CHUQ (Pavillon CHUL) (SST) et Commission de la santé et de la sécurité du travail |
2009 QCCLP 4674 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 6 février 2009, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle réclame la révision ou la révocation d’une décision rendue par le Tribunal le 23 décembre 2008.
[2] Par celle-ci, le Tribunal accueille la requête produite par l’employeur, le C.H.U.Q (Pavillon C.H.U.L.) (Sst), il infirme la décision rendue par la CSST le 26 février 2008 à la suite d’une révision administrative (la Révision administrative) et il déclare que, conformément à l’article 329 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), l’employeur doit assumer 10 % des coûts reliés à la lésion professionnelle subie par madame Vanessa Baudin (la travailleuse) le 13 février 2006 et que les employeurs de toutes les unités doivent assumer 90 % de ces mêmes coûts.
[3] Comme la CSST requiert la tenue d’une audience sur cette requête, celle-ci a lieu à Québec, le 11 juin 2009, en présence de la représentante de cet organisme, Me Annick Marcoux, et du représentant de l’employeur, Me Charles Michaud.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] La représentante de la CSST invoque le vice de fond prévu à l’article 429.56 de la loi et elle demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision rendue par le premier juge administratif et de déclarer que l’employeur doit supporter 100 % des coûts reliés à la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 13 février 2006.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[5] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la décision rendue par le premier juge administratif, le 23 décembre 2008, doit être révisée comme le réclame la CSST.
[6] D’entrée de jeu, la Commission des lésions professionnelles rappelle que les décisions rendues par le Tribunal sont finales et sans appel[2].
[7] Cependant, l’article 429.56 de la loi permet à la Commission des lésions professionnelles de réviser ou de révoquer une décision qu’elle a rendue lorsqu’une partie lui en fait la demande et lorsque les conditions qui y sont énoncées sont respectées, à savoir lorsqu’il est découvert un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente, lorsqu’une partie n’a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre, ou lorsqu’un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
[8] Or, en l’espèce, la travailleuse est victime d’une lésion professionnelle le 13 février 2006. Le diagnostic retenu en relation avec cette lésion est celui de hernie cervicale C5-C6.
[9] Le 21 avril 2006, le médecin conseil de la CSST est consulté relativement à ce diagnostic. Le docteur Pichette croit qu’aucun traumatisme cervical n’explique l’émergence d’une hernie discale à ce niveau. Toutefois, il considère que le maintien d’une position statique a pu aggraver une lésion cervicale préexistante. Il accepte donc le diagnostic de hernie discale C5-C6 à titre d’aggravation d’une condition préexistante.
[10] Le 25 avril 2006, la CSST accepte la réclamation de la travailleuse sur la base du diagnostic de « hernie cervicale C5-C6 (condition personnelle aggravée par le travail) ».
[11] L’employeur conteste cette décision et, le 26 juillet 2006, la Révision administrative la maintient. Toutefois, elle indique ce qui suit dans le cadre de cette décision :
Par ailleurs, la Révision administrative estime que la définition d’accident du travail s’applique au présent cas. Les circonstances dans lesquelles est survenue la lésion de la travailleuse permettent de conclure qu’il y a eu événement imprévu et soudain, soit le fait de devoir maintenir une position statique, la tête penchée durant une ou deux heures d’affilée. En effet, cette notion comprend la position contraignante. De plus, il s’agit d’un événement qui est compatible avec le diagnostic retenu, en ce que la Révision administrative considère que la travailleuse a dû maintenir une position statique en flexion du cou, laquelle est susceptible de rendre symptomatique la hernie cervicale C5-C6, dont la travailleuse était probablement porteuse.
Ces éléments permettent de conclure que l’exacerbation de la condition symptomatique de la travailleuse est survenue par le fait du travail.
En conséquence, la Révision administrative :
CONFIRME la décision du 27 avril 2006;
DÉCLARE que la travailleuse a subi une lésion professionnelle, soit l’exacerbation d’une condition préexistante de hernie cervicale C5-C6; [sic]
[12] Le 14 septembre 2006, l’employeur réclame un partage des coûts générés par cette lésion professionnelle. Il invoque la condition préexistante dévoilée par la résonance magnétique cervicale effectuée le 3 avril 2006, à savoir une « volumineuse hernie para-médiane gauche à C5-C6 qui comprime les racines nerveuses et la moelle » et un « discret foyer de myélomalacie associé derrière C6 ». Il rappelle la décision rendue par la Révision administrative au sujet de l’exacerbation de cette condition personnelle par l’événement. Il estime que cette déficience dévie de la norme biomédicale chez cette jeune travailleuse de 29 ans. Enfin, il soumet une opinion médicale rédigée par le docteur Jean Desrochers qui indique que cette déficience influence l’apparition de la lésion professionnelle et qui recommande un partage des coûts de l’ordre de 5 % au dossier d’expérience de l’employeur et de 95 % aux employeurs de toutes les unités.
