Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Chaudière-Appalaches

QUÉBEC, le 1er novembre 2000

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

113590-03B-9904-R

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Guylaine Tardif

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Jean-Guy Guay

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Marc Villeneuve

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

112102389-1

AUDIENCE TENUE LE :

18 septembre 2000

 

 

 

 

 

 

 

EN DÉLIBÉRÉ LE

6 octobre 2000

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Lévis

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE PRÉSENTÉE EN VERTU DE L'ARTICLE 429 .56 DE LA LOI SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET LES MALADIES PROFESSIONNELLES (L.R.Q., chapitre A-3.001)

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

GHISLAINE AUDET

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LA CHEMISE PERFECTION INC.

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE

LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL

Direction régionale Chaudière-Appalaches

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 9 février 2000, madame Ghislaine Audet (la travailleuse) dépose une requête en révision à la Commission des lésions professionnelles, à l’encontre de la décision qu’elle a rendue le 14 janvier 2000. Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles déclare que la travailleuse n’a pas subi une lésion professionnelle le 12 mars 1998.

[2]               L’audience a dûment été convoquée et s’est tenue le 18 septembre 2000, en présence de la travailleuse, de son procureur, et du représentant de Ressources P.M.E. inc. (l’employeur). Bien que la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) soit intervenue en l’instance, elle n’était pas représentée à l’audience.

[3]               L’affaire a été prise en délibéré le 6 octobre 2000, à l’expiration du délai consenti aux parties pour commenter les documents que la Commission des lésions professionnelles leur a transmis le 21 septembre 2000, ou demander la réouverture de l’enquête. Le procureur de la travailleuse a produit ses commentaires le 27 septembre 2000, alors que le représentant de l’employeur a produit les siens le 3 octobre 2000. Ni l’une ni l’autre des parties n’a demandé la réouverture de l’enquête.

L'OBJET DE LA REQUÊTE

[4]               La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer la décision qu’elle a rendue le 14 janvier 2000 et de reconvoquer les parties à une audience où elle pourrait témoigner.

LES FAITS

[5]               La travailleuse a produit une réclamation à la CSST alléguant connaître une rechute, récidive ou aggravation depuis le 12 mars 1998 qui serait consécutive à la lésion professionnelle qu’elle a subie le 21 juin 1996.

[6]               Il ressort du dossier que la travailleuse a développé un syndrome d’accrochage à l’épaule gauche et une tendinite à l’épaule droite à la suite de la lésion professionnelle qu’elle a subie le 21 juin 1996. Cette lésion a été consolidée le 7 avril 1997 sans déficit anatomo-physiologique mais avec persistance de limitations fonctionnelles, selon le rapport d’évaluation médicale qui a été produit à l’époque.

[7]               Le 12 mars 1998, la travailleuse a reçu une infiltration à l’épaule gauche et a été mise en arrêt de travail. À compter du 5 janvier 1998, elle avait toutefois consulté pour une tendinite chronique à l’épaule gauche et un syndrome myofascial.

[8]               La CSST a rejeté sa nouvelle réclamation pour le motif que le dossier ne révélait pas de détérioration objective de sa condition pouvant être consécutive à la lésion professionnelle du 21 juin 1996. Cette décision a été maintenue en révision administrative.

[9]               La travailleuse a contesté la décision rendue en révision administrative. La Commission des lésions professionnelles a convoqué les parties à une audience devant se tenir le 14 octobre 1999. La travailleuse reconnaît avoir reçu cet avis d’audience et l’avis de la transmission du dossier à son représentant.

[10]           La travailleuse reconnaît également avoir reçu subséquemment l’accusé de réception que la Commission des lésions professionnelles lui a transmis le 22 novembre 1999. Les notes cliniques du Dr Bouffard, l’expertise du Dr Brault et la lettre d’accompagnement signée par René Beaudoin y étaient jointes. La travailleuse reconnaît de même avoir reçu l’avis de convocation que l’employeur lui a transmis, afin qu’elle se présente chez le Dr André Mathieu. Le rendez-vous chez le Dr Mathieu a eu lieu le 29 novembre 1999. Antérieurement, soit le 1er novembre 1999, la travailleuse s’était présentée chez le Dr Yves Brault, l’expert qu’elle a elle-même choisi.

