Boivin et Québécor World Lasalle |
2007 QCCLP 2520 |
|
||
COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
||
|
||
Montréal |
24 avril 2007 |
|
|
||
Région : |
Richelieu-Salaberry |
|
|
||
188511-62C-0207-C 189370-62C-0208-C 217184-62C-0310-C 231322-62C-0404-C 231901-62C-0404-C |
||
|
||
Dossier CSST : |
121048748 |
|
|
||
Commissaire : |
Bertrand Roy |
|
|
||
Membres : |
Ronald G. Hébert, associations d’employeurs |
|
|
Alain Lefebvre, associations syndicales |
|
______________________________________________________________________ |
||
|
||
188511 231901 |
||
|
|
|
Caroline Boivin |
Québécor World Lasalle |
|
Partie requérante |
Partie requérante |
|
|
|
|
et |
et |
|
|
|
|
Québécor World Lasalle |
Caroline Boivin |
|
Partie intéressée |
Partie intéressée |
|
|
|
|
et |
et |
|
|
|
|
Commission de la santé et de la sécurité du travail - Salaberry |
Commission de la santé et de la sécurité du travail - Salaberry |
|
Partie intervenante |
Partie intervenante |
|
|
|
|
______________________________________________________________________
DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU RÉVOCATION
______________________________________________________________________
Dossier 231322
[1] Le 5 septembre 2006 et le 2 novembre 2006, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) et Québécor World Lasalle (l’employeur), respectivement, déposent à la Commission des lésions professionnelles une requête en vertu de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) par laquelle ils demandent la révision de la décision du 21 août 2006.
Dossiers 188511, 189370, 217184, 231901
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles déclare que madame Caroline Boivin (la travailleuse) a subi une lésion professionnelle, soit une contusion et une épicondylite au coude gauche, qui était consolidée le 24 avril 2003.
Dossiers 217184, 231322, 231901
[3] La Commission des lésions professionnelles déclare que la travailleuse conserve de sa lésion professionnelle une atteinte permanente à son intégrité physique de 4,9 %, et qu’elle est capable d’exercer son emploi prélésionnel. La Commission des lésions professionnelles retourne le dossier à la CSST afin qu’elle procède à l’ajustement de l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse, et elle réserve sa compétence à l’égard d’un différend à ce sujet.
[4] À l’audience qui a eu lieu le 28 février 2007 à Salaberry-de-Valleyfield, la CSST était représentée par Me P. Bouchard. La travailleuse était présente et elle était représentée par Me Louis Cousineau. L’employeur était représenté par Me Reine Lafond.
[5] La CSST a également demandé au tribunal d’ordonner de surseoir à l’exécution de la décision du 21 août 2006 de la Commission des lésions professionnelles. À l’audience, elle s’est désistée de cette requête.
[6] L’employeur s’est également désisté à l’audience de sa propre requête en révision ou révocation de la décision du 21 août 2006 de la Commission des lésions professionnelles.
L’OBJET DE LA REQUÊTE EN RÉVISION
Dossier 231322
[7] La CSST demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser sa décision du 21 août 2006 dans le dossier 231322 et de déclarer que la base salariale de la travailleuse n’a pas à être révisée selon l’article 76 de la loi.
Dossiers 188511, 189370, 217184, 231901
[8] En ce qui concerne la décision du 21 août 2006, dans ces autres dossiers mentionnés en rubrique de la requête, la CSST n’en demande pas la révision. Le tribunal en prend acte.
L’AVIS DES MEMBRES
[9] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis qu’il y a lieu de réviser la décision attaquée en ce qui concerne la capacité de la travailleuse d’exercer son emploi et l’application des dispositions de l’article 76 de la loi. Ils réviseraient donc la décision et déclareraient que la base salariale de la travailleuse n’a pas à être recalculée puisque les faits sur lesquels les parties se sont entendus n’y donnent pas ouverture. Ils accueilleraient la requête en révision de la CSST.
LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LA REQUÊTE EN RÉVISION
[10] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de réviser ou révoquer sa décision du 21 août 2006.
[11] L’article 429.56 de la loi permet à la Commission des lésions professionnelles de réviser une de ses décisions. Cet article se lit comme suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
__________
1997, c. 27, a. 24.
