Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Montréal

MONTRÉAL, le 18 décembre 2000

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

123916-71-9909

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Danièle Gruffy

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

113483614-1

AUDIENCE TENUE LES :

15 mars 2000

3 octobre 2000

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER BR :

6278 9724

À :

Montréal

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CASTEL TINA [1987] ENR. (LE)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LOTFI TEBESSI

 

PIZZA DONINI-CRÉMAZIE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIES INTÉRESSÉES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ

ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 27 septembre 1999, l'employeur Castel Tina (1987) Enr. (Castel Tina) conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 3 septembre 1999 à la suite d'une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST, d'une part, confirme la décision qu'elle a initialement rendue le 3 septembre 1998 laquelle a pour effet d'imputer les coûts des prestations versées suite à la lésion professionnelle subie par monsieur Lotfi Tebessi (le travailleur) le 7 août 1997 à l'unité dont fait partie l'employeur Castel Tina, le tout conformément au deuxième alinéa de l'article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi); d'autre part, contrairement à sa décision initiale du 3 septembre 1998, la CSST déclare que les coûts des prestations doivent être imputés directement au dossier financier de l'employeur Castel Tina.

[3]               Une première audience a été tenue le 15 mars 2000 alors que seule la procureure de Castel Tina était présente et accompagnée de monsieur Rémi Bazinet, témoin.

[4]               À la suite d'une réouverture d'enquête, une seconde audience a été tenue le 3 octobre 2000 en présence, cette fois, de monsieur Lotfi Tebessi et du procureur de la CSST.  L'employeur Castel Tina était alors absent quoique dûment convoqué.

[5]               L'employeur Pizza-Donini ne s'est présenté à aucune des audiences.

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[6]               Castel Tina  demande à la Commission des lésions professionnelles d'infirmer la décision rendue par la CSST le 3 septembre 1999 et de déclarer qu'il n'encourt aucune responsabilité à titre de tiers dans la survenance de la lésion professionnelle du 7 août 1997.

LES FAITS

[7]               Le travailleur est employé comme chauffeur-livreur de pizza pour le compte de l'employeur Pizza-Donini depuis 1996.

[8]               Le 7 août 1997, il doit livrer une pizza commandée par une danseuse employée au club Castel Tina.

[9]               À la même date, il subit une lésion professionnelle dont les circonstances sont relatées comme suit au formulaire «Avis de l'employeur et demande de remboursement»:

«Je me suis présenté à la porte.  Le doorman m'a demandé pour qui la livraison.  En deux reprises j'ai répondu pour mademoiselle Lyne.  Vu qu'il y avait trop de musique je me suis approché de lui en lui disant pour mademoiselle Lyne.  Soudain il m'a répondu agressivement et j'ai reçu un coup de poing sur le machoir supérieur.  (sic).»

 

 

[10]           Le rapport de police intitulé «Rapport complémentaire» daté du 21 août 1997 et déposé par la procureure de l'employeur Castel Tina relate le sommaire des faits entourant l'événement du 7 août 1997 comme suit:

«Le 7 août 1997 vers 22h45, la victime s'est présentée au Bar Castel Tina, 4885 Jean-Talon pour une livraison de pizza.  Ce dernier s'adresse au prévenu qui est portier (Rémi Bazinet) et l'informe que la commande est pour Lyne.  Le prévenu ne semble pas comprendre ce que la victime lui dit à cause de la musique forte.  La victime lui répète une deuxième fois et finalement une troisième fois en s'approchant de l'oreille du prévenu.  Le prévenu lui a alors répondu d'une façon agressive «tu me cries dans les oreilles» et au même moment lui donne un coup de poing au visage.

 

Le 20 août 1997, le prévenu (sic) est venu au poste 54 et a identifié le prévenu sur line-up photo à 100%.»

 

 

[11]           Ce rapport complémentaire indique également que l'enquêteur au dossier rencontre le prévenu monsieur Rémi Bazinet au poste de police 54, ce dernier s'étant présenté de lui-même.  Une accusation de voies de fait avec lésions est portée contre monsieur Bazinet à qui on demande par écrit s'il a quelque chose à dire en regard de cette accusation.  Monsieur Bazinet signe alors la déclaration écrite suivante: «Non.  J'ai parlé à mon avocate et elle me dit de ne rien dire». 