[11]           Elle affirme n’avoir reçu aucun autre document jusqu’à ce que la décision soit rendue.

[12]           La travailleuse s’était donc présentée à l’audience le 14 octobre 1999 en compagnie de René Beaudoin, son représentant, et de son mari, Alyre Tanguay.

[13]           Dans la décision qu’elle a rendue le 14 janvier 2000, la Commission des lésions professionnelles fait état de ce qui suit :

« (…)

 

Le 14 octobre 1999, la Commission des lésions professionnelles tient une audience en présence des parties. Celles-ci s’entendent pour ne pas offrir de preuve testimoniale et demandent un délai pour produire des expertises médicales et une argumentation écrite. Les dites expertises sont soumises à la fin du mois de novembre 1999 et les argumentations écrites au mois de décembre 1999. »

 

 

[14]           La travailleuse était présente lorsque les parties ont soumis leurs arrangements à la Commission des lésions professionnelles quant à la manière dont elles souhaitaient procéder. Le mari de la travailleuse était également présent selon la preuve non contredite.

[15]           La travailleuse affirme avoir compris des échanges auxquels elle a assisté qu’elle aurait l’occasion de se présenter à nouveau en cour une fois les expertises médicales de chaque partie déposées au dossier.

[16]           À sa grande surprise, elle aurait reçu la décision de la Commission des lésions professionnelles avant d’avoir été entendue comme témoin.

[17]           Elle aurait laissé plusieurs messages à René Beaudoin qui n’aurait pas retourné ses appels.

[18]           La Commission des lésions professionnelles a écouté l’enregistrement de l’audience tenue le 14 octobre 1999. La commissaire a d’abord entendu les représentations de René Beaudoin qui suggérait un ajournement pour permettre aux parties d’obtenir une expertise médicale au soutien de leurs prétentions respectives, et la production subséquente de leur argumentation écrite. L’employeur acquiesçait à cette manière de procéder. La commissaire s’est retirée en compagnie des membres issus des associations pour délibérer. Au retour du délibéré, la commissaire a annoncé sa décision d’accepter la demande des parties tout en indiquant sa volonté ferme d’obtenir les documents dans le délai consenti et de rendre sa décision dans les trente jours suivants.

[19]           Après l’écoute de cet enregistrement, Alyre Tanguay le mari de la travailleuse, qui avait été exclu, a témoigné. Il a affirmé que la commissaire avait accepté la production d’expertise médicale par chacune des parties et la production d’une argumentation dans les quinze jours à trois semaines subséquents. Selon son témoignage, René Beaudoin aurait affirmé après l’audience qu’ils reviendraient en cour une fois les expertises obtenues.

[20]           Le dossier révèle que les représentants des parties ont transmis comme convenu leur expertise et argumentation écrite dans le délai imparti par la Commission des lésions professionnelles. La preuve ne démontre pas si René Beaudoin a ou non lui-même transmis ces documents à la travailleuse.

[21]           Le 27 octobre 1999, la Commission des lésions professionnelles accusait réception et transmettait à la travailleuse copie de la lettre qu’adressait le représentant de l’employeur à René Beaudoin le 22 octobre 1999. Le représentant de l’employeur demandait alors à Monsieur Beaudoin de lui confirmer la date du rendez-vous devant avoir lieu chez le Dr Brault et de lui transmettre copie des notes de consultation du Dr Bouffard. Il souhaitait obtenir rapidement les documents afin de compléter le dossier médico-légal et de pouvoir produire des notes complémentaires à la Commission des lésions professionnelles.

[22]           Le 28 octobre 1999, la Commission des lésions professionnelles accusait réception et transmettait à la travailleuse copie de la lettre que lui adressait René Beaudoin le 27 octobre 1999 qui confirmait le rendez-vous de celle-ci chez le Dr Brault le 1er novembre 1999, et qui réitérait son engagement de faire parvenir aussitôt que reçu le rapport d’expertise de ce médecin.

