Charland c. Hydro-Québec |
2012 QCCS 5940 |
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JD 2315 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-06-000461-091 |
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500-06-000522-108 |
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DATE : |
18 décembre 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
MICHEL DÉZIEL, J.C.S. |
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500-06-000461-091 (Recours collectif no 1) |
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MONIQUE CHARLAND |
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Requérante-INTIMÉE |
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c. |
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HYDRO-QUÉBEC |
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Intimée-REQUÉRANTE |
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500-06-000522-108 (Recours collectif no 2) |
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CHANTAL MALTAIS |
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et |
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MONIQUE CHARLAND |
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Requérantes-INTIMÉES |
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c. |
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HYDRO-QUÉBEC |
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Intimée-REQUÉRANTE |
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JUGEMENT RECTIFICATIF (a. |
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[1] Le 26 novembre 2012, le Tribunal a rendu un jugement aux présents dossiers.
[2]
Il s'est glissé des erreurs qui peuvent être rectifiées par le
Tribunal aux termes de l'article
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
RECTIFIE le jugement rendu le 26 novembre 2012 afin d'y corriger l'erreur apparaissant au paragraphe 21 afin qu’il se lise comme suit :
[21] Les Intimées réfèrent aux dispositions suivantes :
2857. La preuve de tout fait pertinent au litige est recevable et peut être faite par tous moyens.
2858. Le tribunal doit, même d'office, rejeter tout élément de preuve obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et dont l'utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.
Il n'est pas tenu compte de ce dernier critère lorsqu'il s'agit d'une violation du droit au respect du secret professionnel.
1045. Le Tribunal peut, en tout temps en cours de la procédure relative à un recours collectif, prescrire des mesures susceptibles d’accélérer son déroulement et de simplifier la preuve si elles ne portent pas préjudice à une partie ou aux membres ; il peut également ordonner la publication d’un avis aux membres lorsqu’il l’estime nécessaire pour la préservation de leurs droits.
RECTIFIE la note de bas de page no. 6 afin qu’elle se lise comme suit :
6 2005 CanLII 57313 (QCCS) (l’honorable Jean-François Buffoni, j.c.s.) (23 novembre 2005).
RECTIFIE la note de bas de page no. 10 afin qu’elle se lise comme suit :
10
Jacques et als c. Pétroles Therrien inc. et als,
LE TOUT SANS FRAIS.
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_________________________________ MICHEL DÉZIEL, j.c.s. |
Charland c. Hydro-Québec |
2012 QCCS 5940 |
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JD 2315 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE MONTRÉAL |
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N° : 500-06-000461-091 |
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500-06-000522-108 |
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DATE : |
26 novembre 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
MICHEL DÉZIEL, J.C.S. |
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500-06-000461-091 (Recours collectif n° 1) |
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MONIQUE CHARLAND |
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Requérante-INTIMÉE |
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c. |
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HYDRO-QUÉBEC |
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Intimée-REQUÉRANTE |
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500-06-000522-108 (Recours collectif n° 2) |
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CHANTAL MALTAIS |
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et |
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MONIQUE CHARLAND |
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Requérantes-INTIMÉES |
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c. |
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HYDRO-QUÉBEC |
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Intimée-REQUÉRANTE |
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JUGEMENT |
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[1] Hydro-Québec présente une requête pour ordonnance de remise de documents lui appartenant.
[2] Le 28 août 2010, dans le dossier 500-06-000461-091 («Recours collectif n° 1»), le juge Steve Reimnitz accueille une requête pour autorisation d’exercer un recours collectif et pour obtenir le statut de représentant.
[3] Le 5 octobre 2012, Hydro-Québec produit sa défense dans le Recours collectif n° 1.
[4] Le 17 juillet 2012, dans le dossier 500-06-000522-108 («Recours collectif n° 2»), le soussigné accueille en partie une requête amendée pour autorisation d’exercer un recours collectif et pour obtenir le statut de représentant.