[12]           Les notes évolutives de l'agent d'indemnisation de la CSST en date du 10 septembre 1997 relatent ce qui suit:

«Parlé à T.  Le T. allait livrer une pizza plus un pepsi à une danseuse d'un bar topless.  Le «doorman» lui a donné un coup de poing en disant au T. qu'il lui avait crié dans les oreilles.  Le T. a porté plainte, il a été vu par des ambulanciers, il est allé à Santa-Cabrini. (…)»

 

 

[13]           L'étude du dossier révèle que lors de l'événement du 7 août 1997, monsieur Lotfi Tebessi a perdu deux dents et a subi une déchirure partielle du ligament collatéral du genou gauche.

[14]           Dans le cadre d'une évaluation neuro-psychologique, un rapport est rédigé le 27 mai 1998 par madame Micheline Favreau, psychologue clinicienne.  Les circonstances de l'événement du 7 août 1997 sont relatées comme suit:

«Le 7 août 1997, monsieur Tebessi a été victime d'une agression alors qu'il effectuait une livraison à un bar de danseuses.  Il aurait d'abord mentionné au portier à deux reprises avoir une livraison pour une danseuse, mais ce dernier lui aurait asséné un coup de poing après qu'il se soit approché pour répéter de plus vive voix la raison de sa présence.  D'autres portiers sont intervenus et l'ont éconduit lorsqu'il a tenté de riposter.  Il a appelé la police et s'est rendu par la suite au centre hospitalier Santa-Cabrini, selon les conseils des ambulanciers.»

 

 

[15]           Les documents déposés par la procureure de Castel Tina révèlent que monsieur Rémi Bazinet a subi un procès pour voies de fait et qu'il a été acquitté. 

[16]           Le 11 septembre 1997, Donini réclame un transfert d'imputation dans les termes suivants:

«(…) As this incident ocurred outside of our premises and in circumstances beyond our control, we contest that our annual premium to the CSST should be affected.

 

(….) » (sic)

 

 

[17]           Tel que déjà mentionné, le 3 septembre 1998, la CSST conclut que l'événement du 7 août 1997 est attribuable à un tiers et que la responsabilité de ce tiers est suffisamment élevée pour qu'il y ait un transfert total d'imputation.  En conséquence, la CSST impute 100% du coût des prestations à l'unité dont fait partie l'employeur Castel Tina.

[18]           Le 17 septembre 1998, la procureure de Castel Tina écrit à la CSST pour demander la révision de la décision rendue le 3 septembre 1998.  Le 3 septembre 1999, la CSST, après révision administrative, confirme la décision du 3 septembre 1998 imputant, cependant, les coûts des prestations directement au dossier financier de Castel Tina.  Selon des notes manuscrites de la Direction de la révision administrative, il appert qu'à deux reprises la CSST tente de contacter la procureure de Castel Tina sans succès.  Ce fait est aussi mentionné à la décision du 3 septembre 1999 dans les termes suivants:

«Par ailleurs, le présent réviseur a tenté d'entrer en contact avec la conseillère juridique de Castel Tina [1987] enr. , et bien qu'un message téléphonique ait été laissé, cette dernière n'a pas retourné notre appel.»

 

 

[19]           À l'audience tenue le 15 mars 2000, la Commission des lésions professionnelles a entendu le témoignage de monsieur Rémi Bazinet, portier chez Castel Tina.  Ce dernier relate que le 7 août 1997, monsieur Tebessi se présente au cabaret pour livrer une pizza à une employée.  Il explique que pour des raisons de sécurité, la direction de l'établissement ne permet à personne d'entrer à l'intérieur avec des sacs.  Il indique avoir expliqué le tout à monsieur Tebessi qui, malgré ce fait, insiste pour entrer à l'intérieur du cabaret avec la pizza qu'il doit livrer.  Il mentionne avoir alors demandé à monsieur Tebessi de s'en aller mais que ce dernier, choqué de la situation, le frappe à l'estomac et au visage.  Il indique qu'il a par la suite lui-même asséné un coup de poing au visage de monsieur Tebessi afin de se défendre.

