Décision

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97011357 COUR D'APPEL


PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL

No: 500-09-001217-959
(500-05-004948-954)




CORAM: LES HONORABLES MICHAUD, J.C.Q.
MAILHOT
ROUSSEAU-HOULE, JJ.C.A.






SYNDICAT DES POSTIERS DU CANADA,

APPELANT - (Requérant)

c.

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES,

INTIMÉE - (Intimée)

et

ME ANDRÉ BERGERON,

MIS EN CAUSE - (Intimé)



OPINION DE LA JUGE MAILHOT


          L'appelant (le Syndicat) demande la révision judiciaire de la décision de l'arbitre mis en cause, qui a refusé d'ordonner à l'intimée (la Société) la cessation immédiate de sa politique concernant le remboursement des indemnités de remplacement du revenu payées en trop aux employés absents pour cause de lésion professionnelle.
LES FAITS

          L'employé(e) de la Société qui s'absente de son travail parce qu'il(elle) a subi une lésion professionnelle a droit à un congé payé équivalant à son plein salaire pendant toute la durée de son absence, en vertu de l'article 24 de la convention collective conclue entre la Société et le Syndicat.

ARTICLE 24


CONGÉ POUR ACCIDENT DU TRAVAIL


24.01     Admissibilité au congé


L'employé-e bénéficie d'un congé payé pour accident du travail pour la période déterminée par une commission provinciale des accidents du travail lorsqu'il ou elle est incapable d'exercer ses fonctions en raison:


a)   d'une blessure corporelle subis accidentellement dans l'exercice de ses fonctions et qui n'est pas occasionnée par l'inconduite délibérée de l'employé-e,


b)   d'une maladie résultant de la nature de son emploi,


          ou

c)   d'une surexposition à la radioactivité ou à d'autres risques dans l'exécution de son travail,


s'il ou elle convient de verser à la Société canadienne des postes tout montant d'argent qu'il ou elle reçoit en compensation des pertes de salaire en règlement de toute réclamation qu'il ou elle peut avoir relativement à cette blessure, maladie ou exposition.



          Lorsque le tribunal administratif compétent, à savoir la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), le Bureau de révision paritaire (BRP) ou la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (CALP) détermine que la réclamation de l'employé n'est pas fondée, c'est-à-dire qu'il n'a pas subi de lésion professionnelle, la Société a pour politique de réclamer à cet employé le remboursement total des indemnités de remplacement du revenu qu'elle lui a versées.

          La Société se rembourse à même les crédits de congés de maladie accumulés par l'employé, puis, si besoin est, à même son salaire ou autres sommes qui lui sont dues, notamment les prestations d'assurance-invalidité versées par l'assureur.

          Dans les faits, la Société applique la décision de la CSST, du BRP ou de la CALP dès qu'elle est rendue, avec effet rétroactif lorsqu'elle modifie une décision précédente. Ainsi, lorsque la CSST rend une décision favorable à l'employé qui a fait une réclamation, la Société crédite sa banque de congés de maladie des journées débitées ou empruntées pendant la période d'attente de la décision.

          Par la suite, si le BRP infirme la décision de la CSST, ou si la CSST révise sa propre décision, la Société replace l'employé dans la situation où il se serait trouvé si la décision initiale de la CSST lui avait été défavorable. Elle débite sa banque de congés de maladie, et, si nécessaire, lui réclame les sommes qu'elle lui aversées en trop, que l'employé en appelle ou non de cette décision auprès de la CALP. Si l'employé ne rembourse pas immédiatement les sommes réclamées ou ne prend pas entente avec la Société sur le mode de remboursement, la Société récupère les sommes en les retenant sur celles qu'elle doit à l'employé, à titre de salaire ou autre. Si la CALP infirme la décision du BRP, la Société crédite à nouveau la banque de congés de maladie et rembourse les sommes auxquelles l'employé a droit.

          Cette pratique est suivie sans considération de la bonne ou mauvaise foi de l'employé.

          Le 26 août 1993, le Syndicat dépose un grief d'interprétation. Il conteste «la politique [...] de la Société [...] concernant la cessation du versement du congé payé et la demande de remboursement des sommes déjà payées aux employés victimes d'une lésion professionnelle (blessure, maladie). Une telle politique [...], tout en étant contraire aux dispositions de la convention collective, et notamment à l'article 24 cause préjudice aux employés et est au surplus injuste et inéquitable à leur endroit.»

          À l'audition du grief, les admissions suivantes sont faites:
          ·    Les employés de la Société sont des agents de l'État au sens de la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État(1) (LIAE);
          ·    La description de la politique de la Société, relatée ci-dessus, est admise;

          ·    Les ententes administratives conclues en 1988 et en 1989 entre le gouvernement fédéral et la CSST concernant l'indemnisation des agents de l'État sont produites. L'entente de 1989 est toujours en vigueur. La Société des postes est liée par cette entente, administrée par le ministère fédéral du Travail.

          Le Syndicat prétend que les employés de la Société sont soumis à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles(2) (LATMP), notamment à l'article 363 de la loi:

363. Lorsqu'un bureau de révision ou la Commission d'appel annule ou réduit le montant d'une indemnité de remplacement du revenu [...], les prestations déjà fournies à un bénéficiaire ne peuvent être recouvrées, sauf si elles ont été obtenues par mauvaise foi ou s'il s'agit du salaire versé à titre d'indemnité en vertu de l'article 60.



          Et l'article 60 se lit comme suit:

60.  L'employeur au service duquel se trouve le travailleur lorsqu'il est victime d'une lésion professionnelle lui verse, si celui-ci devient incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, 90 % de son salaire net pour chaque jour ou partie de jour où ce travailleur aurait normalement travaillé,
n'eût été de son incapacité, pendant les 14 jours complets suivant le début de cette incapacité.


          Brièvement, le Syndicat soutient que la Société ne peut réclamer les sommes versées à un employé sauf quelques exceptions: a) la différence entre les sommes qu'elle a conventionnellement accepté de payer (100 % du salaire, art. 24 de la convention collective) et celles qu'elle est légalement tenue de payer (90 % du salaire, art. 45 LATMP); b) les sommes versées pendant les 14 premiers jours et c) celles versées au travailleur de mauvaise foi.

          L'arbitre rejette la prétention du Syndicat. Il est plutôt d'avis que le gouvernement fédéral a, par renvoi interlégislatif, accepté d'incorporer à la LIAE non pas toute la LATMP, mais uniquement les dispositions qui définissent les indemnités auxquelles un agent de l'État fédéral a droit en cas d'accident de travail, ainsi que les conditions pour pouvoir bénéficier de ces indemnités. C'est là le sens qu'il accorde à l'article 4 de la LIAE:

4. (1)  Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, il est versé une indemnité:


a)   aux agents de l'État qui sont:


(i)  soit blessés dans un accident survenu par le fait ou à l'occasion de leur travail,


(ii) soit devenus invalides par suite d'une maladie professionnelle attribuable à la nature de leur travail;

b)   aux personnes à charge des agents décédés des suites de l'accident ou de la maladie.


(2)  Les agents de l'État visés au paragraphe (1), quelle que soit la nature de leur emploi, et les personnes à leur charge ont droit à l'indemnité prévue par la législation - aux taux et conditions qu'elle fixe - de la province où les agents exercent habituellement leurs fonctions en matière d'indemnisation des travailleurs non employés par Sa Majesté - et de leurs personnes à charge, en cas de décès -et qui sont:


a)   soit blessés dans la province dans des accidents survenus par le fait ou à l'occasion de leur travail;


b)   soit devenus invalides dans la province par suite de maladies professionnelles attribuables à la nature de leur travail.


(3)  L'indemnité est déterminée:


a)   soit par l'autorité - personne ou organisme - compétente en la matière, pour les travailleurs non employés par Sa Majesté et leurs personnes à charge, en cas de décès, dans la province où l'agent de l'État exerce habituellement ses fonctions;


b)   soit par l'autorité judiciaire ou autre, que désigne le gouverneur en conseil;



          En adoptant la LIAE, continue-t-il, le gouvernement fédéral a décidé d'accorder à ses employés les mêmes indemnités que celles dont bénéficie le reste de la population de la province où l'employé travaille, aux mêmes conditions. C'est pour cette raison qu'il laisse aux provinces le soin de déterminer les indemnités et les conditions pour y avoir droit. Mais il n'a pas pour autant renoncé totalement à son immunité face à la loi provinciale.
          Ayant, à titre d'arbitre de griefs, la tâche d'interpréter une convention collective liant des agents de l'État à une société de la couronne, c'est donc à la lumière de la LIAE qu'il choisit d'interpréter l'article 24 de la convention collective, et non à la lumière de la LATMP du Québec.

          À son avis, l'entente administrative entre les deux paliers de gouvernement ne fait qu'étayer ce point de vue.

          Comme la LIAE ne comporte aucune disposition interdisant expressément la récupération des indemnités versées sans droit, la Société peut agir comme elle le fait.

          Dans un deuxième volet de son argumentation, le Syndicat soutient que la récupération des indemnités est illégale, parce qu'aucune disposition de la convention collective ne le permet.

          Brièvement, l'arbitre statue que si le tribunal administratif compétent décide que l'employé n'a droit à aucune indemnité, il s'ensuit qu'aux termes de l'article 24 de la convention collective, il n'a droit à aucun congé payé.

          S'il a déjà bénéficié d'un congé payé en vertu d'une décision antérieure, cet avantage doit lui être retiré puisque ce droit à un congé dépend entièrement du droit à une période d'invalidité.

          Pour retirer cet avantage, la Société peut opérer compensation à même les sommes qu'elle doit au salarié, en vertu des principes du droit commun. Ce n'est pas parce que le salarié peut en appeler de la décision du tribunal administratif, décide l'arbitre, que la somme est pour autant litigieuse.

