Groupe manufacturier d'ascenseurs Global Tardif inc. c. Société de transport de Montréal |
2018 QCCS 5371 |
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JD2919 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-17-105895-182 |
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DATE : |
Le 13 décembre 2018 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
FRANÇOIS P. DUPRAT, J.C.S. |
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GROUPE MANUFACTURIER D’ASCENSEURS GLOBAL TARDIF INC. |
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Demanderesse |
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c. |
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SOCIÉTÉ DE TRANSPORT DE MONTRÉAL |
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Défenderesse |
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JUGEMENT SUR DEMANDE DE SAUVEGARDE |
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I LES FAITS ET LA PROCÉDURE
[1] La demanderesse Groupe manufacturier d’ascenseurs Global Tardif Inc. (Global Tardif) demande au Tribunal de prononcer une Ordonnance de sauvegarde et de nature injonctive à l’encontre de la Société de Transport de Montréal (STM).
[2] Le litige entre les parties prend naissance d’un contrat passé entre Global Tardif, à titre de soumissionnaire, avec la STM pour le remplacement d’escaliers mécaniques dans diverses stations du métro de Montréal. Global Tardif s’est vue adjugé le contrat le 7 juin 2013 pour la fourniture de 24 escaliers mécaniques[1].
[3] La procédure introductive d’instance et les pièces confirment que, dès le début de la relation d’affaire, les parties ont vécu certains différends et que l’exécution du contrat n’a pas progressé tel que voulu.
[4] Le 30 juin 2016 les parties conviennent d’une révision du contrat[2]. En voici les attendus :
ATTENDU QUE le 7 juin 2013 la Société de transport de Montréal octroie au Groupe Manufacturier d’ascenseurs Global Tardif Inc. le contrat STM 9 290 340-C40 Remplacement des escaliers mécaniques ayant comme principal objectif la fourniture et l’installation de 24 escaliers mécaniques dans le réseau du métro de la STM (ci-après le « Contrat »);
ATTENDU QUE l’exécution du Contrat en est encore à l’étape 1 (étude préparatoire) avec un retard d’au moins 30 mois par rapport à l’échéancier contractuel;
ATTENDU QUE chaque partie impute la responsabilité du retard dans l’exécution du Contrat à l’autre partie;
ATTENDU QUE Global Tardif et la STM divergent d’opinion relativement à plusieurs exigences techniques prévues dans le Contrat;
ATTENDU QUE les parties désirent régler à l’amiable le différend par rapport aux délais enregistrés dans la réalisation du Contrat jusqu’à la date de signature de la présente (ci-après les «Délais») ainsi que les dérogations/changements selon les termes, modalités et conditions ci-après.
[5] La nouvelle entente prévoit notamment que le nombre de chantiers en cours ne dépassera pas 7 escaliers. Sous le chapitre A) Délais contractuels, le Tribunal note ce qui suit :
1- Les parties conviennent de faire abstraction des Délais et de continuer l’exécution du Contrat selon l’échéancier joint à la présente comme Annexe A.
2- (…)
3. Global Tardif renonce à réclamer à la STM et vice-versa, tout dommage de quelque nature que ce soit, résultant directement ou indirectement des Délais
4. (…)
5 L’entente vient préciser la clause de dommages liquidés, article 4.12 des Conditions générales, par ce qui suit : l’exécution dans le délai spécifié des travaux est de l’essence du Contrat (...)
[6] Global Tardif explique que suite à cette entente révisée, elle réalise que les salles mécaniques qui desservent les escaliers mécaniques sont non conformes au Code du bâtiment. C’est cette prétention de la part de Global, et son déni par la STM, qui mène au présent litige. Par ses lettres du 15 février et du 6 juin 2018, la STM met en garde Global Tardif que sa prétention de non-conformité ne doit pas ralentir le travail et que les salles ne font pas partie du Contrat[3].
[7] Global Tardif allègue qu’à partir de mars 2017, elle informe la STM que des demandes de mesures différentes et équivalentes doivent être formulées auprès de la Régie du Bâtiment du Québec (RBQ) et que ce n’est que le 29 septembre 2018 que la STM s’est finalement adressée à la RBQ. Effectivement, la STM présente une demande de mesures équivalentes ou différentes à la RBQ[4]. Le Tribunal retient que le problème trouve sa source dans le fait que les salles mécaniques datent des années ‘70 et ‘80; elles n’ont pas été conçues et réservées pour des équipements d’escaliers mécaniques[5].
[8] Le 13 novembre 2018, la RBQ rend une décision et identifie quinze conditions supplémentaires au sujet de la demande de la STM en stipulant[6] :
Cette décision est prise sous réserve de l’information contenue dans les documents soumis et n’est applicable que pour les appareils visés par la présente demande. Elle ne dispense pas le requérant ou le concepteur (ingénieur, architecte) d’obtenir toute autre autorisation requise par toute loi ou tout règlement, le cas échéant.
Par ailleurs, elle ne dégage pas les concepteurs (ingénieurs et architectes), les entrepreneurs (généraux et spécialisés) ainsi que les propriétaires des responsabilités et obligations découlant de la Loi sur le Bâtiment ou de toute autre législation.
[9] À la suite à la décision de la RBQ, la STM communique par écrit avec Global Tardif et demande à cette dernière de compléter, sans délai, les points 1, 5, 11, 12 et 13 afin de rendre ces équipements conformes aux exigences de la RBQ. La STM souligne qu’à son avis, Global Tardif possède tous les éléments pour compléter les travaux prévus au contrat[7].