[12] La requête en révision de la CSST résume ainsi les faits pertinents :
§ Mme Boivin, ci-après la travailleuse, fut victime d’une lésion professionnelle le 15 août 2001;
§ Dans une décision du 18 juillet 2002 la révision administrative de la CSST confirmait la décision initiale faisant suite à un avis du Bureau d’évaluation médicale et concluait que le diagnostic en relation avec la lésion professionnelle était une contusion du coude gauche avec épicondylite externe traumatique secondaire, que la lésion n’était pas consolidée et nécessitait toujours des soins;
§ L’employeur et la travailleuse ont contesté cette décision devant la Commission des lésions professionnelles (188511-62C-0207 et 189370-62C-0208);
§ Dans son rapport final du 24 avril 2003, le Dr Browman, médecin traitant de la travailleuse, consolidait cette dernière en date du 24 avril 2003;
§ Le 9 septembre 2003, le représentant de la travailleuse a demandé l’application de l’article 76 LATMP afin de déterminer un revenu brut plus élevé compte tenu des circonstances particulières dans lesquelles s’est manifestée la lésion, en l’occurrence l’horaire réduite sur lequel madame Boivin travaillait au moment de la lésion professionnelle compte tenu d’un retour de congé de maternité.
§ Dans une décision du 16 janvier 2004, la CSST a refusé de déterminer un revenu brut plus élevé, ce qui fut confirmé par l’instance de révision administrative dans une décision du 9 mars 2004 (R-121048748-009);
§ Dans cette même décision du 9 mars 2004, l’instance de révision administrative confirmait également une décision initiale de la CSST qui statuait que suite à la consolidation de la lésion professionnelle, l’atteinte permanente était évaluée à 0 % mais que la travailleuse conservait des limitations fonctionnelles;
§ L’employeur et la travailleuse ont contesté cette décision devant la commission des lésions professionnelles (231322-62C-0404 et 231901-62C-0404);
§ La travailleuse fut admise en réadaptation le 19 septembre 2003 et un emploi convenable d’assistante-technique en pharmacie fut déterminé puisque la CSST a jugé que les limitations fonctionnelles que la travailleuse conservait étaient incompatibles avec son emploi pré-lésionnel;
§ La travailleuse fut indemnisée jusqu’au 5 juillet 2005, fin de l’année prévue à l’article 49 , deuxième alinéa LATMP;
§ Les litiges dont était saisie la CLP portaient donc sur le diagnostic, la date de consolidation, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles découlant de la lésion du 15 août 2001 et sur l’application de l’article 76 LATMP.
[13] Par sa décision du 21 août 2006, tel que déjà indiqué, la Commission des lésions professionnelles a retenu que les lésions professionnelles de la travailleuse, soit la contusion au coude gauche, étaient « consolidées au 24 avril 2003 » que la travailleuse conserve une atteinte permanente de 4,9 % et qu’elle était « capable d’exercer son emploi prélésionnel ».
[14] Quant à l’application de l’article 76 de la loi et la détermination d’une nouvelle base salariale, le premier commissaire s’exprime ainsi :
[…]
[22] La travailleuse a subi une lésion professionnelle le 15 août 2001. Les parties admettent que la lésion professionnelle de la travailleuse a été consolidée en date du 24 août 2003. Toutefois, la travailleuse conserve une atteinte permanente et la CSST devra procéder à l’évaluation de la capacité de travail de celle-ci, ce qui fait que la travailleuse a reçu de l’indemnité de remplacement de revenu pendant plus de deux ans de la survenance de sa lésion professionnelle donnant ainsi ouverture à l’application de l’article 76 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [2] (la loi) qui prévoie :
76. Lorsqu'un travailleur est incapable, en raison d'une lésion professionnelle, d'exercer son emploi pendant plus de deux ans, la Commission détermine un revenu brut plus élevé que celui que prévoit la présente sous-section si ce travailleur lui démontre qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée sa lésion, n'eût été de circonstances particulières.
Ce nouveau revenu brut sert de base au calcul de l'indemnité de remplacement du revenu due au travailleur à compter du début de son incapacité.
__________
1985, c. 6, a. 76.
[23] La preuve démontre aussi que la travailleuse, en raison de son rang sur la liste d’ancienneté, avait droit à un maximum d’heures de travail., nombre d’heures supérieur à ce qui a servi du calcul afin de déterminer le revenu brut pour établir l’indemnité de remplacement de revenu.
[24] Selon la preuve au dossier et le témoignage entendu à l’audience deux ans après la survenance de sa lésion professionnelle, la travailleuse aurait dû travailler sur une base de 40 heures par semaine, ce qui aurait entraîné une modification de ses revenus, n’eut été la survenance de sa lésion professionnelle.