          La troisième prétention du Syndicat est que la mesure est injuste et inéquitable.

          En cas d'accident du travail, les employés occasionnels, à qui ne s'applique pas la clause 24.01 de la convention collective, reçoivent directement de la CSST les prestations auxquelles ils ont droit. Or, la CSST ne récupère pas les indemnités versées en trop à ces employés, alors que ceux visés par la clause 24.01 se les voient réclamer.

          Malgré la frustration que peuvent ressentir les employés à qui s'applique la clause 24.01, estime l'arbitre, ils ne sauraient trouver quelque source de droit dans cette pratique de la CSST.

          Dans un jugement prononcé à l'audience, la Cour supérieure rejette la requête en révision judiciaire. Le juge considère que l'arbitre n'a pas erré dans son analyse de la LATMP et la LIAE, que sa conclusion se situe dans le cadre de sa compétence et qu'elle n'est pas manifestement déraisonnable. À la lumière notamment de SociétéRadio-Canada c. Conseil canadien des relations du travail et Goldhawk,(3) il conclut qu'il n'y a pas lieu d'intervenir.


ANALYSE

La norme de contrôle applicable à la décision arbitrale

          La première étape du contrôle judiciaire de la décision consiste à déterminer la norme de contrôle appropriée. En l'espèce, la décision de l'arbitre est protégée par une clause privative, celle de l'article 58 du Code canadien du travail.

          Le Syndicat soutient que l'interprétation des règles régissant l'immunité de la couronne, des dispositions de la LIAE et des ententes administratives conclues entre le gouvernement fédéral et la CSST, de même que la détermination de l'applicabilité de la LATMP aux employés de la Société, ne sont pas de la compétence propre de l'arbitre. Par conséquent, toute erreur commise par l'arbitre est révisable.

          En ce qui concerne la Société, même si l'arbitre a dû interpréter des lois autres que sa loi constitutive et même si une simple erreur de sa part dans l'interprétation de ces lois peut donner ouverture à révision, la norme applicable à l'ensemble de la décision demeure celle du caractère manifestement déraisonnable, l'arbitreayant à interpréter aussi les dispositions de la convention collective.

          Les deux parties invoquent Société Radio-Canada (Goldhawk), l'une en soulignant le début, l'autre la fin de l'extrait suivant:

Bien que le Conseil puisse être soumis à la norme du caractère correct dans l'interprétation isolée d'une loi autre que sa loi constitutive, la norme de contrôle applicable à l'ensemble de la décision a supposé que celle-ci soit par ailleurs conforme à la compétence du Conseil, sera celle du caractère manifestement déraisonnable. Évidemment, la justesse de l'interprétation de la loi non constitutive pourra influer sur le caractère global de la décision, mais cela tiendra à l'effet de la disposition législative en question sur la décision dans son ensemble.(4)


          Mon collègue LeBel a fait une étude fouillée des principes aujourd'hui applicables dans l'affaire Syndicat des travailleurs et des travailleuses des Épiciers Unis Métro-Richelieu (C.S.N.) c. Lefebvre(5). Il me suffira de citer à ce propos cet extrait de l'opinion récente de mon collègue Brossard(6) qui résume ainsi les principes énoncés par le juge LeBel:

Tout récemment, mon collègue le juge LeBel a fait une remarquable revue, dans l'arrêt Syndicat des travailleurs et des travailleuses des Épiciers Unis
Métro-Richelieu (C.S.N.) c. Lefebvre, [1996] R.J.Q. 1509 (C.A.), des principes régissant le type d'erreur que doit commettre un tribunal administratif pour la rendre révisable. Il ressort de cet arrêt et aussi de l'arrêt Maison L'Intégrale Inc. c. Tribunal du Travail, [1996] R.J.Q. 659 que:

-    la méthode d'analyse pragmatique et fonctionnelle de l'arrêt Bibeault [Union des employés de service, local 298 c. Bibeault [1988] 2 R.C.S. 1048 ], afin de cerner la compétence d'un tribunal administratif, l'arbitre en l'espèce, fait toujours autorité;


-    depuis les arrêts Pezim c. British-Columbia (Superintendent of Brokers) [ [1994] 2 R.C.S. 557 ] et Radio-Canada c. CCRT [ [1995] 1 R.C.S. 157 ], les normes de contrôle fondées sur la dichotomie erreur simple/erreur manifestement déraisonnable tendent à céder le pas à un continuum de normes de contrôle, ces deux types d'erreurs étant à chaque extrémité du spectre, à l'intérieur duquel il existe des cas où la retenue judiciaire s'imposera sans que l'erreur manifestement déraisonnable soit la seule révisable;


-    la règle dégagée de l'arrêt McLeaod c. Egan [ [1975] 1 R.C.S. 517 ], à l'effet que la retenue judiciaire ne s'applique pas lorsque le tribunal administratif interprète un texte de loi général, ne trouve plus nécessairement application de façon automatique, lorsque le tribunal est protégé par une clause privative et que le pouvoir de se saisir de telles questions lui est attribué par le législateur;


-    plutôt, suite à l'arrêt Radio-Canada, l'analyse et l'interprétation de textes de loi à caractère général, bien que soumis à la norme de contrôle large de la correction, ne font pas en sorte que la décision dans son ensemble est, elle, soumise à cette même norme. Plutôt, l'erreur simple qu'a pu commettre un tribunal administratif en rendant une décision est un facteur à considérer pour évaluer la raisonnabilité de la décision dans son ensemble;


-    enfin, l'analyse et l'interprétation de principes fondamentaux du droit constitutionnel et des libertés civiles demeurent soumis au contrôle de la justesse de la décision (voir notamment Cuddy Chicks Ltd c. CRTO [ [1991] 2 R.C.S. 5 ] et Canada
(Procureur général) c. Mossop [ [1993] 1 R.C.S. 554 ].


* * *


Le régime d'indemnisation des agents de l'État

          Le Syndicat conteste le débit de la banque de congés de maladie et la réclamation de la Société en cas de décision défavorable à l'employé, et prétend que la société ne peut réclamer les sommes versées au salarié, exceptions faites des sommes suivantes: (1) la différence entre les sommes que la Société a conventionnellement accepté de payer et celles que légalement elle devrait acquitter; (2) les sommes versées pendant les 14 premiers jours; et (3) les sommes versées à l'employé qui était de mauvaise foi.

          Pour ce qui est de la différence entre les sommes que la société a conventionnellement accepté de payer et celles qu'elle devrait légalement acquitter, le Syndicat indique qu'il s'agit d'un montant équivalant à environ 10 % du salaire du travailleur selon le cas. Il s'explique par le fait que les sommes normalement versées par la CSST représentent environ 90 % du salaire,(7) alors que la clause 24.01 de la convention collective oblige la Société à payer 100 % du salaire.

          Quant au droit de réclamer les 14 premiers jours que le Syndicat reconnaît à la Société, tout comme celui de réclamer la totalité des sommes versées à un employé qui les a obtenues de mauvaise foi, ils découlent de l'article 363 de la LATMP (déjà cité).

          Une explication s'impose au sujet de l'application de la LATMP à la Société. Par le jeu de l'article 3 de l'entente administrative conclue entre le gouvernement fédéral et la CSST, qui renvoie à l'article 573 de la LATMP, la Société s'engage personnellement au paiement des prestations que la CSST accorde en cas de lésion profes sionnelle. En contrepartie, la Société ne cotise pas au fonds général de la CSST. Il s'ensuit que lorsqu'une disposition de la LATMP indique que la «Commission» verse une prestation, c'est en réalité la Société qui paye.

          L'article 3 des deux ententes administratives en cause se lit comme suit:

Entente de 1988


3.   Assujettissement


La Commission reconnaît que la présente entente tient lieu de l'avis prévu à l'article 573 de la [LATMP].


Cependant, par dérogation au dernier alinéa de l'article 332 de cette loi, qui réfère à l'article 316 de la même loi, la Commission ne pourra exiger de l'employeur qui retient les services d'un entrepreneur le paiement de la cotisation due par cet entrepreneur.



Entente de 1989


3.   Assujettissement


La Commission reconnaît que le Ministre s'est conformé aux exigences de l'article 573 de la [LATMP].


De plus, la Commission renonce à exiger de l'employeur qui retient les services d'un entrepreneur le paiement de la cotisation due par cet entrepreneur, comme elle pourrait le faire en vertu du dernier alinéa de l'article 332 de la [LATMP] et de l'article 316 de cette loi.



          Le Syndicat prétend que l'article 363 s'applique aux employés de la Société, même s'il est admis que ce sont des agents de l'État fédéral, que la Société a renoncé à son immunité face à toute la LATMP, que cette loi s'applique intégralement à l'État fédéral. Il s'appuie sur l'article 4 de la LIAE et sur l'entente administrative.

          La question de l'applicabilité de la LATMP aux agents de l'État fédéral, et notamment aux employés de la Société, a fait l'objet de plusieurs décisions des tribunaux administratifs et judiciaires. Je ne pense pas que l'argument présenté par le Syndicat en l'espèce, voulant que LATMP s'applique intégralement à l'État fédéral, ait été alors décidé.

          La dernière décision en date me semble être celle rendue par notre Cour dans Société canadienne des postes c. CSST et le Procureur général du Québec.(8) La Société contestait alors la compétence de laCSST à entendre une plainte déposée contre elle en vertu de l'article 32 de la LATMP, étant donné que cette disposition ne porte pas sur l'établissement du droit à l'indemnisation ou de son montant. L'article 32 se lit ainsi:

32.  L'employeur ne peut congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice d'un droit que lui confère la présente loi.


Le travailleur qui croit avoir été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans le premier aliéna peut, à son choix, recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou soumettre une plainte à la Commission conformément à l'article 253.