[5] Le jugement du 17 juillet 2012 attribue aux corequérantes Chantal Maltais et Monique Charland le statut de représentant pour le compte du groupe décrit comme suit :[1]
« 4. Les Co-Requérantes désirent exercer un recours collectif contre l'Intimée Hydro-Québec pour le compte de toutes les personnes physiques, personnes morales de droit privé, sociétés ou associations formant le groupe (collectivement les «Membres du Groupe») ci-après décrit, soit:
« Toutes les personnes physiques et toutes les personnes morales de droit privé, sociétés ou associations, comptant en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède le 16 septembre 2010 sous leur direction ou sous leur contrôle au plus 50 personnes liées à elles par contrat de travail, qui étaient et/ou sont clients de l'Intimée Hydro-Québec et qui ont eu et/ou continuent d'avoir des problèmes avec leur facturation attribuable de quelque manière que ce soit à la mise en place du nouveau système informatique de l'Intimée Hydro-Québec dont l'implantation a été complétée en 2008, soit en ayant été au moins une fois sous-facturées, surfacturées et/ou non facturées pendant leur période de facturation applicable.»
[6] Le 16 octobre 2012, les corequérantes déposent leur requête introductive d’instance en recours collectif dans le Recours collectif n° 2.
[7] Il y a lieu de reproduire intégralement les faits décrits aux paragraphes 2 à 14 de la présente requête :
« 2. Le 8 août 2012, vers 11h45, les procureurs d’Hydro-Québec ont été avisés par téléphone, par les procureurs des Intimées, qu’une boîte de documents («Boîte») avait été laissée la veille à l’extérieur du domicile de Mme Monique Charland;
3. Lors de cet appel téléphonique, les procureurs des Intimées ont mentionné que la Boîte portait un carton et ont par la suite fait parvenir une copie de ce carton, tel qu’il appert de la pièce R-1, ce carton se lit comme suit :
Chantal MaltaisMonique
Charland
[…] Mtl.
Si quoi que ce soit ici peut vous
être utile dans votre recours contre mes salauds d’ex-employeurs,
servez-vous, le «buffet» est ouvert et gratuit!
Bonne chance, Mme Chartrand
4. Les procureurs des Intimées confirmaient également aux procureurs d’Hydro-Québec que la Boîte portait l’enseigne imprimée «HQ»;
5. Les procureurs des Intimées ont, préalablement à l’appel avec les procureurs d’Hydro-Québec, décidé de la marche à suivre après réception de la Boîte en sollicitant une tierce partie, qu’ont ont choisi pour agir à titre de gardien par intérim de la Boîte;
6. Pris par surprise et de façon tout à fait intérimaire, les procureurs d’Hydro-Québec ont indiqué qu’ils informeraient leur cliente de la situation afin de recevoir des instructions, mais ont accepté que la Boîte quitte la possession des procureurs des Intimées pour aller chez le gardien par intérim;
7. Vers 14h22, dans les heures qui ont suivi cette conférence téléphonique, après avoir discuté avec leur cliente, les procureurs d’Hydro-Québec ont transmis un courriel aux procureurs des Intimées, exigeant le retour immédiat des documents appartenant à Hydro-Québec, tel qu’il appert de la pièce R-2;
8. À la lecture du carton d’expédition, la Boîte contient de toute évidence des documents appartenant à Hydro-Québec qui lui ont été subtilisés dans le cadre d’un différend en droit du travail impliquant un ancien employé;
9. Les procureurs des Intimées n’ont pas donné suite à la demande formulée dans le courriel sous la pièce R-2;
10. Plutôt, par courriel et lettre du 8 août 2012, ils ont décidé de saisir les Honorables Steve J. Reimnitz et Michel Déziel, j.c.s., juges ayant autorisé les recours collectifs, tel qu’il appert de la pièce R-3;
11. Par courriel et lettre du 9 août 2012, adressée aux Honorables Juges, les procureurs d’Hydro-Québec ont demandé à nouveau le retour de la Boîte, notamment en ces termes, et tel qu’il appert de la pièce R-4 :
Un avocat qui se retrouve en possession de biens qui appartiennent à l’autre partie a le devoir de les lui remettre sur demande. Dans le présent cas, Me Paquette n’a pas de motifs pour refuser cette demande.
Si Me Paquette refuse d’agir ainsi, Hydro-Québec prendra les procédures qui s’imposent, sans vous importuner ni vous pousser à la considération de documents qui ne sont pas encore au dossier de la Cour.