[23]           De même, le 29 octobre 1999, la Commission des lésions professionnelles accusait réception d’une copie de la lettre qu’adressait Nancy Cameron, coordonnatrice des ressources humaines chez l’employeur, à René Beaudoin le 27 octobre 1999. Cette lettre confirmait une conversation téléphonique avec René Beaudoin à l’effet que l’examen du Dr Brault aurait lieu le 1er novembre 1999, que les notes de consultation du Dr Bouffard lui seraient transmises, et que le 15 novembre 1999, l’employeur se proposait d’informer René Beaudoin de ses intentions considérant le rapport à venir du Dr Brault et les notes du Dr Bouffard. L’accusé de réception était adressé à la travailleuse et à son représentant.

[24]           Le 6 décembre 1999, la Commission des lésions professionnelles a accusé réception de l’expertise produite par le Dr André Mathieu à la demande de l’employeur. L’accusé de réception a été transmis à René Beaudoin seulement. Le 13 décembre 1999, la Commission des lésions professionnelles accusait réception de l’argumentation écrite produite par l’employeur. Elle transmettait copie de cet accusé de réception à René Beaudoin seulement.

[25]           Le 29 décembre 1999, la Commission des lésions professionnelles a accusé réception de l’argumentation écrite produite par René Beaudoin. Elle n’en a pas adressé copie à la travailleuse.

[26]           Les paragraphes pertinents de la requête en révision produite par la travailleuse elle-même sont à l’effet suivant :

« (…)

 

OBJET :

 

Mon médecin dit de ne pas accepter la décision rendue par la CLP vous ne tenez pas compte de aucun médecin qui sont dans le dossier ni des séquelles qui me sont resté pour cette lésions professionnelles.

 

Vous ne retenez jusque ce que l’ergonome dit dans le dossier et je n’ai pas eu aucune parole dans le dossier car je n’avais pas un avocat c’était un intervenant qui à fait son argumentation par écrit et toute suite après il c’est effacé et ne porte même plus le même nom. (…) » (sic)

 

 

[27]           Le 7 mars 2000, une requête amendée a été produite par le procureur nouvellement mandaté par la travailleuse. Il allègue que le droit de la travailleuse à être entendue a été carrément violé puisque la travailleuse n’a pas été reconvoquée par la Commission des lésions professionnelles tel que prévu et convenu au préalable, que son représentant, sans son autorisation, a renoncé à une audience, et que la travailleuse n’a jamais reçu copie de l’expertise du Dr Brault ni de l’argumentation écrite de son représentant.

L'ARGUMENTATION DES PARTIES

[28]           Le procureur de la travailleuse invoque l’alinéa 2 de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001 (la loi). Il plaide que la travailleuse n’aurait pas, selon une preuve claire et incontestable, renoncé à son droit de témoigner ou refusé de se faire entendre. Il considère que son représentant de l’époque a agi sans son consentement lorsqu’il a renoncé à ce que des témoins soient entendus et qu’il a convenu de procéder par écrit après production des expertises.

[29]           Le procureur de la travailleuse soutient au surplus que la travailleuse n’a jamais renoncé à son droit de recevoir copie des documents qui se sont ajoutés après l’audience à son dossier, dont les expertises des Drs Brault et Mathieu et les argumentations écrites de chaque représentant. Il s’en remet au témoignage de la travailleuse qui affirme n’avoir reçu aucun document de la Commission des lésions professionnelles entre le moment de l’audience qui a eu lieu le 14 octobre 1999 et le moment où elle a reçu la décision rendue le 14 janvier 2000.

[30]           Il soutient que le droit d’être entendu est un droit fondamental et qu’il y a lieu de révoquer la décision, et ce, peu importe que la travailleuse subisse ou non préjudice du fait qu’elle n’a pu être entendue. Il réfère à la décision rendue dans Drolet c. La Commission des affaires sociales et als.[1] sur ce point.

