CONSEIL DE DISCIPLINE |
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CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N°: |
26-15-01297 |
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DATE : |
30 mai 2016 |
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LE CONSEIL : |
Me LYNE LAVERGNE, avocate |
Présidente |
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Me ANNIE BOLDUC, notaire |
Membre |
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Me PIERRE PÉLADEAU, notaire |
Membre |
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Me ANNE BOUTIN, notaire, en sa qualité de syndic adjoint de la Chambre des notaires du Québec Plaignante |
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c. |
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« Me » DANIELLE LÉTOURNEAU, autrefois notaire |
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Partie intimée |
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DÉCISION RECTIFIÉE SUR CULPABILITÉ ET SANCTION |
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S’autorisant
des dispositions du deuxième alinéa de l’article |
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INTRODUCTION
[1] Le 11 août 2015, suite à une requête en radiation provisoire déposée par Me Anne Boutin (la plaignante), en sa qualité de syndic adjoint de l’Ordre, contre Mme Danielle Létourneau (l’intimée), autrefois notaire, le Conseil de discipline impose à l’intimée une radiation provisoire, qui lui est signifiée le 12 août 2015 (la Radiation provisoire).
[2] Le 21 décembre 2015 l’intimée plaide coupable, et le 14 janvier 2016, les parties présentent au Conseil des suggestions conjointes sur sanctions que le Conseil trouve raisonnables et adéquates et qu’il entérine dans sa décision du 13 avril 2016 (la Décision).
[3] Les suggestions conjointes prévoient neuf périodes de radiation temporaire, allant d’un mois à trois ans, devant être purgées de façon concurrente, desquelles doivent être déduite la période de radiation provisoire qui aura déjà été purgée, le tout conformément aux enseignements de la Cour d’Appel dans l’affaire Mailloux[1].
[4] Dans sa décision du 13 avril 2016, le Conseil impose à l’intimée neuf périodes de radiation temporaire, allant d’un mois à trois ans, à être purgées de façon concurrente, desquelles doivent être déduite la période de radiation provisoire « purgée à la date de la Décision ».
[5] Afin que la Décision reflète l’intention des parties et du Conseil, soit que la période totale de radiation temporaire purgée par l’intimée soit de 3 ans de façon continue depuis le 12 août 2015, le Conseil rend la présente décision rectificative et modifie en conséquence le dispositif de la Décision, afin qu’il se lise désormais comme suit :
DÉCISION
EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT, LES 21 DÉCEMBRE 2015 ET 14 JANVIER 2016 :
A AUTORISÉ le retrait du chef 9 de la plainte.
A DÉCLARÉ l’intimée coupable des chefs 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 10 de la plainte amendée.
A ORDONNÉ la suspension conditionnelle quant aux renvois suivants :
·
Chef 4 : relativement à l’article
·
Chef 7 : relativement à l’article
·
Chef 8 : relativement à l’article
·
Chef 10 : relativement aux articles
ET LE 13 AVRIL 2016 :
IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes :
· Quant au chef 1 : une radiation temporaire de trois ans;
· Quant au chef 2 : une radiation temporaire de 12 mois;
· Quant au chef 3 : une radiation temporaire de 12 mois;
· Quant au chef 4 : une radiation temporaire de deux mois;
· Quant au chef 5 : une radiation temporaire d’un mois;
· Quant au chef 6 : une radiation temporaire d’un mois;
· Quant au chef 7 : une radiation temporaire d’un mois;
· Quant au chef 8 : une radiation temporaire d’un mois;
· Quant au chef 10 : une radiation temporaire de trois ans.
ORDONNE que ces périodes de radiation temporaire soient purgées de façon concurrente, débutant rétroactivement au 12 août 2015, date de la radiation provisoire et immédiate.
(…)
ORDONNE qu’un avis de la présente décision soit publié dans un journal circulant dans le lieu où l’intimée avait sa place d’affaires.
CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés, incluant les coûts de la publication de l’avis de la présente décision.
ACCORDE à l’intimée un délai de 12 mois pour s’acquitter des déboursés.
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__________________________________ Me LYNE LAVERGNE, avocate Présidente
__________________________________ Me ANNIE BOLDUC, notaire Membre
__________________________________ Me PIERRE PÉLADEAU, notaire Membre
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Me Caroline Thibault-Gervais Gauvin Thibault-Gervais Procureure de la partie plaignante
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Me Jean-Claude Dubé Procureur de la partie intimée
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Dates d’audience : |
Les 21 décembre 2015 et 14 janvier 2016
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Prise en délibéré : Le 14 janvier 2016
CONSEIL DE DISCIPLINE |
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CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N°: |
26-15-01297 |
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DATE : |
Le 13 avril 2016 |
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______________________________________________________________________ |
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LE CONSEIL : |
Me LYNE LAVERGNE, avocate |
Présidente |
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Me ANNIE BOLDUC, notaire |
Membre |
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Me PIERRE PÉLADEAU, notaire |
Membre |
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Me ANNE BOUTIN, notaire, en sa qualité de syndic adjoint de la Chambre des notaires du Québec Plaignante |
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c. |
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« Me » DANIELLE LÉTOURNEAU, autrefois notaire |
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Partie intimée |
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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION |
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S’autorisant
des dispositions du deuxième alinéa de l’article |
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INTRODUCTION
[1] Me Anne Boutin (la plaignante), en sa qualité de syndic adjoint de l’Ordre, reproche à Mme Danielle Létourneau (l’intimée), autrefois notaire, plusieurs infractions dont certaines relatives aux formalités requises par la Loi sur le Notariat[2] à l’égard d’actes faits en minute, d’autres relatives aux inscriptions au répertoire, à la vérification de l’identité des parties ainsi qu’à la transmission des rapports au Registre des dispositions testamentaires et au Registre des mandats donnés en prévision de l’inaptitude.
[2] Le Conseil de discipline s’est réuni les 21 décembre 2015 et 14 janvier 2016 pour procéder à l’audition de la plainte.
[3] L’intimée requiert du Conseil une ordonnance de non-publication, non-divulgation et non-diffusion des pièces SP2, SP3, SP4 en liasse, SP14 en liasse, SP15 ainsi que SP17 ET SP18 relativement aux noms des clients seulement, déposées en preuve, et ce, pour assurer le respect du secret professionnel. La plaignante ne conteste pas la demande d’ordonnance.
[4]
Le Conseil fait droit à cette requête fondée sur l’article
LA PLAINTE ET LA CULPABILITÉ
[5] La plainte portée contre l’intimée se lit comme suit :
1. À Montréal, entre le ou vers le 10 septembre 2014 et le ou vers le 5 mai 2015, l'intimée a omis de respecter les formalités requises énumérées à la Loi sur le notariat lors des rédactions et réceptions de 46 actes.
Ainsi,
l’intimée a contrevenu aux dispositions des articles
2. À Montréal, entre le ou vers le 27 janvier 2015 et le ou vers le 12 mars 2015, l’intimée a altéré un testament reçu sous le numéro 2188 de ses minutes, et ce, après la réception des signatures requises.
Ainsi,
l’intimée a contrevenu aux dispositions de l'article
3. À Montréal, entre le, ou vers le 27 janvier 2015 et le, ou vers le 12 mars 2015, l’intimée a altéré un mandat de protection en cas d’inaptitude reçu sous le numéro 2189 de ses minutes, et ce, après la réception des signatures requises.
Ainsi,
l’intimée a contrevenu aux dispositions de l'article
4. À Montréal, le 28 mai 2015, il a été constaté que l'intimée est en défaut:
-
d'inscrire au répertoire les actes
qu’elle a reçus en minute entre le
10 septembre 2014 et le 5 mai 2015;
- d'effectuer les entrées à l'index au répertoire entre le 10 septembre 2014 et le 5 mai 2015.