12. Puis, par courriel du 9 août 2012 (18h11), les procureurs des Intimées confirmaient qu’ils ne mettraient pas volontairement fin à la garde des documents par le tiers, notamment en ces termes, et tel qu’il appert de la pièce R-5 :
Dans l’intérim, les documents visés sont sous bonne protection et il n’y a vraiment aucune raison ou urgence à mettre fin de manière précipitée à la garde de Me Jeansonne. Nous croyons sincèrement que toutes les parties en l’instance devraient avoir le droit d’être entendues par le Tribunal sur cette question importante et nous vous soumettons avec respect que le Tribunal devrait tirer une inférence négative si l’une ou l’autre des parties en l’instance devait tenter un coup de force dans les présences circonstances.
13. Les procureurs des Intimées refusent donc jusqu’à ce jour de retourner la Boîte à Hydro-Québec;
14. La note et l’identification de la Boîte rendent clair qu’elle et son contenu sont des biens qui appartiennent à Hydro-Québec;»
[8] Le soussigné a décidé de se saisir de la présente requête.
[9] Les procureurs des Intimées ne détiennent aucun droit sur les biens d’Hydro-Québec qui lui ont été volés.
[10] Le concept du «whistleblowing» ne s’applique pas en l’espèce puisqu’il ne s’agit pas d’une relation employeur-employé, mais d’un ex-employé.
[11] Le privilège avocat-client ne s’applique pas en l’espèce.
[12] Les procureurs des Intimées ni les Intimées ne connaissent ni l’auteur du dépôt de la Boîte ni son contenu.
[13] Me Jacques Jeansonne a la garde de cette Boîte après y avoir apposé des scellés.
[14] Des éléments de faits allégués à la requête ne sont pas attestés par affidavit, dont la situation illégale alléguée.
[15] La Boîte pourrait contenir des éléments publics et/ou n’appartenant pas à Hydro-Québec pertinents au litige.
[16] Les
Intimées ont le droit de prendre connaissance du contenu de la Boîte selon la
règle de base de divulgation en matière civile aux termes des articles
[17] Aucun préjudice n’est causé à Hydro-Québec si la communication du contenu est faite dès maintenant, si ce contenu peut être obtenu légalement à l’audition au mérite.
[18] Pour évaluer la pertinence, il faut faire l’inventaire du contenu pour consulter tous documents pertinents au présent litige non couverts par le privilège avocat-client et établir un niveau de filtrage qui pourrait être fait par Me Jacques Jeansonne.
[19] Le Guide des meilleures pratiques du Barreau du Québec[2] encourage la communication des documents requis préalablement à tout interrogatoire.
[20] Hydro-Québec réfère aux dispositions légales suivantes :
2. Les règles de procédure édictées par ce code sont destinées à faire apparaître le droit et en assurer la sanction; et à moins d'une disposition contraire, l'inobservation de celles qui ne sont pas d'ordre public ne pourra affecter le sort d'une demande que s'il n'y a pas été remédié alors qu'il était possible de le faire. Ces dispositions doivent s'interpréter les unes par les autres et, autant que possible, de manière à faciliter la marche normale des procès, plutôt qu'à la retarder ou à y mettre fin prématurément.
20. Si le moyen d'exercer un droit n'a pas été prévu par ce code, on peut y suppléer par toute procédure non incompatible avec les règles qu'il contient ou avec quelque autre disposition de la loi.
46. Les tribunaux et les juges ont tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de leur compétence.
Ils peuvent, en tout temps et en toutes matières, tant en première instance qu'en appel, prononcer des ordonnances de sauvegarde des droits des parties, pour le temps et aux conditions qu'ils déterminent. De plus, ils peuvent, dans les affaires dont ils sont saisis, prononcer, même d'office, des injonctions ou des réprimandes, supprimer des écrits ou les déclarer calomnieux, et rendre toutes ordonnances appropriées pour pourvoir aux cas où la loi n'a pas prévu de remède spécifique.
[21] Les Intimées réfèrent aux dispositions suivantes :
2757. Le créancier qui entend exercer un droit hypothécaire doit produire au bureau de la publicité des droits un préavis, accompagné de la preuve de la signification au débiteur et, le cas échéant, au constituant, ainsi qu'à toute autre personne contre laquelle il entend exercer son droit.
L'inscription de ce préavis est dénoncée conformément au livre De la publicité des droits.