[10] C’est alors que survient un nouveau désaccord entre les parties : Global Tardif demande à la STM d’obtenir tous les documents qui ont fait partie de la demande de mesures équivalentes puisque sans cette information, elle n’a pas les documents pour travailler. Au contraire, la STM considère que Global Tardif a tout ce qu’il faut pour continuer son travail[8].
[11] Par sa lettre du 16 novembre 2018, Global Tardif met en doute cette position. On y retrouve les commentaires suivants[9] :
Cela fait presque deux ans que Global Tardif maintient que les salles mécaniques étaient non conformes et la réponse de la RBQ à votre demande confirme notre position. Dans sa lettre, elle identifie les éléments qui ne rencontrent pas les exigences règlementaires et elle établit les conditions qui viennent encadrer sa décision d’accepter votre demande. Il est donc clair que les arguments que Global Tardif a soulevés tout au long des travaux pour appuyer sa prétention n’étaient pas que de simples « doléances ». Votre refus et entêtement à ne pas vouloir considérer la position de Global Tardif, fondée sur l’état actuel de ces salles mécaniques, les correspondances échangées avec la RBQ et la règlementation en vigueur ont causé des délais considérables à l’avancement des travaux et un préjudice important à Global Tardif.
[12] C’est ainsi que Global Tardif suggère à la STM qu’une telle demande de mesure équivalente doit être insérée au devis et au contrat. La STM répond le 16 novembre 2018 à Global Tardif. Elle réitère sa demande à l’effet que la demanderesse doit s’engager formellement avant 17h00 le 16 novembre 2018 à finaliser tous les travaux avant 5h00 le 26 novembre et à signer la déclaration des travaux au plus tard le 30 novembre prochain [10]:
Nous répétons que vous devez exécuter les travaux identifiés aux points 1, 5, 11, 12 et 13 de la réponse de la RBQ (APL-00235). Ces travaux sont prévus aux lois et codes en vigueur et sont inclus dans votre contrat de base. Nous ne voyons donc aucune justification valable pour vous accorder les délais supplémentaires que vous demandez.
[13] Enfin, par cette même lettre, la STM fournit à Global Tardif une copie de sa demande à la RBQ. Le 22 novembre 2018, Global Tardif s’adresse à un représentant de la RBQ et demande certaines précisions concernant l’item 12 de la décision. Global Tardif demande à la RBQ si la Régie a tenu compte de certaines informations. La réponse de la RBQ, le 22 novembre 2018, indique qu’effectivement il s’agit de nouvelles informations et qu’une nouvelle mesure sera émise, le cas échéant[11].
[14] Cette situation est décrite comme suit dans la procédure :
29. Le même jour, soit le 16 novembre 2018, la STM refuse catégoriquement les propositions de Global Tardif, réitère les exigences déraisonnables et totalement irréalistes énumérées dans sa lettre du 14 novembre 2018 (pièce P-10), et insiste pour que Global Tardif s’engage formellement, avant 17h00 le jour-même, de respecter lesdites exigences, le tout tel qu’il appert d’une lettre communiquée au soutien des présentes, comme pièce P-14.
30. Puis, après plusieurs demandes en ce sens de la part de Global Tardif, la STM joint à cette lettre une copie du formulaire de demande de mesures différentes et équivalentes qu’elle avait transmise à la RBQ par la STM le 29 septembre 2018.
31. À son plus grand étonnement, lorsque Global Tardif prend connaissance du contenu de la demande (pièce P-7), présentée par la STM à la RBQ, elle se rend compte que plusieurs informations y étant divulguées, sont incomplètes et/ou fausses.
32. Ceci étant, le 20 novembre 2018, Global Tardif avise la RBQ que les informations fournies par la STM, à sa demande, (Pièce P-7) sont incomplètes et/ou fausses, tel qu’il appert d’une copie en liasse des courriels datés des 20 et 22 novembre 2018, de Karl Lepage et de la RBQ communiqués au soutien des présentes comme pièce P-15.
[15] Le 19 novembre 2018, la STM fait parvenir, par ses procureurs, un avis de défaut à Global Tardif ainsi qu’à la Caution sur le projet[12]. La STM donne une chronologie du projet et réfère notamment à l’entente de juillet 2016 pour ensuite indiquer ce qui suit :
Cette entente réitère que l’exécution des travaux dans le délai spécifié est de l’essence du contrat et établit un nouveau tableau des pénalités applicables aux retards.
Or, malgré de nombreux rappel à Global Tardif l’enjoignant de respecter ses engagements contractuels, de mobiliser et assigner toutes les ressources nécessaires à l’achèvement du contrat, de fournir un « calendrier détaillé de réalisations des travaux » à jour, complet et réaliste, de reprendre le temps perdu, de transmettre aux autorités tous les renseignements requis et de façon générale de compléter définitivement les travaux, Global Tardif néglige ou refuse d’exécuter conformément au contrat, l’ensemble des travaux prévus et pour lesquels elle s’est engagée auprès de la STM.
Global Tardif connaît la situation pour en avoir été avisée à maintes reprises. La Caution est également au courant des manquements de Global Tardif pour en avoir été avisée et avoir participé à des tentatives de règlement de la situation.