Ainsi,
l'intimée a contrevenu aux dispositions des articles
5. À Montréal, entre le ou vers le 10 septembre 2014 et le ou vers le 5 mai 2015, l’intimée a omis de conserver la preuve de vérification de l'identité des parties pour les actes qu'elle a reçus en minute sous les numéros 2186 à 2204, 2206 à 2227et 2229 à 2233.
Ainsi,
l’intimée a contrevenu aux dispositions des articles
6. À Montréal, le ou vers le 24 mars 2015 et le ou vers le 28 avril 2015, l’intimée a omis d’insérer dans son greffe des déclarations constatant l’omission des numéros de minutes 2205 et 2228, d’inscrire au répertoire les numéros omis avec la mention qu’aucun acte n’y correspond et de transmettre copie des déclarations sans délai au secrétaire de l’Ordre.
Ainsi,
l’intimée a contrevenu aux dispositions de l’article
7. À Montréal, l’intimée a transmis tardivement ses rapports au Registre des dispositions testamentaires, pour les périodes suivantes :
# |
Période |
Date de réception des rapports |
1 |
16 au 31 janvier 2015 |
7 mai 2015 |
2 |
1er au 15 février 2015 |
7 mai 2015 |
3 |
16 au 28 février 2015 |
7 mai 2015 |
4 |
1er au 15 mars 2015 |
7 mai 2015 |
5 |
16 au 31 mars 2015 |
7 mai 2015 |
6 |
1er au 15 avril 2015 |
7 mai 2015 |
Ainsi,
l'intimée a contrevenu aux dispositions des articles
8. À Montréal, l’intimée a omis de transmettre ses rapports au Registre des mandats donnés en prévision de l’inaptitude pour les périodes suivantes :
# |
Période |
Date de réception des rapports |
1 |
1er au 15 septembre 2014 |
|
2 |
16 au 30 septembre 2014 |
|
3 |
1er au 15 octobre 2014 |
|
4 |
16 au 31 octobre 2014 |
|
5 |
1er au 15 novembre 2014 |
|
6 |
16 au 30 novembre 2014 |
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7 |
1er au 15 décembre 2014 |
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8 |
16 au 31 décembre 2014 |
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9 |
1er au 15 janvier 2015 |
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10 |
16 au 31 janvier 2015 |
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11 |
1er au 15 février 2015 |
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12 |
16 au 28 février 2015 |
|
13 |
1er au 15 mars 2015 |
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14 |
16 au 31 mars 2015 |
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15 |
1er au 15 avril 2015 |
|
16 |
16 au 30 avril 2015 |
|
17 |
1er au 15 mai 2015 |
|
18 |
16 au 31 mai 2015 |
|
19 |
1er au 15 juin 2015 |
|
Ainsi,
l'intimée a contrevenu aux dispositions des articles
9. À Montréal, entre le ou vers le 22 avril 2015 et le ou vers le 5 mai 2015, l’intimée a omis de déclarer à ses rapports au Registre des dispositions testamentaires, les actes suivants :
|
No de minute |
Acte |
Date de l’acte |
1 |
2224 |
Testament |
22 avril 2015 |
2 |
2225 |
Testament |
22 avril 2015 |
3 |
2226 |
Testament |
28 avril 2015 |
4 |
2227 |
Testament |
28 avril 2015 |
5 |
2229 |
Testament |
4 mai 2015 |
6 |
2230 |
Testament |
5 mai 2015 |
7 |
2231 |
Testament |
5 mai 2015 |
8 |
2232 |
Testament |
5 mai 2015 |
9 |
2233 |
Testament |
5 mai 2015 |
Ainsi,
l’intimée a contrevenu aux dispositions des articles
10. À Montréal, l’intimée a déclaré des fausses dates de réception de 28 actes à ses rapports au Registre des dispositions testamentaires :
Ainsi,
l'intimée a contrevenu aux dispositions des articles, 1, 13 et 56 9 du Code
de déontologie des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 2 et, à défaut
d’application de ses dispositions, elle a posé un acte dérogatoire à l’honneur
ou à la dignité de sa profession ou à la discipline de membres de l’Ordre aux
termes de l’article
[6] D’entrée de jeu, l’intimée plaide coupable relativement aux chefs 1, 2, 3, 5, 6, 7, 8 et 10 de la plainte.
