Décision

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Nadeau c. Centre Motofolie inc.

2018 QCCQ 545

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEAUHARNOIS

LOCALITÉ DE

SALABERRY-DE-VALLEYFIELD

« Chambre civile »

N° :

760-32-700256-177

 

 

 

DATE :

12 février 2018

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

J. SÉBASTIEN VAILLANCOURT, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

SYLVAIN NADEAU

Partie demanderesse

c.

CENTRE MOTOFOLIE INC.

Partie défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Estimant que la motoneige qu’il a achetée de Centre Motofolie Inc. (MOTOFOLIE) est affectée de vices cachés, Sylvain Nadeau lui réclame la somme de 4 601,34 $.

[2]           Motofolie conteste la réclamation au motif que la motoneige a été vendue sans garantie.

Questions en litige

[3]           Le Tribunal est appelé à répondre aux questions en litige suivantes :

a)    La motoneige a-t-elle été vendue avec ou sans garantie?

b)    Monsieur Nadeau a-t-il droit à la somme réclamée?

Contexte

[4]           Le 6 janvier 2017, monsieur Nadeau achète de Motofolie une motoneige usagée de l’année 2012 au prix de 7 835,55 $ ce qui inclut des accessoires et les taxes[1].

[5]           Il est indiqué sur le contrat de vente que le bien est « vendu tel quel pour les pièces sans garantie ».

[6]           Lors de la vente, le représentant de Motofolie convainc monsieur Nadeau d’acheter une garantie prolongée de deux ans au coût de 1 500 $ remboursable à l’échéance si la garantie n’est pas utilisée.

[7]           Monsieur Nadeau achète cette garantie prolongée mais il résilie ensuite le contrat de garantie prolongée tel que celui-ci le permet[2]. Motofolie lui rembourse alors le prix de cette garantie.

[8]           Monsieur Nadeau témoigne à l’effet que lorsqu’il a acheté la motoneige, le vendeur lui a expliqué qu’elle avait été inspectée. Il n’a pu l’essayer en raison du manque de neige mais le vendeur a fait démarrer et tourner le moteur pendant une trentaine de secondes pour lui démontrer que la motoneige fonctionnait. Motofolie fournit par ailleurs une nouvelle batterie à monsieur Nadeau.

[9]           Après avoir pris possession de la motoneige, monsieur Nadeau constate que celle-ci manque d’huile. Il se rend donc chez Motofolie où on lui remet de l’huile qu’il devra cependant lui-même mettre dans le moteur.

[10]        Monsieur Nadeau se demande alors comment Motofolie a pu inspecter la motoneige si celle-ci manquait d’huile…

[11]        Une vingtaine de jours après la vente, monsieur Nadeau entreprend une première randonnée avec la motoneige. Celle-ci éprouve alors des problèmes mécaniques qui amènent monsieur Nadeau à la conduire chez un autre commerçant, soit Moto JMF, puisqu’il se trouve à près de 400 km de l’établissement de Motofolie. Il lui en coûte 545,18 $ pour faire diagnostiquer le problème et faire faire certaines réparations[3].

[12]        Il apporte ensuite la motoneige chez Motofolie en demandant que les problèmes mécaniques découverts par Moto JMF soient réparés. Motofolie lui facture alors 1 955,98 $ pour diagnostiquer le problème et effectuer les réparations[4].

[13]        Monsieur Nadeau est étonné puisque Motofolie a fait une nouvelle évaluation de la motoneige alors qu’il avait fourni le résultat de l’évaluation effectuée par Moto JMF.

[14]        Monsieur Nadeau ne peut finalement commencer à jouir de sa motoneige que le 20 mars 2017, alors que la saison de motoneige tire à sa fin.

[15]        Il réclame en conséquence de Motofolie la somme de 4 601,34 $ ventilée comme suit :

a)    La somme de 3 101,04 $ en remboursement des frais qu’il a payés pour obtenir un estimé des coûts de réparation et pour faire faire les réparations;

b)    La somme de 500 $ en remboursement des frais pour faire réparer le capot de la motoneige;

c)    La somme de 1 000 $ pour compenser la perte de jouissance de la motoneige.

[16]        Motofolie, représentée à l’audience par François Dumouchel, se limite à plaider que la motoneige a été vendue sans garantie de sorte qu’elle ne peut être tenue responsable des problèmes mécaniques ni de leurs conséquences.

Analyse et décision

[17]        Toute personne qui désire faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention[5]. Ainsi, le fardeau de preuve repose sur les épaules de monsieur Nadeau.

[18]        Par ailleurs, la preuve de ces faits doit être faite suivant le principe de la prépondérance de la preuve[6]. Ainsi, un fait sera considéré prouvé si le Tribunal est convaincu que son existence est plus probable que son inexistence.