[31]           Il soutient que la Commission des lésions professionnelles a elle-même été fautive en ne transmettant pas tous les documents à la travailleuse qui, de ce fait, a été empêchée de réagir en temps utile.

[32]           Il plaide tout de même que l’audience était fondamentale puisque la Commission des lésions professionnelles s’est appuyée sur les faits rapportés dans chacune des expertises et a préféré comme étant plus crédible celle du Dr Mathieu. Il soutient que la règle audi alteram partem ne peut se concilier avec la procédure suivie en l’espèce.

[33]           Il demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer la décision qu’elle a rendue et de reconvoquer les parties à une audience où des témoins pourraient être entendus.

[34]           Le représentant de l’employeur soutient que la preuve prépondérante au dossier démontre que la travailleuse a consenti à procéder sur production des expertises des Drs Brault et Mathieu et d’une argumentation écrite. Il considère qu’elle a valablement renoncé à être entendue comme témoin.

[35]           Il plaide plus spécialement que l’erreur de son représentant de l’époque, son incompétence, ou ses mauvais choix stratégiques, particulièrement celui de ne pas faire témoigner la travailleuse, ne justifient pas une révision de la décision rendue. Il se réfère à plusieurs décisions rendues en la matière[2]. Il se réfère également plus spécialement à la décision rendue dans l’affaire Hall c. Commission des lésions professionnelles et als.[3], et soutient que la décision de ne pas faire entendre un témoin ou de ne pas faire une preuve qui aurait pu être faite, ne peut être reproché à la Commission des lésions professionnelles mais au représentant de la travailleuse, ce qui n’est pas un motif de révision.

 

[36]           Il demande à la Commission des lésions professionnelles de rejeter la requête en révision.

L'AVIS DES MEMBRES

[37]           Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis qu’il n’y a pas matière à réviser la décision rendue le 14 janvier 2000. Il considère que la preuve prépondérante ne démontre pas que la travailleuse s’est méprise sur la nature des arrangements convenus entre les parties en sa présence et que les documents obtenus ont, par la suite, été valablement transmis à son représentant de l’époque.

[38]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis qu’il est possible que la travailleuse ait mal compris les arrangements faits entre les parties et qu’en cas de doute, il y a lieu de révoquer la décision rendue.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[39]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a lieu de révoquer ou de réviser la décision qu’elle a rendue le 14 janvier 2000.

[40]           Le recours en révision est prévu à l’article 429.56 de la loi dans les termes suivants :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu’elle a rendu :

 

  lorsqu’est découvert un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

  lorsqu’une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

  lorsqu’un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l’ordre ou l’ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l’a rendu.

________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[41]           Par ailleurs, l’article 429.49 de la loi prévoit ce qui suit :

429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu’une affaire est entendue par plus d’un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l’ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s’y conformer sans délai.

________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[42]           Ainsi, la règle veut que la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles soit finale et sans appel, et que dans les seules circonstances énoncées à l’article 429.56, une décision autrement finale peut être révisée ou révoquée.

[43]           En l’espèce, la travailleuse invoque l’alinéa 2 de l’article 429.56, soit qu’elle « n’aurait pour des raisons suffisantes, (pu) se faire entendre ».

[44]           La travailleuse avait le fardeau de prouver ce qu’elle allègue par une preuve prépondérante, c’est-à-dire une preuve crédible et probante.

[45]           Au soutien de son allégation, la travailleuse et son mari ont été entendus.

[46]           Il ressort de leurs témoignages qu’ils étaient présents au moment des échanges préliminaires à l’audience, lors de l’audience et à la reprise de l’audience après le délibéré sur la demande que faisait le représentant de la travailleuse.

[47]           Ils ont bien compris que des expertises seraient produites ultérieurement au dossier. Cependant, malgré ce qui apparaît au texte de la décision, la travailleuse affirme avoir compris qu’elle devrait revenir en cour une fois les expertises déposées. Le mari de la travailleuse aurait compris la même chose. Selon le témoignage de celui-ci, Monsieur Beaudoin leur aurait dit après l’audience qu’une fois les expertises produites, il y aurait reprise de l’audience.