[7] Vu le plaidoyer de culpabilité, la plaignante demande le retrait du chef 9 que le Conseil entérine.
[8]
La plaignante demande de plus un amendement quant au chef 4 afin d’y
retirer le rattachement à l’article
[9] L’intimée consent à l’amendement. Le Conseil, dans les circonstances, accueille la demande d’amendement et l’intimée plaide coupable sur le chef 4 tel qu’amendé.
[10] Après s’être assuré du consentement libre et éclairé de l’intimée, le Conseil, séance tenante et unanimement, la déclare coupable des chefs 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 10 de la plainte.
LE CONTEXTE
[11] L’intimée est notaire et membre de l’Ordre de 1985 à 2015.
[12] De 1992 à 2010, l’intimée occupe des postes de direction au sein de différentes organisations. Puis de 2010 à 2014, elle est chargée de cours, niveau maîtrise, à l’Université de Sherbrooke[3].
[13] En janvier 2015, l’intimée retourne à la pratique privée comme notaire. Elle obtient un mandat de la Congrégation des sœurs missionnaires de l’Immaculée Conception pour préparer et recevoir les testaments des deux cent cinquante sœurs de cette Congrégation. Elle rédige alors une cinquantaine d’actes, tels que des testaments et des mandats en prévision d’inaptitude.
[14] La plaignante lui reproche de ne pas avoir respecté les formalités requises prévues à la Loi sur le Notariat[4] à l’égard de 46 actes, principalement des testaments, d’avoir altéré un testament ainsi qu’un mandat de protection en cas d’inaptitude, de ne pas avoir inscrit au répertoire ni à l’index du répertoire des actes reçus en minute, de ne pas avoir conservé la preuve de vérification de l’identité des parties relativement à plusieurs actes reçus en minute, d’avoir omis d’insérer dans son greffe des déclarations relatives à l’omission de numéros de minute, de les inscrire à son répertoire et d’en transmettre une copie au secrétaire de l’Ordre, d’avoir transmis tardivement des rapports au Registre des dispositions testamentaires, et enfin, d’avoir déclaré des fausses dates de réception de 28 actes au Registre des dispositions testamentaires.
[15] Le 24 juillet 2015, le Conseil entend une requête de la plaignante en radiation provisoire de l’intimée.
[16] Le 11 août 2015, le Conseil impose à l’intimée une radiation provisoire pour valoir jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue dans le présent dossier.
RECOMMANDATIONS CONJOINTES
[17] Les parties recommandent au Conseil d’imposer à l’intimée les périodes de radiation temporaire suivantes à être purgées de façon concurrente :
· Quant au chef 1 : une radiation temporaire de trois ans;
· Quant au chef 2 : une radiation temporaire de 12 mois;
· Quant au chef 3 : une radiation temporaire de 12 mois;
· Quant au chef 4 : une radiation temporaire de deux mois;
· Quant au chef 5 : une radiation temporaire d’un mois;
· Quant au chef 6 : une radiation temporaire d’un mois;
· Quant au chef 7 : une radiation temporaire d’un mois;
· Quant au chef 8 : une radiation temporaire d’un mois;
· Quant au chef 10 : une radiation temporaire de trois ans.
[18] Elles demandent que la période de radiation provisoire déjà purgée, soit déduite de la radiation temporaire de trois ans.
[19] Elles suggèrent de plus que le Conseil ordonne au Secrétaire du Conseil de publier un avis de sa décision dans un journal circulant dans la localité où l’intimée avait sa place d’affaires.