[20]           Monsieur Bazinet indique avoir subi des blessures à l'estomac, au visage et à la main droite et dépose un extrait de son dossier médical à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont.  Monsieur Bazinet ajoute que monsieur Tebessi a porté plainte contre lui, qu'il a été accusé de voies de fait causant des lésions corporelles mais qu'à la suite de son procès, il a été acquitté.

[21]           À l'audience tenue le 3 octobre 2000, la Commission des lésions professionnelles a entendu le témoignage de monsieur Lotfi Tebessi.  Ce dernier réitère que le 7 août 1997, il s'est présenté au Castel Tina afin de livrer une pizza à une employée dénommée mademoiselle Lyne.  Il réitère qu'il a répété ce nom à l'oreille de monsieur Bazinet compte tenu du bruit de la musique.  Il affirme que monsieur Bazinet lui a alors répondu vulgairement et lui a donné un coup de poing au visage.  Monsieur Tebessi indique qu'il a voulu riposter et que deux autres portiers sont alors intervenus et l'ont mis à la porte du cabaret.

[22]           Monsieur Tebessi indique que dès sa sortie du cabaret, il a immédiatement appelé la police qui l'a finalement rencontré à l'hôpital.

L'ARGUMENTATION DES PARTIES

[23]           La procureure de Castel Tina plaide tout d'abord que la CSST n'a pas donné l'occasion à ce dernier de se faire entendre avant que la décision du 3 septembre 1999 ne soit rendue contrevenant ainsi aux dispositions de l'article 358.3 de la loi.

[24]           Elle plaide que ce n'est pas monsieur  Bazinet qui a agressé monsieur Tebessi mais plutôt le contraire et que c'est à Pizza-Donini d'assumer les coûts du dossier. 

[25]           Pour sa part, le procureur de la CSST souligne  que le jugement d'acquittement rendu à l'égard de monsieur Bazinet ne lie aucunement la Commission des lésions professionnelles.  Il plaide que le témoignage de monsieur Tebessi est très crédible et que sa version des faits est plus plausible que celle de monsieur Bazinet.  Il conclut que l'accident du travail du 7 août 1997 est attribuable à un tiers soit monsieur Bazinet et qu'il y a lieu d'imputer les coûts du dossier à l'unité à laquelle appartient son employeur Castel Tina conformément aux dispositions de l'article 326, deuxième alinéa de la loi.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[26]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si l'accident du travail dont a été victime monsieur Tebessi le 7 août 1997 est attribuable à un tiers et, le cas échéant, s'il est injuste que Pizza-Donini en supporte les coûts, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 326 de la loi.  La Commission des lésions professionnelles doit aussi déterminer qui doit supporter les coûts générés par cet accident du travail.

[27]           Tout d'abord, en réponse au premier argument soumis par la procureure de Castel Tina, la Commission des lésions professionnelles est d'avis que la CSST a respecté les dispositions de l'article 358.3 de la loi puisque, selon les informations au dossier, à deux reprises, elle a tenté sans succès de contacter cette dernière afin qu'elle présente ses observations.

[28]           Au surplus, même s'il y avait eu contravention aux dispositions de l'article 358.3, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, l'article 377 de la loi confère à la Commission des lésions professionnelles le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.  Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision contestée et rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu.  Ce pouvoir de procéder de novo permet donc à la Commission des lésions professionnelles de corriger la contravention alléguée à l'article 358.3 de la loi qui aurait pu être commise par la révision administrative.

[29]           Ceci étant dit, la Commission des lésions professionnelles rend sa décision sur l'application du deuxième alinéa de l'article 326 de la loi au présent dossier.  Cet article prévoit ce qui suit:

326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.

________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

 

 

[30]           Dans l'affaire Société immobilière du Québec et Centre jeunesse de Montréal[2], la Commission des lésions professionnelles s'exprime comme suit:

«En conséquence, pour pouvoir bénéficier d'un transfert d'imputation conformément au deuxième alinéa de l'article 326 de la loi, un employeur doit démontrer:

 

·         que le travailleur est victime d'un accident du travail; et

·         que cet accident du travail est attribuable à un tiers; et

·         qu'il est injuste d'imputer les coûts découlant de cet accident du travail à son dossier financier.»

 

 

[31]           En l'espèce, monsieur Tebessi a subi un accident du travail le 7 août 1997 qui a été accepté en tant que tel par la CSST.  La Commission des lésions professionnelles est donc d'avis que ce premier élément est démontré.

