Thifault et Lesage inc. |
2009 QCCLP 4922 |
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[1] Le 22 septembre 2008, monsieur Daniel Thifault (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 17 septembre 2008 à la suite d'une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme deux décisions qu'elle a initialement rendues les 14 et 20 août 2008 donnant suite à un avis émis le 5 août 2008 par un membre du Bureau d'évaluation médicale.
[3] Elle déclare que la lésion professionnelle du 19 juin 2006 a entraîné une atteinte permanente à l'intégrité physique de 1,10 % et que monsieur Thifault a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 885 $.
[4] Elle déclare de plus qu'il ne résulte aucune limitation fonctionnelle de la lésion professionnelle et que le droit à l'indemnité de remplacement du revenu prend fin le 6 décembre 2007 parce que monsieur Thifault est capable d'exercer son emploi à partir de cette date.
[5] La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience le 12 mai 2009 à Saint-Jérôme en présence de monsieur Thifault et de son représentant. Lesage inc. (l'employeur) n'était pas représenté.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[6] Monsieur Thifault conteste uniquement la partie de la décision qui porte sur l'inexistence de limitations fonctionnelles et sa capacité à exercer son emploi.
[7] Il demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la lésion professionnelle qu'il a subie le 20 décembre 2005 a entraîné les limitations fonctionnelles établies par le docteur Daniel Cousineau et qu'en raison de celles-ci, il est incapable d'exercer son emploi.
[8] Son représentant soumet une question préalable visant à faire déclarer l'avis du Bureau d'évaluation médicale irrégulier en raison du délai écoulé avant que la CSST demande cet avis.
LES FAITS
[9] Le tribunal retient les éléments suivants des documents contenus au dossier et du témoignage de monsieur Thifault.
[10] Monsieur Thiffaut a une expérience de travail de 33 ans comme frigoriste. En octobre 1989, lors d'un accident d'automobile, il subit une lésion au genou gauche qui nécessite une intervention chirurgicale dont la nature exacte n'est pas précisée au dossier[1]. Cet accident ne l'empêche pas de reprendre son travail de frigoriste six mois plus tard, mais elle entraîne des séquelles, notamment des douleurs et des dérobades du genou en raison desquelles il porte une orthèse.
[11] Le 20 décembre 2005, monsieur Thifault travaille chez l'employeur depuis un mois lorsqu'il subit une lésion professionnelle au genou gauche en tombant d'un condenseur haut de quatre pieds. Il est alors âgé de 48 ans.
[12] L'événement est déclaré le jour même à l'employeur, mais il n'y a pas de consultation médicale avant le 9 janvier 2006 ni d'arrêt de travail avant le 16 juin 2006.
[13] Le 9 janvier 2006, le docteur Sylvain Ménard diagnostique une entorse au genou gauche. Il mentionne que la marche n'est pas limitée et qu'il y a un léger épanchement et un phénomène de dérobade. Il envisage la possibilité d'une déchirure méniscale. Le 16 juin, le docteur Pierre Tardif maintient le diagnostic d'entorse et dirige monsieur Thifault vers un orthopédiste. Il indique qu'il peut travailler.
[14] Le 4 avril 2006, le docteur Claude Lamarre, orthopédiste, diagnostique une rupture du ligament croisé antérieur et une rupture du ménisque interne et il demande un examen par résonance magnétique. Il recommande un travail léger, mais monsieur Thifault continue son travail régulier.
[15] L'examen par résonance magnétique est effectué le 12 avril 2006. Il est interprété comme suit par le radiologiste :
Épanchement intra-articulaire de petit à modéré. Déchirure de morphologie complexe principalement en anse de seau touchant les trois cornes du ménisque interne avec déplacement d'un important fragment méniscal au versant intercondylien de ce compartiment. Distorsion au ligament croisé antérieur principalement à son insertion fémorale en relation avec des séquelles d'une déchirure apparaissant plutôt complète, à corréler cliniquement pour évaluer s'il y a instabilité. Léger remodelage séquelles d'une ancienne entorse au collatéral interne. Légers signes de chondropathie dégénérative au compartiment interne fémoro-tibial. Chondropathie rotulienne modérée principalement à la facette latérale et plus légèrement à la gouttière trochléenne fémorale. [sic]
[16] Le 9 mai 2006, la CSST accepte la réclamation de monsieur Thifault pour le diagnostic d'entorse au genou gauche avec rupture du ligament croisé antérieur et du ménisque interne.
[17] Le 11 mai 2006, le docteur Lamarre maintient son diagnostic et recommande une chirurgie.
[18] Le 19 juin 2006, le docteur Jean Langevin, orthopédiste, prévoit effectuer une méniscectomie interne et il prescrit entre-temps un arrêt de travail. Cette intervention chirurgicale, prévue le 26 juillet 2006, n'a pas lieu.
[19] Le 17 juillet 2006, la CSST décide que monsieur Thifault a subi, le 19 juin 2006, une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du 20 décembre 2005 et ce, en regard du diagnostic de déchirure du ménisque interne.
[20] Les 13 et 15 novembre 2006, lors d'une conversation téléphonique, monsieur Thifault explique à l'agente d'indemnisation que l'intervention chirurgicale prévue a été annulée après huit heures d'attente. Le 21 novembre, l'agente apprend de la secrétaire du docteur Langevin que monsieur Thifault n'est pas sur la liste d'attente pour subir cette chirurgie parce que le 26 juillet, il a quitté l'hôpital après une heure quinze minutes d'attente seulement. Le 30 novembre 2006, la CSST suspend le versement de l'indemnité de remplacement du revenu de monsieur Thifault.