[20] Elles recommandent enfin au Conseil de condamner l’intimée au paiement des déboursés ainsi qu’aux frais de publication de l’avis dans le journal.
QUESTION EN LITIGE
[21] Le Conseil doit-il donner suite aux recommandations conjointes sur sanction?
[22] Le Conseil, après avoir délibéré, donne suite aux recommandations conjointes sur sanction pour les motifs exprimés ci-dessous.
ANALYSE
[23] Lorsque des sanctions sont suggérées conjointement par les parties, le Conseil n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence des suggestions conjointes, mais doit y donner suite s’il les considère raisonnables, adéquates, non contraires à l’intérêt public ni de nature à déconsidérer l’administration de la justice[5].
[24] La finalité du droit disciplinaire n’est pas en soi de punir le professionnel fautif, mais plutôt de trouver une sanction juste, ayant un effet de dissuasion sur le professionnel, d’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession et ainsi, veiller à assurer la protection du public[6].
[25] Pour déterminer si la sanction est raisonnable, le Conseil doit regarder les facteurs objectifs et subjectifs applicables, tels qu’énoncés dans de nombreuses décisions[7].
[26] Le Conseil retient les facteurs suivants au niveau de la gravité objective des infractions :
· Les infractions reprochées constituent des manquements graves et en lien avec la profession, puisqu’un notaire est un officier public et qu’à ce titre, il a pour mission de recevoir les actes qui présenteront un caractère d’authenticité;
· En ne respectant pas des formalités essentielles, telle l’obligation que le testament soit signé devant un témoin en plus du notaire instrumentant, les actes rédigés par l’intimée n’ont pas acquis ce caractère d’authenticité;
· En altérant des actes signés, l’intimée leur fait perdre leur caractère d’acte authentique;
· En transmettant tardivement ses rapports aux Registres des dispositions testamentaires et celui des mandats d’inaptitude ou de protection, l’intimée affecte la fiabilité et l’exactitude des Registres puisque la Registraire ne peut alors transmettre au public des informations exactes. Il en est de même lorsque l’intimée déclare de fausses dates de réception de testaments;
· Comme seuls les notaires transmettent aux Registres des rapports de testaments et de mandats en prévision d’inaptitude, la fiabilité des Registres repose sur la diligence de ces derniers. Cette obligation relève de la protection du public;
· Enfin, en n’inscrivant pas les actes qu’elle a reçus en minute dans le Répertoire ainsi qu’à son index pendant toute la période où elle est revenue à la pratique notariale, l’intimée fait défaut de respecter les règles strictes de tenue de dossiers;
· L’intimée a rédigé ainsi près d’une cinquantaine d’actes sans se rendre compte des erreurs qu’elle y perpétuait;
· Les erreurs commises par l’intimée ont eu de sérieuses conséquences, car ces actes ont dû être ou auront à être refaits;
· Bien que notaire depuis 30 ans, l’intimée n’a pas rédigé d’acte authentique en plus de 20 ans et n’a pas su prendre les mesures pour s’assurer que ses connaissances en la matière demeurent à jour;
· Les infractions se situent donc au cœur même de la profession de notaire.
[27] Le Conseil retient comme facteurs subjectifs aggravants :
· L’insouciance et le laxisme de l’intimée quant à la mise à jour de ses connaissances, à la transmission de ses rapports aux Registres des dispositions testamentaires et celui des mandats d’inaptitude ou de protection;
· Le manque de compréhension de l’intimée relativement aux formalités qu’elle voit comme des règles administratives plutôt que des règles visant la protection du public;
· Le défaut de l’intimée d’aviser l’Ordre de son changement de statut lorsqu’elle commence à recevoir des actes en minute alors qu’elle est sous avis d’exemption de déposer ses rapports bimensuels auprès des deux Registres;
· Le défaut de l’intimée, malgré son engagement du 28 mai 2015, de cesser de rendre des services juridiques alors qu’elle reprend plusieurs actes en minute afin de les rendre conformes, toujours sans avoir mis à jour ses connaissances;
· Le caractère répétitif des infractions;
· Le risque de récidive.