2758. Le préavis d'exercice d'un droit hypothécaire doit dénoncer tout défaut par le débiteur d'exécuter ses obligations et rappeler le droit, le cas échéant, du débiteur ou d'un tiers, de remédier à ce défaut. Il doit aussi indiquer le montant de la créance en capital et intérêts, s'il en existe, et la nature du droit hypothécaire que le créancier entend exercer, fournir une description du bien grevé et sommer celui contre qui le droit hypothécaire est exercé de délaisser le bien, avant l'expiration du délai imparti.
Ce délai est de 20 jours à compter de l'inscription du préavis s'il s'agit d'un bien meuble, de 60 jours s'il s'agit d'un bien immeuble, ou de 10 jours lorsque l'intention du créancier est de prendre possession du bien; il est toutefois de 30 jours pour tout préavis relatif à un bien meuble grevé d'une hypothèque dont l'acte constitutif est accessoire à un contrat de consommation.
1045. Le tribunal peut, en tout temps au cours de la procédure relative à un recours collectif, prescrire des mesures susceptibles d'accélérer son déroulement et de simplifier la preuve si elles ne portent pas préjudice à une partie ou aux membres; il peut également ordonner la publication d'un avis aux membres lorsqu'il l'estime nécessaire pour la préservation de leurs droits.
[22] Les faits énumérés aux paragraphes 2 à 7 de la requête sont appuyés par un affidavit et tenus pour avérés.
[23] Les paragraphes 8 à 27 de la requête ne sont pas appuyés par un affidavit et sont plus de la nature d’une argumentation.
[24] Séance tenante, Me Jacques Jeansonne, présent à l’audience, exhibe la boîte dont il a la garde depuis le 8 août 2012.
[25] Cette boîte a alors été scellée en y apposant des étiquettes autocollantes signées par l’Intimée Monique Charland, Me Guy Paquette et Me Jacques Jeansonne.[3]
[26] Le Tribunal a pu constater qu’il s’agit d’une boîte plus grosse qu’une boîte d’archives normale et que cette boîte porte l’enseigne imprimée «HQ» à ses deux extrémités.
[27] La pièce R-1, de papier plus flexible que du carton, est collée sur la boîte avec du ruban adhésif.
[28] De l’examen de ces faits et des allégations, le Tribunal conclut ce qui suit :
1- La personne qui écrit le message R-1 a voulu conserver l’anonymat;
2- Elle veut aider l’Intimée Charland dans son recours collectif, alors qu’il y en a deux.
3- On peut présumer qu’elle réfère au recours collectif n° 2 géré par le soussigné en ajoutant le nom de l’Intimée Chantal Maltais, même si ce dernier nom est biffé.
4- Elle a voulu cacher son geste en déposant la boîte en pleine nuit sur le perron de l’Intimée Charland.
5- Elle en veut à Hydro-Québec en les traitant de «mes salauds d’ex-employeurs».
6- Il s’agit donc d’un(e) ex-employé(e) d’Hydro-Québec.
7- La boîte est clairement identifiée au nom d’Hydro-Québec.
8- Elle ne prétend pas être propriétaire du contenu de la boîte.
9- La prépondérance de la preuve démontre que le contenu de la boîte contient des documents appartenant à Hydro-Québec et qu’ils lui ont été subtilisés.
10- On ne peut préciser s’il s’agit d’un homme ou d’une femme.
11- On ne peut préciser dans quel département cette personne travaillait au sein d’Hydro-Québec.
12- Les termes de la note laissée par cette personne démontrent qu’elle est mue par la vengeance.
[29] Hydro-Québec demande la remise immédiate de la boîte de documents.
[30] Les
Intimées invoquent la règle de la recevabilité de tout fait pertinent établie à
l’article
[31] Hydro-Québec
invoque l’article
[32] Les Intimées n’invoquent plus le concept du «whistleblowing», puisqu’il n’est aucunement question de protection d’un employé ni ne vise la correction d’une pratique.
[33] Cette volonté de vengeance de cette personne, qui démontre un désir «de régler des comptes» ne relève pas du «whistleblowing».[4]
[34] Les Intimées rétorquent que personne ne connaît le contenu de la boîte ni ne peut vérifier si des documents sont pertinents au litige, d’où la suggestion de faire faire l’inventaire par Me Jacques Jeansonne pour le bénéfice du Tribunal.
[35] Ainsi, Me Jeansonne pourrait soumettre aux procureurs d’Hydro-Québec l’inventaire des documents pour que ceux-ci indiquent les documents qu’ils considèrent protégés par le privilège avocat-client.