(…)
Présentement, tous les dates de livraison des vingt-quatre (24) escaliers prévus au contrat ou à l’entente de 2016 sont passées et Global Tardif n’a pas encore complété entièrement la livraison d’un premier escalier.
Par la présente, Global Tardif et la Caution sont formellement avisées que la STM entend résilier le contrat STM 9 290 340 C40 pour le remplacement de vingt-quatre escaliers mécaniques adjugés à le Groupe Manufacturier d’Ascenseurs Global Tardif Inc. le 5 juin 2013.
Cette résiliation sera effective le 30 novembre 2018.
À compter de cette date, Global Tardif ne sera plus admise dans aucun des sites visés par le contrat STM 9 290 340 C40 et la STM prendra alors possession de tous les matériaux, outils, équipements mobiliers qui seront demeurés sur les lieux des travaux.
(…)
Toutefois, compte tenu que la disponibilité des escaliers est essentielle pour les usagers des services de la STM, sans restreindre de quelque façon que ce soit la portée de ce qui précède, et dans une tentative ultime d’obtenir la livraison des équipements prévus au contrat, si et seulement si Global Tardif ou la Caution complètent entièrement les travaux concernant les chantiers présentement en cours de façon conforme au contrat et à tous les règlements, codes, lois ou autres normes applicables et qu’elle fournit tous les renseignements ou toutes déclarations requises par quelque instance administrative, avant la date effective de la résiliation mentionnée ci-avant, la STM pourrait, accepter de discuter et de négocier les conditions d’une éventuelle reprise de l’exécution du contrat étant entendu que des garanties supplémentaires seraient exigées, le cas échéant.
[16] Le Contrat prévoit ce qui suit à propos du défaut[13] :
3.8 DÉFAUT
3.8.1 L’adjudicataire est en défaut s’il enfreint quelque disposition du contrat ou manque à ses obligations et, notamment, s’il :
Ne commence pas les travaux à la date mentionnée à l’ordre écrit du Représentant désigné; ou
Suspend complètement les travaux sans excuse légitime; ou
Poursuit les travaux sans la diligence requise; ou
Fait faillite, cesse ses activités, fait cession de ses biens au profit de ses créanciers, dépose une requête en faillite ou si un fiduciaire ou un séquestre a été nommé à l’égard de la totalité ou d’une partie importante de ses biens; ou
Refuse de façon générale ou néglige de fournir la main-d’œuvre expérimentée et les matériaux adéquats; ou
Ne paie pas les sous-traitants pour les matériaux fournis ou la main-d’œuvre employée; ou
Enfreint les lois, conventions collectives, règlements ou les ordres du Représentant désigné; ou
Refuse généralement ou néglige de remplir le contrat suivant les plans et devis.
3.8.2 Dans le cas de défaut de l’Adjudicataire, le Représentant désigné pourra en aviser par écrit l’Adjudicataire et lui ordonner d’y remédier dans les quarante-huit (48) heures de la réception de l’avis.
[17] Ajoutons que le Contrat prévoit la possibilité pour la STM de résiliation sans cause sous la rubrique 4.11.
[18] Le 23 novembre 2018, Global Tardif répond aux procureurs de la STM, spécifiant attendre des clarifications, et confirme que Global Tardif entend compléter les travaux en cours, tout en se conformant dans la mesure du possible aux exigences établies par la RBQ, mais que les travaux seront exécutés sous protêt[14].
[19] Le 26 novembre 2018, la Caution refuse de donner suite à la demande d’intervention requise par la STM. La Caution constate l’existence d’un litige entre les parties et que, notamment, Global Tardif allègue que la STM a fait défaut de remplir l’ensemble de ses engagements vis-à-vis la première[15].
[20] Au cours de la semaine du 26 novembre 2018, Global Tardif est informée que la STM entreprend des démarches pour trouver des entrepreneurs afin de terminer les travaux et que l’entrepreneur choisi aura accès à des plans, devis et instructions provenant d’ingénieurs de la STM, ce qui avait été refusé à Global Tardif[16].
[21] Au sujet de la venue d’un nouvel entrepreneur, qui est maintenant identifié comme étant Ascenseurs Maxi, Global Tardif allègue que celui-ci n’a pas la compétence requise puisqu’il n’est pas un entrepreneur accrédité par le fabricant des escaliers mécaniques, Fujitec. Or, Groupe Tardif allègue être le seul distributeur autorisé et accrédité des escaliers mécaniques fabriqués par Fujitec et que seule Global Tardif peut les assembler, les installer et les livrer au Québec[17].
[22] Le 30 novembre 2018, la STM confirme la résiliation du Contrat à partir de cette date[18].
