Bouchard c. Sears Canada inc. |
2016 QCCQ 5895 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE QUÉBEC |
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« Chambre civile » |
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N° : |
200-32-064627-150 |
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DATE : |
30 juin 2016 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L'HONORABLE DOMINIQUE LANGIS, J.C.Q. (JL 4155) |
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CLÉMENT BOUCHARD […], Shannon (Québec) […]
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Partie demanderesse |
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c.
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SEARS CANADA INC. 2700, boul. Laurier, Québec (Québec) G1V 2L7
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Partie défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Clément Bouchard réclame l’annulation de la vente d’une cuisinière achetée chez Sears Canada inc. (Sears) et un montant de 5 000 $ qu’il détaille de la façon suivante :
- 2 758,82 $ en remboursement du prix d’achat, incluant les taxes;
- 80,46 $ en remboursement des frais versés à Giasson Laco inc.;
- 86,00 $ en remboursement des frais versé à Ateliers G. Paquette électroménagers inc.; et
- 2 074,72 $ pour la perte de jouissance du four pendant plusieurs mois.
[2] Sears n’a pas contestée la réclamation et le dossier procède par défaut.
[3] Le 17 janvier 2010, M. Bouchard achète une cuisinière au gaz Kenmore Elite, modèle 44183, pour le prix de 2 483,34 $ incluant les taxes. Le four est à l’électricité. La cuisinière lui est livrée le 20 mai 2010 et l’appareil fonctionne très bien pendant cinq ans.
[4] Alors qu’il a toujours nettoyé le four manuellement, M. Bouchard décide, en juin 2015, après avoir enlevé les grilles du four, d’utiliser la fonction autonettoyante.
[5] Une fois nettoyé, il remet les grilles mais celles-ci ne peuvent plus tenir sur leur support et tombent au fond du four.
[6] Il entre en contact avec Sears et échange avec celle-ci. Elle refuse sa réclamation et lui répond, le 19 novembre 2015 :
Après vérification de votre dossier, nous avons constaté que la garantie limitée du fabricant (12 mois, pièces et main-d’œuvre) était expirée depuis le 21 mai 2011 et que le contrat de protection était expiré depuis le 17 janvier 2015.
Veuillez noter qu’après l’expiration de la garantie limitée du fabricant et en l’absence d’un plan protection, le client peut se procurer un avis technique de son choix et à ses frais.
[7] Dans un courriel daté du 24 novembre 2015, Sears précise :
En vertu de notre politique, la durée de vie moyenne d’une cuisinière est de 7 ans. Cela ne signifie pas que l’appareil n’aura pas besoin de réparations et que celles-ci seront gratuites.
(le Tribunal souligne)
[8] Le 11 décembre 2015, M. Bouchard fait appel à Giasson Laco inc. pour faire vérifier la cuisinière, laquelle conclut :
L’intérieur de four a pris de l’expention ce qui fait que les grilles tombent impossible à utiliser car ça tombe et tout renverse et très dangereux ça prend intérieur de four ou grilles spéciales (…).
(texte reproduit intégralement)
[9] Le même jour, il fait faire une deuxième vérification par Atelier G. Paquette électroménagers inc., qui conclut dans le même sens.
[10] Les articles 37 et 38 de la Loi sur la protection du consommateur[1] (L.p.c.) prévoient une garantie d’usage et une garantie de durée raisonnable selon les termes suivants :
Article 37
Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.
Article 38
Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.
[11] Cette garantie donne ouverture au recours prévu à l’article 272 L.p.c. :
Article 272
Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l'article 314 ou dont l'application a été étendue par un décret pris en vertu de l'article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:
a) l'exécution de l'obligation;
b) l'autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;
c) la réduction de son obligation;
d) la résiliation du contrat;
e) la résolution du contrat; ou
f) la nullité du contrat, sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.
[12] M. Bouchard demande l’annulation de la vente de la cuisinière qu’il est prêt à remettre à Sears car le four est inutilisable.
[13] Par les articles 37 et 38 L.p.c., le consommateur bénéficie d’une présomption qui le dispense de démontrer la cause à l’origine du déficit d’usage ou de durabilité. Il lui suffit d’établir que l’usage du bien a mené à un résultat « insuffisant ou absent »[2]. La fonction autonettoyante du four cuisinière n’a pas donné le résultat auquel M. Bouchard pouvait raisonnable s’attendre[3] et les causes de l’expansion du four n’ont pas à être démontrées.
[14] Considérant que M. Bouchard n’a utilisé qu’une seule fois la fonction autonettoyante et qu’il en a résulté l’expansion de celui-ci et considérant le prix d’achat de la cuisinière, les garanties prévues aux articles 37 et 38 L.p.c. s’appliquent.
[15] La jurisprudence enseigne que l’utilisation pendant un certain temps du bien dont l’achat fait l’objet d’une annulation doit être compensée. Ainsi, M. Bouchard ne peut obtenir le remboursement intégral de la cuisinière puisqu’il en a eu la jouissance pendant cinq ans avant de connaître la défectuosité. En d’autres termes, le vendeur doit être dédommagé pour la période de temps pendant laquelle l’acheteur a utilisé le bien qu’il lui a vendu. La durée de vie de l’appareil est aussi un facteur à considérer.
[16] Ainsi, le Tribunal tiendra compte d’une dépréciation qu’il fixe, dans le présent dossier, à 50% du prix d’achat.
[17] La dépréciation est calculée non pas sur le remboursement du prix réclamé par M. Bouchard (2 758,82 $) mais sur le prix réellement payé (2 483,34 $), M. Bouchard ayant bénéficié d’un escompte, ce qui représente un remboursement de 1 241,67 $.
[18] Le Tribunal lui accorde aussi les frais payés à Giasson Laco inc. et Ateliers G. Paquette électroménagers inc., qui totalisent 166,46 $.
[19] Enfin, il lui octroie une somme de 500 $ pour la perte du four pendant plusieurs mois.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE en partie la demande de la partie demanderesse.
RÉSOUT à toutes fins que de droit le contrat intervenu entre les parties le 17 janvier 2010 pour la vente d’une cuisinière biénergie Kenmore Elite modèle 44183.
DÉCLARE la partie défenderesse seule propriétaire de ladite cuisinière.
CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 1 908,13 $, avec en plus l'intérêt au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, depuis l’assignation, ainsi que les frais de justice fixés à la somme de 171 $.
AUTORISE la défenderesse à récupérer la cuisinière, sur préavis de 48 heures, au plus tard dix jours suivant le paiement des sommes mentionnées au présent jugement. À défaut, le demandeur est autorisé à disposer de la cuisinière comme bon lui semblera.
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DOMINIQUE LANGIS, J.C.Q. |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.