          Le juge Nuss, écrivant au nom de la Cour, a donné raison à la Société. Il conclut qu'elle n'est pas assujettie à l'article 32 (ni aux articles 252 à 264 prévoyant la procédure en cas de plainte et les pouvoirs de la CSST), ce qui, partant, réfute l'argument du Syndicat en l'espèce, voulant que la Société ait renoncé à son immunité face à toute la LATMP.

          Comme mon collègue, je suis d'avis que la LIAE n'incorpore par renvoi à la LATMP que les dispositions de la loi provinciale qui portent sur l'octroi d'une indemnité, aux taux et conditions prévues par loi provinciale.

          Il reste maintenant à se demander si la LIAE incorpore par renvoi l'article 363 de la LATMP, étant entendu que seules les dispositions concernant l'indemnisation sont visées par la loi fédérale.

          Pour ce faire, je propose de revenir à la LIAE. Je signale, pour éviter toute ambiguïté, que les termes «indemnité» dans la loi fédérale et «prestation» dans la loi provinciale ont le même sens, par le jeu des différentes définitions applicables.

          Le paragraphe 4(1) de la LIAE établit le droit à l'indemnité: il est versé une indemnité aux agents de l'État qui sont victimes d'une lésion professionnelle:

4.(1)     Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, il est versé une indemnité:


a)   aux agents de l'État qui sont:


(i)  soit blessés dans un accident survenu par le fait ou à l'occasion de leur travail,


(ii) soit devenus invalides par suite d'une maladie professionnelle attribuable à la nature de leur travail;

[...]

(je souligne)


          Cette disposition me semble renfermer deux conditions cumulatives: 1) être agent de l'État, 2) être victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.

          Le paragraphe 4(2) précise que le taux et les conditions de l'indemnité sont fixés selon la loi provinciale, toujours en cas de lésion professionnelle.

4.(2)     Les agents de l'État visés au paragraphe (1), quelle que soit la nature de leur emploi, et les personnes à leur charge ont droit à l'indemnité prévue par la législation - aux taux et conditions qu'elle fixe - de la province où les agents exercent habituellement leurs fonctions en matière d'indemnisation des travailleurs non employés par Sa Majesté - et de leurs personnes à charge, en cas de décès -et qui sont:


a)   soit blessés dans la province dans des accidents survenus par le fait ou à l'occasion de leur travail;


b)   soit devenus invalides dans la province par suite de maladies professionnelles attribuables à la nature de leur travail.


(je souligne)


          Là encore l'on retrouve les deux mêmes conditions cumulatives: 1) être agent de l'État et 2) être victime d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle. La règle fédérale est donc la suivante: les agents de l'État victimes d'une lésion professionnelle ont droit à l'indemnité prévue par la législation provinciale aux taux et conditions qu'elle fixe. D'autre part, la règle provinciale diffère: le travailleur conserve l'indemnité reçue même lorsqu'il n'apas été victime d'une lésion professionnelle, sauf pour les 14 premiers jours et sous réserve de sa bonne foi.

          La règle provinciale est-elle compatible avec la règle fédérale?

          La LIAE édicte que pour avoir droit à l'indemnité prévue par la LATMP, l'agent de l'État doit avoir été victime d'une lésion professionnelle. Certes, la survenance de cette lésion est laissée à l'appréciation de l'autorité provinciale compétente. Mais lorsque l'autorité provinciale détermine qu'il n'y a pas eu lésion professionnelle, l'agent de l'État à mon avis, n'a pas le droit, aux termes de la LIAE, de toucher l'indemnité prévue par la loi provinciale, parce qu'il n'est pas victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle (art. 4(1) LIAE).

          Si l'autorité provinciale détermine que l'indemnité doit être réduite, c'est-à-dire que l'agent de l'État n'y avait pas droit pendant toute la période où il l'a reçue, le même raisonnement s'applique. À compter du moment où le droit d'un agent de l'État à l'indemnité s'est terminé, la LATMP a cessé de s'appliquer à lui.

          Je ne pense pas que la LIAE confie implicitement aux lois provinciales le soin de déterminer ce qu'il doit advenir des sommes déjà versées à un agent de l'État, lorsque l'indemnité est annulée ou réduite rétroactivement. Cette question me semble s'inscrire dans lecadre des relations de travail entre l'employeur et les employés, domaine exclusivement de compétence fédérale en ce qui touche les agents de l'État.

          On pourrait soutenir que le droit à l'indemnité englobe les conséquences du retrait d'une indemnité, qu'en définitive, cette situation doit être régie par la loi provinciale, et ceci, pour assurer l'uniformité dans le traitement des travailleurs de la province. S'appliquerait en quelque sorte le principe de la «déduction nécessaire» ou de l'«avantage tiré des inconvénients», comme le soutient le Syndicat.

          Je ne crois pas que le principe trouve ici application. Les employés dont il est question ici sont des agents de l'État fédéral. Cette qualité les place dans une catégorie pan-canadienne. Ils sont régis d'abord et avant tout par une loi fédérale, dont certaines modalités d'application varient selon les provinces.

          La preuve révèle cependant que tous les employés syndiqués de la Société à travers le Canada sont soumis à la même politique. (Le Syndicat fait cependant remarquer que certaines lois provinciales - Alberta, Saskatchewan et Manitoba - prévoient expressément la récupération des sommes versées en trop à un travailleur, à la différence de la LATMP.) Il semble aussi que les autres organismes visés par la LIAE procèdent à la récupération des sommes versées en trop. Je pense donc que si uniformité il doit y avoir, elle doit sesituer sur le plan fédéral, ce qui apparaît être la situation actuelle.

          Je remarque, par ailleurs, que si la lésion professionnelle est confirmée par l'organisme provincial, tous les employés de la Société, assujettis à la clause 24.01 de la convention, partout au Canada, toucheront 100 % de leur salaire. Ici encore, il y a uniformité dans le traitement des employés.

          Le Syndicat invoque aussi l'entente administrative au soutien de sa thèse. Il affirme qu'en concluant cette entente, la Société s'est volontairement assujettie au chapitre X de la LATMP (art. 332 à 348), qui concerne les employeurs tenus personnellement au paiement des prestations. Le chapitre X renferme l'article 346, libellé comme suit:

346. Sous réserve des articles 129 et 363, l'employeur tenu personnellement au paiement des prestations qui a versé à un bénéficiaire une prestation à laquelle celui-ci n'a pas droit ou dont le montant excède celui auquel il a droit peut lui en réclamer remboursement en exerçant le recours civil approprié.


(Soulignement ajouté)




          Le Syndicat estime que, par le biais de cet article, la Société serait liée par l'article 363.

          À ce sujet, je m'en remets au juge Nuss, dans l'affaire Société des postes c. CSST:

When Parliament enacts a statute, then only Parliament can modify that legislation whether by broadening or restricting its scope or otherwise. Unless the Crown (usually the Governor in Council) or a Minister is granted delegated authority by Parliament to modify the scope of a statute they have no power to do so.


In the result it is my view that the Agreement between the Crown and the C.S.S.T. cannot make applicable a provision of the [LATMP] as being part of the [LIAE] which otherwise would be extraneous to the latter.


In any event the opening words of the clause in the Agreement «sous réserve de la Loi fédérale» appear to exclude the incorporation of matters beyond the scope of the legislation incorporated by reference and for the reasons stated earlier it is my opinion that the matters set out in section 32 of the [LATMP] are not incorporated by reference as part of the [LIAE].(9)


          J'en conclus que si la Société n'est pas assujettie à l'article 363 par l'effet de la LIAE, elle ne saurait l'être non plus par l'effet de l'entente administrative.

          Nous avons vu que la LIAE ne prévoit rien quant à la récupération des indemnités versées en trop. L'article 363 de la LATMP est inapplicable à ce genre de situation, en ce qu'il traite d'une matière que la LIAE ne vise pas par renvoi. La prétention de la Société est qu'il faut alors récupérer les indemnités en application de la Loi sur la gestion des finances publiques.(10)
          En effet, le paragraphe 4(6) de la LIAE prévoit que l'indemnité est versée par le Trésor fédéral.

(6)  Peuvent être payés sur le Trésor:

a)   les indemnités et frais accordés au titre de la présente loi;


b)   les avances comptables - à toute autorité habilitée par la législation d'une province ou sous le régime de la présente loi à trancher les cas d'indemnisation - jugées utiles par le Conseil du Trésor pour couvrir les indemnités et frais qui peuvent être accordés sous le régime de la présente loi;


c)   pour les provinces où les frais de fonctionnement de l'autorité compétente sont assumés par la province ou couverte par les cotisations des employeurs, ou par les deux à la fois, la fraction de ces cotisations que le Conseil du Trésor estime juste et raisonnable;


d)   pour les provinces où l'autorité expose des dépenses en vue d'aider les victimes à se réadapter ou à faire disparaître tout handicap résultant de leurs blessures, la fraction de ces dépenses que le Conseil du Trésor estime juste et raisonnable;


e)   les avances comptables - à toute autorité -, pour les dépenses visées aux alinéas c) et d), que le Conseil du Trésor juge utiles.



          Or, le paragraphe 155(3) de la Loi sur la gestion des finances publiques édicte:

155. (3)  Le receveur général peut recouvrer les paiements en trop faits sur le trésor à une personne
à titre de salaire, de traitement ou d'allocations, en retenant un montant égal sur toute somme due à cette personne par Sa Majesté du chef du Canada.



          C'est donc sur cette disposition que la Société s'appuie pour opérer compensation afin de recouvrer les sommes dues.

          Devant l'arbitre, cependant, la Société semble plutôt avoir prétendu que ce n'était pas la Loi sur la gestion des finances publiques qui s'appliquait, mais bien la convention collective et le droit commun.(11) Je crois que la convention collective renferme la solution. C'est pourquoi je propose maintenant d'examiner la situation sous cet angle.