[23] À l’étape de l’Ordonnance de sauvegarde, les conclusions de la procédure se lisent comme suit,
ORDONNER à la Société de transport de Montréal de retirer la compagnie Ascenseurs Maxi Inc., ou toute autre entreprise ayant été retenue par la Société de transport de Montréal, des chantiers pour effectuer les derniers travaux visés par la mise en service des sept escaliers mécaniques, visés par l’Entente du 30 juin 2006, pièce P-6;
ORDONNER à la Société de transport de Montréal de communiquer toute l’information requise et manquante relativement à la mesure compensatoire RBQ-APL-00235 pour permettre à Groupe manufacturier d’ascenseurs Global Tardif Inc. de compléter la mise en service desdits sept escaliers mécaniques;
ORDONNER à la Société de transport de Montréal, de permettre à Groupe manufacturier d’ascenseurs Global Tardif Inc. d’accéder au chantier afin d’effectuer les travaux suivants :
a) inspecter et valider les ajustements aux sept escaliers mécaniques en construction effectués avant et pendant l’intervention d’Ascenseurs Maxi Inc.;
b) communiquer toutes les informations requises et manquantes relativement à la mesure compensatoire RBQ-APL-00235 pour permettre à Groupe manufacturier d’ascenseurs Global Tardif Inc. de compléter la mise en service des dits sept escaliers mécaniques;
c) mettre en service les escaliers mécaniques faisant l’objet de l’entente du 30 juin 2007 (Pièce P-6) et du contrat (Pièce P-5);
PRENDRE ACTE de l’engagement de Groupe manufacturier d’ascenseurs Global Tardif Inc. de compléter lesdits travaux dans les soixante jours du jugement à intervenir sur sa demande pour permission d’une ordonnance de sauvegarde, dans la mesure où l’information demandée dans la troisième conclusion et communiqué par la Société de transport de Montréal;
ORDONNER l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel.
[24] Lors des plaidoiries, les procureurs de Global Tardif précisent que la conclusion b) vise en fait à obtenir de la STM toute la documentation et information rattachées à la demande auprès de la RBQ et, également, d’obtenir toute information relativement à une mesure différente qui aurait été prise par la RBQ, suite au courriel du 22 novembre 2018[19].
II LA POSITION DES PARTIES
[25] Global Tardif croit établir tous les éléments nécessaires à l’obtention d’une ordonnance de sauvegarde, soit l’urgence, l’apparence de droit, le préjudice sérieux et la balance des inconvénients en sa faveur.
[26] Plus particulièrement, Global Tardif plaide que l’avis de résiliation du contrat est invalide puisque la STM n’a pas donné l’opportunité réelle à Global Tardif de corriger la situation et compléter le contrat et ce, en refusant de donner suite à ses demandes d’informations.
[27]
Global Tardif souligne qu’étant la seule entreprise autorisée à
assembler, installer et mettre en service les escaliers mécaniques Fujitec, la
STM ne peut confier à une autre entreprise, qui n’est pas accréditée, la
possibilité de les mettre en service. Outre la sécurité du public qui
utiliserait les escaliers mécaniques, Global Tardif souligne qu’à titre de
distributeur des escaliers mécaniques Fujitec, elle peut encourir une
responsabilité civile selon l’article
[28] Global Tardif est d’avis que le critère d’apparence de droit, soit celui de la question sérieuse telle que développée dans l’arrêt de la Cour d’appel Groupe CRH Canada Inc. c. Beauregard[20], est amplement respectée. On souligne au Tribunal que la non-conformité des salles mécaniques est établie par la décision de la RBQ et que Global Tardif s’est déclarée prête à faire les travaux le 23 novembre 2018, suivant la décision de la RBQ, mais qu’il n’y a pas eu de suite à cette proposition.
[29]
À prime abord, la STM plaide que la demande de sauvegarde est abusive
aux termes de l’article
[30] Avec égard pour la position exprimée par la STM à l’audience au sujet de l’abus de procédures, le Tribunal est d’avis qu’il ne s’agit pas ici de la véritable question à trancher et que le Tribunal doit plutôt s’interroger à savoir si, dans le cadre d’une ordonnance de sauvegarde, Global Tardif peut forcer la STM à lui permettre d’exécuter le contrat, soit la livraison des sept escaliers mécaniques.
III ANALYSE
[31] Les parties conviennent qu’avant qu’un tribunal n’émette une ordonnance de sauvegarde, la partie demanderesse doit établir une situation urgente, l’apparence de droit, un préjudice sérieux ou irréparable et que la balance des inconvénients joue en sa faveur[21]. Seuls les cas urgents doivent être considérés puisque l’ordonnance de sauvegarde vise, tout comme l’injonction au stade provisoire, à éviter un mal évident, imminent et irréparable.
[32] Ceci étant dit, le Tribunal entend référer aux principes suivants :
a) L’ordonnance de sauvegarde doit être vue comme une mesure transitoire et limitée dans le temps, mise en place pour permettre aux parties de faire cheminer le dossier judiciaire et passer à l’étape interlocutoire. C’est là l’enseignement qu’il faut retenir de l’arrêt de la Cour d’appel dans Limouzin c. Side City Studios Inc., dans laquelle la Cour écrivait[22] :
[59] Lorsque le tribunal est appelé à rendre une ordonnance de sauvegarde dans le cadre d’une instance en injonction, ce ne peut être que pour permettre aux parties de compléter leur dossier en vue de passer rapidement à l’étape de l’interlocutoire, après avoir accepté un protocole de l’instance respectant les règles de proportionnalité et fixé la date de présentation de la demande en injonction interlocutoire. Ce n’est qu’après cet exercice de gestion qu’il peut se prononcer sur la mesure de sauvegarde recherchée.
b) Le critère d’urgence doit être apprécié de façon stricte et rigoureuse. La nécessité de maintenir un certain équilibre entre les parties, soit le statu quo, ne relève pas le juge de son devoir de vérifier que tous les critères sont respectés[23].
c) L’arrêt Groupe CRH Canada Inc. c. Beauregard[24], confirme et précise que l’injonction interlocutoire est accordée à la vue des trois critères suivants : d’abord la question sérieuse à juger, ensuite, le préjudice sérieux, mais pas nécessairement irréparable, et ce, particulièrement dans un cas opposant un créancier à son débiteur en cas d’inexécution de son obligation, et enfin la détermination de savoir qui, des parties, subira le plus grand préjudice si la demande est accueillie ou refusée.