[32]           L'accident du travail de monsieur Tebessi est-il attribuable à un tiers?

[33]           Dans l'affaire Société immobilière du Québec précitée, la Commission des lésions professionnelles exprime qu'un «tiers» est toute personne, physique ou morale, qui n'est pas le travailleur accidenté ou l'employeur de ce travailleur accidenté ou qui est étrangère au rapport juridique (en l'occurrence le contrat de louage de services) existant entre ces derniers.

[34]           Dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles est d'avis que monsieur Rémi Bazinet, employé comme portier chez Castel Tina, est un tiers à l'égard de Pizza-Donini et du travailleur accidenté au sens de l'article 326.

[35]           L'accident du travail du travailleur est-il attribuable à ce tiers ?

[36]           Toujours dans l'affaire Société immobilière du Québec, la Commission des lésions professionnelles s'exprime comme suit:

«Le «Petit Larousse» suggère les définitions suivantes des termes «attribuable» et «attribuer».  Ainsi, est «attribuable» ce «qui peut être attribué».  Or, «attribuer» signifie «considérer comme auteur comme cause».  L'accident est donc «attribuable à un tiers» lorsque la preuve révèle que le tiers est l'auteur ou la cause de cet accident. 

 

Par ailleurs, le simple fait qu'un tiers participe d'une quelconque façon à l'arrivée d'un accident est insuffisant pour conclure que cet accident lui est attribuable.  En effet, la jurisprudence précise que le tiers doit être majoritairement «responsable» ou doit avoir majoritairement contribué aux événements qui ont entraîné l'accident pour permettre à l'employeur d'obtenir le transfert d'imputation réclamée.»

 

 

[37]           Dans l'affaire Entreprises Vibec inc. et Rochette[3], la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) s'exprimait comme suit:

«L'article 326, al. 2, ne permet pas à la Commission d'appel d'imputer à un tiers une responsabilité avec des conséquences d'ordre pécuniaire mais bien, le cas échéant, de reconnaître la possibilité de la participation de ce tiers dans une proportion plus ou  moins grande à un événement particulier avec, comme seul but, le dégagement de l'onus financier de l'imputation des coûts au seul dossier de l'employeur.»

 

 

[38]           Le rôle de la Commission des lésions professionnelles n'est donc pas d'établir la responsabilité civile ou encore criminelle de chacun des intervenants mais plutôt de déterminer si le tiers a une participation majoritaire dans la survenance de l'accident du travail concerné. 

[39]           En l'espèce, la Commission des lésions professionnelles a entendu la version de monsieur Tebessi ainsi que celle de monsieur Bazinet.  Ces deux versions sont contradictoires.

[40]           Monsieur Tebessi a cependant donné sa version des faits à plusieurs reprises et, à chaque fois, celle-ci est demeurée la même.  Le rapport de police, le formulaire «Avis de l'employeur et demande de remboursement», les notes évolutives du dossier de la CSST et le rapport neuro-psychologique corroborent tous la version de monsieur Tebessi.  Le fait que ce dernier se soit approché de monsieur Bazinet pour lui parler à l'oreille est un fait non contredit qui peut expliquer la réaction alléguée de monsieur Bazinet.

[41]           D'autre part, on ne retrouve au dossier aucune déclaration écrite ou document écrit venant corroborer de façon précise la version de monsieur Bazinet.  Tel qu'il appert de la déclaration faite à la police de façon contemporaine à l'événement du 7 août 1997, ce dernier préfère ne rien dire.

[42]           Le témoignage de monsieur Bazinet ne fournit pas de raison précise pouvant expliquer l'agression dont il allègue avoir été victime de la part de monsieur Tebessi. 

[43]           La Commission des lésions professionnelles est d'avis que la version de monsieur Tebessi est donc plus plausible et doit être retenue.

[44]           Le fait qu'un jugement d'acquittement ait été rendu à l'égard de monsieur Bazinet dans le cadre d'une poursuite criminelle ne lie aucunement la Commission des lésions professionnelles dans le cadre du présent litige.  En effet, tel que déjà mentionné, la Commission des lésions professionnelles n'a pas à établir la responsabilité civile ou criminelle de chacun des intervenants mais doit seulement déterminer si le tiers a une participation majoritaire dans la survenance de l'accident du travail.

