Décision

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          COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE
          LÉSIONS PROFESSIONNELLES

     QUÉBEC    QUÉBEC, le 30 avril 1992

     DISTRICT D'APPEL   DEVANT LE COMMISSAIRE:   Pierre Brazeau
     DE QUÉBEC

     RÉGION:  Mauricie/ ASSISTÉ DE L'ASSESSEUR:Bernard C. Blanchet
              Bois-Francs

     DOSSIER: 13496-04-8908

     DOSSIER CSST: 8349 476AUDITION TENUE LE:       15 janvier 1992

          À:                Nicolet

          MONSIEUR GASTON PLANTE
          1270, Masson
          St-Louis (Québec)
          G8T 8X5

                                PARTIE APPELANTE

          et

          GARAGE LÉO-PAUL CÔTÉ INC.
     

(Direction des ressources humaines) 1861, boul. St-Jean St-Maurice (Québec) G0X 2X0 PARTIE INTÉRESSÉE et COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL 1055, boul. Des Forges, bureau 200 Trois-Rivières (Québec) G8Z 4J9 PARTIE INTERVENANTE D É C I S I O N Le 18 août 1989, M. Gaston Plante (le travailleur) dépose à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel), une déclaration d'appel d'une décision rendue le 31 juillet 1989 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission).

Par cette décision, la Commission statue que le travailleur ayant abandonné son emploi convenable d'agent de sécurité en raison d'une condition personnelle, n'a pas récupéré son droit à l'indemnité de remplacement du revenu en application de l'article 51 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., chapitre A-3.001).

OBJET DE L'APPEL Le travailleur demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision de la Commission et de statuer qu'il a récupéré son droit de recevoir l'indemnité de remplacement du revenu à compter du 18 juin 1989, date à laquelle il a abandonné un emploi convenable en raison du fait qu'il n'était pas raisonnablement en mesure de l'accomplir et que cet emploi convenable comportait, selon l'avis du médecin en ayant charge, un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique.

LES FAITS Le travailleur a été victime d'un accident du travail le 8 juin 1983 ainsi que d'une rechute de la lésion subie par le fait de cet accident du travail en date du 4 juin 1987, soit une "déchirure de la coiffe des rotateurs à l'épaule droite".

Le 6 avril 1989, la Commission adresse au travailleur la décision suivante: "OBJET: Plan individualisé de réadaptation (emploi convenable) _______________________________ Monsieur, Nous avons déjà établi votre admissibilité à la réadaptation professionnelle conditionnellement à la détermination d'une atteinte permanente à votre intégrité physique ou psychologique.

Lors de votre rechute du 4 juin 1987, vous étiez sans emploi, donc vous ne pouvez pas bénéficier au droit de retour au travail.

Considérant que votre lésion à l'épaule droite vous empêche de refaire votre travail habituel de peintre- débosseleur, il vous est suggéré de vous orienter vers un travail approprié à votre condition. Les rencontres et les communications que nous avons eues nous permettent de conclure que vous seriez en mesure d'occuper l'emploi convenable suivant: agent de sécurité à compter du 5 avril 1989.

Nous croyons que cet emploi est convenable car il vous permettra d'utiliser vos capacités résiduelles et vos acquis professionnels tout en ayant des conditions d'exercice qui ne comportent pas de danger pour votre santé, votre sécurité et votre intégrité physique compte tenu de votre lésion. De plus, l'emploi convenable visé présente des possibilités raisonnables d'embauche.

Afin de vous aider à occuper l'emploi convenable déterminé, nous prolongerons votre indemnité de remplacement de revenu pendant un maximum de 12 mois à compter de la date où vous étiez en mesure d'occuper l'emploi convenable (5 avril 1989).

Cette indemnité sera interrompue si vous refusez sans raison valable d'occuper un emploi convenable, tel que prévu à l'article 49 de la loi.

Vous recevrez sous peu les détails relatifs à l'indemnité réduite de remplacement de revenu à laquelle vous aurez droit s'il y a lieu." (sic) Le 16 juin 1989, le travailleur est examiné par le médecin en ayant charge, le Dr Richard Jacob, qui émet à cette date un certificat médical attestant ce qui suit: "Monsieur Gaston Plante doit abandonner le travail actuel par suite des répercussions sur son état de santé." (sic) Le 21 juin 1989, la Commission adresse au Dr Richard Jacob, médecin ayant charge du travailleur, les questions suivantes: "Docteur, Dans une note du 16 juin 1989, vous indiquez que M.