[33] C’est ainsi que la Cour d’appel dans Groupe CRH écrit :
28 Premièrement, une étude préliminaire du fond
du litige doit établir qu'il y a une question sérieuse à juger. Ce critère est
généralement peu exigeant. Il suffit que la demande ne soit ni frivole ni
vexatoire. Par conséquent, un long examen du bien-fondé de la demande n'est
souvent ni nécessaire ni souhaitable, sauf circonstances exceptionnelles -
comme lorsque l'injonction interlocutoire équivaut pratiquement à une
disposition définitive du litige. L'article
[…]
33 Ainsi, particulièrement s'il s'agit d'une demande relevant du droit privé et opposant un créancier à son débiteur en cas d'inexécution de son obligation, dans les circonstances qui s'y prêtent une injonction interlocutoire peut être émise au Québec si celui qui la demande établit un préjudice «sérieux», et ce, même si le préjudice n'est pas nécessairement «irréparable» en ce qu'il pourrait être compensé au moyen de dommages-intérêts.
34 Troisièmement, il faut rechercher laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l'injonction interlocutoire sera accordée ou refusée dans l'attente d'une décision sur le bien-fondé du dossier au mérite. Il s'agit d'un critère jurisprudentiel qui n'a pas été formellement repris au C.p.c. Les facteurs qui peuvent être considérés lors de l'examen de ce critère de la «prépondérance des inconvénients» sont nombreux, et ils varient d'un cas à l'autre. Dans les cas qui s'y prêtent, l'intérêt public peut d'ailleurs être pris en compte dans le cadre de cette pondération. [Soulignements du Tribunal]
d) L’ordonnance réclamée est-elle de nature mandatoire, et le cas échéant, faut-il appliquer à son analyse un test plus rigoureux tel une forte chance de succès sur le fond de l’affaire comme l’enseigne la Cour suprême dans R. c. Société Radio-Canada[25]?
[34] Abordons maintenant le critère de l’urgence.
[35] Global Tardif s’appuie particulièrement sur le fait que la STM a résilié le contrat et confie maintenant à un autre entrepreneur, non accrédité par le fabricant des escaliers mécaniques, la tâche de terminer et livrer les escaliers. Cette situation, si elle n’est pas corrigée est susceptible, selon Global Tardif, de mettre en danger la sécurité des employés ainsi que la sécurité publique sans parler du fait qu’une mauvaise installation pourrait endommager les escaliers mécaniques et ultimement exposer Global Tardif à des réclamations de la part de Fujitec.
[36] Le juge Hamilton, alors qu’il était à la Cour supérieure, explique comme suit l’urgence[26] :
15 L'analyse de l'urgence de procéder sur un dossier incomplet inclut deux éléments :
a) d'abord, est-ce que l'intervention immédiate du Tribunal est nécessaire pour empêcher qu'une conséquence se produise dans un très proche avenir, et
b) si oui, est-ce que le demandeur a agit avec diligence tel que l'urgence ne peut lui être attribuée?
[37] Le Tribunal est satisfait qu’effectivement, de façon prima facie, Global Tardif démontre que l’intervention immédiate du Tribunal est nécessaire vu son expulsion du chantier et pour éviter la poursuite des travaux par un tiers. Par ailleurs, dans l’optique où Global Tardif a appris vers le 4 décembre 2018 qu’Ascenseurs Maxi l’a remplacée sur le site et que les procédures sont notifiées le 7 décembre, le Tribunal est d’avis que la demanderesse agit avec diligence.
[38] En ce qui concerne l’existence d’une question sérieuse à juger, le Tribunal conçoit que la situation exposée à la procédure rapporte des faits qui méritent un débat. Le litige contractuel entre les parties, la question de savoir si la conformité ou non des salles mécaniques affecte l’exécution du contrat, la divulgation ou non de renseignements supplémentaires touchant l’implication de la RBQ, l’avis de défaut et la résiliation du contrat, l’expulsion de la demanderesse et son remplacement, sont toutes des questions qui convainquent le Tribunal que la demande n’est pas frivole et qu’il y a une question sérieuse à juger.