[21] Ce n'est que le 5 juin 2007 que le docteur Langevin effectue une méniscectomie interne au genou gauche. Il décrit ce qui suit dans le protocole opératoire :
Nous débutons l'intervention par deux ports d'entrée, antéro-externe et antéro-interne, de chaque côté du tendon rotulien. Le trocart est introduit en antéro-externe et par la suite le scope, le genou est gonflé. Au niveau de l'articulation patello-fémorale, il n'y a rien à signaler. Au niveau du compartiment interne, les surfaces cartilagineuses sont intactes, il y a toutefois une déchirure au niveau de la corne moyenne et antérieure du ménisque interne que nous avons réséquée avec les instruments et complété avec le shaver. Au niveau de l'échancrure, on constate qu'il reste à peu près la moitié du ligament croisé antérieur avec les fibres qui sont sous bonne tension avec une certaine laxité. Au niveau du compartiment externe, les surfaces cartilagineuses et le ménisque sont intacts. […]
[sic]
[22] Il retient comme diagnostic post-opératoire une déchirure du ménisque interne et une déchirure partielle du ligament croisé antérieur. Il consolide la lésion le 24 septembre 2007 en indiquant dans son rapport final qu'elle entraîne une atteinte permanente à l'intégrité physique et des limitations fonctionnelles. Il ne produit pas de rapport d'évaluation médicale.
[23] Le 6 décembre 2007, le docteur Daniel Cousineau produit un nouveau rapport final dans lequel il consolide la lésion à ce jour. Il produit également un rapport d'évaluation médicale dans lequel il retient le diagnostic de déchirure du ménisque interne et de déchirure du ligament croisé antérieur. Il mentionne ce qui suit à la section des plaintes reliées à la lésion professionnelle :
La lésion au genou gauche résulte d'une chute survenue au travail le 20 décembre 2005. Le travailleur qui oeuvrait à titre de frigoriste est alors tombé d'une hauteur de 4 pieds sur sa jambe gauche. Il en a résulté une douleur immédiate au genou gauche qui a persisté de façon continue depuis ce temps. Le travailleur présentait également des dérobades régulières au genou gauche et il était très difficile sinon impossible de demeurer en position accroupie. De plus, il ne lui était plus possible de faire des marches prolongées, soit pour une durée de plus de quelques minutes.
[24] À la section de l'examen physique, il ne décrit pas d'examen mais il mentionne ce qui suit :
J'ai vu le travailleur à une reprise à la clinique médicale en décembre 2007. Il s'agissait alors d'une évaluation pour procéder à un rapport d'évaluation médicale que l'orthopédiste traitant ne semble pas avoir accepté de rédiger. Par ailleurs, le dossier médical donne des informations pertinentes sur l'évolution post chirurgicale. Au niveau de l'anamnèse, le patient mentionnait lors de cette visite de décembre qu'il éprouvait toujours des douleurs au genou gauche lors des mouvements de pivot ainsi que suite à une marche le moindrement prolongée. De plus, il lui était toujours difficile de maintenir une position accroupie.
[25] Il évalue l'atteinte permanente à l'intégrité physique à 10 % pour une instabilité simple ou complexe nécessitant le port d'une orthèse pour certaines activités de travail ou de loisir et il recommande les limitations fonctionnelles suivantes :
La résonance magnétique démontre en plus des atteintes ligamentaires une chondropathie rotulienne modérée. Ces lésions expliquent probablement le fait que tel que mentionné précédemment, il est difficile pour le travailleur de maintenir une position accroupie. De plus, une douleur survient au genou gauche suite à la position debout prolongée. En conséquence, les limitations fonctionnelle sont :
- évitez la marche prolongée
- éviter la position debout prolongée
- éviter la position accroupie
- évitez de marcher en terrain inégal [sic]
[26] Le 18 janvier 2008, le médecin-conseil de la CSST, le docteur Michel Allard, transmet une lettre au docteur Cousineau dans laquelle il lui indique qu'il n'a pas d'objection aux limitations fonctionnelles qu'il a établies, mais il lui demande des corrections concernant son évaluation de l'atteinte permanente parce qu'il ne décrit pas d'instabilité dans son examen physique. Le docteur Cousineau ne donne pas suite à cette demande.
[27] La CSST a entrepris des démarches de réadaptation professionnelle avant de recevoir le rapport d'évaluation médicale du docteur Cousineau. Des rencontres concernant la capacité de monsieur Thifault à refaire son emploi de frigoriste ont débuté en juillet 2007.