Plante doit abandonner son travail suite à des répercussions sur son état de santé.

Pouvez-vous s.v.p. nous préciser les raisons médicales objectives justifiant l'abandon du travail? (être le plus précis possible)" (sic) Le 26 juin 1989, le Dr Richard Jacob adresse à la Commission la réponse suivante: "Passé coronarien (cardiopathie artériosclérotique avec angine résiduelle post-infarctus stable).

État de stress et d'angoisse engendré par le travail, entraînant des manifestations coronariennes, de l'insomnie et un état de grande anxiété." (sic) Le 31 juillet 1989, la Commission adresse au travailleur la décision dont il est fait appel. Cette décision se lit comme suit: "Le 18 juin dernier, vous avez abandonné l'emploi convenable d'agent de sécurité à l'Agence Le Gardeur ltée. Votre médecin, le Dr Richard Jacob nous indique que vous avez dû abandonner ce travail à cause d'un passé coronarien et d'un état de stress et de grande anxiété.

Cet abandon n'étant pas relié à votre lésion professionnelle (blessure à l'épaule droite), mais relevant plutôt d'une condition personnelle, la CSST ne peut pas reprendre le versement de l'indemnité de remplacement de revenu, et ce, en se référant à l'article 51 de la Loi et la définition de l'emploi convenable." (sic) Le 14 août 1989, le travailleur adresse à la Commission d'appel une déclaration d'appel dans laquelle il s'exprime comme suit: "Vous trouverez ci-joint un résumé de mon accident de travail survenu le 83-06-08 et le cheminement que j'ai fait depuis ce temps.

Voici le pourquoi de ma demande d'appel.

Le 6 avril 89 mon conseiller en réadaptation me faisait parvenir une lettre me disant que j'avais droit au prolongement de mon indemnité de remplacement du revenu pour une période de 12 mois pour m'aider à me trouver un travail convenable, voilà qu'il me trouve un travail de gardien de nuit à l'entrepôt de BPC de Shawinigan- Sud, je n'ai pas eu le choix d'accepter ou de refuser, on m'obligeait d'y aller sinon on cesserait de me payer. J'ai débuté le 1er mai, je travaillais 12 heures par jour de 6 hres le soir à 6 h. du matin, je n'avais jamais travaillé de nuit, je n'ai pas été capable de m'habituer, je n'étais pas capable de dormir le jour donc j'étais très fatigué, c'est pourquoi j'ai fait la demande à mon employeur de me faire travailler le jour, on me l'a permis 2 semaines et on m'a refait travailler de nuit, j'ai dû abandonner le 18-06 selon l'ordre du Dr Richard Jacob et voilà qu'on me fait parvenir un avis me disant qu'on mettait fin à mes prestations sous prétexte que ce travail ne me donnait pas mal à l'épaule, mais que c'était mon passé coronarien qui en était la cause. Je trouve qu'on a tiré une conclusion un peu trop vite, c'est bien marqué que je devais cesser le travail actuel et non tout autre travail. Je crois que mon conseiller n'a jamais vécu l'angoisse et l'anxiété d'un cardiaque qui se sent pris dans une bâtisse 8 X 10 loin de tout, dans un champ et ce 12 hres de temps durant la nuit, il aurait peut-être été moins sévère avec moi. Non, ce n'est pas l'épaule qui me faisait mal mais tout le reste parce qu'à ne pas dormir, on devient incapable de fonctionner normalement.

Je sais que ce n'est pas facile de me trouver du travail, j'ai 55 ans, je suis malade et je ne suis pas instruit, ma seule instruction c'est mon coffre d'outils mais avec ce coffre, je n'ai jamais été à la merci de personne, j'ai toujours gagné ma vie honorablement et aussi longtemps que mon coeur battera, je travaillerai, tout ce que je demande, c'est un peu de temps pour me trouver quelque chose, j'ai fait des applications et j'attends des nouvelles, vous comprendrez qu'à cause de cet accident j'ai perdu mon gagne-pain. Quand je suis allé rencontrer mon agent, il m' a remis un petit bout de papier qui semblait tout dire ce qu'on pouvait faire pour m'aider "demande d'assurance-chômage" "demande de régime des rentes du Québec". C'est une belle réponse quand on veut se débarrasser de quelqu'un. Je pense que l'article 51-3 est bien décrit par le médecin...... l'article emploi équivalent.: l'emploi qu'on m'a obligé d'accepter n'avait rien de semblable à ce que je faisais avant, j'étais peintre-débosseleur donc je crois que les raisons de leur refus ne sont pas motivées, c'est donc le pourquoi de ma demande d'appel de cette décision.