[13] Dans ce document, le docteur Desrochers précise que l’événement est bénin, sinon inexistant, et il estime que les trouvailles faites à la résonance magnétique dévient de la norme biomédicale. Il s’exprime ainsi à ce sujet :
Le fait accidentel lui-même peut être considéré comme bénin. Madame n’a subi aucune distorsion au niveau de la colonne cervicale susceptible de causer des lésions au niveau discal. L’image de hernie discale était préexistante à l’événement et la position statique, selon les conclusions au dossier, a rendu symptomatique la hernie discale qui était asymptomatique, mais présente avant l’événement.
Considérant l’absence d’un événement traumatique nous concluons que la condition préexistante a été déterminante dans le mécanisme d’apparition et de production de la hernie. De plus, l’image révélée par résonance magnétique ne correspond pas à la norme biomédicale pour une patiente de 30 ans. En effet, on s’attend à une colonne cervicale normale présentant tout au plus un peu de phénomènes dégénératifs, mais pas une dégénérescence localisée à C5-C6 de cette importance.
[14] En outre, l’employeur obtient une expertise du docteur Michel Giguère, chirurgien orthopédiste, qui, le 9 novembre 2007, confirme la présence d’une déficience préexistante chez la travailleuse et qui confirme l’impact majeur de cette condition sur l’apparition de la lésion professionnelle.
[15] Entre temps, le 24 septembre 2007, la CSST refuse d’octroyer à l’employeur le partage des coûts qu’il revendique. Ce dernier demande la révision de cette décision mais, le 26 février 2008, la Révision administrative la maintient.
[16] Le litige se transporte donc devant la Commission des lésions professionnelles.
[17] Une audience est prévue le 22 juillet 2008. Toutefois, le 26 juin 2008, l’employeur avise la Commission des lésions professionnelles de son absence à celle-ci et il demande au Tribunal de rendre une décision sur la base des faits consignés au dossier.
[18] Par ailleurs, le 14 juillet 2008, la CSST intervient et elle requiert un délai afin de produire un complément de preuve et une argumentation écrite dans le présent dossier.
[19] Ces documents sont déposés le 25 juillet 2008. Il s’agit d’un avis rédigé par le docteur Lyne Chouinard, médecin conseil à la CSST, de littérature médicale, d’une argumentation écrite et de jurisprudence.
[20] Dans son opinion, le docteur Chouinard soutient que, bien qu’une condition personnelle soit présente chez la travailleuse, il est impossible de qualifier celle-ci de handicap préexistant. Elle s’appuie sur de la littérature médicale pour soutenir que ce qui est visualisé à la résonance magnétique ne dévie pas de la norme biomédicale. Elle conclut :
Il n’y a pas de handicap préexistant prouvé chez cette travailleuse avant le fait accidentel du 13 février 2006. La probable condition personnelle qu’elle présentait avant l’événement ne peut être précisée, il peut s’agir que d’une simple dégénérescence discale, d’un bombement discal ou d’une hernie discale (protusion) entre autres.
Même en supposant la présence d’une hernie discale cervicale C5-C6 asymptomatique préexistante; des études ont prouvé qu’il s’agit d’une trouvaille radiologique fréquente chez des individus de moins de 30 ans ne présentant pas de symptômes cervicaux. Il n’y a donc pas de handicap préexistant puisqu’il s’agit d’une condition fréquente qui n’est pas hors des normes biomédicales. [sic]
[21] La représentante de la CSST invoque donc cette opinion ainsi que la jurisprudence qui précise qu’il ne faut pas confondre les notions de condition personnelle préexistante et de handicap préexistant et elle demande à la Commission des lésions professionnelles de rejeter la demande de partage des coûts formulée par l’employeur.
[22] Le 23 décembre 2008, le premier juge administratif rend une décision relativement à cette affaire. Il indique que l’employeur soumet une argumentation écrite alors qu’aucune telle argumentation n’est déposée par ce dernier. Il omet de mentionner les documents et l’argumentation produits par la CSST et il garde le silence sur la date où le délibéré est amorcé.