[48]           René Beaudoin n’a pas été entendu comme témoin à l’audience. On ignore donc s’il aurait confirmé ou nié les propos que le mari de la travailleuse lui prête.

[49]           L’enregistrement de l’audience du 14 octobre 1999 révèle que la commissaire s’est exprimée clairement relativement à la procédure convenue entre les parties. Ses propos n’ont pas laissé entendre et ne pouvaient raisonnablement être compris comme signifiant que la travailleuse serait convoquée à nouveau à une audience où elle pourrait être entendue comme témoin. Selon ses propos, les parties se borneraient à échanger des documents par écrit, qu’il s’agisse d’expertises médicales ou d’argumentations écrites, et les délais consentis pour le faire se devraient d’être rigoureusement respectés. La Commission des lésions professionnelles apprécie que les propos de la commissaire n’étaient pas de nature à confondre la travailleuse, même en considérant sa faible scolarité et son inexpérience alléguée en matière de procédure judiciaire.

[50]           Ceci étant, la travailleuse aurait dû s’étonner des propos de René Beaudoin, s’il est vrai qu’il a affirmé après l’audience qu’elle reviendrait en cour. Elle aurait dû obtenir des clarifications de Beaudoin lui-même ou de la commissaire saisie du dossier. La preuve ne démontre pas qu’elle l’a fait.

[51]           Il est important de rappeler que la travailleuse a assisté à toutes les discussions. Ce ne serait donc pas à son insu que son représentant aurait renoncé à son droit d’être entendu. Aurait-elle malgré tout mal compris ?

[52]           La travailleuse affirme au début de l’audience n’avoir reçu aucun document en provenance de la Commission des lésions professionnelles entre le jour de l’audience, le 14 octobre 1999, et le jour où elle a reçu la décision rendue le 14 janvier 2000. Or, la Commission des lésions professionnelles lui a transmis plusieurs documents, dont la convocation chez les Drs Brault et Mathieu, l’expertise du Dr Brault, et les notes cliniques du Dr Bouffard qu’elle reconnaît plus tard dans son témoignage avoir reçues.

[53]           Toute cette correspondance de même que la décision rendue le 14 janvier 2000 ont été adressées au domicile de la travailleuse. La travailleuse n’a pas expliqué comment il serait possible qu’elle ait reçu certains documents mais pas les autres. Or, certains de ces documents confirment la procédure convenue entre les parties et autorisée par la Commission des lésions professionnelles.

[54]           Dans la requête qu’elle déposait elle-même à la Commission des lésions professionnelles le 14 février 2000, la travailleuse invoquait particulièrement le fait que, selon elle, seul l’avis de l’ergonome aurait été considéré, alors qu’elle n’aurait eu « aucune parole à dire dans le dossier car je n’avais pas un avocat c’était un intervenant qui à fait son argumentation par écrit et toute suite après il c’est effacé et ne porte même plus le même nom ».

[55]           Il est clair que le véritable motif de la requête en révision est l’erreur stratégique de son représentant de l’époque.

[56]           La travailleuse a affirmé à l’audience que Monsieur Beaudoin a négligé de retourner ses nombreux appels. Elle n’a cependant pas précisé à quel moment elle aurait tenté de le joindre.

[57]           S’il est vrai que son représentant négligeait de retourner ses appels, en supposant qu’elle ait tenté de lui parler avant que la décision soit rendue, elle aurait dû tenter de communiquer avec la commissaire au cours de la période d’un mois et demi qui a suivi son examen par le Dr Mathieu le 29 novembre 1999 et le moment où la décision a été rendue, surtout lorsqu’on garde à l’esprit que la commissaire avait manifesté à l’audience sa ferme intention d’agir avec célérité. La preuve ne démontre pas que la travailleuse a fait une telle démarche.

