Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

RÉGION:

Québec

QUÉBEC, le 12 août 1999

 

DOSSIER:

113144-31-9903

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Me Jean-Luc Rivard

 

 

 

 

ASSISTÉ DES MEMBRES :

Gaétan Gagnon

 

 

Associations d'employeurs

 

 

Pierrette Giroux

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST:

115170979-1

AUDIENCE TENUE LE :

10 août 1999

 

 

 

À :

Québec

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JEAN-FRANÇOIS THÉRIAULT

6190, Place Abbé Pierre

Charlesbourg (Québec)

G1H 3Z7

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

ET

 

 

 

 

 

DAISHOWA INC.

10, boul. Des Capucins, C.P. 1487

Québec (Québec)

G1K 7H9

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


DÉCISION

 

[1.]             Le 20 mars 1999, Jean-François Thériault [le travailleur] dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail [la CSST] à la suite d’une révision administrative effectuée le 1er mars 1999.

[2.]             Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a rendue le 17 juillet 1998 à l’effet que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût des lunettes endommagées le 3 juin 1998.

[3.]             À l’audience tenue à Québec le 10 août 1999, seul le travailleur et son représentant étaient présents.  L’employeur bien que dûment convoqué était absent.

 

OBJET DE LA CONTESTATION

[4.]             Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative le 1er mars 1999 et de déclarer qu’il a droit au remboursement des frais pour le remplacement de ses lunettes endommagées le 3 juin 1998 selon les termes de l’article 113 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001.

 

LES FAITS

[5.]             Le travailleur exerce les fonctions d’ouvrier dans une usine de fabrication de pâtes et papiers.

[6.]             Le 8 juin 1998, le travailleur produisait un formulaire de réclamation alléguant les faits suivants survenus le 3 juin 1998 :

«J’étais cinquième main sur la machine à papier numéro 1.  J’ai jeté du papier dans le déchiqueteur et en me penchant, mes lunettes sont tombées dans le déchiqueteur.  Au moment de l’accident, j’étais en sueur.»

 

 

[7.]             À l’audience, le travailleur a rendu témoignage sur les circonstances entourant la perte de ses lunettes dans l’exercice de ses fonctions pour son employeur.  Le travailleur explique qu’il faisait très chaud à l’endroit où il exerçait ses fonctions d’ouvrier de cinquième main sur une machine à papier.  Son visage était en sueur et il portait alors ses lunettes.  Le travailleur a penché le haut de son corps vers l’avant et ses lunettes sont tombées de son visage dans le déchiqueteur.

[8.]             Le travailleur explique que c’est en effectuant un geste pour jeter du papier dans le déchiqueteur tout en se penchant que ses lunettes sont tombées.  La sueur sur son visage a manifestement, selon le travailleur, favorisé la perte de ses lunettes.  D’ailleurs le travailleur précise qu’une corde de retenue est désormais suggérée pour les travailleurs portant des lunettes dans l’exercice de leurs fonctions.  Le travailleur ne bénéficie d’aucun autre régime d’indemnisation visant le remboursement du coût de ses lunettes.

[9.]             On retrouve au dossier une note explicative d’une représentante de l’employeur en rapport avec les conditions ambiantes sur les lieux du travail.  Cette lettre se lit comme suit :

«[…]  La température au niveau des machines à papier peut varier entre 32 celsius et 35 celsius et le taux d’humidité peut atteindre 70%.  Lorsqu’on par le du «beater» la température peut varier entre 42 celsius et 51 celsius et  le  taux  d’humidité  entre  50 et 90 %».

 

ARGUMENTATION DES PARTIES

[10.]         Le représentant du travailleur soumet que l’événement décrit par le travailleur survenu le 3 juin 1998 constitue un événement imprévu et soudain à l’origine du dommage causé à ses lunettes.  Le travailleur a donc droit au remboursement du coût de ses lunettes selon les critères prévus à l’article 113 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

AVIS DES MEMBRES

[11.]         Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que les circonstances décrites par le travailleur permettent de conclure que les lunettes de ce dernier ont été endommagées involontairement lors d’un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause survenant par le fait de son travail.  En effet, le travailleur était penché au-dessus d’une machine alors que le travailleur était en sueur au moment où il a perdu ses lunettes.  Les critères de l’article 113 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles sont donc rencontrés.

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

[12.]         La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit à une indemnité pour le remboursement du coût de ses lunettes endommagées lors de l’événement décrit par ce dernier survenu le 3 juin 1998.