[23] Par ailleurs, dans le corps de la décision, il cite l’article 329 de la loi et il rappelle les principes dégagés par la jurisprudence du Tribunal quant à la notion de handicap. Il analyse la preuve en regard de ces paramètres et il en vient à la conclusion que la condition invoquée par l’employeur correspond à cette notion. De plus, la preuve prépondérante permet d’établir que cette condition joue un rôle dans la survenance de la lésion professionnelle et, dès lors, il déclare que l’employeur a droit à un partage des coûts générés par cette lésion de l’ordre de 10 % à son dossier d’expérience et de 90 % aux employeurs de toutes les unités.
[24] Le premier juge administratif ne fait aucune mention de l’opinion du docteur Chouinard, de la littérature médicale produite ou de l’argumentation présentée par la CSST.
[25] Le 6 février 2009, la CSST dépose une requête en révision ou en révocation à l’encontre de cette décision.
[26] Sa représentante invoque le vice de fond de nature à invalider la décision. Elle écrit que le premier juge administratif commet une erreur de droit manifeste et déterminante en ignorant l’argumentation de la CSST et l’avis médical du docteur Chouinard.
[27] La représentante de la CSST ajoute que le premier juge administratif conclut que la travailleuse présente une condition personnelle en lien avec la lésion professionnelle sans jamais qualifier cette condition de handicap au sens de l’article 329 de la loi. Elle considère que cette qualification est essentielle dans l’analyse de cet article.
[28] La représentante de la CSST soutient que la décision ne fait pas état des éléments dont le premier juge administratif a tenu compte afin de conclure à l’application de l’article 329 de la loi et que la décision ne contient aucune motivation à cet égard. Le défaut de motivation constitue également une erreur de droit manifeste et déterminante.
[29] La représentante de la CSST demande donc à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision rendue le 23 décembre 2008 et de déclarer que l’employeur doit assumer 100 % des coûts reliés à la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 13 février 2006.
[30] À l’audience, la représentante de la CSST reprend les arguments présentés dans la requête tout en appuyant ceux-ci de la jurisprudence appropriée.
[31] Ainsi, quant au fait que le premier juge administratif omet de considérer l’avis médical du docteur Chouinard et l’argumentation de la CSST, elle dépose la décision rendue par la Cour supérieure dans l’affaire Herman Rodrigue[3] et elle rappelle, à cet égard, que bien que le premier juge administratif puisse écarter une expertise ou une opinion médicale, il ne peut le faire capricieusement. Il doit expliquer ses motifs à cet égard et le défaut de ce faire peut constituer une erreur manifeste.
[32] De plus, l’omission de tenir compte d’une preuve importante constitue également une erreur manifeste permettant à la Commission des lésions professionnelles d’intervenir[4].
[33] La représentante de la CSST est donc d’avis que ces erreurs manifestes et déterminantes donnent ouverture à la révision de la décision.
[34] Quant au fond de cette affaire, elle s’en remet, de nouveau, à l’opinion du docteur Chouinard sur la question de la déviation à la norme biomédicale. Elle croit que ce médecin établit clairement que la condition personnelle notée chez la travailleuse ne peut être assimilée à un handicap au sens de l’article 329 de la loi et que, en conséquence, aucun partage des coûts ne peut être octroyé.
[35] Le représentant de l’employeur fait une toute autre lecture de la décision attaquée.
[36] Il rappelle d’abord que toute la preuve présentée n’a pas à être rapportée ou commentée dans une décision. L’obligation qui échoit au décideur est d’écrire de façon à ce qu’on puisse suivre son raisonnement et de façon à ce que l’on comprenne ses conclusions. Il ne faut donc pas confondre l’absence ou la carence de motivation et la décision qui, bien que motivée, ne reprend pas tous les éléments de preuve.
[37] Il procède, par la suite, à l’analyse de la décision dont la CSST demande la révision.
[38] Il remarque qu’il y a certes une erreur d’écriture lorsque le premier juge administratif indique que l’employeur a expédié une argumentation écrite. Cependant, cette erreur n’est pas déterminante.
[39] De plus, le représentant de l’employeur considère qu’il est faux de prétendre que cette décision ne précise pas ce qu’est un handicap et confond cette notion avec la condition personnelle préexistante. Il cite divers paragraphes où le premier juge administratif traite des conditions nécessaires à l’application de l’article 329 de la loi ainsi que ceux analysant la preuve à ce sujet. Il croit que le raisonnement tenu par le premier juge administratif est clair et ne souffre d’aucune lacune.
[40] Le représentant de l’employeur discute, par la suite, du fait que le premier juge administratif aurait ignoré l’avis médical du docteur Chouinard, la littérature jointe à cet avis ainsi que l’argumentation écrite de la CSST. Il remarque que, selon le système informatique de la Commission des lésions professionnelles, le dossier est pris en délibéré après la réception des documents expédiés par la CSST. Ces documents sont donc reçus et considérés par le premier juge administratif avant de rendre la décision attaquée.