[58]           La Commission des lésions professionnelles considère que l’affirmation de la travailleuse et de son mari voulant qu’elle devait être appelée à témoigner avant qu’une décision soit rendue, n’est pas prouvée d’une manière prépondérante, c’est-à-dire par une preuve crédible offerte par des témoins désintéressés ou dont le témoignage est digne de foi. L’ensemble des circonstances décrites ci-haut rendent cette affirmation invraisemblable et improbable.

[59]           La règle audi alteram partem est un principe de justice fondamental qui s’applique à tous les secteurs du droit. Si besoin était, elle est consacrée à l’article 429.56 de la loi. Il ne s’agit pas ici de remettre en cause l’existence du principe. Cependant, la jurisprudence a bien précisé qu’une partie peut renoncer à son application explicitement, implicitement, ou par sa négligence à l’invoquer ou à le faire valoir. Le professeur Patrice Garant en fait état dans son ouvrage[4] dans les termes suivants :

« (…)

 

Quant à la règle audi alteram partem, la jurisprudence semble bien être à l’effet que l’administré peut y renoncer, soit expressément, soit implicitement par sa négligence.54 D’autre part, la Cour suprême, la Cour fédérale et la Cour d’appel du Québec ont jugé que la violation de la règle est une question de fait qui doit être expressément alléguée et plaidée par celui qui prétend en être victime.55 La décision prise au mépris de la règle n’est affectée que d’une nullité relative, en ce sens qu’elle reste valide tant et aussi longtemps qu’on n’a pas soulevé et plaidé avec succès le vice dont la décision est affectée.56 (…)

 

__________________________

54.       Voir à cet effet, Beacon Plastics Ltd. c. C.R.O., (1964) B.R. 177 , 185; Stanley c. Canada Labour Relations Bord, (1967) C.S. 104 , 114; Re Clark and Ontario Securities Commission, (1966) 56 D.L.R. (2d) 585 (Ont. C.A.); Moreau c. Commission municipale du Québec, (1978) C.S. 761 ; Rain c. Commission nationale des libérations conditionnelles, (1982) 1 C.F. 85 ; Saleberry de Valleyfield (Ville de) c. Commission des affaires sociales, (1984) C.S. 193 ; Brunswick Const. Ltée c. Moncton North-East Cont. Ass. inc., (1982) 42 N.B.R. (2d) 333, 110 A.T.R. 333 (C.A.); Vincent c. Min. de l’emploi et de l’immigration, (1983) 48 N.R. 214 (C.S.A.); Allied Auto Parts Ltd. c. C.C.T., (1983) 2 C.F. 248 ; Leaf c. Canada (Gouverneur général en conseil), (1988) 1 C.F. 575 ; St-Jean c. Commission scolaire régionale de l’Outaouais, C.A. Mtl., 18/01/89, J.E. 89-189 .

 

55.       Marcotte c. Société coopérative agricole de Ste-Rosalie, [1954] B.R. 393, [1955] R.C.S. 194 ; Phillips c. La Reine, [1977] 2 C.F. 186 ; [1977] 1 C.F. 756 ; Man. Soc. Of Srs. Inc. c. Greater Winnipeg Gas Co., (1982) 18 Man. R. (2d) 440 (C.A.); Disco-Bar Caprice Inc. c. Régie des permis d’alcool Inc., C.S. Mtl., 16/03/83, J.E. 83-380 ; Costello et Dickhoff c. Ville de Calgary, [1983] 1 R.C.S. 14 .

 

56.       North Coast Air Services Ltd., [1972] C.F. 390 (C.F.A.); Medi-Data Inc. c. P.G. du Canada, [1972] C.F. 469. Dans l’arrêt Wiswell, la Cour suprême a semblé soutenir qu’il s’agissait de nullité absolue: [1965] R.C.S. 512 , 524 (juge Hall); toutefois, le juge Cartwright est beaucoup moins catégorique (p. 512). Voir également, Re Rosenfeld and College of Physicians and Surgeons, [1970] 2 O.R. 438. »

 

 

[60]           Lorsqu’une partie renonce à son droit d’être entendue, et particulièrement à son droit de témoigner, elle ne peut se plaindre par la suite d’un manquement à la règle audi alteram partem.[5]