[28] En novembre 2007, la conseillère en réadaptation demande une évaluation des capacités fonctionnelles de travail de monsieur Thifault à une entreprise spécialisée en la matière. Cette évaluation est effectuée du 27 au 30 novembre 2007 par deux ergothérapeutes qui formulent les commentaires suivants dans les conclusions de leur rapport :
La douleur semble occuper une place importante dans le quotidien de monsieur Thifault. En effet, monsieur rapporte la présence de douleur constante au genou gauche, à la cheville droite, au coude gauche, à l'épaule droite et aux poignets. L'analyse des évaluations subjectives ainsi que des échelles administrées en cours d'évaluation démontrent la présence, chez monsieur, d'une peur de bouger. Par contre, monsieur rapporte être en mesure d'exécuter l'ensemble de ses activités quotidiennes et domestiques dans le cas où il prend des pauses lorsqu'il ressent que la douleur s'intensifie. À quelques reprises durant l'évaluation, monsieur rapporte ne pas désirer ré intégrer son emploi pré lésionnel. En effet, il rapporte ne pas se sentir capable de le faire à cause des exigences physiques élevées reliées à l'emploi à cause de l'intensité de la douleur présente au repos et à l'effort à différents endroits sur son corps. Toutefois, il mentionne vouloir réintégrer une activité productive de travail. Il mentionne cependant ne pas savoir quoi exactement ou dans quel domaine. Les résultats des différentes évaluations psychométriques de la douleur ne suggèrent pas la présence de magnification de symptômes. L'expression et la description des sites douloureux sont constantes. [sic]
[29] Elles font état de différents problèmes au niveau du bilan physique de monsieur Thifault, notamment de sa tolérance à la marche pour une durée moyenne de treize minutes et des positions accroupies ou à genoux qu'elles estiment non fonctionnelles. Elles concluent que ses capacités ne sont pas compatibles avec l'exercice de l'emploi de frigoriste.
[30] Les démarches pour la détermination d'un emploi convenable se poursuivent du mois de mars au mois de juin 2008 par des conversations téléphoniques et des rencontres. Des emplois sont envisagés à l'initiative de monsieur Thifault ou de la conseillère en réadaptation. En mai, ce dernier participe à cinq rencontres avec un conseiller d'orientation professionnelle (Défi Emploi).
[31] Ces démarches ne conduiront pas à l'identification d'un emploi convenable avant que le membre du Bureau d'évaluation médicale rende son avis sur les séquelles permanentes de la lésion professionnelle du 19 juin 2006.
[32] Les démarches pour l’obtention de cet avis ont débuté le 30 mars 2008 lorsque le docteur Allard de la CSST a recommandé de faire examiner monsieur Thifault par un médecin désigné pour obtenir son opinion sur l'atteinte permanente à l'intégrité physique de 10 % et les limitations fonctionnelles établies par le docteur Cousineau.
[33] Il estime que le pourcentage d'atteinte permanente accordé par ce médecin n'est pas fondé sur un examen physique démontrant une instabilité du genou gauche. Il estime par ailleurs qu'une méniscectomie n'entraîne pas normalement de limitations fonctionnelles et que celles établies par le docteur Cousineau apparaissent fondées uniquement sur la présence d'une chondropathie rotulienne.
[34] Le 4 mai 2008, le docteur Jacques Étienne Des Marchais, orthopédiste, examine monsieur Thifault à la demande de la CSST. Il rapporte les plaintes suivantes de ce dernier :
La patient dit que l'opération n'a rien changé. Il dit qu'en pré-opératoire, son genou débarquait, "ça faisait clok clok" et que maintenant, ça ne le fait plus, malgré qu'il dise que l'opération n'ait rien changé.
Il dit qu'il a toujours mal au genou. La nuit, il dort. Il indique un point de ½ cm sur la rotule au niveau du tendon rotulien, vers l'insertion pré-tibiale.
Le patient dit que c'est comme s'il sentait du sang dans son genou. Il sent une pression dans son genou. Il dit que c'est pire quand il marche ou qu'il fait des activités.
Le patient dit que le docteur Langevin lui a prescrit une orthèse "un gros rack". Là, il ne la porte pas parce que ça lui crée des bobos. Il dit qu'il la met quand il va marcher au bois. Il marche avec sa chienne.
[35] Au terme de son examen physique, il conclut que la lésion professionnelle n'entraîne pas de limitations fonctionnelles et il évalue l'atteinte permanente à l'intégrité physique à 1 % pour une méniscectomie interne sans séquelles fonctionnelles. il fonde ses conclusions sur les considérations suivantes :
- Compte tenu qu'au protocole opératoire, le chirurgien n'a pas trouvé de déchirure du croisé antérieur;
- compte tenu qu'au protocole opératoire, le chirurgien a indiqué « les surfaces cartilagineuses sont intactes;
- compte tenu qu'à l'examen clinique, le genou est tout à fait stable;
- nonobstant les diagnostics pré-opératoires, le geste chirurgical sous arthroscopie a consisté uniquement à une méniscectomie;
- compte tenu que le patient ne présente pas une atrophie importante au niveau du quadriceps gauche, le patient étant droitier;
- compte tenu qu'à toutes fins utiles, l'examen du genou est tout à fait dans les limites de la normale;
- compte tenu que la légère synovite persistante post-opératoire est en relation avec les mains[2] du travailleur et qui devrait disparaître dans les prochains mois : [sic]
[36] Le 19 juin 2008, la CSST transmet sa contestation des conclusions du docteur Cousineau au Bureau d'évaluation médicale.
[37] Dans un rapport complémentaire produit le 29 juin 2008, ce médecin maintient ses conclusions sur l'atteinte permanente à l'intégrité physique et les limitations fonctionnelles. Il retient qu'au protocole opératoire, le docteur Langevin décrit une déchirure partielle du ligament croisé antérieur et il mentionne que « l'anamnèse révèle des dérobades suggestives d'instabilité ligamentaire qui peut ne pas être décelable au repos ».