[36] Si d’autres objections étaient soulevées par les procureurs d’Hydro-Québec, elles pourraient être soumises au Tribunal et d’autres pistes de solution pourraient être envisagées, tel le caviardage ou la mise sous scellé.
[37] Le procureur des Intimées réfère à l’arrêt de la Cour d’appel du 27 juillet 2012 dans Elitis Pharma c. RX Job inc. :[5]
« [31] Comme l'affirme la doctrine, les tribunaux sont enclins à protéger les informations confidentielles même lorsque celles-ci ne bénéficient pas d'un privilège de confidentialité. Ils exigent dans ce cas une démonstration d'une pertinence véritable et nécessaire à la solution du litige.
[32] Qui plus est, le cas échéant, la partie peut demander une ordonnance spécifique pour la protection de ses intérêts. Elle pourra, certes, s'inspirer de la vaste gamme d'ordonnances possibles énoncée par le juge LeBel dans l'arrêt Glegg c. Smith & Nephew inc.
[33] Ce type d'ordonnance était d'autant plus possible et souhaitable en l'espèce que l'avocat de l'intimée a fait le commentaire suivant au juge de première instance :
Ce genre de questions là a été traité plusieurs fois par vous-même et vos collègues. On n'a pas d'objection à ce qu'ils nous transmettent la liste des clients qui ont augmenté, sous scellé, pour les procureurs et leur expert-comptable seulement. Et nous, on fera la corrélation avec les clients de notre… les usagers si vous voulez de notre cliente.
[34] Ce qu'il faut surtout retenir est que le
prononcé d'une ordonnance adéquate remédierait au préjudice. Ce n'est
qu'à la suite du refus de prononcer une ordonnance de protection que le
jugement interlocutoire sur ce point créerait une situation à laquelle le jugement
final ne pourrait remédier. Ce jugement de refus se qualifie sous
l'article
[38] Il y a lieu de référer aussi au paragraphe 35 de cet arrêt :
« [35] Partant, il nous semble plus approprié d'inciter, en pareilles circonstances, les plaideurs à demander une ordonnance pour protéger les intérêts privés de leur client. Cela permettrait le déroulement harmonieux du processus en première instance sans l'interrompre par une procédure d'appel prématurée. À cet égard, nous ne saurions mieux dire que le juge LeBel dans l'affaire Glegg c.Smith & Nephew Inc. :
[29] Le Code de procédure civile ne détermine pas
complètement toutes les modalités de la procédure qui s'appliqueraient dans
toute situation. Le Code reconnaît d'ailleurs lui-même l'impossibilité de
tout prévoir. L'article
[30] Dans ce contexte, le juge conserve le pouvoir de prendre toutes les mesures qui éviteraient une divulgation prématurée ou superflue de l'information confidentielle, mais permettraient aussi de s'informer adéquatement sur la nature du conflit et d'encadrer le débat judiciaire engagé à son sujet. Bien des possibilités s'offrent au juge dans ces situations (voir Foster Wheeler, paragr. 44-47, et Lac d'Amiante, paragr. 35-39). Il pourrait exiger de la partie qui présente une objection une déclaration assermentée précisant la base de celle-ci et énumérant et décrivant les documents en litige. Il aurait ensuite la possibilité d'examiner en privé les éléments de preuve, hors de la présence des parties. Il lui serait loisible aussi d'ordonner la transmission des documents, sous réserve des obligations de confidentialité qui s'appliqueraient à cette phase du débat judiciaire, comme nous l'avons vu plus haut. Le juge pourrait aussi interdire aux avocats de communiquer les documents à des tiers ou aux parties elles-mêmes. Rien de ceci n'a été fait ici, en raison de la manière dont l'intimée a conduit le débat sur son objection.»
[39] Cet arrêt ne saurait s’appliquer à la présente situation puisqu’il traite d’une objection à la preuve formulée lors d’un interrogatoire préalable après défense.
[40] Quant au jugement rendu par le juge Jean-François Buffoni, dans Simard c. Moisan, dans lequel il écrit : «Information is power»[6], celui-ci avait à se prononcer sur les modalités d’un interrogatoire dans le cadre d’une ordonnance de sauvegarde à l’intérieur d’un recours en oppression.