Je vous remercie à l'avance et je suis certain que vous serez en mesure de m'aider et soyez assuré que dès que je me trouverai un travail convenable, je l'accepterai." (sic) L'employeur était absent à l'audience tenue par la Commission d'appel le 15 janvier 1992, bien qu'y ayant été dûment convoqué.

ARGUMENTATION DES PARTIES Le travailleur soumet essentiellement à la Commission d'appel qu'il s'est senti forcé d'accepter l'emploi d'agent de sécurité pour ne pas perdre son droit d'être indemnisé et qu'il a dû abandonner cet emploi en raison de son état de santé.

Le travailleur admet qu'il a dû abandonner l'emploi convenable en cause en raison d'une condition personnelle et non pas en raison de sa lésion professionnelle, mais il soutient que la Commission a l'obligation de lui fournir un emploi qu'il est en mesure d'effectuer sans risque pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique et que l'emploi abandonné ne satisfaisant pas à ces conditions, la Commission avait l'obligation de lui trouver un autre emploi plus en rapport avec sa capacité résiduelle.

Le travailleur conclut en demandant à la Commission d'appel d'infirmer la décision de la Commission, de statuer qu'il a récupéré son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévu par l'article 45 de la loi en abandonnant son emploi convenable en conformité avec l'avis du médecin en ayant charge, à l'effet que cet emploi convenable comportait un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique, et d'ordonner à la Commission de l'indemniser en conséquence.

La Commission, quant à elle, soumet d'abord à la Commission d'appel que l'objet du présent appel ne porte aucunement sur la détermination de l'emploi convenable qui a déjà été identifié et décidé par la Commission dans le cadre d'une décision qui n'a aucunement été contestée en temps utile.

La Commission précise à la Commission d'appel que l'objet du présent appel porte exclusivement sur l'abandon par le travailleur le 18 juin 1989, d'un emploi convenable d'agent de sécurité qu'il a occupé pendant une période de sept semaines.

La Commission souligne à la Commission d'appel que les faits ne sont contestés ni par le travailleur ni par la Commission dans le cadre du présent appel, le travailleur admettant explicitement avoir abandonné son emploi convenable d'agent de sécurité en raison d'une condition personnelle tout à fait étrangère à la lésion professionnelle lui donnant ouverture à être indemnisé en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Se référant ensuite au texte de l'article 51 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Commission soumet essentiellement à la Commission d'appel que le droit du travailleur de récupérer son droit à l'indemnité de remplacement du revenu tel que prévu au premier alinéa, est sujet à la condition que le travailleur ne soit pas raisonnablement en mesure d'occuper son emploi convenable ou que cet emploi convenable comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur, "compte tenu de sa lésion professionnelle".

La Commission réfère la Commission d'appel à la définition de la notion d'emploi convenable prévu à l'article 2 de la loi et souligne que la définition même de l'emploi convenable faisant référence à un emploi approprié présentant une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur "compte tenu de sa lésion", le second alinéa de l'article 51 ne saurait avoir une portée plus large et faire ainsi de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, une "assurance tous risques" en référant à des conditions, restrictions ou séquelles autres que celles découlant de la lésion professionnelle subie par le travailleur.

La Commission rappelle que tous les motifs ayant été à l'origine de l'abandon par le travailleur de son emploi convenable, sont reliés à une condition qui lui est personnelle et non aux séquelles de sa lésion professionnelle, en l'occurrence le traumatisme subi à son épaule droite.

La Commission souligne également que si la portée du second alinéa de l'article 51 n'est pas limitée aux séquelles de la lésion professionnelle proprement dite, l'emploi convenable qui est pourtant déterminé à la suite d'un long processus, pourra toujours être remis en question, ce qui pourrait s'avérer extrêmement difficile à administrer sur le plan pratique.

À l'appui de son argument, la Commission réfère également la Commission d'appel à l'objet de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, lequel se limite à réparer les lésions professionnelles et les conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires, ainsi qu'à l'article 44 de cette loi, lequel donne droit au travailleur à une indemnité de remplacement du revenu dans la seule mesure où il devient incapable d'exercer son emploi "en raison de cette lésion".