La convention collective

          La convention est la loi des parties. Il faut d'abord s'y référer pour tenter de trouver la commune intention des parties. On ne se reportera à la loi que de manière supplétive, si la convention est muette sur un sujet donné. Or il me semble que la convention est explicite sur la question du recouvrement des congés payés en cas d'accident du travail.

          La convention vise tous les employés à plein temps et à temps partiel au service de la Société:

36.07     Employé-e-s visé-e-s par la convention collective


Sauf dispositions contraires, la présente convention collective s'applique intégralement à tous les employé-e-s à plein temps et à temps partiel.



          Un employé visé touche son plein salaire en cas d'accident du travail en vertu de l'article 24:

ARTICLE 24


CONGÉ POUR ACCIDENT DU TRAVAIL


24.01     Admissibilité au congé


L'employé-e bénéficie d'un congé payé pour accident du travail pour la période déterminée par une commission provinciale des accidents du travail lorsqu'il ou elle est incapable d'exercer ses fonctions en raison:


a)   d'une blessure corporelle subis accidentellement dans l'exercice de ses fonctions et qui n'est pas occasionnée par l'inconduite délibérée de l'employé-e,


b)   d'une maladie résultant de la nature de son emploi,


          ou

c)   d'une surexposition à la radioactivité ou à d'autres risques dans l'exécution de son travail,


     s'il ou elle convient de verser à la Société canadienne des postes tout montant d'argent qu'il ou elle reçoit en compensation des pertes de salaire en règlement de toute réclamation qu'il ou elle peut avoir relativement à cette blessure, maladie ou exposition.


          L'indemnité touchée par les employés à temps partiel est calculée en vertu de la clause 24.02:

24.02     Employé-e-s à temps partiel - Congé pour accident du travail

Sous réserve de l'approbation des commissions des accidents du travail compétentes, la Société calculera le taux de rémunération des employé-e-s à temps partiel en congé pour accident du travail sur les bases suivantes:


a)   Si l'employé-e travaillait pour la Société depuis 52 semaines ou plus [...]


b)   Si l'employé-e travaillait pour la Société depuis moins de 52 semaines [...]



          Comme l'arbitre, je crois que le terme «commission des accidents du travail» dans la convention collective fait référence non seulement à la CSST, mais aussi au BRP et à la CALP.(12) Et la détermination de la lésion professionnelle est laissée à l'appréciation de la CSST, du BRP ou de la CALP.

          Je déduis des dispositions ci-dessus qu'un employé dont la lésion professionnelle a été reconnue par l'autorité provinciale compétente touche une indemnité équivalant à son plein salaire pendant toute son absence du travail. En vertu de l'entente administrative entre la Société et la CSST, cette indemnité est versée par la Société. En vertu de la convention collective, cette indemnité est égale à 100 % du salaire de l'employé.

          Tant que la lésion professionnelle n'a pas été reconnue par l'autorité provinciale, l'employé a droit, selon la clause 20.01, de toucher son plein salaire en attendant la décision de l'organisme provincial. Le congé payé dont bénéficie l'employé en cas d'accident du travail est alors puisé à même une banque de congés de maladie:

ARTICLE 20

CONGÉ DE MALADIE

20.01     Droit


Des congés de maladie sont crédités à un-e employé-e afin de le ou de la protéger contre la perte de son salaire lorsqu'il lui est impossible de travailler à cause de la maladie, d'un accident ne donnant pas droit à compensation ou d'une absence résultant d'un accident devant faire l'objet d'une décision par une commission des accidents du travail.


20.02 Accumulation des congés de maladie


[Une journée et quart par mois]


[...]



          L'employé emprunte des journées de maladie dans sa banque personnelle, quitte à rembourser cet emprunt en cas de décision défavorable. Les modalités d'emprunt des journées de maladie varient selon le groupe professionnel auquel appartient l'employé (il y en a cinq):

20.11_____Congé de maladie non payé et emprunt de congé


Groupe 1-PO Interne


a)   Un congé de maladie non payé est accordé à un- e employé-e qui n'a pas droit à un congé de
maladie payé ou qui est incapable de retourner au travail à l'épuisement de tous ses crédits de congé de maladie. Cependant, si un-e employé- e souffre d'une incapacité due à la maladie ou à une blessure durant une période continue de trois (3) jours de travail ou plus et qu'il ou elle n'a pas de crédits, il ou elle peut emprunter jusqu'à vingt (20) jours dans le cas d'un-e employé-e à plein temps et de quatre-vingt (80) heures dans le cas d'un-e employé-e à temps partiel, sur ses crédits futurs de congé de maladie. En cas de décès, la valeur en argent des congés de maladie empruntés ne sera pas recouvrée de la succession.

b)   Lorsqu'un(e) employé(e) a épuisé tous ses crédits acquis, y compris les crédits empruntés, il ou elle doit, jusqu'à concurrence d'une période de cinq (5) années civiles lui être accordé un congé non payé pour couvrir sa maladie.


Groupe 2-PO Externe


c)   Un congé de maladie non payé est accordé à un- e employé-e qui n'a pas droit à un congé de maladie payé ou qui est incapable de retourner au travail à l'épuisement de tous ses crédits de congé de maladie. Cependant, si un-e employé- e souffre d'une incapacité due à la maladie ou à une blessure durant une période continue de trois (3) jours ou plus et qu'il ou elle n'a pas de crédits, il ou elle peut emprunter jusqu'à vingt (20) jours dans le cas d'un-e employé-e à temps plein, ou quatre-vingt (80) heures dans le cas d'un-e employé-e à temps partiel. Lorsqu'un(e) employé(e) attend une décision de la Commission des accidents du travail et qu'il ou elle a déjà, aux termes de la clause 20.11 e), emprunté vingt (20) jours ou plus, ou dans le cas d'un-e employé-e à temps partiel, quatre-vingt (80) heures ou plus, tout emprunt additionnel est limité au nombre de jours équivalant aux crédits de congé de maladie accumulés à la date de l'emprunt de congés accordés en vertu de la clause 20.11 e).


d)   Les congés de maladie anticipés sont puisés à même les crédits futurs ou sont remboursables à la Société au moment de la cessation d'emploi.


En cas de décès, la valeur en argent des congés de maladie anticipés n'est pas recouvrée de la succession.

e)   Pour assurer le versement continu de son salaire, toute employée ou tout employé qui a subi un accident du travail est autorisé à emprunter des crédits de congé de maladie, conformément aux dispositions de l'alinéa 20.11 d), jusqu'à ce que la Commission des accidents du travail rende une décision sur le premier appel, pourvu que l'employé-e en question informe la Société de son intention d'en appeler de la première décision dans les dix (10) jours ouvrables qui suivent la réception de cette décision.


          Les paragraphes a), c) et e) ci-dessus prescrivent les conditions d'emprunt de congés pour les groupes 1-PO externe et 2-PO externe. Qui dit emprunt, dit remboursement éventuel. D'où une stipulation d'exception pour le cas des décès. On voit plus bas que le paragraphe h) i) ci-dessous régit aussi cette question pour les groupes 3-MHM et 5-SD et que le paragraphe i) i) vise le groupe 4-EL.

          Quant au paragraphe f), ci-après, relatif à la récupération des congés de maladie empruntés par un employé en attendant une décision de la C.S.S.T., je fais remarquer qu'il contient le mot «article». Il faudrait en déduire qu'il s'applique à tout l'article 20, c'est-à-dire à toutes les catégories d'employés qui y sont mentionnées. Sinon, on aurait utilisé le mot «clause» comme ailleurs dans la convention.(13) Cette interprétation me paraît logique dans les circonstances. Aurait-on mal situé le sous-paragraphe f) dans l'article 20 lors de la mise en page finale?

          Quoi qu'il en soit, il me semble clair que la politique de récupération de la Société est tout à fait conforme à ce paragraphe 20.11 f).

f)   Lorsque la réclamation d'un-e employé-e aux termes du présent article est refusée par la Commission des accidents du travail, tout emprunt de congé de maladie est récupéré par la Société de la façon suivante:


i)   les vingt (20) premiers jours empruntés sont récupérés à même les crédits de congé de maladie octroyés ultérieurement;


ii)  les jours empruntés après les vingt (20) premiers sont récupérés en espèces,


1)   à même l'assurance- invalidité à long terme; si en effet l'employée ou l'employé devient plus tard admissible à l'assurance-invalidité à long terme, il ou elle endossera et remettra à la Société tout paiement reçu de cette assurance, pour la période pendant laquelle il ou elle a emprunté des congés de maladie, et ce montant sera déduit de la valeur en espèces des congés ainsi empruntés;


                    et

2)   à même les gains que l'employé-e recevra ultérieurement aux termes de la clause 35.07(14), ou à
même les sommes dues et payables à l'employé-e par la Société, y compris, mais sans s'y limiter, son indemnité de cessation d'emploi.

g)   i)   Lorsqu'un(e) employé(e) a épuisé tous ses crédits acquis, y compris les crédits empruntés, elle ou il doit se voir accorder, sur demande, un congé non payé pour couvrir sa maladie, sous réserve de la présentation d'un certificat médical attestant qu'elle ou il sera en mesure de retourner au travail.


ii)  Une employée ou un employé en congé de maladie non payé peut être tenu de fournir, sur demande de la Société, une évaluation médicale tous les six (6) mois, afin de déterminer si ce congé est toujours nécessaire et pour établir la date approximative du retour au travail de l'employé-e.



          Comme je l'ai annoncé ci-dessus, les dispositions qui suivent portent sur les modalités d'emprunt des congés de maladie propres aux groupes 3-MHM, 5-SD et 4-EL. Les modalités de remboursement devraient être encore celles énoncées au paragraphe 20.11 f).