[38] Le 30 juin 2008, la conseillère en réadaptation écrit ce qui suit après avoir rencontré monsieur Thifault :
T nous indique avoir terminé ses rencontres avec Défi Emploi puisque ce serait la période de vacances. Lorsque nous questionnons T sur la nature et les développements de ses démarches, il est réactif. Il mentionne qu'il attendra d'avoir les résultats du BEM avant de se positionner davantage. T mentionne ne pas vouloir explorer davantage de pistes parce qu'il sent que la CSST lui mettra des bâtons dans les roues[3]. Il avoue être sur la défensive et avoir peur de se faire avoir, de façon générale.
Nous clarifions donc quelques aspects de son dossier. Il appert que T n'avait pas bien compris l'aspect des LF identifiées par son md. Il mentionne que nous nous contredisons puisque dans le REM du Dr Cousineau, il est mentionné qu'il doit porter une orthèse lorsqu'il effectue certaines activités ou certains travaux. T avait compris qu'il pouvait alors travailler peu importe le terrain, tant qu'il porte son orthèse. Nous lui expliquons que pour ce faire, nous devrions avoir sur le rapport que la limitation concernant le travail sur le terrain inégal est effective sauf lors du port de l'orthèse, ce qui n'est pas le cas actuellement. Nous lui suggérons que s'il croit qu'il est en mesure de travailler sur des terrains inégaux lorsqu'il a une orthèse, qu'il en fasse mention lors de l'évaluation du BEM et qu'il apporte son orthèse lors de l'évaluation.
T mentionne qu'il aurait des possibilités intéressantes de travail sur une ferme et une érablière et que l'employeur attend que tout se règle avec la CSST. T mentionne que ce travail respecte ce que son md a identifié comme LF (sauf en ce qui concerne le terrain inégal). Il est persuadé que s'il porte une orthèse, il n'a aucun problème avec tout type de terrain.
T ajoute que peu importe ce que nous allons prendre comme décision, il n'a pas l'intention de retourner travailler comme frigoriste puisque ce métier aurait contribué à plusieurs accidents[4]. Il n'a pas l'intention de se blesser à nouveau et selon ses dires, il misera pour une qualité de vie différente. Nous lui mentionnons que peu importe ce qu'il choisira, il a la responsabilité de respecter les Lf, s'il y a lieu. T n'est pas ouvert à regarder d'autres pistes pour le moment. Il veut plutôt attendre les résultats du BEM. [sic]
[39] Le 29 juillet 2008, le docteur Georges-Henri Laflamme, orthopédiste, examine monsieur Thifault en qualité de membre du Bureau d'évaluation médicale. Dans l'avis qu'il émet le 5 août 2008, il rapporte les explications suivantes de monsieur Thifault sur les conséquences de l'accident d'automobile qu'il a subi et la condition qu'il présente au moment de l'examen :
Suite à la chirurgie et l'événement survenu en 1990, ce monsieur demeure avec des douleurs au genou gauche. Il est l'objet de nombreux dérobages lorsqu'il fait des pivots. Ces dérobages ou déplacements du genou s'accompagnent de douleur intense et sont suivis d'enflure. Il dit qu'il devait réembarquer son genou fréquemment et parfois ceci était douloureux au point de provoquer des larmes. [sic]
[…]
L'opération subie le 5 juin 2007 l'a aidé. La douleur au genou s'est améliorée. Les phénomènes de dérobage sont demeurés inchangés, peut-être un peu moins fréquents qu'auparavant. Avec l'orthèse, le genou n'est l'objet d'aucun dérobage. Il peut chasser, pêcher. Il se sent très stable avec son orthèse et peut tout faire. Il est capable de marcher sur toutes les surfaces. L'orthèse n'enlève pas le mal, toutefois la douleur lorsque la marche est prolongée est présente à la face interne du genou et en latéral de façon assez diffuse.
Les dérobages au niveau du genou sont d'environ une fois par mois, ce qui est moins fréquent que suite à l'accident de la route.
Ces dérobages peuvent survenir en tout terrain lorsqu'il ne porte pas d'orthèse. Le dernier est survenu il y a trois semaines et s'est produit alors qu'il cuisinait chez lui. Il dit prendre environ 12 Advil par jour pour les douleurs au niveau du genou. Il n'y a pas de gonflement majeur au genou. Il porte l'orthèse dès qu'il se promène à l'extérieur sur des surfaces irrégulières et lorsqu'il s'adonne aux sports de chasse et de pêche. Le genou gonfle occasionnellement si les activités sont excessives. Les activités les plus difficiles sont : travailler en position accroupie, monter souvent échelle, escalier et la marche sans orthèse sur une surface très irrégulière.
Ce monsieur est l'objet de raideurs un peu partout, à toutes les articulations membres supérieurs et inférieurs, particulièrement au niveau des mains. Le dérouillage matinal est de plus de 60 minutes. Il n'a pas repris les activités sportives comme le ski et le patin.[sic]
[40] Dans la description de son examen objectif, le docteur Laflamme mentionne que monsieur Thifault dit être incapable de s'accroupir[5]. Il rapporte un épanchement articulaire au genou gauche et une instabilité complète du ligament croisé antérieur, rendant ce ligament déficient au plan fonctionnel, ainsi qu'une douleur à la palpation des interlignes interne et externe du genou. Le test du rabot est négatif et à l'examen de la rotule gauche, il note des facettes indolores.