La Commission soumet enfin que l'article 51 vient couvrir des circonstances nouvelles telles que des changements dans l'emploi convenable mais non le fait que le travailleur ne soit pas en mesure d'exercer cet emploi en raison d'une condition personnelle.

La Commission conclut en demandant à la Commission d'appel de rejeter l'appel du travailleur et de confirmer sa décision rendue le 31 juillet 1989.

MOTIFS DE LA DÉCISION La question dont la Commission d'appel doit disposer dans le cadre de la présente instance, consiste à déterminer si le travailleur a ou non récupéré son droit à l'indemnité de remplacement du revenu à compter du 18 juin 1989, date à laquelle il a abandonné un emploi convenable.

L'article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., chapitre A-3.001) définit la notion d'emploi convenable dans les termes suivants: 2. "emploi convenable": un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; Par ailleurs, l'article 51 de la loi édicte ce qui suit: 51. Le travailleur qui occupe à plein temps un emploi convenable et qui, dans les deux ans suivant la date où il a commencé à l'exercer, doit abandonner cet emploi selon l'avis du médecin qui en a charge récupère son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 et aux autres prestations prévues par la présente loi.

Le premier alinéa ne s'applique que si le médecin qui a charge du travailleur est d'avis que celui-ci n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper cet emploi convenable ou que cet emploi convenable comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur; Dans le présent cas, la preuve non contestée révèle que le travailleur a abandonné son emploi convenable d'agent de sécurité le 18 juin 1989, en raison de l'incompatibilité de cet emploi avec sa condition coronarienne déficiente antérieure, le stress et l'angoisse provoqués par cet emploi, entraînant chez lui, selon le médecin en ayant charge, "des manifestations coronariennes, de l'insomnie et un état de grande anxiété".

La Commission prétend en l'espèce que le second alinéa de l'article 51 précité ne vise que les dangers reliés à des séquelles de la lésion professionnelle donnant ouverture au travailleur à être indemnisé en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, et en aucun cas les dangers provoqués par une condition personnelle du travailleur, condition étrangère à sa lésion professionnelle.

La Commission tire en effet de la définition prévue à l'article 2 également précité, un argument à l'effet que le second alinéa de l'article 51 de la loi ne peut viser que les dangers pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur "compte tenu de la lésion" de ce dernier, excluant ceux découlant d'une condition personnelle. Elle souligne à cet égard que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ne constitue pas "une assurance tous risques" protégeant les travailleurs contre toute condition ou pathologie ayant pour conséquence d'affecter leur capacité à exercer un emploi convenable.

Quant à elle, la Commission d'appel considère que le texte du second alinéa de l'article 51 de la loi est tout à fait clair et ne permet aucunement de soutenir l'argument de la Commission puisqu'il contient déjà l'expression "emploi convenable" pour désigner l'emploi ou le travail constituant la source de l'incapacité du travailleur ou du danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique, source d'incapacité ou de danger que le législateur ne limite aucunement à celui ou celle directement généré par l'emploi convenable en regard des seules séquelles de la lésion professionnelle du travailleur.

Sur ce point, la Commission d'appel retient que le législateur a manifestement voulu donner une portée très large ou générale en ce qui a trait à la nature de la source d'incapacité ou du danger donnant ouverture à abandonner un emploi convenable.

La Commission d'appel estime qu'en tenant pour avéré l'argument de la Commission, elle doit justement donner à l'expression "emploi convenable" le sens exact que lui a donné le législateur dans la définition précitée de l'article 2 et que la partie en cause du texte du second alinéa de l'article 51 doit alors se comprendre comme suit: "Le premier alinéa ne s'applique que si le médecin qui a charge du travailleur est d'avis que celui-ci n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper cet "emploi convenable" ou que cet "emploi convenable" (emploi dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion), comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur; (notre soulignement) Ainsi, la Commission d'appel considère que le législateur a manifestement voulu par l'article 51 de la loi, permettre de contrer une erreur éventuelle relative à la détermination d'un emploi convenable, erreur découverte dans l'exercice de l'emploi en cause, avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de l'affectation du travailleur.