[28] En revanche, on retrouve les facteurs subjectifs atténuants suivants :
· L’intimée admet les faits et plaide coupable;
· Elle n’a pas d’antécédent disciplinaire;
· Elle reconnait ses fautes et exprime des regrets;
· Elle a repris à ses frais plusieurs actes;
[29] Sur le chef 1 relativement au défaut d’avoir respecté les formalités requises pour les actes authentiques, les parties réfèrent aux causes Wolford[8], Séguin[9] et Tremblay[10], dans lesquelles le Conseil impose des périodes de radiation temporaire de 2 à 5 ans pour des chefs semblables.
[30] Les parties suggèrent une radiation temporaire de 3 ans et la considèrent raisonnable dans les circonstances. Le Conseil adhère à cette suggestion.
[31] Quant aux chefs 2 et 3 relatifs à l’altération de deux actes authentiques, le Conseil a imposé des périodes de radiation temporaire allant de 12 à 18 mois dans les dossiers Chouinard[11] et Robinette[12].
[32] Les parties suggèrent ici une radiation temporaire de 12 mois par chef que le Conseil estime raisonnable.
[33] Dans la cause Pelletier[13], le Conseil impose à l’intimé une radiation temporaire de 15 jours, alors que ce dernier a fait défaut de tenir à jour son répertoire pendant une période de 4 mois.
[34] Dans le présent cas, l’intimée a fait défaut de tenir à jour son répertoire pendant 8 mois, soit depuis le début de la reprise de sa pratique jusqu’à la visite de la plaignante, et ce, car elle ignorait les règles à cet égard.
[35] La radiation de deux mois est raisonnable dans les circonstances.
[36] Dans la cause Drolet[14], l’intimée se voit imposer une radiation temporaire d’une semaine pour avoir omis de conserver une preuve d’identité à l’égard de quatre dossiers.
[37] Comme l’intimée dans le présent cas a fait défaut de conserver une preuve d’identité pour chacun des actes qu’elle a reçus, le Conseil juge qu’une radiation temporaire d’un mois est raisonnable.
[38] Quant au chef 6 relativement au défaut d’insérer des déclarations d’omission de deux numéros de minute et d’en transmettre une copie au Secrétaire de l’Ordre, les parties réfèrent à la cause Drouin[15] dans laquelle le Conseil impose une radiation temporaire de deux semaines, car l’intimé n’a pas adressé de copie de ses déclarations au Secrétaire de l’Ordre.
[39] Les parties suggèrent dans le présent cas une radiation temporaire d’un mois, puisque l’intimée a fait défaut de préparer de telles déclarations et non pas seulement de les transmettre au Secrétaire de l’Ordre. Cette suggestion remporte l’adhésion du Conseil.
[40] Quant aux chefs 7 et 8 relativement à la transmission tardive des rapports au Registre des dispositions testamentaires et l’omission de transmettre des rapports au Registre des mandats donnés en prévision d’inaptitude, les parties suggèrent une radiation temporaire d’un mois par chef, à l’instar des causes Bossé[16], St-Pierre[17] et Pelletier[18].
[41] Le Conseil juge ces sanctions raisonnables.
[42] Enfin, quant au chef 10 relatif à la déclaration de fausses dates de réception d’actes dans les rapports au Registre des dispositions testamentaires, les parties réfèrent le Conseil aux causes Hassan[19] et Villeneuve-Daigle[20] dans lesquelles les Conseils de discipline ont respectivement imposé des périodes de radiation temporaire de 18 mois et 3 mois.
[43] A cet égard, le Conseil retient :
· L’appel téléphonique de l’intimée auprès de la registraire concernant son obligation relative aux rapports de testaments;
· Le fait que l’intimée n’a pas cru nécessaire de changer son statut;
· Son laxisme à l’égard du Registre.