[41] Le docteur Laflamme retient les conclusions suivantes au terme de son examen :
Suite à l'examen clinique d'aujourd'hui, le diagnostic lésionnel est une déchirure ménisque interne nécessitant une méniscectomie.
Comme condition préexistante au 19 juin 2006, ce monsieur est l'objet d'une instabilité du ligament croisé antérieur nécessitant le port d'une orthèse. Comme autre condition préexistante, on doit reconnaître une chirurgie suite à une chute d'un véhicule automobile survenue en 1990 et suivie d'un phénomène de dérobage, de douleurs, d'enflure et de blocage avec nécessité de réembarquer son genou subluxé lors des pivots.
[…]
L'événement du 20 décembre 2005 semble aggravé une déchirure méniscale interne du genou gauche. Il y a eu méniscectomie avec amélioration et des phénomènes de blocage et dérobage. La douleur est demeurée inchangée toutefois.
Atteinte permanente à l'intégrité physique :
L'atteinte permanente laissée par la blessure du 20 décembre 2005 et la chirurgie 19 juin 2006 est bien une méniscectomie. Les mouvements du genou sont complets. Il n'y a pas d'atrophie. L'instabilité selon le questionnaire n'est pas modifiée par cet événement. Le traitement de méniscectomie semble même amélioré les phénomènes de dérobage en les rendant moins fréquents.
L'atteinte permanente est donc la suivante :
103 033 méniscectomie interne 1%.
Limitations fonctionnelles :
Considérant que le 19 juin 2006 il y a méniscectomie ;
Considérant que les mouvements de la fonction du genou sont dans les limites de la normale ;
Considérant que les phénomènes de dérobage précèdent l'événement du 20 décembre 2005 ;
Considérant le fait que ce monsieur avec son orthèse se sent en sécurité et peut manoeuvrer sur toutes les surfaces et avec toutes activités, il n'y a donc pas lieu de reconstruction ligamentaire.
Je crois qu'avec orthèse ce monsieur n'a pas de restrictions fonctionnelles découlant de la méniscectomie. [sic]
[42] La CSST donne suite à l'avis du docteur Laflamme par les deux décisions des 14 et 20 août 2008 qui sont confirmées par celle rendue le 17 septembre 2008 qui fait l'objet du litige. En reconnaissant que monsieur Thifault était capable d'exercer son emploi, compte tenu de l'absence de limitations fonctionnelles, elle met fin par le fait même aux démarches de réadaptation professionnelle qui avaient été entreprises.
[43] Lors de son témoignage, monsieur Thifault explique que son travail de frigoriste consiste à installer et à réparer des systèmes de réfrigération dans des supermarchés.
[44] Les salles mécaniques sont situées sur des mezzanines ou sur le toit ce qui l'amène à marcher, monter et descendre des escaliers souvent pour aller au système de condensation. De plus, il travaille presque tout le temps à genoux ou accroupi parce qu'il doit vider les comptoirs réfrigérés et travailler dans les moteurs et les drains qui sont toujours situés au bas des machines. Il estime travailler en position accroupie au moins six heures par jour.
[45] Il déclare qu'entre les années 1990 et 2005, il n'a jamais arrêté de travailler à cause d'un problème au genou gauche. Il portait une orthèse pour travailler et il pratiquait plusieurs sports tels que la chasse, la pêche, le vélo, le ski alpin, le ski de fond, la raquette et le patin à glace. Il avait toujours mal au genou gauche, mais il fonctionnait bien avec l'utilisation de son orthèse et la prise de Advil.
[46] Depuis l'événement de décembre 2005, il ne pratique plus aucun sport sauf la pêche et la chasse sur son terrain parce qu'il ressent trop de douleur à son genou. La douleur qu'il ressent est plus importante, moins diffuse et plus localisée qu'avant, et il y a de l'enflure à son genou ce qu'il n'y avait pas auparavant. La situation n'a pas changé en ce qui concerne les dérobades. Ce phénomène ne se produit pas lorsqu'il porte l'orthèse, mais celle-ci n'a aucun effet sur la douleur.
[47] Monsieur Thifault convient qu'il pourrait réussir à faire son travail de frigoriste mais que ça lui prendrait trop de temps.
L’AVIS DES MEMBRES
[48] Le membre issu des associations d'employeurs et la membre issue des associations syndicales sont d'avis que la requête doit être rejetée.
[49] Ils estiment que la CSST était en droit de demander l'avis d'un membre du Bureau d'évaluation médicale parce qu'elle n'est pas assujettie au respect d'un délai. Sur le fond, ils retiennent comme preuve prépondérante l'opinion des docteurs Des Marchais et Laflamme voulant que la lésion professionnelle n'ait pas entraîné de limitations fonctionnelles.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[50] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la lésion professionnelle du 19 juin 2006 a entraîné des limitations fonctionnelles et déterminer si monsieur Thifault est capable d'exercer son emploi de frigoriste.
[51] Dans un premier temps, le tribunal doit se prononcer sur le moyen préalable soulevé par le représentant de monsieur Thifault.
[52] Il prétend que l'avis du Bureau d'évaluation médicale est irrégulier en raison du long délai qui s'est écoulé entre la demande d'avis faite par la CSST et la production du rapport d'évaluation médicale du docteur Cousineau.
[53] Il convient qu'aucune disposition de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[6] (la loi) n'impose de délai à la CSST pour demander l'avis d'un membre du Bureau d'évaluation médicale.