[45]           Compte tenu des faits retenus par la Commission des lésions professionnelles, il y a lieu de conclure que le tiers a contribué majoritairement à la survenance de l'accident subi par monsieur Tebessi.

[46]           Il y a donc lieu de conclure que l'accident du travail du 7 août 1997 est attribuable à un tiers.

[47]           La Commission des lésions professionnelles doit aussi déterminer s'il est injuste d'imputer les coûts découlant de cet accident du travail au dossier financier de Pizza-Donini. 

[48]           Dans les affaires Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal et Rémillard[4] et Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal et Hamelin[5], la Commission d’appel vérifie si l'accident résulte d'un risque particulier se rattachant à l'activité économique de l'employeur afin d'évaluer cette injustice.  Dans la négative, elle conclut qu'il serait injuste d'imputer les coûts de l'accident du travail à l'employeur.

[49]           En l'espèce, Pizza-Donini est un restaurant qui emploie des chauffeurs-livreurs qui doivent se déplacer pour livrer les commandes.  Une agression ne peut être considérée comme un risque inhérent aux activités de cet employeur.

[50]           Dans plusieurs décisions, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles détermine que, lorsqu'un accident du travail découle d'une agression commise par un tiers, il est injuste d'en imputer les coûts à un employeur dont les activités économiques ne comportent pas de tels risques[6].

[51]           La Commission des lésions professionnelles conclut donc qu'il est injuste que Pizza-Donini supporte les coûts reliés à l'accident du travail du 7 août 1997.

[52]           Le deuxième alinéa de l'article 326 de la loi ne permet pas à la CSST d'imputer directement les coûts découlant d'un accident du travail au tiers personnellement.  Cet article prévoit que la CSST peut imputer les coûts aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités.

[53]           En conséquence, les coûts générés par l'accident du travail du 7 août 1997 doivent être supportés par l'employeur du tiers soit Castel Tina, mais ils ne peuvent être imputés directement à son dossier financier comme le conclut la CSST à sa décision du 3 septembre 1999.

[54]           Il y a plutôt lieu d'imputer les coûts générés par cet accident à l'unité de classification dont Castel Tina, tiers-employeur, fait partie, tel que le décidait la CSST à sa décision initiale du 3 septembre 1998.


PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE en partie la contestation logée par Castel Tina (1987) enr.;

CONFIRME en partie la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 3 septembre 1999 à la suite d'une révision administrative;

DÉCLARE que Castel Tina (1987) enr. ne doit pas supporter personnellement les coûts générés par la lésion professionnelle subie le 7 août 1997 par monsieur Lotfi Tebessi;

DÉCLARE que les coûts générés par cette lésion professionnelle doivent être imputés à l'unité de classification dont fait partie Castel Tina (1987) enr..

 

 

 

 

 

Me Danièle Gruffy

 

Commissaire

 

 

 

 

 

Me Carole Beaucage

10, Saint-Jacques, bureau 701

Montréal (Québec)  H2Y 1L3

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

PANNETON, LESSARD

(Me Robert Senet)

1, Complexe Desjardins, 31e étage

Montréal (Québec)  H5B 1H1

 

Représentant de la partie intervenante

 

 

 



[1]            L.R.Q., c. A-3.001

[2]           CLP 134526-71-0003, le 18 septembre 2000, commissaire Carmen Racine

[3]           1995 CALP 756

[4]           1987 CALP 727

[5]           1988 CALP 916

[6]           STCUM et Lavoie, CALP 06125-62-8801, le 24 octobre 1989 Me Alain Suicco; STCUM et Lachance, CALP 08384-61-8809, le 25 septembre 1989, Me Pierre-Yves Vachon; STCUM et Potylicki, CALP 05683-60-8712, le 31 octobre 1989, Me Alain Suicco; Laiterie Dallaire et Zavodnik et Galarneau et CSST, CALP 35021-08-9112, le 10 novembre 1992, M. Laurent McCutcheon; Institut Philippe Pinel et Deschambault, 1995, CALP, 652; CSST-Laurentides et STCUM, CALP 64365-60-9411, le 28 mai 1996, Me Pépita Capriolo.

AVIS :
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