[41] En outre, le représentant de l’employeur réitère que le premier juge administratif n’a pas l’obligation de tout commenter. Son rôle consiste à faire le tri dans la preuve présentée et à motiver sa décision par la preuve retenue. Selon le représentant de l’employeur, le premier juge administratif retient la thèse du docteur Desrochers et non celle du docteur Chouinard. Son raisonnement est intelligible, appuyé sur la preuve privilégiée, et ce n’est pas une petite phrase de plus sur le choix effectué qui changerait quoique ce soit à la décision rendue.
[42] Le représentant de l’employeur dépose un cahier de jurisprudence[5] au soutien des principes énoncés précédemment.
[43] La Commission des lésions professionnelles doit donc déterminer si les éléments invoqués par la représentante de la CSST donnent ouverture au recours en révision ou en révocation prévu à l’article 429.56 de la loi.
[44] La représentante de la CSST soutient que la décision rendue le 23 décembre 2008 comporte un vice de fond de nature à l’invalider.
[45] Or, cette notion de vice de fond a fait l’objet d’une interprétation constante et unanime de la part de la Commission des lésions professionnelles depuis son introduction à la loi. Elle réfère à l’erreur manifeste de droit ou de fait ayant un effet déterminant sur le sort du litige[6].
[46] La Cour d’appel du Québec reprend, avec approbation, les principes énoncés par la Commission des lésions professionnelles en matière de révision et de révocation et elle vient préciser le rôle du Tribunal et le niveau de preuve requis afin de conclure à la présence d’une erreur manifeste équivalant à un vice de fond.
[47] Ainsi, dans les décisions CSST c. Fontaine[7] et CSST c. Touloumi[8], elle invite d’abord la Commission des lésions professionnelles à faire preuve de retenue lorsque saisie d’un recours en révision. Elle indique qu’il « ne saurait s’agir de substituer à une première opinion ou interprétation des faits ou du droit une seconde opinion ni plus ni moins défendable que la première »[9]. Elle ajoute que « le recours en révision ne doit pas être un appel sur les mêmes faits : il s’en distingue notamment parce que seule l’erreur manifeste de fait ou de droit habilite la seconde formation à se prononcer sur le fond, et parce qu’une partie ne peut ajouter de nouveaux arguments au stade de la révision »[10].
[48] La Cour d’appel recommande donc une certaine réserve dans l’utilisation et l’analyse de ce motif de révision et de révocation, puisque la décision rendue par le premier juge administratif fait autorité et ne devrait que très rarement être l’objet d’une intervention de la part de la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision ou en révocation.
[49] En outre, la Cour d’appel signale que la partie qui requiert la révision ou la révocation d’une décision pour un tel motif a un fardeau de preuve relativement imposant. En effet, elle doit établir l’existence d’une erreur grave, évidente, déterminante et fondamentale dans la décision dont elle veut obtenir la révision ou la révocation.
[50] Dans ce dossier, la Commission des lésions professionnelles remarque d’abord que le premier juge administratif mentionne, à tort, que l’employeur produit une argumentation écrite au soutien de sa contestation. Il s’agit certes d’une erreur. Cependant, cette erreur n’a aucune conséquence et elle ne peut donc être qualifiée de déterminante.
[51] La Commission des lésions professionnelles remarque également que, comme invoquée par la représentante de la CSST, la décision attaquée ne fait aucune allusion à l’avis médical du docteur Chouinard, à la littérature médicale et à l’argumentation écrite de la CSST.
[52] Le fait d’ignorer un élément important de la preuve constitue une erreur manifeste de droit. La jurisprudence déposée par la représentante de la CSST est éloquente à cet égard. Toutefois, en l’espèce, la Commission des lésions professionnelles ne peut conclure à une telle ignorance ou à une telle omission de la part du premier juge administratif.
[53] En effet, la Commission des lésions professionnelles observe que le dossier est pris en délibéré après la réception des documents expédiés par la CSST. La Commission des lésions professionnelles ne peut donc déterminer que la décision est rendue sans que ceux-ci ne soient considérés par le premier juge administratif.
[54] De plus, même si le premier juge administratif ne relate pas l’avis médical du docteur Chouinard ou la littérature médicale ou l’argumentation écrite de la CSST, il y répond implicitement en choisissant les opinions contraires émises par les docteurs Pichette, Desrochers et Giguère.