[39] Ceci étant dit, le Tribunal doit également soupeser la nature de l’ordonnance demandée : il s’agit de forcer par la STM le retrait du chantier d’une entreprise tierce, de forcer la divulgation de renseignements, et de permettre à la demanderesse l’accès au chantier pour qu’elle termine ces travaux. Il s’agit manifestement d’une injonction de nature mandatoire qui demande une analyse qui, selon le Tribunal, va au-delà de la question sérieuse à juger. C’est ce que la Cour suprême indique dans l’arrêt R. c. Société Radio-Canada, dans lequel le critère de la forte apparence de droit est retenu [27]:
15 À mon avis, lorsqu'il s'agit d'examiner une demande d'injonction interlocutoire mandatoire, le critère approprié pour juger de la solidité de la preuve du demandeur à la première étape du test énoncé dans RJR—MacDonald n'est pas celui de l'existence d'une question sérieuse à juger, mais plutôt celui de savoir si le demandeur a établi une forte apparence de droit. Une injonction mandatoire intime au défendeur de faire quelque chose — comme de rétablir le statu quo —, ou d'autrement [TRADUCTION] «restaurer la situation», ce qui est souvent coûteux et pénible pour le défendeur et ce que de longue date l'equity a été réticente à faire. Une telle ordonnance est également (règle générale) difficile à justifier à l'étape interlocutoire, puisque la réparation qui vise à restaurer la situation peut habituellement être obtenue au procès. De plus, comme l'a exprimé le juge Sharpe (dans un ouvrage de doctrine), «le risque qu'un tort soit causé au défendeur est [rarement] moins important que le risque couru par le demandeur du fait de la décision du tribunal de ne pas agir avant le procès». Les conséquences potentiellement sérieuses pour un défendeur du prononcé d'une injonction interlocutoire mandatoire, y compris la décision finale relativement à la poursuite en faveur du plaignant, exigent en outre ce que la Cour a décrit dans RJR—Macdonald comme étant «un examen approfondi sur le fond» à l'étape interlocutoire.
16 Dans certains cas, un dernier élément devra être examiné, soit que, parce que les injonctions interlocutoires mandatoires requièrent que le défendeur fasse quelque chose, elles peuvent constituer un fardeau plus important ou avoir des conséquences coûteuses pour lui. Il faut toutefois garder à l'esprit que le respect d'injonctions prohibitives peut entraîner des coûts aussi lourds que ceux découlant des injonctions mandatoires. Tout en concluant que les demandes d'injonctions interlocutoires mandatoires doivent être examinées à la lumière d'une version modifiée du test énoncé dans RJR—MacDonald, je reconnais qu'il peut être difficile de faire une distinction entre les injonctions mandatoires et les injonctions prohibitives, puisqu'une injonction interlocutoire au libellé prohibitif peut avoir [TRADUCTION] «l'effet de forcer le défendeur à faire quelque chose». Par exemple, en l'espèce, cesser de diffuser les renseignements établissant l'identité de la victime requerrait qu'un employé de la SRC prenne les mesures nécessaires pour retirer ces renseignements du site Web de l'entreprise. En définitive, le juge de première instance, lorsqu'il qualifie l'injonction interlocutoire de mandatoire ou de prohibitive, doit regarder au-delà de la forme et du libellé de la demande sollicitant l'ordonnance de manière à déceler l'essence de ce qui est recherché et, à la lumière des circonstances particulières de l'affaire, à déterminer [TRADUCTION] «quelles risquent d'être les conséquences pratiques de l'injonction». Bref, le juge de première instance doit examiner si, en substance, l'effet global de l'injonction consisterait à exiger du défendeur qu'il fasse quelque chose ou qu'il s'abstienne de le faire.
17 Ceci m'amène à ce qu'implique l'établissement d'une «forte apparence de droit». Les tribunaux ont utilisé diverses formulations, exigeant que le demandeur présente la preuve [TRADUCTION] «convaincante et manifeste d'une possibilité de succès»; qu'il présente une preuve [TRADUCTION] «convaincante et manifeste» ou « exceptionnellement convaincante et manifeste»; qu'il a [TRADUCTION] «nettement raison»; qu'il y a une [TRADUCTION] «forte probabilité» ou une «forte chance de succès»; qu'il y a une [TRADUCTION] «grande assurance» quant au succès; une [TRADUCTION] «perspective importante» de succès; ou un succès [TRADUCTION] «presque assuré». Toutes ces formulations ont en commun d'imposer au demandeur le fardeau de présenter une preuve telle qu'il serait très susceptible d'obtenir gain de cause au procès. Cela signifie que, lors de l'examen préliminaire de la preuve, le juge de première instance doit être convaincu qu'il y a une forte chance au regard du droit et de la preuve présentée que, au procès, le demandeur réussira ultimement à prouver les allégations énoncées dans l'acte introductif d'instance.
18 En résumé, pour obtenir une injonction interlocutoire mandatoire, le demandeur doit satisfaire à la version modifiée que voici du test établi dans RJR—MacDonald :
(1) Le demandeur doit établir une forte apparence de droit qu'il obtiendra gain de cause au procès. Cela implique qu'il doit démontrer une forte chance au regard du droit et de la preuve présentée que, au procès, il réussira ultimement à prouver les allégations énoncées dans l'acte introductif d'instance;
(2) Le demandeur doit démontrer qu'il subira un préjudice irréparable si la demande d'injonction n'est pas accueillie;
(3) Le demandeur doit démontrer que la prépondérance des inconvénients favorise la délivrance de l'injonction. [Soulignements du Tribunal]
[40] En l’espèce, le Tribunal ne peut conclure que la demanderesse établit dès maintenant une forte chance de succès au procès. En fait, il est certain qu’il existe un débat contractuel sérieux entre les parties, mais justement tout le débat reste à faire.