[41] Ce jugement ne peut s’appliquer au présent litige.
[42] Ici, nous ne sommes qu’à l’étape du dépôt récent de la requête introductive d’instance et non à l’étape de l’administration de la preuve.
[43] L’arrêt Foster Wheeler traite également d’objections soulevées lors d’interrogatoires au préalable après défense. Il s’agit d’informateurs et de documents bien identifiés, comme on peut le lire aux extraits suivants :[7]
« 44 Une
difficulté subsiste quant aux questions 19 et 23B). Ces questions
demandent la production de divers documents. La Ville y fait toujours
objection. Elle soutient qu’elles visent des documents
confidentiels. Nombre de ceux-ci seraient couverts par une immunité de
divulgation qui, en droit québécois, correspondrait au « litigation
privilege » de common law. Ce « privilège » vise à protéger les
documents préparés pour un avocat dans la perspective d’un procès appréhendé ou
en cours. Provenant de la common law, ce privilège tend maintenant, en droit
québécois, à être absorbé dans l’institution du secret professionnel. En
effet, en droit de la preuve civile du Québec, ces documents sont considérés
comme confidentiels et protégés par une immunité de divulgation (voir Royer,
op. cit., p. 868; Sous-ministre du Revenu du Québec c. Fava,
45 Le juge de première instance avait rejeté l’objection. La Cour d’appel a accueilli en partie le pourvoi sur ce point, pour ordonner que la Cour supérieure examine les documents avant de statuer sur l’application de l’immunité de divulgation judiciaire.
46 Cette partie de l’arrêt de la Cour d’appel n’a pas satisfait la Ville qui demande toujours d’interdire la production des documents, qu’elle affirme toujours visés par le secret professionnel. Elle s’oppose même à ce que le tribunal de première instance en prenne connaissance.
47 Une pareille attitude
s’explique sans doute par un souci de prudence tactique, qui veut éviter que le
juge du procès soit influencé par le contenu de documents que l’on estime
inadmissibles. Sans doute fréquentes, ces inquiétudes ne se justifient
pas. Il faut se souvenir que, quotidiennement, les juges doivent se
prononcer sur la recevabilité d’éléments de preuve qu’ils doivent examiner ou
entendre avant de les écarter et que cette fonction constitue une part
indispensable de leur rôle dans la conduite des procès civils ou
criminels. Ils savent qu’ils doivent oublier les éléments de preuve
qu’ils ont jugés inadmissibles et ne rendre jugement que sur la base de la
preuve reçue au dossier du tribunal. Dans cette optique, la proposition
avancée par l’appelante invite le juge à ne pas exercer une de ses fonctions
centrales dans l’examen de la preuve pour s’en remettre à l’affirmation
invérifiée et invérifiable des avocats de l’appelante. Je veux bien
croire à leur bonne foi et me fier à leur serment d’office, mais il demeure que
les tribunaux n’ont même pas eu à leur disposition une déclaration assermentée
qui identifierait les documents en litige et décrirait sommairement leur nature
et celle de l’objection à leur production. Dans un tel contexte, la
prétention de la Ville demande aux tribunaux d’abdiquer la fonction traditionnelle
de décider de l’admissibilité et de la pertinence des éléments de preuve, que
leur laisse toujours, sauf exceptions, le droit de la preuve applicable au
Canada. Ces objections ne peuvent être tranchées sur la seule déclaration
unilatérale d’une partie. Le juge doit effectuer son travail de vérification,
comme l’a décidé à bon droit la Cour d’appel (voir Champagne c. Scotia McLeod
Inc.,
[44] En l’instance, il s’agit ni plus ni moins d’une expédition de pêche de la part des Intimées, puisque tous ignorent le contenu de la boîte.
[45] L’arrêt de la Cour d’appel dans Rothmans, Benson & Hedges[8] du 8 avril 2011 réfère à l’arrêt Foster Wheeler et rejette une requête pour permission d’en appeler d’un jugement interlocutoire rendu par le juge Brian Riordan dans le cadre de la gestion d’un recours collectif.