La motoneige a-t-elle été vendue avec ou sans garantie?

[19]        Il est étonnant, en 2018, d’entendre un commerçant plaider qu’il a vendu un bien sans garantie (ni conventionnelle, ni légale).

[20]        En effet, le contrat de vente intervenu entre les parties est un contrat de consommation soumis à la Loi sur la protection du consommateur[7].

[21]        L’article 261 L.P.C. prévoit que les parties ne peuvent convenir de déroger à cette loi.

[22]        L’article 262 L.P.C. prévoit quant à lui qu’un consommateur ne peut renoncer à un droit que lui confère la L.P.C. à moins que celle-ci ne le prévoit.

[23]        Or, les articles 37 et 38 L.P.C. énoncent les garanties qui s’appliquent aux biens vendus entre un commerçant et un consommateur :

37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.

38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

[24]        Tel que déjà mentionné, un commerçant ne peut exclure ces garanties et un consommateur ne peut même y renoncer.

[25]        Ces garanties, dites légales, ne peuvent être mises de côté de quelque façon que ce soit, ce qui les distingue d’une garantie conventionnelle.

[26]        La motoneige vendue par Motofolie à monsieur Nadeau est donc soumise à ces garanties.

[27]        Par ailleurs, l’article 1729 C.c.Q. prévoit qu’un «vice [caché] est présumé exister au moment de la vente lorsque celle-ci est faite par un vendeur professionnel et que le mauvais fonctionnement du bien survient prématurément par rapport à des biens identiques de même espèce ».

[28]        La preuve révèle que la motoneige souffrait d’un manque d’huile dès son achat par monsieur Nadeau.

[29]        La preuve révèle également que la motoneige a éprouvé des problèmes mécaniques dès sa première utilisation importante par monsieur Nadeau.

[30]        Ainsi, la motoneige n’a pu servir à l’usage auquel elle était normalement destinée ni à un usage normal pendant une durée raisonnable, et ce, en contravention des articles 37 et 38 L.P.C.

[31]        De plus, les problèmes mécaniques visés par les réparations effectuées par Motofolie[8] et par Moto JMF[9], environ un mois après la vente, sont présumées exister au moment de la vente vu l’article 1729 C.c.Q.

[32]        Monsieur Nadeau a droit, en conséquence, au remboursement du coût des réparations, soit 3 101,34 $.

[33]        Puisque Motofolie ne pouvait ignorer le vice qui est présumé exister au moment de la vente[10], monsieur Nadeau a aussi droit à la réparation de son préjudice, le cas échéant.

[34]        Il réclame à ce titre la somme de 1 000 $ en compensation de la perte de jouissance de la motoneige qu’il n’a pu utiliser qu’à la fin de la saison.

[35]        Monsieur Nadeau a effectivement droit à une compensation puisqu’il n’a pu utiliser la motoneige entre la date de sa livraison, le 13 janvier 2017, et la fin du mois de mars 2017, et ce, en raison des vices dont elle était affectée.

[36]        Le montant de sa réclamation à cet égard est cependant exagéré de sorte que le Tribunal, usant de sa discrétion judiciaire, estime que la somme de 800 $ est juste et raisonnable pour compenser monsieur Nadeau. Le Tribunal prend notamment en considération, à cet égard, les frais de 385 $ qu’a dû payer monsieur Nadeau pour avoir accès aux sentiers de motoneige[11].

[37]        Par ailleurs, monsieur Nadeau n’a pas droit à la somme de 500 $ réclamée à titre de remboursement des frais de réparation du capot en l’absence de preuve justificative à cet égard.

[38]        Compte tenu de ce qui précède, Motofolie est condamnée à payer à monsieur Nadeau la somme de 3 901,34 $ avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[39]        ACCUEILLE la demande en partie;

[40]        CONDAMNE Centre Motofolie Inc. à payer à Sylvain Nadeau la somme de 3 901,34 $ avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter du 30 mai 2017;

[41]        CONDAMNE Centre Motofolie Inc. à payer à Sylvain Nadeau les frais de justice de 100 $.

 

 

__________________________________

J. SÉBASTIEN VAILLANCOURT, J.C.Q.

 

 

Date d’audience :

26 janvier 2018

 



[1]     Pièce P-2.

[2]     Pièce P-4.

[3]     Pièce P-9.

[4]     Pièce P-11.

[5]     Article 2803 du Code civil du Québec (C.c.Q.).

[6]     Article 2804 C.c.Q.

[7]     RLRQ, c. P-40.1 (L.P.C.).

[8]     Pièce P-11.

[9]     Pièce P-9.

[10]    Articles 1728 et 1729 C.c.Q.

[11]    Pièce P-7.

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