[41] Ceci soulève une autre question. La STM est une personne morale de droit public. Or, il existe une présomption de validité des gestes qu’elle pose. Dans le cas présent, donner suite à la sauvegarde équivaut, dans l’esprit du Tribunal, à mettre de côté l’avis de défaut et de résiliation de la STM du 19 novembre 2018. C’est cette présomption de validité qui a amené la Cour dans Alstom Canada Inc. c. Société de transport de Montréal à adopter un test de la solide apparence de droit avant d’émettre une injonction [28]:
19 Ceci est d'autant plus vrai que la STM est une personne morale de droit public. À ce titre, elle bénéficie de la présomption générale que ses gestes et décisions sont valides et qu'ils sont pris de bonne foi, comme l'écrit le professeur Yves Ouellette dans son traité Les tribunaux administratifs au Canada:
Selon la jurisprudence, les décisions des tribunaux administratifs, comme tous les actes de l'administration pris sur l'autorité de la loi, bénéficient d'une présomption générale de validité et de régularité procédurale, tant qu'elles n'ont pas été déclarées invalides par un tribunal compétent.
20 De plus, comme l'écrivait l'honorable Jacques Dufresne, alors à la Cour supérieure, dans Coalition rurale du Haut Saint-Laurent c. Meunerie Côté-Paquette inc., lorsqu'il s'agit de remettre en cause une décision d'un organisme public, l'exigence de l'apparence de droit doit être encore plus rigoureuse :
Les requérants n'ont pu démontrer, en fonction de la preuve actuellement au dossier, une apparence sérieuse de droit équivalant à la norme plus exigeante d'une solide apparence de droit.
21 Pour que le Tribunal puisse décider qu'Alstom possède un droit clair, il faudrait qu'il se prononce sur le fond du litige, ce qui ne peut être fait au niveau d'une ordonnance de sauvegarde, comme l'a confirmé la Cour d'appel dans l'arrêt Procureure générale du Québec c. Mario Lord et Procureure générale du Canada :
Le fond du litige qui oppose les parties en l'espèce constitue, en effet, une question sérieuse, importante et controversée qui ne saurait être tranchée sommairement et à propos de laquelle une preuve factuelle et une argumentation juridique élaborée devront être faites par les parties. [Soulignements du Tribunal]
[42] Plus récemment, le juge Prévost dans CRT-Hamel c. Société de transport de Montréal retient le même principe[29] :
25 Le Tribunal est donc d'avis que l'apparence de droit de Hamel n'est pas claire, mais plutôt douteuse. Rappelons que lorsqu'il s'agit de remettre en cause une décision d'un organisme public, comme l'est la STM, l'exigence de l'apparence de droit doit être encore plus rigoureuse. La jurisprudence la qualifie, à l'occasion, de «solide apparence de droit»
[43] Pour conclure sur l’apparence de droit, le Tribunal retient que Global Tardif fait la démonstration d’une question sérieuse à juger, mais ne respecte pas le test de la forte chance de succès dans le cadre d’une ordonnance de nature mandatoire, ni face à un organisme public comme la STM.
[44] Un autre obstacle s’oppose à l’octroi dans le cas présent d’une ordonnance de sauvegarde. Le Tribunal est d’avis que la demande ne respecte pas le critère du préjudice sérieux ou irréparable. Si la Cour d’appel dans l’arrêt Groupe CRH décide que dans le cas opposant un créancier à son débiteur en cas d'inexécution de son obligation, une injonction interlocutoire peut être émise si celui qui la demande établit un préjudice «sérieux», ce n’est pas le cas ici. La demanderesse est le débiteur de l’obligation, soit le remplacement des escaliers mécaniques, et la STM est le créancier de cette obligation qui s’est prévalu de son droit de résiliation. Il n’est pas approprié de forcer le créancier de l’obligation à la recevoir par une ordonnance. C’est ce que le juge Granosik conclut dans Uragold Bay Resources Inc. c. Golden Hope Mines Ltd[30] :
[43] Uragold soutient que ce préjudice consiste en une atteinte à la réputation commerciale ainsi que l’impossibilité de continuer l’exécution du Contrat, si Golden Hope demande à un tiers de faire ce qu’elle devait accomplir initialement.
(…)
[45] Uragold insiste toutefois sur l'exécution en nature des obligations et allègue que sans une ordonnance de sauvegarde elle ne pourra y parvenir, dans la mesure où Golden Hope souhaite désormais retenir d'autres partenaires d'affaires pour leur confier le travail qui était visé par le Contrat comme incombant à Uragold.
[46] Il est vrai que l'exécution en nature est la règle, tel que la Cour d'appel le rappelle dans 9045-6740 Québec inc.:
[12] Contrairement à la common law, généralement, le droit civil reconnaît au créancier contractuel le droit d'exiger l'exécution en nature de l'obligation (1601 C.c.Q.).
[13] Particulièrement en matière contractuelle, l'injonction doit tendre au maintien du statu quo entre les parties. Or, le jugement entrepris a pour effet de mettre de côté la convention des parties et permet à l’intimée de se conduire comme si ladite convention n’existait pas.
[14] Il est vrai qu'en cette matière l'injonction ne doit pas avoir pour effet de forcer une partie, sous peine d'outrage, à adopter l'interprétation contractuelle proposée par son cocontractant. Tel n'est pas le cas en l'espèce. Il n'y a aucune ambiguïté sur les obligations contractuelles de l'intimée aux termes de la convention de franchise. Le texte même du contrat établit nettement l'apparence de droit de l'appelante. Sans trancher le fond de l'affaire, l'appelante a fait une démonstration prima facie de son droit à l'exécution en nature des obligations de l'intimée.
(Références omises, le Tribunal souligne)
[47] En effet, le Code civil du Québec le prévoit explicitement:
1590. L’obligation confère au créancier le droit d’exiger qu’elle soit exécutée entièrement, correctement et sans retard.