Groupe 3-MHM et groupe 5-SD


h)   Lorsqu'un(e) employé(e) n'a pas les crédits nécessaires ou ses crédits sont insuffisants pour l'octroi d'un congé de maladie payé aux termes de la clause 20.01, un congé de maladie lui est accordé:


     
i)   pour une période maximale de vingt- cinq (25) jours en attendant la décision relative à une demande de congé pour accident du travail;


     
ii)  pour une période maximale de quinze (15) jours dans tous les autres cas, sous réserve de la déduction de ce congé anticipé de tout congé de maladie acquis par la suite; dans les cas de cessation d'emploi pour un motif autre que le décès ou le licenciement, le congé anticipé est déduit de toute somme due à l'employé-e.


Groupe 4-EL


     
i)   Lorsque l'employé n'a pas, ou pas assez, de crédits pour justifier l'octroi d'un congé de maladie payé en vertu des dispositions de la clause 20.01, il ou elle peut, à la discrétion de la Société, obtenir un congé de maladie payé:


     
i)   d'une durée ne dépassant pas vingt- cinq (25) jours s'il ou elle attend une décision relativement à une demande de congé pour accident du travail;


                    ou

     
ii)  d'une durée ne dépassant pas quinze (15) jours s'il ou elle n'a pas présenté de demande de congé pour accident du travail, pourvu que ce congé anticipé puisse être déduit de tous les crédits de congé de maladie acquis subséquemment;


     
iii) Tout congé de maladie anticipé accordé en vertu de l'alinéa i) ou ii) doit être déduit des crédits de congé de maladie acquis subséquemment.


[...]




          Ainsi, à mon avis, la convention collective n'est pas muette sur la question et me paraît autoriser la politique de la Société. D'ailleurs puisque la convention prévoit le mode d'emprunt des congés, il est logique qu'elle en prescrive aussi le mode de remboursement. Eut-elle été muette sur ce dernier aspect, la Loi sur la gestion des finances publiques y avait pourvu, tel que je l'ai déjà indiqué.

          Ainsi, pour résumer, s'il est déterminé que l'agent de l'État est victime d'une lésion professionnelle, la LIAE prévoit qu'il a droit à une indemnité, laquelle est de 100 % du salaire en vertu de la convention collective. Les congés empruntés sont alors remboursés à l'employé toujours en vertu de la convention collective.

          L'agent de l'État qui n'a pas été victime d'une lésion professionnelle n'a droit à aucune indemnité versée sur le Trésor fédéral (LIAE), et les congés empruntés sont alors recouvrés de l'employé.

          Finalement, le Syndicat soulève le fait que les employés occasionnels de la Société à qui ne s'applique pas la clause 24.01 de la convention collective, bénéficieraient d'un traitement différent, puisque la CSST ne récupérerait pas les indemnités payées dans les cas où une décision finale indiquerait qu'un employé occasionnel n'a pas subi un accident de travail ou une maladie professionnelle.

          L'arbitre a reconnu cette situation mais il y a, à mon avis, correctement répondu:

     Cela est exact mais, comme l'a indiqué le témoin Nolin, il ne s'agit là que d'un geste de largesse de la part de la C.S.S.T., et non de la société, puisque la C.S.S.T. rembourse à Travail Canada, les sommes initialement versées aux salariés en question, lequel ministère rembourse ensuite la société.


     Comme l'a souligné le témoin Nolin, ce n'est pas dans le compte de Travail Canada que la C.S.S.T. puise alors les sommes qu'elle a versées au salarié, mais dans un fond auquel contribue l'ensemble des employeurs assujettis à la loi provinciale.


     La société n'a donc pas un mot à dire à l'égard du geste posé par la C.S.S.T., puisqu'elle n'est aucunement affectée par celui-ci.


     Si les employés occasionnels de la société ne bénéficient pas des avantages de l'article 24.01 de la convention collective, c'est parce que le syndicat et la société ont été d'accord pour les soustraire à l'application de cette disposition.


     Sans doute cela est-il plutôt frustrant pour les employés syndiqués de la société à qui s'applique l'article 24.01. Ils ne sauraient toutefois trouver quelque source de droit dans cette pratique de la C.S.S.T., qui ne trouve d'ailleurs pas son fondement dans l'article 363 de la L.A.T.M.P. puisque, comme je l'ai indiqué précédemment, cette disposition ne s'applique pas aux travailleurs assujettis à la L.I.A.E. et que les employés occasionnels de la société, tout comme les autres employés de cette dernière, sont des agents de l'État.



          Je rappelle que la LIAE s'applique à tous les agents de l'État, qu'ils soient syndiqués ou non, couverts par une convention collective ou non. Un agent de l'État a droit à une indemnité versée à même le Trésor fédéral uniquement en cas de lésion professionnelle. Dans le cas des employés occasionnels non couverts par l'article 24.01de la convention collective, il est en preuve que dès que l'employé occasionnel dépose une demande d'indemnité, il est indemnisé directement par la CSST. La CSST facture ensuite la Société, en vertu de l'entente administrative, étant donné que la Société est un employeur tenu personnellement au paiement des prestations.

          Si la demande d'indemnité d'un employé occasionnel est rejetée après que cet employé ait touché des prestations, la CSST rembourse à la Société les sommes initialement facturées. Ce remboursement provient du fonds général de la CSST.

          Si la CSST ne récupère pas les sommes en question auprès du travailleur, c'est parce qu'elle le décide ainsi. Mais cette pratique de la CSST ne saurait lier la Société. Si les employés occasionnels touchent une indemnité, elle ne provient pas du Trésor fédéral et l'arbitre n'a certainement pas commis d'erreur à ce sujet.

          Ainsi, revenant à la norme de contrôle applicable en l'espèce, je suis d'avis qu'en ce qui concerne la première partie de la décision de l'arbitre, portant sur la portée et l'étendue du renvoi que comporte la législation fédérale à la législation provinciale, la norme est celle du contrôle de la correction de la décision. En effet, l'on peut assimiler ce type de question à une question constitutionnelle. Ceci peut être déduit de notre arrêt dans Société canadienne des postes c. la C.S.S.T. et le Procureur général du Québec.
          Même si la jurisprudence de la Cour suprême a évolué sur le rôle des tribunaux spécialisés à l'égard de l'interprétation des lois, les décisions sur des problèmes constitutionnels ou de droits fondamentaux restent soumises à une norme d'exactitude de la décision et non de rationalité. L'arbitre devait décider correctement et me paraît l'avoir fait.

          En ce qui concerne l'interprétation de la convention collective faite par l'arbitre, la norme demeure évidemment celle de l'erreur manifestement déraisonnable. Je conclus qu'en définitive l'arbitre est arrivé au bon résultat, qu'il n'a pas été démontré qu'il avait commis quelque erreur manifestement déraisonnable quant aux faits mis en preuve devant lui et qu'il n'y a pas lieu d'intervenir dans une décision qui ne paraît pas déraisonnable.

          Il n'y avait donc pas lieu à révision judiciaire de la part de la Cour supérieure dont le jugement est, en conséquence, bien fondé. Je propose donc de rejeter le pourvoi avec dépens.



______________________________

LOUISE MAILHOT, J.C.A.
COUR D'APPEL


PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL

No: 500-09-001217-959
(500-05-004948-954)



CORAM: LES HONORABLES MICHAUD
MAILHOT
ROUSSEAU-HOULE, JJ.C.A.






SYNDICAT DES POSTIERS DU CANADA,

APPELANT - (requérant)

c.

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES,

INTIMÉE - (mise en cause)

c.

ME ANDRÉ BERGERON,

MIS EN CAUSE - (intimé)




OPINION DE LA JUGE ROUSSEAU-HOULE


          J'ai eu l'avantage de lire l'opinion de ma collègue, la juge Mailhot et je ne puis, avec beaucoup d'égards, partager ses conclusions.

          Par son grief l'appelant, le Syndicat des postiers du Canada, conteste le droit de la Société canadienne des postes de demander le remboursement des sommes déjà payées aux employés victimes d'une lésion professionnelle lorsque le Bureau de révision paritaire ou la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles renverse une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail ou réduit le montant de l'indemnité de remplacement du revenu. La Société, sans considérer la bonne ou la mauvaise foi de l'employé, effectue ce remboursement, dans un premier temps, à même les crédits de congé de maladie dont est détenteur le salarié et dans un second temps, à même son salaire ou à même les sommes qui lui sont dues en vertu de son assurance-invalidité.

          Ni l'article 24 de la convention collective, ni l'article 4 de la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État (L.R.C. (1985) c. G-5, ci-après L.I.A.E.) ne justifieraient une telle pratique que le Syndicat juge au surplus injuste et inéquitable:

ARTICLE 24

CONGÉ POUR ACCIDENT DE TRAVAIL


24.01     Admissibilité au congé


L'employé-e bénéficie d'un congé payé pour accident du travail pour la période déterminée par une commission provinciale des accidents du travail lorsqu'il ou elle est incapable d'exercer ses fonctions en raison:

a)   d'une blessure corporelle subie accidentellement dans l'exercice de ses fonctions et qui n'est pas occasionnée par l'inconduite délibérée de l'employé-e,


b)   d'une maladie résultant de la nature de son emploi,

ou


c)   d'une surexposition à la radioactivité ou à d'autres risques dans l'exécution de son travail,


s'il ou elle convient de verser à la Société canadienne des postes tout montant d'argent qu'il ou elle reçoit en compensation des pertes de salaire en règlement de toute réclamation qu'il ou elle peut avoir relativement à cette blessure, maladie ou exposition.