[54] Il prétend qu'elle doit toutefois agir dans un délai raisonnable, délai qu'il estime être de 45 jours, comme c'est le cas pour le dépôt d'une requête en révision ou en révocation d'une décision de la Commission des lésions professionnelles. Il soumet qu'en l'espèce, le délai est de 115 jours.
[55] Au soutien de sa prétention, il dépose une décision de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles rendue en 1996 dans l'affaire St-Yves et Natrel inc.[7].
[56] Il prétend de plus que la CSST doit agir avec une certaine cohérence. Il rappelle que le docteur Allard était d'accord avec les limitations fonctionnelles établies par le docteur Cousineau et que des démarches avaient été entreprises en vue de trouver un emploi convenable à monsieur Thifault avant même la production du rapport d'évaluation médicale. Il soumet que la CSST ne pouvait changer d'idée en cours de route et remettre en cause les limitations fonctionnelles établies et qu'à toutes fins utiles, elle avait perdu compétence pour le faire (« functus officio »).
[57] Les dispositions de la loi qui confèrent à la CSST le droit de demander l'avis du Bureau d'évaluation médicale sur une question médicale sont prévues aux articles suivants :
204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.
La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115 .
__________
1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.
205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .
__________
1997, c. 27, a. 3.
206. La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.
__________
1985, c. 6, a. 206; 1992, c. 11, a. 13.
[58] La jurisprudence reconnaît que ces articles n'imposent aucun délai à la CSST lorsqu'elle veut obtenir l'avis d'un membre du Bureau d'évaluation médicale mais, de manière générale, elle convient que la CSST doit néanmoins agir avec une certaine diligence et de manière à ne pas causer une injustice au travailleur[8]. Cette approche prend appui parfois sur l'article 217 de la loi, lequel se lit comme suit :
217. La Commission soumet sans délai les contestations prévues aux articles 205.1, 206 et 212.1 au Bureau d'évaluation médicale en avisant le ministre de l'objet en litige et en l'informant des noms et adresses des parties et des professionnels de la santé concernés.
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1985, c. 6, a. 217; 1992, c. 11, a. 19; 1997, c. 27, a. 6.
[59] L'extrait suivant de la décision Isaias et Lallier Automobile Montréal inc.[9] résume bien cette position de la jurisprudence :
[21] Le travailleur fait valoir que le délai de la CSST pour présenter sa demande au Bureau d’évaluation médicale est tellement long qu’il vicie le processus. L’article 217 demande de soumettre les contestations au Bureau d’évaluation médicale «sans délai». L’article 219 prévoit que la CSST achemine le dossier médical complet «sans délai». Dans le présent dossier, il s’est écoulé un an avant que la CSST fasse la demande ce qui, plaide-t-il, compromet la stabilité des décisions et l’équité procédurale.
[22] Depuis les amendements législatifs de 1992, la loi n’impose aucun délai à la CSST en matière de contestation des questions médicales. Bien sûr les termes «sans délai» expriment une volonté du législateur que la CSST agisse avec célérité. Comme le soulignait la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Blais3, aucune sanction n’est prévue toutefois en cas de défaut de transmettre sans délai les contestations prévues aux articles 206 et 212. Comme il s’agit d’une disposition procédurale, l’irrespect de cette règle ne devrait pas être interprété de façon à faire perdre l’exercice du droit qu’elle encadre. Cependant un délai injustifiable qui cause préjudice ou compromet la stabilité des décisions pourra amener le Tribunal à intervenir et entraîner la nullité de l’avis et de la décision de la CSST qui lui a donné suite. C’est ainsi que la Commission des lésions professionnelles a conclu dans l’affaire Morin et José & Georges inc.4 invoquée par le travailleur. Il réfère également au jugement rendu dans Lapointe c. Commission des lésions professionnelles5 pour faire valoir le principe d’équité procédurale tout en reconnaissant que la question soumise à la Cour d’appel dans cette affaire était différente de la présente.
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3 C.L.P. 114971-05-9903, 9 septembre 1999, F. Ranger
4 [2001] C.L.P. 443
5 C.A. Montréal 500-09-013413-034, 19 mars 2004, jj. Forget, Dalphond, Rayle, 03LP-313
[60] Avec respect pour l'opinion contraire, le tribunal estime que l'expression sans délai prévue à l'article 217 de la loi ne s'applique pas à la contestation comme telle de la CSST mais plutôt à la transmission d'une contestation au Bureau d'évaluation médicale, qu'il s'agisse de la sienne ou de celle de l'employeur. En d'autres mots, la CSST n'est pas assujettie au respect d'un délai si elle veut faire examiner le travailleur pour contester les conclusions de son médecin, mais si elle décide par la suite de demander l'avis d'un membre du Bureau d'évaluation médicale à partir de l'expertise de son médecin désigné, elle doit transmettre sans délai sa contestation et cette expertise au Bureau d'évaluation médicale, comme l'indique l'article 217.
[61] Rien n'empêche toutefois de s'inspirer de cet article pour imposer à la CSST, comme le fait la jurisprudence, l'obligation d'agir avec une certaine diligence.
[62] Il demeure assez rare cependant qu'un avis du Bureau d'évaluation médicale soit déclaré irrégulier pour cette raison. Le tribunal n'a pu retracer que trois décisions où ce fut le cas. Dans les deux premières, on a jugé que des délais de dix mois[10] et de trois mois[11] étaient déraisonnables et dans la troisième, on a estimé que le retard a demandé l'avis du Bureau d'évaluation médicale avait causé un préjudice à la travailleuse[12].