Toutefois, la Commission d'appel croit important de souligner que la condition personnelle empêchant le travailleur d'être raisonnablement en mesure d'occuper un emploi convenable ou en regard de laquelle l'emploi convenable comporte des dangers pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur, doit être pré-existante à la détermination de cet emploi convenable, une incapacité découlant d'une cause autre qu'une lésion professionnelle, et survenue après la détermination de l'emploi convenable, n'étant manifestement pas du ressort de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ni, donc, aucunement génératrice de droit en vertu de cette loi.

Sur ce point, la Commission d'appel fait sien l'argument de la Commission à l'effet que le législateur n'a évidemment pas voulu donner à l'article 51 précité la portée ou l'étendue d'une "assurance tous risques" contre tout événement de nature à rendre le travailleur incapable de continuer à exercer son emploi convenable. La Commission d'appel estime cependant que le législateur a voulu empêcher par cette protection additionnelle créée par l'article 51, que la santé,la sécurité ou l'intégrité physique d'un travailleur soit compromise dans le cadre ou en raison de l'application même du processus de détermination et d'affectation du travailleur dans un emploi convenable au sens de la définition précitée prévue à l'article 2 de la loi.

En l'espèce, la preuve soumise est à l'effet que l'état de santé précaire du travailleur est antérieur à la détermination de son emploi convenable d'agent de sécurité et que le travailleur occupait à plein temps son emploi convenable depuis moins de deux ans lorsqu'il a dû l'abandonner.

La Commission d'appel est donc d'avis que l'existence des dangers identifiés par le médecin ayant charge du travailleur, le Dr Richard Jacob, ainsi que la conclusion de ce dernier à l'effet que le travailleur doit abandonner son emploi convenable en raison de l'existence de ces dangers, donnent ouverture à l'application de l'article 51 de la loi et font qu'en abandonnant son emploi convenable le 18 juin 1989, le travailleur a récupéré son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévu par l'article 45 de la loi ainsi qu'aux autres prestations prévues par cette loi.

Quant à l'offre d'un horaire exclusivement de jour qui aurait été effectuée par l'employeur au travailleur en date du 18 juin 1989, la Commission d'appel estime que la preuve n'établit pas de façon prépondérante que le changement d'horaire proposé par l'employeur éliminait d'emblée les dangers identifiés par le médecin ayant charge du travailleur et faisait ainsi de l'emploi convenable en cause un emploi ne comportant pas pour le travailleur un danger pour sa santé et un emploi qu'il était, comme tel, raisonnablement en mesure d'occuper.

Enfin et par ailleurs, la Commission d'appel croit opportun de souligner que, dans le cadre de son délibéré, elle s'est interrogée sur la recevabilité du présent appel d'une décision rendue par la Commission le 31 juillet 1989, cet appel ayant été logé par le travailleur directement à la Commission d'appel en date du 18 août 1989 sans qu'une demande de révision n'ait été effectuée et qu'une décision n'ait ainsi pu être rendue par le bureau de révision paritaire sur la question faisant l'objet du présent appel.

Toutefois, compte tenu de délai de plus de deux ans et demi déjà écoulé en l'espèce sans qu'aucune instance n'ait informé le travailleur de l'erreur qu'il a peut-être commise en adressant sa contestation directement à la Commission d'appel, compte tenu que ni la Commission ni la Commission d'appel n'ont soulevé en temps utile cette question de la recevabilité du présent appel, cette question n'ayant ainsi fait l'objet d'aucun débat devant la Commission d'appel, et, enfin, compte tenu des conclusions auxquelles elle en est arrivée et de la compétence juridictionnelle qu'elle détient sur la question en cause en appel d'une décision éventuelle du bureau de révision, la Commission d'appel n'entend pas régler le sort de l'appel du travailleur sur cette base et elle estime que dans les circonstances actuelles, il est dans l'intérêt de la justice qu'elle rende la présente décision sur le fond de la question en cause, comme il lui est demandé de le faire par les parties au présent appel.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES ACCUEILLE le présent appel; INFIRME la décision rendue le 31 juillet 1989 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail; et DÉCLARE que M. Gaston Plante a récupéré son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévu par l'article 45 et aux autres prestations prévues par Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, à la suite de l'abandon de son emploi convenable en date du 18 juin 1989.

_________________________ Pierre Brazeau Commissaire CHAYER, PANNETON, LESSARD (Mme Lise Matteau) 1055, boul. des Forges, #200 Trois-Rivières (Québec) G8Z 4J9 Représentante de la partie intervenante

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