LOI SUR L'INDEMNISATION DES AGENTS DE L'ÉTAT


4. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, il est versé une indemnité:


a)   aux agents de l'État qui sont:


(i)  soit blessés dans un accident survenu par le fait ou à l'occasion de leur travail,


(ii) soit devenus invalides par suite d'une maladie professionnelle attribuable à la nature de leur travail;


b)   aux personnes à charge des agents décédés des suites de l'accident ou de la maladie.


(2) Les agents de l'État visés au paragraphe (1), quelle que soit la nature de leur emploi, et les personnes à leur charge ont droit à l'indemnité prévue par la législation - aux taux et conditions qu'elle fixe - de la province où les agents exercent habituellement leurs fonctions en matière d'indemnisation des travailleurs non employés par Sa Majesté - et de leurs personnes à charge, en cas de décès - et qui sont:


a)   soit blessés dans la province dans des accidents survenus par le fait ou à l'occasion de leur travail;


b)   soit devenus invalides dans la province par suite de maladies professionnelles attribuables à la nature de leur travail.

(3) L'indemnité est déterminée:

a)   soit par l'autorité - personne ou organisme - compétente en la matière, pour les travailleurs non employés par Sa Majesté et leurs personnes à charge, en cas de décès, dans la province où
l'agent de l'État exerce habituellement ses fonctions;

b)   soit par l'autorité judiciaire ou autre, que désigne le gouverneur en conseil. (soulignements ajoutés)


          La référence aux taux et conditions de l'indemnité prévue par la loi fédérale au par. 4(2) permettrait d'inclure comme condition rattachée au versement de l'indemnité, l'article 363 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A- 3.001, ci-après L.A.T.M.P.):

363. Lorsqu'un bureau de révision ou la Commission d'appel annule ou réduit le montant d'une indemnité de remplacement du revenu [...], les prestations déjà fournies à un bénéficiaire ne peuvent être recouvrées, sauf si elles ont été obtenues par mauvaise foi ou s'il s'agit du salaire versé à titre d'indemnité en vertu de l'article 60.


          L'article 24 de la convention collective devrait alors être interprété de concert avec cette disposition et sous réserve: 1) de la différence entre 100% du salaire (article 24 de la convention) et l'équivalent de 90% du revenu net payable en vertu de la L.A.T.M.P.; 2) des 14 premiers jours qui doivent toujours être remboursés (art. 60 L.A.T.M.P.) et 3) de la mauvaise foi du salarié (art. 363 L.A.T.M.P.), les prestations versées ne pourraient être recouvrées.

          Les employés de la Société, assujettis à l'article 24 de la convention collective, auraient droit comme les autres agents de l'État fédéral à tous les avantages de la loi provinciale concernantles conditions donnant ouverture à l'indemnisation ainsi que les bénéfices liés à cette indemnisation.

          La décision de l'arbitre de refuser de reconnaître aux employés visés la protection conférée par l'article 363 de la L.A.T.M.P., sous prétexte que la L.I.A.E. ne comporte aucune disposition énonçant expressément que cet article s'applique, serait erronée en droit et rendrait, en l'espèce, sa décision manifestement déraisonnable.

          La Société prétend au contraire que seule la L.I.A.E. s'applique et qu'en l'absence d'un renvoi législatif explicite, l'article 363 L.A.T.M.P. ne saurait la lier. Elle ajoute que puisque toute somme d'argent versée sans droit doit être recouvrée, conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985) c. F-11, articles 25 et 155), il est inutile de recourir à la L.A.T.M.P. pour connaître les conditions d'un tel recouvrement. Elle propose surtout que l'article 24 de la convention collective crée un régime parallèle d'indemnisation et qu'en vertu du droit civil, les règles relatives à la compensation et à la répétition de l'indu lui permettent de récupérer les sommes versées sans droit aux employés.

La décision arbitrale

          La décision de l'arbitre de rejeter le grief peut être résumée comme suit:

1)   Le sens que je dois donner aux paragraphes 2 et 3 de l'article 4 de la L.I.A.E. est le suivant: la Couronne, par renvoi législatif, a accepté d'incorporer à sa loi non pas certaines dispositions précises de la L.A.T.M.P., mais plutôt toutes les dispositions qui définissent les indemnités auxquelles un salarié a droit en cas d'accident du travail ainsi que les conditions pour pouvoir bénéficier de ces indemnités.

2)   Même si les autorités provinciales fixent le montant de l'indemnité, la loi n'a pas pour effet d'assujettir le gouvernement fédéral ou ses agents aux lois provinciales sur l'indemnisation des victimes d'accident du travail. La loi québécoise sur les accidents du travail ne s'applique que dans la mesure où elle est incorporée par référence à la L.I.A.E.

3)   Nulle part dans la L.I.A.E. ne trouve-t-on de dispositions permettant de croire que les agents de l'État bénéficient de la protection prévue à l'article 363 de la L.A.T.M.P.

4)   L'argument syndical voulant que je doive analyser l'application de l'article 24 de la convention collective dans le respect de la loi provinciale qui prévoit le régime public de protection en matière d'accident du travail est donc mal fondé. C'est dans le respect de la L.I.A.E. que je dois interpréter l'article 24 de la convention collective et cette loi ne comporte aucune disposition traitant dusujet qui nous occupe à savoir le droit de la Société de récupérer de ses employés des indemnités versées à la suite d'une décision si celle-ci est par la suite renversée.

5)   Le régime d'indemnisation qu'on trouve à l'article 24 de la convention collective est un régime privé qui ne contrevient en aucune façon au régime public prévu à la L.I.A.E. puisqu'il accorde aux employés de la Société des conditions supérieures à celles du régime public.

6)   Si une décision est à l'effet que le salarié n'a droit à aucune période d'indemnisation, cela signifie donc qu'aux termes de l'article 24 de la convention collective, ce salarié n'a droit à aucun congé payé. S'il a déjà bénéficié d'un congé payé en vertu d'une décision d'une instance inférieure, ce bénéfice, pour être conforme à la décision révisée, doit lui être retiré.

7)   La Société peut opérer compensation et récupérer les sommes précédemment versées.

8)   La convention collective ne prévoit pas le droit pour la Société de réclamer un remboursement, ni l'obligation pour le salarié d'effectuer un tel remboursement, mais comme dans la présente affaire il ne s'agit pas d'un cas précis de réclamation mais plutôt d'un litige découlant de la politique de remboursement de la Société, je peux décider, à titre d'arbitre de griefs, que si unedécision du B.R.P. ou de la C.A.L.P. est favorable à la Société, le congé payé au salarié en vertu de 24.01 de la convention collective constitue pour ce dernier une dette exigible à l'égard de la Société et que cette dernière est en droit de compenser à même les sommes qu'elle doit à son employé.

9)   Les employés occasionnels à qui ne s'applique pas la clause 24.01 de la convention collective bénéficient d'un traitement différent et ne se voient pas réclamer les indemnités versées si le B.R.P. ou la C.A.L.P. renverse une décision qui leur était auparavant favorable. Il s'agit là d'une générosité de la part de la C.S.S.T. et non de la Société.

L'analyse de la décision arbitrale

          Le bien-fondé du grief est directement tributaire de la détermination de l'applicabilité de la L.A.T.M.P. et plus particulièrement de son article 363 aux employés de la Société visés par l'article 24.01 de la convention collective. À mon avis, l'arbitre a erré en concluant que le renvoi législatif au par. 4(2) de la L.I.A.E. était insuffisant pour inclure l'article 363 de la L.A.T.M.P. et qu'à défaut de renvoi législatif explicite, les employés de la Société pouvaient être tenus de rembourser les indemnités déjà reçues lorsqu'une décision qui leur était favorable était ensuite renversée par le B.R.P. ou la C.A.L.P.

          Cette erreur de l'arbitre dans l'interprétation des lois autres que sa loi constitutive a rendu sa décision globale manifestement déraisonnable car le grief même, en tant que question de droit, portait sur l'interprétation de la L.I.A.E. et de la L.A.T.M.P. L'interprétation erronée de ces lois d'intérêt public constitue, en l'espèce, un élément d'appréciation primordial du caractère raisonnable de la décision prise dans sa globalité et prive, à mon avis, le décideur de la protection d'une limite stricte au contrôle judiciaire.(15)

          La L.I.A.E. établit un régime d'indemnisation des accidents du travail au bénéfice des employés du gouvernement fédéral et des personnes à leur charge. Elle est administrée par le ministre du Travail du Canada. Les commissions provinciales des accidents du travail déterminent les indemnités à verser et les versent au nom du gouvernement fédéral. Les fonds destinés à l'indemnisation sont prélevés sur le Trésor par le gouvernement fédéral (par. 4(6) de la loi).

          Les agents auxquels s'applique la loi ne cotisent pas au régime. Mais pour couvrir les indemnités à acquitter le ministre peut, comme le prévoit l'article 14, recouvrer les dépenses du régimeauprès des organismes de l'État dont les employés bénéficient de la loi:

14. Le ministre peut enjoindre à toute personne morale ou tout autre organisme dont les agents sont assujettis à la présente loi:


a) de verser le pourcentage de sa masse salariale ou tel autre montant qu'il estime suffisant pour couvrir les indemnités à acquitter durant l'année courante pour les blessures subies par ces agents;


b) de payer la part des dépenses d'application de la présente loi qu'il détermine;


c) de maintenir un fonds de réserve pour les indemnités futures à acquitter aux termes de la présente loi. S.R., ch. G-8, art. 11.


               Selon l'al. 4(1)a) de la L.I.A.E., l'indemnité due par suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut être versée aux agents de l'État qui sont:

(i)  soit blessés dans un accident survenu par le fait ou à l'occasion de leur travail;

(ii) soit devenus invalides par suite d'une maladie professionnelle attribuable à la nature de leur travail.