[63] Dans la décision déposée par le représentant[13], un délai de cinq mois et demi entre la réception du rapport d'évaluation médicale et la convocation du travailleur à l'examen du médecin désigné par la CSST n'a pas été jugée déraisonnable.
[64] En l'espèce, le tribunal estime que le délai de six mois écoulé entre la production du rapport d'évaluation médicale du docteur Cousineau en décembre 2007 et la demande d'avis au Bureau d'évaluation médicale en juin 2008 n'est pas excessif.
[65] D'abord, le délai réel qui est imputable à la CSST est d'environ trois mois et demi et non de six mois parce que la décision de faire examiner monsieur Thifault par un médecin désigné a été prise le 30 mars 2008. Le délai subséquent de deux mois et demi est vraisemblablement relié à des contraintes administratives (disponibilité du médecin désigné, convocation de monsieur Thifault à l'examen, réception et analyse de l'expertise par la CSST, etc.) et il n'apparaît pas non plus déraisonnable.
[66] On doit considérer également que le 18 janvier 2008, le médecin-conseil de la CSST, le docteur Allard, a transmis une lettre au docteur Cousineau pour lui demander d'apporter des corrections à son évaluation de l'atteinte permanente à l'intégrité physique, ce qui impliquait de lui accorder un délai pour procéder à la correction demandée et enfin, que celui-ci n'a pas donné suite à cette demande.
[67] Par ailleurs, bien que le docteur Allard semblait d'accord au départ avec les limitations fonctionnelles établies par le docteur Cousineau et que les démarches de réadaptation professionnelle avaient été entreprises, le tribunal estime que l'avis du Bureau d'évaluation médicale sur les limitations fonctionnelles pouvait être demandé en même temps que sur l'atteinte permanente à l'intégrité physique parce qu'il s'agit de questions qui sont intimement liées et que le processus de réadaptation n'était pas complété.
[68] L'argument du représentant de monsieur Thifault voulant que la CSST n'avait plus la compétence de remettre en cause les limitations fonctionnelles parce que le processus était trop avancé ne pourrait avoir une certaine valeur que dans le contexte où la décision sur l'emploi convenable avait été rendue.
[69] Or, non seulement une telle décision n'avait pas été rendue mais de plus, on comprend à la lecture des notes évolutives que les démarches d'identification d'un emploi convenable avaient été interrompues en juin jusqu'à l'obtention de l'avis du membre du Bureau d'évaluation médicale.
[70] Pour ces raisons, la Commission des lésions professionnelles considère donc que l'avis du Bureau d'évaluation médicale est régulier.
[71] En ce qui concerne maintenant la question qui fait l'objet de la contestation, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion que l'avis du docteur Laflamme, voulant que la lésion professionnelle du 19 juin 2006 n'ait pas entraîné de limitations fonctionnelles, doit être maintenu.
[72] Deux éléments de la preuve sont favorables à la prétention de monsieur Thifault : l'opinion du docteur Cousineau sur l'existence de limitations fonctionnelles et la conclusion des ergothérapeutes voulant qu'il n'ait pas la capacité d'exercer l'emploi de frigoriste.
[73] L'opinion du docteur Cousineau ne peut être retenue. Son rapport d'évaluation médicale ne comporte aucun examen physique et il fonde principalement son opinion sur la présence d'une chondropathie rotulienne qui n'a pas été reconnue comme lésion professionnelle et dont l'existence peut même être remise en cause.
[74] En effet, dans son protocole opératoire, le docteur Langevin ne fait mention d'aucune chondropathie et il indique au contraire que les surfaces cartilagineuses sont intactes. De plus, le docteur Laflamme rapporte dans son examen objectif que le test du rabot est négatif et que les facettes sont indolores ce qui n'est pas conciliable avec la présence d'une chondromalacie symptomatique.
[75] Le docteur Cousineau justifie aussi les limitations fonctionnelles qu'il établit par les atteintes ligamentaires décrites au rapport de l'examen par résonance magnétique du 12 avril 2006, notamment la déchirure du ligament croisé antérieur.
[76] La CSST a accepté comme diagnostic de la lésion initiale une entorse au genou et une rupture du ligament croisé antérieure.
[77] Sans remettre en cause sa décision, à tout le moins au plan légal, on peut s'interroger sur la relation médicale qui existe entre l'événement du 20 décembre 2005 et cette déchirure dans la mesure où monsieur Thifault a pu continuer à travailler après la survenance de l'événement et où il n'éprouvait pas de problèmes à marcher, comme le rapporte le premier médecin consulté le 9 janvier 2006, le docteur Ménard. Le docteur Laflamme retient pour sa part qu'il s'agit d'une condition préexistante.
[78] En ce qui a trait au rapport des ergothérapeutes, la valeur probante de leur conclusion sur la capacité de monsieur Thifault à exercer l'emploi de frigoriste doit être appréciée en tenant compte des éléments suivants.
[79] En effet, leur conclusion vient en contradiction avec le fait que monsieur Thifault a continué à travailler comme frigoriste pendant six mois après la survenance de sa lésion professionnelle et que la condition de son genou gauche a été un peu améliorée avec la chirurgie, du fait que les dérobades de son genou sont moins fréquentes et que les douleurs ont diminué ou à tout le moins, sont demeurées les mêmes, comme le rapporte le docteur Laflamme.