[25] La CSST se devait de rembourser l’indemnité de remplacement de revenu selon ces nouvelles données. Il y a donc lieu de retourner le dossier à la CSST pour qu’elle rembourse l’indemnité de remplacement de revenu de la travailleuse.
[…]
[15] Selon la requête en révision de la CSST, en déclarant la travailleuse capable d’exercer son emploi, le tribunal a reconnu implicitement que la travailleuse n’avait pas besoin de réadaptation professionnelle postérieurement à la date de consolidation. Par conséquent, les indemnités reçues entre la date de consolidation du 24 avril 2003 et le 5 juillet 2005 l’auraient été sans droit bien que non-recouvrables, tel que le prévoit l’article 361 de la loi.
[16] Par ailleurs, la CSST fait valoir que le premier commissaire ne pouvait pas, sans commettre une erreur de droit manifeste, conclure que l’article 76 trouvait application puisqu’il a reconnu, faut-il le répéter, que la travailleuse était apte à reprendre son emploi en date du 24 avril 2003. La travailleuse n’a donc pas été capable d’exercer son emploi pendant plus de deux ans comme l’exige l’article 76.
[17] D’autre part, la CSST fait remarquer que le commissaire, au paragraphe 22 cité plus haut, s’est aussi mépris de façon évidente en déclarant qu’il y avait ouverture à l’application de l’article 76 puisque la travailleuse « a reçu de l’indemnité de remplacement du revenu pendant plus de deux ans de la survenance de la lésion professionnelle ». Or, c’est clairement et manifestement l’incapacité pour une travailleuse d’exercer son emploi pendant plus de deux ans dont il faut tenir compte. D’ailleurs, tel que déjà indiqué, l’indemnité de remplacement du revenu a été versé sans droit après la consolidation de sa lésion, et alors qu’elle était redevenue capable d’exercer son emploi.
[18] La travailleuse s’oppose à la requête de la CSST pour le motif que la décision attaquée résulte d’un accord entre la travailleuse et l’employeur. Cet accord comportait deux volets « étanches », c’est-à-dire que la reconnaissance par la travailleuse que sa lésion était consolidée le 24 avril 2003 ne valait que pour les fins de certains dossiers et ne devait pas être considérée dans le dossier particulier concernant l’application de l’article 76 de la loi.
[19] En d’autres termes, la travailleuse soutient qu’il fallait tenir pour acquis, comme l’a fait le premier commissaire, que les conditions d’ouverture à l’application de l’article 76 étaient présentes malgré qu’il ait été décrété par le commissaire lui-même que la travailleuse était capable d’exercer son emploi à compter du 24 avril 2003.
[20] Pour la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision, il est évident que le premier commissaire ne pouvait conclure que l’article 76 de la loi trouvait application après avoir clairement déclaré que la travailleuse était capable d’exercer son emploi à compter du 24 avril 2003. En ce faisant, il a commis une erreur de droit manifeste, grave et déterminante. Cette erreur constitue un vice de fond de nature à invalider la décision.
[21] Le commissaire ne pouvait pas retourner le dossier à la CSST afin qu’elle procède à l’ajustement de l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse. Il ne pouvait non plus prétendre pouvoir « conserver juridiction » advenant une mésentente sur cette question puisqu’il n’avait déjà plus compétence sur les questions se rapportant à l’article 76. En effet cette disposition ne pouvait trouver application pour les raisons déjà données.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 231322
ACCUEILLE la requête en révision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail;
RÉVISE la décision du 21 août 2006 de la Commission des lésions professionnelles;
DÉCLARE que l’article 76 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ne trouve pas application, et la base salariale de madame Caroline Boivin, la travailleuse, n’a pas à être révisée;
DÉCLARE qu’il n’y a pas lieu de retourner le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail.
Dossiers 188511, 189370, 217184, 231901
PREND ACTE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail n’entend pas demander la révision de la décision dans ces dossiers et, par conséquent,
DÉCLARE qu’il n’y a pas lieu de réviser ou révoquer la décision en ce qui concerne ces dossiers.
|
|
|
Bertrand Roy |
|
Commissaire |
|
|
|
|
Me Louis Cousineau |
|
TRUDEAU, MORISSETTE & SAINT-PIERRE |
|
Représentant de la partie requérante |
|
|
|
Me Reine Lafond |
|
LE CORRE & ASSOCIÉS, avocats |
|
Représentante de la partie intéressée |
|
|
|
Me Pierre Bouchard |
|
PANNETON LESSARD |
|
Représentante de la partie intervenante |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.