[46] Il s’agissait encore de documents connus des requérants comme on peut le lire aux extraits suivants :[9]
« [2] Le jugement interlocutoire dont voudraient appeler les requérantes est de la nature d’une ordonnance de communication d’une liste de documents non divulgués au motif qu’ils bénéficient du privilège avocat-client (secret professionnel). L'ordonnance du juge de première instance rendue le 19 janvier 2011 est ainsi libellée :
Le Tribunal
ORDONNE à chaque partie de transmettre aux autres parties, au plus tard le 23 février 2011, une liste complète des documents qu'elle n'a pas communiqués lors de l'échange général de documents parce qu'elle est de l'opinion qu'ils sont sujets au privilège avocat-client, ce qui comprend ceux retenus dans le cadre de la rétention de documents, ladite liste devant indiquer ce qui suit :
· Le titre ou la description du document, par exemple, lettre ou procédure (identifiée),
· Le nom de l'auteur et du récipiendaire,
· La date du document,
· Le sujet général traité dans le document,
Dans la mesure où ces items n'enfreignent pas le privilège avocat-client.
La présente ordonnance se limite à l'action principale, sujet au droit des Compagnies de faire une requête à cette fin dans les actions en garantie.
[…]
[22] Dans le contexte d'un dossier d'une telle complexité où des centaines de milliers de documents (des millions de pages) ont fait l'objet de communication, l'ordonnance qui favorise la communication d'une liste des documents conservés jusqu'ici par les requérantes, d'avis qu'ils bénéficient du privilège avocat-client, ne fait qu'accélérer la procédure prévue au Code.
[23] En effet, si les intimés devaient procéder par requête, celle-ci ne pourrait qu'être exprimée en des termes si généraux, puisqu'ils ne connaissent ni le nombre ni la teneur des documents confidentiels gardés secrets jusqu'ici, que les dossiers risquent facilement de s'engager dans un débat de précision laborieux et, somme toute, infructueux.»
[47] Quant aux trois jugements rendus par la juge Dominique Bélanger, alors à la Cour supérieure, dans le cadre du recours collectif relatif au cartel de l’essence, il s’agit d’ordonnances de production de documents identifiés, ce qui n’est pas le cas en l’instance.[10]
[48] En effet, elle ordonne au Directeur des poursuites pénales du Canada, dans son jugement du 4 octobre 2010, de produire, notamment, tous les documents contenus dans les dossiers de divulgation de la preuve qu’il estime publics.
[49] Dans son jugement du 2 novembre 2011, elle ordonne à la Régie de l’énergie du Québec de communiquer copie complète de toutes les données recueillies par elle concernant le prix de vente de l’essence pour une période donnée.
[50] Enfin, dans le jugement du 28 juin 2012 - porté en appel et fixé au rôle d’audience du 17 décembre 2012 - elle ordonne ce qui suit :[11]
« [96] ORDONNE au Bureau de la Concurrence du Canada et au Directeur des poursuites criminelles et pénales de communiquer aux procureurs des parties, dans les soixante jours du présent jugement, une copie complète de tous les enregistrements de communications interceptées par le Bureau de la concurrence du Canada dans le cadre de l’enquête Octane ET transmises aux accusés dans le cadre de la divulgation de la preuve faite en relation avec les accusations découlant de l’enquête;
[97] ORDONNE que seuls les procureurs et les experts au présent dossier puissent prendre connaissance de cette preuve;
[98] ORDONNE au Bureau de la concurrence du Canada et au Directeur des poursuites criminelles et pénales de filtrer la preuve dans le but de protéger la vie privée de tiers complètement étrangers au litige;»
[51] Les trois jugements réfèrent à des documents obtenus dans un processus d’enquête policière ou par un organisme réglementé.
[52] La
jurisprudence soumise par le procureur des Intimées démontre que le juge de
gestion d’un recours collectif possède des pouvoirs discrétionnaires et des
outils considérables aux termes de l’article
[53] Avant d’en arriver là, le Tribunal doit d’abord répondre à la question de base suivante : Permettre aux Intimées de se saisir éventuellement du contenu de la boîte déconsidérerait-il l’administration de la justice?
[54] Le jugement rendu dans Pottruff par la Cour supérieure de l’Ontario nous donne une bonne piste de solution.[12]
[55] Dans cette instance, le mari de la demanderesse avait volé des documents concernant sa conjointe, une ex-employée du défendeur, pendant qu’il effectuait des travaux informatiques pour le défendeur. Par la suite, la demanderesse a intenté une action pour congédiement déguisé contre son ex-employeur. Le défendeur a exigé le retour des documents volés. La Cour supérieure de l’Ontario a ordonné le retour des documents volés. Les motifs de la Cour sont les suivants :[13]
« [12] (…) In any event the documents were clearly taken without any authority or colour of right and cannot now be used for the benefit of the person whose husband stole the documents.