[13.]         L’article 113 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles prévoit les conditions d’ouverture à une telle réclamation dans les termes qui suivent :

113. Un travailleur a droit, sur production de pièces justificatives, à une indemnité pour la réparation ou le remplacement d'une prothèse ou d'une orthèse au sens de la Loi sur la protection de la santé publique (chapitre P - 35) endommagée involontairement lors d'un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant par le fait de son travail, dans la mesure où il n'a pas droit à une telle indemnité en vertu d'un autre régime.

 

  L'indemnité maximale payable pour une monture de lunettes est de 125 $ et elle est de 60 $ pour chaque lentille cornéenne; dans le cas d'une autre prothèse ou orthèse, elle ne peut excéder le montant déterminé en vertu de l'article 198.1.

________

1985, c. 6, a. 113; 1992, c. 11, a. 5.

 

[14.]         L’article 113 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ne nécessite pas que le travailleur subisse une lésion professionnelle pour avoir droit à l’indemnité qui y est prévue.  En fait, cet article vise à indemniser un travailleur qui, sans subir de lésion professionnelle, endommage une prothèse ou une orthèse.  L’article 113 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles exige seulement que le dommage ait été causé involontairement lors d’un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause survenant par le fait du travail exercé par le travailleur.

[15.]         La Commission des lésions professionnelles est d’avis que les circonstances décrites par le travailleur permettent de conclure que les lunettes ont été endommagées involontairement lors d’un événement imprévu et soudain.

[16.]         Le travailleur était penché dans l’exercice de ses fonctions alors que son visage était en sueur en raison des conditions ambiantes de chaleur importante.  Le travailleur a perdu ses lunettes alors qu’il effectuait un geste pour jeter du papier dans le déchiqueteur.  La chute des lunettes dans ces circonstances constitue ici l’événement imprévu et soudain.  L’ensemble de ces circonstances explique la perte des lunettes du travailleur par le fait de son travail..

[17.]         À titre d’illustration, la Commission des lésions professionnelles se réfère à une décision de la Commission des lésions professionnelles concluant au remboursement d’une prothèse dentaire à un travailleur qui exerçait ses fonctions dans un espace restreint tout en ayant la tête penchée[1].  Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles écrivait ce qui suit :

«En effet, cet endommagement est, sans contredit survenu le 1er avril 1996, alors que le travailleur procédait, dans le cadre de son travail, au déblocage d’une boîte à air, tâche impliquant une position penchée de la tête du travailleur, dans un espace plutôt restreint.

 

[…]

 

L’article 113 précité n’exige pas que survienne une lésion professionnelle pour qu’un travailleur ait droit à l’indemnité prévue.  Il suffit qu’une prothèse soit endommagée involontairement lors d’une événement imprévu et soudain attribuable à toute cause et survenant par le fait du travail.

 

En l’espèce, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la prothèse dentairedu travailleur a été endommagée lors de la chute de celle-ci, chute équivalent à un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause et survenant par le fait du travail du travailleur.  En effet, la tâche exercée par le travailleur au moment où il a perdu sa prothèse exigeait qu’il ait la tête penchée dans un espace plutôt restreint, ce n’est donc pas par hasard que le travailleur s’est retrouvé dans cette position inconfortable à ce moment précis.  La Commission des lésions professionnelles considère donc que la chute de la prothèse est survenue par le fait du travail du travailleur.

 

Finalement, que cette prothèse soit tombée sur un plancher de ciment faisant partie des lieux de travail n’est sûrement pas étranger au fait que la dite prothèse ait été sérieusement endommagée.»  (Nos soulignements)

 

 

[18.]         La Commission des lésions professionnelles est d’avis que les principes ci-haut énoncés sont applicables au présent dossier.

[19.]         Dans la présente affaire, rien ne démontre que le travailleur aurait droit à une indemnité en vertu d’un autre régime.  En conséquence, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur a droit à l’indemnité maximale payable selon les modalités de l’article 113 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles à l’égard de ses lunettes endommagées lors de l’événement du 3 juin 1998.

 

[20.]         PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

ACCUEILLE la contestation du travailleur déposée le 20 mars 1999;

 

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 1er mars 1999 à la suite d’une révision administrative;

 

DÉCLARE que le travailleur a droit à l’indemnité maximale prévue selon les modalités de l’article 113 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles pour le remplacement de ses lunettes endommagées lors de l’événement du 3 juin 1998;

 

 

 

 

 

 

 

           JEAN-LUC RIVARD

 

                  Commissaire

 

 

S. C. E.P.

(M. Denis Thomassin)

6278, Place des Zinnias

Charlesbourg (Québec)

G1G 1J9

 

 

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] CLP 108932-71-9812, 30 juin 1999, Me Danièle Gruffy, commissaire;

AVIS :
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