[61]           La négligence à faire valoir ses droits en temps utile est également considérée comme une renonciation au droit d’être entendu et ne donne pas ouverture au recours en révision.[6]

[62]           Le tribunal conclut que la preuve démontre que la travailleuse, alors valablement représentée par René Beaudoin, a librement choisi de ne pas demander la remise de l’audience et de procéder sur dépôt d’expertise et d’une argumentation écrite. Ce choix fait en toute connaissance de cause ne peut maintenant être répudié, vu l’issue de sa contestation. Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles a agi correctement envers la travailleuse en lui expliquant lors de l’audience le déroulement de la procédure suggérée par son propre représentant. On ne peut lui reprocher de ne pas avoir transmis tous les documents directement à la travailleuse puisqu’elle les a valablement transmis à René Beaudoin, son représentant. Si la travailleuse avait des raisons d’être insatisfaite des services de Monsieur Beaudoin, il lui appartenait de lui retirer le mandat, de se représenter seule ou de désigner quelqu’un d’autre pour le faire, ce qu’elle n’a pas fait, et ce, avant que la décision soit rendue. La travailleuse ne peut obtenir la révision de la décision maintenant qu’elle réalise avoir fait de mauvais choix.

[63]           Au surplus, il est bien établi en jurisprudence que la faute, l’incompétence ou les choix inopportuns du représentant valablement mandaté par une partie ne peuvent fonder un recours en révision.[7]

[64]           La Commission des lésions professionnelles, quant à elle, n’a pas agi de manière inéquitable à l’endroit de la travailleuse.[8]

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête en révision ou révocation.

 

 

 

 

 

Guylaine Tardif

 

Commissaire

 

 


 

 

 

BELLEMARRE & ASSOCIÉS

( Me Marc Bellemarre )

1584, chemin Saint-Louis

Sillery (Québec)

G1S 1G6

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

RESSOURCES PME INC.

( Monsieur Joël Ross )

1895, rue de Beaufort

Bellefeuille (Québec)

J0R 1A0

 

Représentant de la partie intéressée

 

 

 

PANNETON, LESSARD

( Me Jacques Ricard )

777, rue des Promenades

Saint-Romuald (Québec)

G6W 7P7

 

Représentant de la partie intervenante

 



[1].         200-05-001426-852, 1985-12-17, J. Moisan, J. C. S.

[2].         Standup et G.E. Hydro, 104278-62C-9808-R, 2000-02-29, C. Demers, requête en révision rejetée ; Auger et Supermarché Lambert inc., 111676-62-9903-R, 2000-04-25, N. Lacroix, requête en révision rejetée ; Jeanteau et Manufacturier de bas Iris inc., 118185-71-9906-R, 2000-05-30, C.A. Ducharme, requête en révision rejetée.

[3].         [1998] C.L.P. 1076 , S. Courteau, j.c.s.

[4].         Droit administratif, 4e édition, 1996, Vol. 2, Les éditions Yvon Blais inc., pages 224-225.

[5].         Gilbert c. Centre hospitalier de Verdun, 08211-60-8806R1, 1991-02-21, R. Brassard.

[6].         Voir la décision rendue à cet effet dans Charbonneau et Réno-Dépôt inc., 88764-72-9705-R, 1999-12-20, D. Lévesque, requête en révision rejetée.

[7].         Gilbert c. Centre hospitalier de Verdun, Op. cit. note 5 ; Charbonneau c. Réno-Dépôt inc., Op.cit. note 6 ; Hall c. Commission des lésions professionnelles et als. Op. cit. note 3 ; Standup c. G. E. Hydro, Op. cit. note 2 ; Auger c. Supermarché Lambert inc., Op. cit. note 2 ; Jeanteau c. Manufacturier de bas Iris inc., Op. cit. note 2 ; Charbonneau c. Institut Armand Frapier, 105570-64-9810-R, 2000-06-24, N. Lacroix.

[8].         Laliberté et ass. inc. c. Commission des lésions professionnelles et als., 500-05-045973-987, 1999-02-05, S. Courteau, j.c.s.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.