(…)
[14] The facts are clear that the only conclusion this court can arrive at is that the plaintiff’s husband stole the documents from Mr. Berry’s computer. There is no suggestion he had authority to take them. It is certainly understandable as to why he stole them but that does not change the fact that he took something that he knew did not belong to him without any colour of right or authority to do so. (…) On this basis alone I would conclude that the administration of justice would be brought into disrepute if those who wrongfully and intentionally obtained documents could then use them to their advantage in civil law suits.
[15] This is not a situation where one party’s confidential documents innocently falls into the hands of the opposing party. This was a deliberate and planned act to remove a document from a person’s computer knowing full well it was confidential.»
(Les soulignements sont du soussigné)
[56] Le Tribunal conclut que la boîte et son contenu ont été subtilisés à Hydro-Québec et lui appartiennent.
[57] Les Intimées n’ont aucun droit ni apparence de droit sur ces documents qui ont été livrés à l’Intimée Charland dans des circonstances étranges et suspectes.
[58] Cette tierce personne veut s’immiscer dans l’administration d’un recours collectif d’une manière illégale.
[59] Sanctionner un tel geste ouvrirait la porte à des abus semblables.
[60] Il ne s’agit pas de protéger une source journalistique.
[61] Le processus d’inventaire suggéré par Me Paquette aurait été retenu si la requête d’Hydro-Québec avait été rejetée.
[62] Le choix de Me Jacques Jeansonne était également judicieux, comme le reconnaît Me Simon V. Potter.
[63] Cependant,
les Intimées devaient convaincre le Tribunal, dans un premier temps, que le
geste posé par cette tierce personne inconnue ne contrevenait pas à l’article
[64] Elles ne se sont pas déchargées de ce fardeau de preuve.
[65] Le Tribunal conclut donc que le geste de cette personne anonyme porte atteinte aux droits et libertés fondamentaux d’Hydro-Québec - une violation de son droit de propriété.
[66] L’utilisation des documents en question est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.
[67] La requête sera donc accueillie.
[68] Il n’y a cependant pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire nonobstant appel, d’autant plus que cette question a été évacuée lors des plaidoiries.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE la présente requête;
ORDONNE la remise à Hydro-Québec de la boîte de documents et de son contenu qui appartiennent à Hydro-Québec;
ORDONNE la récupération de la boîte de documents et de son contenu par un huissier;
LE TOUT AVEC DÉPENS.
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_________________________________ michel déziel, J.C.S. |
Me Guy Paquette Me Karine St-Louis PAQUETTE GADLER Procureurs de la partie requérante |
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Me Jean-Olivier Tremblay HYDR0-QUÉBEC MCGOVERN LAFONTAINE Procureur de la partie intimée
Me Simon V. Potter Me Kim Nguyn McCARTHY TETRAULT Coprocureurs de la partie Intimée
Date d'audience: 13 novembre 2012 |
[1] Voir jugement du 17 juillet 2012, page 33.
[2] Barreau du Québec, 3e édition, septembre 2012, p. 19.
[3] Pièce R-2.
[4]
Fraser c. C.R.T.F.P.,
[5]
[6] 2005 CanLII 57317 (QCCA) (l’honorable Jean-François Buffoni, j.c.s.) (23 novembre 2005).
[7]
Société d’énergie Foster Wheeler ltée c. Société intermunicipale de
gestion et d’élimination des déchets (SIGED) inc.,
[8]
Rothmans, Benson & Hedges inc. c. Létourneau,
[9] Ibidem, par. 2, 22 et 23.
[10]
Jacques et als c. Pétroles Therrien inc. et als, 2010 QCCA 5676
(l’honorable Juge Bélanger, j.c.s.) (4 octobre 2010); Jacques et als c. Ultramar
ltée et als,
[11]
Jacques c. Pétroles Irving inc.,
[12] Pottruff v. Don Berry Holdings inc., 2012 ONSC 311 (CanLII), Justice Harrisson S. Arrell.
[13] Ibidem, par. 12, 14 et 15.
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