Lorsque le débiteur, sans justification, n’exécute pas son obligation et qu’il est en demeure, le créancier peut, sans préjudice de son droit à l’exécution par équivalent de tout ou partie de l’obligation:
1° Forcer l’exécution en nature de l’obligation;
2° Obtenir, si l’obligation est contractuelle, la résolution ou la résiliation du contrat ou la réduction de sa propre obligation corrélative;
[…]
1601. Le créancier, dans les cas qui le permettent, peut demander que le débiteur soit forcé d’exécuter en nature l’obligation.
[48] Le Tribunal retient en conséquence qu'une ordonnance de sauvegarde par laquelle on recherche l'exécution en nature de l'obligation ne peut servir que le créancier de l'obligation vis-à-vis le débiteur, et non pas forcer le créancier de l'obligation à accepter que le débiteur s'exécute.
[49] Voilà pourquoi il n'est pas envisageable en principe
(en l'absence de renonciation à l'application de l'article
[50] Or, en l'espèce, Uragold souhaite continuer d'exécuter sa prestation prévue à l'article 4 du Contrat. Elle veut interdire à Golden Hope de confier à des tiers le travail qu'Uragold aurait dû accomplir. Cette avenue n'est pas envisageable en droit car elle ne correspond pas à une exécution en nature de ce qui pourrait faire l'objet d'une ordonnance de sauvegarde. Il s'agit des obligations dont Uragold est débitrice et non pas créancière - elle ne peut donc exiger leur exécution en nature.
[45] Surtout, le Tribunal ne peut que constater que si la demande de sauvegarde est autorisée, il se trouvera, à toute fin pratique, à mettre de côté l’avis de résiliation de la STM puisque Global Tardif demande accès au chantier et entend terminer les travaux. Que l’ordonnance concerne sept escaliers, plutôt que 24, ne change en rien ce constat : l’avis du 19 novembre 2018 serait invalidé par le Tribunal sans que celui-ci ait pu soupeser la question pleinement et en ne se basant sur ce qui est, au stade provisoire, un dossier parcellaire.
[46] Dans l’arrêt Groupe CRH, la Cour d’Appel écrit sur la balance des inconvénients [31]:
86 Plusieurs facteurs sont pertinents dans l'évaluation du critère de la prépondérance des inconvénients, tel l'effet de l'injonction envisagé sur l'ensemble des activités des parties ou encore l'intérêt public par rapport à l'intérêt privé. Il est en effet «fort important de tenir compte de l'intérêt public dans l'appréciation de la prépondérance des inconvénients». «L'intérêt public» comprend à la fois les intérêts de l'ensemble de la société et les intérêts particuliers de groupes identifiables.
[47] Dans une telle optique, le Tribunal est d’avis que rendre jugement maintenant sur l’ordonnance de sauvegarde, serait de nature à créer un état de faits qui rendrait le jugement au fond inefficace puisque par la sauvegarde, la demanderesse aurait eu accès au chantier et terminerait la mise en état des escaliers mécaniques. Ceci équivaut à régler le fond du litige et amène le Tribunal à conclure que la balance des inconvénients n’est pas dans le cas présent en faveur de la demanderesse.
[48] Pour les raisons qui précèdent, le Tribunal est d’avis qu’il n’est pas approprié dans le cas présent d’émettre l’ordonnance de sauvegarde recherchée par Global Tardif, puisque sa demande de nature mandatoire, ne rencontre pas le test posé par la Cour suprême, soit la forte chance de succès, au surplus la demanderesse s’attaque à la décision de résiliation d’un organisme public et la demanderesse, à titre de débiteur de l’obligation, ne peut forcer son créancier, la STM, à subir l’exécution du contrat par le biais d’une ordonnance de sauvegarde.
[49] POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL :
[50] REJETTE la demande d’Ordonnance de sauvegarde;
[51] LE TOUT frais à suivre.
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__________________________________ FRANÇOIS P. DUPRAT, J.C.S. |
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Me Francis Rouleau Me Patrick Lapierre |
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BLAKE CASSELS GRAYDON |
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Avocats de la demanderesse |
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Me Daniel Maillé Me Philippe Dumaine |
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JOLY CHKIKAR & MAILLÉ AVOCATS Avocats de la défenderesse |
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Date d’audience : |
Le 11 décembre 2018 |
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[1] Pièce P-5.
[2] Pièce P-6
[3] Pièce D-2, en liasse.
[4] Pièce P-7.
[5] Pièce P-7, Annexe, page 3.
[6] Pièce P-9, p. 7-8.
[7] Pièce P-10.
[8] Pièces P-11 et P-12.
[9] Pièce P-13.
[10] Pièce P-14.
[11] Pièce P-15.
[12] Pièce P-16.
[13] Pièce P-5, section C, page 19 de 51.
[14] Pièce P-19.
[15] Pièce P-18.
[16] Pièce P-20.
[17] Pièce P-22, et paragraphe 6 de la demande.
[18] Pièce D-10.
[19] Pièce P-15.
[20]
[21]
RJR - MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général),
[22]
2016 QCCA 1810. Voir la distinction avec l’art.
[23]
Tremblay c. Cast Steel Products (Canada) Ltd.,
[24] Précité, note 20.
[25]
[26]
FB Info Inc. c. Boutin,
[27] Précité, note 25.
[28]
[29]
[30].
[31] Précité, note 20.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.