[80] Lors de l'audience, monsieur Thifault affirme que le phénomène des dérobades est demeuré inchangé, qu'il ressent plus de douleurs qu'auparavant et qu'il y a maintenant de l'enflure à son genou[14]. Toutefois, le tribunal privilégie les explications qu'il a données au docteur Laflamme parce qu'elles ne sont pas faites dans un contexte litigieux comme celui du présent appel et qu'elles sont corroborées, en ce qui a trait à la diminution de la fréquence des dérobades, par ce que relate le docteur Des Marchais.
[81] Monsieur Thifault convient d'ailleurs qu'il serait capable d'effectuer son travail de frigoriste mais il affirme que ça lui prendrait trop de temps. On doit comprendre que cette affirmation est faite dans la perspective où il ne veut plus travailler comme frigoriste pour des considérations qui débordent le champ de la lésion professionnelle, comme le rapportent les ergothérapeutes dans leur rapport et la conseillère en réadaptation dans la note du 30 juin 2007.
[82] Par ailleurs, mis à part le phénomène de douleurs qui était présent avant l'événement du 20 décembre 2005, le seul réel problème que rapporte le docteur Laflamme à son examen physique concerne l'instabilité du ligament croisé antérieur. Or, ce problème existait aussi avant la survenance de cet événement et c'est en raison de celui-ci que monsieur Thifault portait une orthèse pour fonctionner normalement, ce qui est encore le cas depuis la survenance de la lésion professionnelle. Il ne s'agit donc pas d'une séquelle permanente qui découle de celle-ci.
[83] Après considération de la preuve au dossier et des arguments soumis par son représentant, la Commission des lésions professionnelles retient donc les conclusions des docteurs Des Marchais et Laflamme, voulant que la lésion professionnelle du 19 juin 2006 n'ait pas entraîné de limitations fonctionnelles et conclut qu'en l'absence de telles limitations, monsieur Thifault est capable d'exercer son emploi et n'a plus droit à l'indemnité de remplacement du revenu à partir du 6 décembre 2007.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Daniel Thifault;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 17 septembre 2008 à la suite d'une révision administrative;
DÉCLARE que la lésion professionnelle du 19 juin 2006 n'a pas entraîné de limitations fonctionnelles, que monsieur Thifault est capable d'exercer son emploi et que le droit à l'indemnité de remplacement du revenu prend fin le 6 décembre 2007.
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Claude-André Ducharme |
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Monsieur Jean-Pierre Devost |
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JEAN-PIERRE DEVOST, CABINET-CONSEIL |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] Selon ce que rapporte le membre du Bureau d'évaluation médicale à partir des explications de monsieur Thifault, il y aurait eu nettoyage de ménisque.
[2] Il s'agit, selon toute vraisemblance, d'une erreur de rédaction. À la fin de son examen physique, le docteur Des Marchais écrit que monsieur Thifault présente des mains de travailleur.
[3] Monsieur Thifault fait référence vraisemblablement au fait que la CSST a refusé qu'il fasse l'essai d'un emploi sur une ferme qui l'intéressait parce qu'elle a estimé que cet emploi était incompatible avec la limitation fonctionnelle voulant qu'il ne puise marcher sur un terrain inégal.
[4] Il est indiqué dans les notes évolutives que monsieur Thifault a eu plusieurs accidents du travail impliquant plusieurs sites anatomiques. Il a subi quatre chirurgies entre 2000 et l'événement de 2005 pour des lésions aux membres supérieurs.
[5] Le docteur Des Marchais avait rapporté la même chose dans son expertise.
[6] L.R.Q. c. A-3.001
[7] [1996] C.A.L.P. 1278
[8] Blais, C.L.P. 114971-05-9903, 9 septembre 1999, F. Ranger; Agri-Aide Laurentides inc. et Prévost, C.L.P. 133153-61-0003, 29 août 2000, S. Di Pasquale; Raccio et Cie Carrelage de Montréal, C.L.P. 233711-71-0405, 16 décembre 2004, A. Suicco; Isaias et Lallier Automobile Montréal inc., C.L.P. 232908-61-0404, 8 décembre 2005, L. Nadeau; Les Carrelages Centre du Québec et Thibodeau, C.L.P. 230800-04-0403, 28 janvier 2005, J.-F. Clément; Archambault Pilon et Place des Aînés de Laval, C.L.P. 271462-64-0509, 9 novembre 2006, D. Armand, révision rejetée, 3 juillet 2007, S. Moreau; Soucisse et Gestion de Récupération du Québec inc., C.L.P. 345440-62C-0804, 27 octobre 2008, I. Therrien;
[9] Précitée, note 8.
[10] Morin et José & Georges inc., [2001] C.L.P. 443
[11] Montigny et Nettoyeurs Prof. de conduits d'air, C.L.P. 225935-71-0401, 05-03-29, R. Langlois
[12] Beghdadi et Les Tricots Main inc., C.L.P. 193426-71-0210, 19 décembre 2006, M.-H. Côté.
[13] St-Yves et Natrel inc., précitée, note 7
[14] Dans son avis, le docteur Laflamme mentionne qu'à la suite de la chirurgie de 1990, il se produisait de nombreuses dérobades qui étaient suivies d'enflure (cf. paragraphe 39).
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.