Le Conseil trouve raisonnable dans les circonstances la suggestion conjointe d’une radiation temporaire de trois ans quant au chef 10.
[44] Conformément aux enseignements du Tribunal des professions[21], il y a lieu de soustraire de la période de radiation temporaire la durée écoulée de la radiation provisoire.
DÉCISION
EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT, LES 21 DÉCEMBRE 2015 ET 14 JANVIER 2016 :
A AUTORISÉ le retrait du chef 9 de la plainte.
A DÉCLARÉ l’intimée coupable des chefs 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 10 de la plainte amendée.
A ORDONNÉ la suspension conditionnelle quant aux renvois suivants :
·
Chef 4 : relativement à l’article
·
Chef 7 : relativement à l’article
·
Chef 8 : relativement à l’article
·
Chef 10 : relativement aux articles
ET CE JOUR :
IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes :
· Quant au chef 1 : une radiation temporaire de trois ans;
· Quant au chef 2 : une radiation temporaire de 12 mois;
· Quant au chef 3 : une radiation temporaire de 12 mois;
· Quant au chef 4 : une radiation temporaire de deux mois;
· Quant au chef 5 : une radiation temporaire d’un mois;
· Quant au chef 6 : une radiation temporaire d’un mois;
· Quant au chef 7 : une radiation temporaire d’un mois;
· Quant au chef 8 : une radiation temporaire d’un mois;
· Quant au chef 10 : une radiation temporaire de trois ans.
ORDONNE que ces périodes de radiation temporaire soient purgées de façon concurrente.
ORDONNE que soit déduite des périodes de radiation temporaire la période de radiation provisoire purgée à la date de la présente décision.
ORDONNE qu’un avis de la présente décision soit publié dans un journal circulant dans le lieu où l’intimée avait sa place d’affaires.
CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés, incluant les coûts de la publication de l’avis de la présente décision.
ACCORDE à l’intimée un délai de 12 mois pour s’acquitter des déboursés.
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__________________________________ Me LYNE LAVERGNE, avocate Présidente
__________________________________ Me ANNIE BOLDUC, notaire Membre
__________________________________ Me PIERRE PÉLADEAU, notaire Membre
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Me Caroline Thibault-Gervais Gauvin Thibault-Gervais Procureure de la partie plaignante
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Me Jean-Claude Dubé Procureur de la partie intimée
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Dates d’audience : |
Les 21 décembre 2015 et 14 janvier 2016
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Prise en délibéré : Le 14 janvier 2016
[1]
Mailloux c. Deschênes,
[2] LRQ, c. N-3
[3] Pièce SI-1 intitulée « Profil de carrière »
[4] LRQ, c. N-3
[5]
Chan c. Médecins (Ordre professionnel des)
Boudreau c. Avocats (Ordre professionnel des)
Pepin c. Avocats (Ordre professionnel des)
[6] Pigeon c. Daigneault,
[7] Supra, note 2
[8]
Notaires (Chambres des) c. Wolford,
[9]
Notaires (Chambres des) c. Séguin,
[10]
Notaires (Chambres des) c. Tremblay,
[11]
Notaires (Chambres des) c. Chouinard,
[12]
Notaires (Chambres des) c. Robinette,
[13]
Notaires (Chambres des) c. Pelletier,
[14]
Notaires (Chambres des) c. Drolet,
[15]
Notaires (Chambres des) c. Drouin,
[16]
Notaires (Chambres des) c. Bossé,
[17]
Notaires (Chambres des) c. St-Pierre,
[18] Voir note 12
[19]
Notaires (Chambres des) c. Hassan,
[20] Barreau du Québec c. Villeneuve-Daigle, 2015 CanLII 24 (QC CDBQ)
[21]
Voir Kenny c. Dentistes (Corporation professionnelle),
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.