          Le montant et les conditions de l'indemnité sont alors régis par la loi de la province où l'agent est habituellement employé. Même si les autorités provinciales fixent les taux et conditions de l'indemnité, la L.I.A.E. n'a pas pour effet d'assujettir legouvernement fédéral ou ses agents aux lois provinciales sur l'indemnisation des victimes d'accidents du travail. S'il a été décidé par la Cour suprême, dans ce qu'on a appelé la trilogie(16), que les régimes provinciaux d'indemnisation des accidents du travail, contrairement aux régimes de prévention, sont applicables aux entreprises fédérales parce qu'ils ne font pas partie du contrat de travail ni des régimes de relation de travail et qu'ils ne touchent pas non plus à la gestion et aux opérations des entreprises, la Cour suprême n'a pas eu à analyser dans ces arrêts la L.I.A.E. applicable aux agents de l'État.

          Dans l'arrêt Société canadienne des Postes c. Commission de la santé et de la sécurité du travail(17), notre Cour devait décider si les articles 32 et 252 à 264 de la L.A.T.M.P. s'appliquaient à la Société des postes dont les employés sont des agents de l'État. Le juge Nuss, exprimant l'opinion de la Cour (le juge en chef Michaud et le juge Rothman), a déclaré que ces articles étaient inopérants à l'égard de la société. Il a noté, avec justesse, que c'est le par. 4(2) de la L.I.A.E. qui donne ouverture à l'indemnité et non quelque loiprovinciale d'indemnisation. La L.A.T.M.P. ne peut donc s'appliquer que dans la mesure prévue par la L.I.A.E.:

It is to be noted that in the Federal Statute no specific provincial law is mentionned or incorporated by reference. It is the compensation at the same rate and under the same conditions as for workmen provided by provincial law which is incorporated. These items may be in one or more provincial statutes and conversely the statute which provide these matters may deal with a variety of subject which do not come within the scope of "compensation at the same rate and under the same conditions". The Federal Statute only incorporates as Federal law by reference those provisions of the Provincial Law which deal with the receipt of compensation as defined by the Federal Statute at the same rate and under the same conditions as in the Provincial Law. (p. 880)(18)


          Puisque le par. 4(2) de L.I.A.E. n'incorpore pas, par renvoi, toute la L.A.T.M.P., mais seulement les dispositions relatives à «l'indemnité aux taux et conditions qu'elle fixe», il s'agit, en l'espèce, de déterminer si l'article 363 L.A.T.M.P. est suffisamment relié aux conditions de l'indemnisation pour qu'on puisse en déduire que le législateur fédéral a voulu s'y assujettir.

          L'examen de la L.I.A.E. permet d'établir certains constats. Le législateur fédéral n'a pas défini le terme «accident du travail»mais a défini ainsi les termes «indemnité» et «maladie professionnelle»:

«indemnité» Sont compris dans l'indemnité les frais médicaux et hospitaliers ainsi que les prestations, dépenses ou allocations prévues, en matière d'indemnisation des victimes d'accident du travail et des personnes à charge de celles qui sont décédées, par la législation de la province où l'agent de l'État exerce habituellement ses fonctions.


«maladie professionnelle» Maladie justifiant aux termes de la législation de la province où l'agent de l'État exerce habituellement ses fonctions, le versement d'une indemnité aux travailleurs qui en sont atteints ou aux personnes à charge de ceux qui sont décédés. (soulignements ajoutés)



          La L.A.T.M.P. définit comme suit les termes «maladie professionnelle» et «prestation»:

«maladie professionnelle»: une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;


«prestation»: une indemnité versée en argent, une assistance financière ou un service fourni en vertu de la présente loi. (soulignement ajouté)



          Comme la définition d'indemnité dans la loi fédérale n'est pas limitative et qu'elle s'étend, mais de manière non exclusive vu les termes "sont compris", aux prestations, dépenses ou allocations prévues à la loi provinciale, elle couvre, à mon avis, les indemnités versées à un employé en vertu de l'article 363 L.A.T.M.P. Dansl'arrêt de la Société canadienne des postes, précité, le juge Nuss mentionne:

The definition of compensation is not restricted to the specific items mentionned. The use of the word "includes" provides for matters not specifically stipulated but which in my opinion are generally within the same category. (p. 881)


Puis référant au paragraphe 4(2) L.I.A.E., il ajoute:

The meaning of "...compensation ... under the same conditions..." read in the context of section 4(2) of the Federal Statute, in my view, refers to such matters as eligibility for compensation, waiting periods, medical examinations, medical treatment and related care, as well as frequency and duration of payments, treatment and care. I do not consider it a condition to receive compensation within the meaning of section 4(2) to be able to make a complaint under section 32 of the Provincial Law.


The French text of the Federal Statute is helpful in specifically stating that the word "conditions" in French refers to the right to the compensation: "Les agents de l'État ... ont droit à l'indemnité prévue par la législation - aux taux et conditions qu'elle fixe - de la province où les agents exercent habituellement leur fonction...". (emphasis added) (p. 881)



          Comme c'est l'autorité provinciale qui fixe l'indemnité (par. 4(3) L.I.A.E.), c'est la C.S.S.T. qui doit déterminer si des indemnités versées sans droit peuvent être conservées parce que le bénéficiaire a reçu ces prestations de bonne foi. Cette protection offerte par la C.S.S.T., et dont le coût n'est pas imputé directement à l'employeur du bénéficiaire mais assumé par le fonds de la C.S.S.T.auquel contribue l'ensemble des employeurs, doit à mon avis couvrir les agents de l'État.

          Les ententes conclues entre la Couronne agissant par l'intermédiaire du ministre du Travail et la C.S.S.T. confirmeraient l'intention du législateur fédéral à cet effet. Il est exact que ces ententes ne pourraient rendre applicable l'article 363 L.A.T.M.P. aux agents de l'État si la L.I.A.E. ne le faisait pas. En effet, c'est le parlement fédéral qui a compétence exclusive pour légiférer quant aux agents de l'État et donc lui seul peut légiférer par renvoi. Ni l'article 17 de L.A.T.M.P. qui prévoit que les employés du gouvernement du Canada visés dans la L.I.A.E. sont soumis à la présente loi dans la mesure où une entente conclue en vertu de l'article 170 de la Loi sur la santé et sécurité du travail prévoit les modalités d'application de cette loi fédérale, ni non plus la clause 2 de ces ententes déclarant:




2. Sous réserve de la loi fédérale, la présente entente a pour objet d'assurer que les agents de l'État bénéficient des avantages et des droits que prévoit la loi du Québec et sont soumis aux conditions et obligations imposées par cette loi


ne sauraient avoir pour effet de restreindre la compétence du fédéral. Le juge Nuss le rappelle ainsi:

When Parliament enacts a statute, then only Parliament can modify that legislation whether by broadening or restricting its scope or otherwise. Unless the Crown (usually the Governor in Council) or a Minister is
granted delegated authority by Parliament to modify the scope of a statute they have no power to do so.

In the result it is my view that the Agreement between the Crown and the C.S.S.T. cannot make applicable a provision of the Provincial Law as being part of the Federal Statute which otherwise would be extraneous to the latter. (p. 886)


          Il peut toutefois être utile d'examiner ces ententes afin de voir comment la Couronne elle-même a interprété la L.I.A.E.. À cet égard, les clauses 3 et 5 de l'entente pertinente pour les fins du présent litige méritent d'être regardées:

3. Assujettissement


La Commission reconnaît que le Ministre s'est conformé aux exigences de l'article 573 de la loi du Québec.


De plus, la Commission renonce à exiger de l'employeur qui retient les services d'un entrepreneur le paiement de la cotisation due par cet entrepreneur, comme elle pourrait le faire en vertu du dernier alinéa de l'article 331 de la loi du Québec et de l'article 316 de cette loi.


5. Dispositions financières


Le Ministre paie la Commission pour le traitement des réclamations visées dans l'article 4 conformément aux modalités suivantes:


5.1 Avance de fonds


a)   toutes les indemnités versées par la Commission pour le compte des agents de l'État couverts par les présentes et à cette fin, une avance de fonds est consentie à la Commission par le Ministre;


b)   cette avance doit être suffisante pour couvrir le coût estimatif des indemnités payables par la Commission pendant une période d'au plus trois mois et est remboursable par la Commission sur
présentation d'une demande de remboursement lorsque l'entente prend fin;

c)   le Ministre doit être prévenu de toute insuffisance éventuelle de l'avance de fonds de façon à ce que des fonds soient versés pour éviter le découvert.


d)   la Commission facture au Ministre, à intervalles réguliers ne dépassant pas un mois, tous les déboursés d'indemnités versées par la Commission pour les agents de l'État et imputables à l'avance de fonds;


5.2 Frais en application de l'entente


a)   Le Ministre paie, pour chaque année civile, des frais en application de l'entente, lesquels frais sont facturés mensuellement et sont établis en fonction d'un taux applicable au total des indemnités versées par l'employeur;


b)   un ajustement annuel est effectué dans les quarante-cinq (45) jours de la publication des états financiers de la Commission. Cet ajustement est établi à partir d'un taux définitif;


c)   pour l'année civile 1989, les frais sont déterminés selon un taux provisoire égal à 16,19% dont 13,63% à titre de frais d'administration et 2,56% à titre de coûts partageables par l'ensemble des employeurs. Aux fins du présent paragraphe, le mot "employeurs" a le sens que lui donne la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3) et la Loi sur l'indemnisation des victimes d'amiantose ou de silicose dans les mines et les carrières (L.R.Q., c. I-7);


d)   pour toute année civile subséquente, le taux provisoire est celui de l'année précédente utilisé jusqu'à la détermination du taux définitif. Ce taux définitif de l'année précédente devient à son tour le taux provisoire de l'année courante;


e)   le taux définitif applicable à une année courante couverte par la présente entente est égal au taux provisoire multiplié par le
facteur de revalorisation déterminé au moyen de la formule prévue à l'annexe A;

f)   des intérêts au taux établi selon l'article 323 de la loi du Québec sont dus par l'une ou l'autre des parties sur tout solde impayé quarante-cinq (45) jours après la réception de l'avis de l'ajustement annuel.