[55] Ainsi, tous ces médecins sont d’avis que la hernie discale cervicale ne résulte pas de l’événement, est présente avant celui-ci et est aggravée ou exacerbée par ce dernier.
[56] En outre, la Révision administrative entérine ces opinions en acceptant la lésion professionnelle à titre d’exacerbation d’une condition personnelle.
[57] Enfin, le docteur Desrochers analyse les résultats de la résonance magnétique et il estime que la condition mise en lumière par ce test d’imagerie, à savoir une volumineuse hernie discale comprimant les racines nerveuses et la moelle, dévie de la norme biomédicale chez cette jeune travailleuse. En effet, il ne s’agit pas, ici, d’une simple image radiologique, mais d’un problème réel d’une ampleur considérable.
[58] L’opinion contraire du docteur Chouinard, basée sur de la littérature médicale traitant de façon générale des atteintes discales décelées aux tests d’imagerie et non sur les faits particuliers de ce dossier, apparaît isolée dans un tel contexte et pouvait, à bon droit, ne pas être privilégiée par le premier juge administratif.
[59] Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles croit qu’il est inexact de prétendre que le premier juge administratif confond les notions de handicap préexistant et de condition personnelle. Le premier juge administratif s’oriente bien en droit. Il décrit les éléments requis par la jurisprudence et pertinents à la décision à rendre. Il mentionne, aux paragraphes [8], [9], [10] et [11], les exigences relatives à la déficience préexistante, à la déviation à la norme biomédicale et aux effets de cette déficience sur l’apparition ou les conséquences de la lésion professionnelle. La Commission des lésions professionnelles ne perçoit aucune confusion dans cet exposé.
[60] Par la suite, le premier juge administratif énonce les faits retenus et il rend une décision motivée et parfaitement intelligible. Or, il appartient effectivement au juge administratif saisi d’une contestation de faire ce travail d’analyse, de choisir, dans la preuve présentée et la preuve au dossier, celle qui est pertinente et prépondérante, d’expliquer les choix effectués et de décider conformément à la preuve retenue. C’est exactement ce qu’il a fait.
[61] Les choix de ce dernier et la décision à laquelle ils ont conduit ne satisfont certes pas la CSST, mais la Commission des lésions professionnelles ne décèle aucune erreur manifeste et déterminante dans la décision attaquée par celui-ci.
[62] En l’espèce, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la CSST n’a pas démontré de motifs permettant la révision ou la révocation de la décision rendue initialement par le premier juge administratif.
[63] La Commission des lésions professionnelles rejette donc la requête déposée par cette dernière.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révision ou en révocation déposée par la CSST.
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Carmen Racine |
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Me Charles Michaud |
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HEENAN BLAIKIE |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Annick Marcoux |
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PANNETON LESSARD |
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Représentante de la partie intéressée |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Article 429.49 de la loi.
[3] Rodrigue et Commission des lésions professionnelles et 9053-3340 Québec inc. et CSST 2007 QCCS 6010 .
[4] Avon Canada et Mathieu, C.L.P. 112860-62C-9903, le 28 septembre 2000, L. Landriault; Corswarem et Commission scolaire Lac-Abitibi et CSST, C.L.P. 291308-08-0606, le 22 juillet 2008, L. Nadeau.
[5] Blanchard et Control Data Canada ltée [1984] 2 R.C.S. 476 ; Butter et Commission des lésions professionnelles, C.S. Mtl : 500-050039048-986, le 16 juin 1998, j. J. Vaillancourt; Robert Mitchell inc. et Commission des lésions professionnelles et Lemire et CSST, C.S. Mtl : 500-05-046143-986, le 21 juin 1999, j. M.-F. Courville; D.L. Léger Sales inc., C.L.P. 132201-71-0002-R2 et 151173-71-0011-R, le 29 novembre 2001, C.-A. Ducharme; Grenier et Robertson Building Syst. Ltd et CSST, C.L.P. 171279-04-0110-R, le 23 mai 2003, M. Carignan; Supermétal Québec inc. et Guay 2007 QCCLP 776 ; Pellerin et Services Minéraux Industriels inc., 2008 QCCLP 86 .
[6] Voir ces décisions de principe qui établissent le courant jurisprudentiel à cet égard : Produits forestiers Donahue inc. et Villeneuve [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa [1998] C.L.P. 783 .
[7] [2005] C.L.P. 626 (C.A.).
[8] C.A. Mtl : 500-09-015132-046, le 6 octobre 2005, jj. Robert, Morissette et Bich.
[9] Voir la décision Fontaine précitée à la note 7, p. 21 et 22.
[10] Voir la décision Fontaine précitée à la note 7, page 22.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.