemieux, 252155-01A-0412, G. Tardif.

[31]         Hébert et SNOC (1992) inc., C.L.P. 397532-62B-0911, 4 août 2010, M. Watkins.

[32]         Commission de la santé et de la sécurité du travail et Chiasson, [2001] C.L.P. 875 (C.A.).

[33]         Aldérick Morissette (Succession) et Ville de Québec, 2009 LP-22.; requête en révision judiciaire rejetée, 200-17-011312-097, 10-01-27, j. Allard, (09LP-229), requête pour permission d'appeler rejetée, C.A. Québec, 200-09-006973-108, 10-06-01, j. Dutil.

[34]         Supra note 8.

[35]         Supra note 27.

[36]         Les Silos Port-Cartier et Chislom et CSST, C.L.P. 232306-09-0404, 20 novembre 2006, P. Simard.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.