5.3 Facturation


a)   pour les fins de la facturation des paragraphes 5.1 d) et 5.2 a), le Commission transmet au Ministre les renseignements suivants:


-    le nom du bénéficiaire et son numéro d'assurance sociale;


-    le montant des indemnités versées par la Commission pour chaque bénéficiaire et la période qu'il couvre;


-    le montant des indemnités payables par l'employeur pour chaque bénéficiaire et la période qu'il couvre;


-    le genre de dépenses, c'est-à-dire rentes, assistance médicale, indemnités de remplacement du revenu ou autres;

-    le montant total réclamé au Ministre en remboursement d'indemnités;


-    le montant total des indemnités payables par l'employeur;


-    le montant total réclamé au Ministre à titre de frais d'administration;


-    le montant total réclamé au Ministre à titre de coûts partageables par l'ensemble des employeurs, au sens du paragraphe c) de l'article 5.2;


b)   le Ministre s'engage à verser à la Commission, dans les quarante-cinq (45) jours de la réception de la facturation mensuelle, les sommes versées par la Commission et imputables à l'avance de fonds ainsi que les frais en application de l'entente.


          Le ministre du Travail qui a signé cette entente a accepté d'être reconnu, en vertu de l'article 573 L.A.T.M.P., comme un employeur tenu personnellement au paiement des prestations et a choisi d'être assujetti au chapitre X de la loi qui s'intitule: Dispositions particulières aux employeurs tenus personnellement au paiement des prestations:

573. Un employeur que la Commission considérait comme étant tenu personnellement au paiement des prestations en vertu de la Loi sur les accidents du travail et qui n'est pas visé dans le chapitre X peut choisir d'être assujetti à ce chapitre s'il en avise par écrit la Commission dans les six mois de l'entrée en vigueur du chapitre X.


          L'exclusion expresse à l'égard du Ministre des articles 332 et 316 de ce chapitre permet d'inférer, à mon avis, que les autres dispositions de ce chapitre s'appliquent. Or l'article 346 de ce chapitre prévoit:

346. Sous réserve des articles 129 et 363 l'employeur tenu personnellement au paiement des prestations qui a versé à un bénéficiaire une prestation à laquelle celui-ci n'a pas droit ou dont le montant excède celui auquel il a droit peut lui en réclamer remboursement en exerçant le recours civil approprié. (soulignements ajoutés)



          L'intimée plaide que la Loi sur la gestion des finances publiques S.R.C. (1985) c. F-10, oblige l'État fédéral à réclamer leremboursement des sommes versées en trop et que l'article 363 L.A.T.M.P. ne pourrait permettre de contrevenir à cette loi:

155 (1) Le ministre compétent responsable du recouvrement d'une créance soit de Sa Majesté du chef du Canada, soit de Sa Majesté du chef d'une province s'il s'agit d'impôts provinciaux visés par une entente entre le Canada et la province en vertu de laquelle le Canada est autorisé à percevoir les impôts pour le compte de la province, peut autoriser, par voie de déduction ou de compensation, la retenue d'un montant égal à la créance sur toute somme due au débiteur ou à ses héritiers par Sa Majesté du chef du Canada.


          Pour que le Trésor fédéral renonce au recouvrement de ces indemnités, il aurait fallu, selon l'intimée, une disposition claire à cet effet dans la L.I.A.E.

          L'on doit remarquer que la clause 5 de l'entente n'a nullement pour effet de limiter le recouvrement des sommes versées en trop par le gouvernement ou par les organismes visés à l'article 14 de la L.I.A.E. Tant le texte de l'entente que les témoins entendus par l'arbitre confirment que lorsqu'une décision défavorable à l'employé est rendue après que ce dernier ait commencé à recevoir des prestations, la C.S.S.T. rembourse à Travail Canada, par opération comptable, les sommes qu'elle lui avait unilatéralement facturées et Travail Canada rembourse la Société. La C.S.S.T ne récupère pas des bénéficiaires de bonne foi les sommes créditées à Travail Canada. Elle assume ces déboursés à même le fonds auquel contribuent tous les employeurs assujettis à la L.A.T.M.P. ou qui choisissent d'être assujettis à la L.A.T.M.P. C'est d'ailleurs ce qui se produit àl'égard des employés occasionnels de la Société qui conservent les indemnités reçues tel que le prévoit l'article 363 L.A.T.M.P.

          Il est possible que certains arrangements administratifs dont la preuve n'apparaît pas au dossier aient pu inciter la Société à opérer compensation comme elle l'a fait mais à mon avis, c'est à tort qu'elle a ainsi dérogé à l'article 363 L.A.T.M.P.

          L'article 24 de la convention collective ne saurait être interprété comme permettant une dérogation à cette disposition d'intérêt public à laquelle renvoie le par. 4(2) de L.I.A.E. La conclusion contraire de l'arbitre doit donc être réformée.

          POUR CES MOTIFS, je proposerais D'INFIRMER le jugement de la Cour supérieure, D'ACCUEILLIR la requête en révision judiciaire, DE CASSER la décision arbitrale rendue le 31 mars 1995, DE DÉCLARER applicable l'article 363 de la L.A.T.M.P. aux employés de la société représentés par le syndicat appelant et DE RETOURNER le dossier à l'arbitre afin qu'il statue de façon complète et totale sur le grief.





THÉRÈSE ROUSSEAU-HOULE, J.C.A.

COUR D'APPEL


PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL

No: 500-09-001217-959
(500-05-004948-954)

Le 18 mars 1997


CORAM: LES HONORABLES MICHAUD, J.C.Q.
MAILHOT
ROUSSEAU-HOULE, JJ.C.A.






SYNDICAT DES POSTIERS DU CANADA,

APPELANT - (Requérant)

c.

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES,

INTIMÉE - (Intimée)

et

ME ANDRÉ BERGERON,

MIS EN CAUSE - (Intimé)




__________
LA COUR statuant sur le pourvoi contre un jugement de la Cour supérieure (district de Montréal, l'honorable François Bélanger, le 13 juillet 1995), qui a rejeté avec dépens une demande de révision judiciaire de la décision d'un arbitre de grief nommé conformément au Code canadien du travail;

          Après étude du dossier, audition et délibéré;
          Pour les motifs exprimés dans l'opinion écrite de la juge Louise Mailhot, annexée au présent arrêt, auxquels souscrit le juge en chef Pierre A. Michaud;

REJETTE le pourvoi avec dépens.


          Madame la juge Thérèse Rousseau-Houle, pour les motifs exposés dans son opinion également annexée, aurait accueilli le pourvoi avec dépens, accueilli la requête en révision judiciaire, cassé la décision arbitrale et déclaré que l'article 363 de la L.A.T.L.P. s'applique aux employés de la Société représentés par l'appelant.



PIERRE A. MICHAUD, J.C.Q.




LOUISE MAILHOT, J.C.A.




THÉRÈSE ROUSSEAU-HOULE, J.C.A.




Me France Saint-Laurent
(Trudel, Nadeau, Lesage,
Larivière et associés, s.e.n.c.)
Avocate de l'appelant

Me Luc Jodoin
(Jodoin, Santerre)
Avocat de l'intimée

Date de l'audition: 18 décembre 1996

1.     L.R.C. (1985), c. G-5.
2.     L.R.Q., c. A-3.001.
3.      [1995] 1 R.C.S. 157 .
4.     Ibid.
5.      [1996] R.J.Q. 1509 (C.A.), p. 1530.
6.     Syndicat de l'enseignement de Lanaudière c. Commission scolaire Le Gardeur, C.A. Montréal 500-09-001960-939, 9 janvier 1997.
7.     Art. 45 LATMP.
8.     C.A. Montréal 500-09-000270-900, 12 avril 1996, jj. Michaud (juge en chef), Rothman et Nuss, (1996) R.J.Q. 873 , J-E 96-941, D.T.E. 96T-512 .
9.       (1996) R.J.Q. 873 , p. 886.
10.     S.R.C., c. F-10.
11.     M.a. 322.
12.     M.a. 354.
13.     Voir des exemples d'emploi distinctif des termes «article» et «clause» à 35.12 b), 36.08, 40.05, 41.01 b), 44.01, 44.03 a), 44.04, 44.08, 44.10, 44.12, 46.03.
14.     Cette clause 35.07 traite du recouvrement de paiement en trop lorsqu'un employé touche une rémunération excessive pour une raison indépendante de sa volonté. Cette clause fait partie de l'article 35 intitulé: Paiement du salaire et des indemnités. Le termeindemnités ne vise, en l'espèce, que les indemnités décrites aux clauses 35.06, 35.08 et 35.11 (repas, kilométrage et vie chère) et non pas celles en cause dans le présent pourvoi.
15. Voir Syndicat des travailleurs et travailleuses d'épiciers unis Métro-Richelieu c. Lefebvre, [1996] R.J.Q. 1509 (C.A.); Newfoundland Association of Public Employees c. Terre-Neuve (Health Care Center), [1996] 2 R.C.S. 3 .
16. Bell Canada c. Québec (C.S.S.T.), [1988] 1 R.C.S. 749 ; C.N. c.Courtois, [1988] 1 R.C.S. 868 ; Alltrans Express Ltd c. The British Columbia Workers' Compensation Board, [1988] 1 R.C.S. 897 .
17. [1996] R.J.Q. 873 (C.A.).
18. Voir également les arrêts Ching c. C.P.R. Co., [1943] R.C.S. 451 et R. c. Bander, [1947] R.C.S. 122.

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