Décision

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Gabarit CSF

CONSEIL DE DISCIPLINE

CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N°:

26-15-01297

 

DATE :

30 mai 2016

______________________________________________________________________

 

LE CONSEIL :

Me LYNE LAVERGNE, avocate

Présidente

Me ANNIE BOLDUC, notaire

Membre

Me PIERRE PÉLADEAU, notaire

Membre

______________________________________________________________________

 

Me ANNE BOUTIN, notaire, en sa qualité de syndic adjoint de la Chambre des notaires du Québec

Plaignante

 

c.

 

« Me » DANIELLE LÉTOURNEAU, autrefois notaire

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RECTIFIÉE

SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

S’autorisant des dispositions du deuxième alinéa de l’article 142 du Code des professions, le Conseil rend une ordonnance de non-publication, DE non-diffusion et de non-divulgation des pièces SP2, SP3, SP4 (en liasse), SP14 (EN LIASSE), SP15 AINSI QUE SP17 ET SP18 RELATIVEMENT AUX NOMS DES CLIENTS SEULEMENT, déposées en preuve.

 

 

 

 

INTRODUCTION

[1]         Le 11 août 2015, suite à une requête en radiation provisoire déposée par Me Anne Boutin (la plaignante), en sa qualité de syndic adjoint de l’Ordre, contre Mme Danielle Létourneau (l’intimée), autrefois notaire, le Conseil de discipline impose à l’intimée une radiation provisoire, qui lui est signifiée le 12 août 2015 (la Radiation provisoire).

[2]         Le 21 décembre 2015 l’intimée plaide coupable, et le 14 janvier 2016, les parties présentent au Conseil des suggestions conjointes sur sanctions que le Conseil trouve raisonnables et adéquates et qu’il entérine dans sa décision du 13 avril 2016 (la Décision).

[3]         Les suggestions conjointes prévoient neuf périodes de radiation temporaire, allant d’un mois à trois ans, devant être purgées de façon concurrente, desquelles doivent être déduite la période de radiation provisoire qui aura déjà été purgée, le tout conformément aux enseignements de la Cour d’Appel dans l’affaire Mailloux[1].

[4]         Dans sa décision du 13 avril 2016, le Conseil impose à l’intimée neuf périodes de radiation temporaire, allant d’un mois à trois ans, à être purgées de façon concurrente, desquelles doivent être déduite la période de radiation provisoire « purgée à la date de la Décision ».

[5]          Afin que la Décision reflète l’intention des parties et du Conseil, soit que la période totale de radiation temporaire purgée par l’intimée soit de 3 ans de façon continue depuis le 12 août 2015, le Conseil rend la présente décision rectificative et modifie en conséquence le dispositif de la Décision, afin qu’il se lise désormais comme suit :

 

DÉCISION

 

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT, LES 21 DÉCEMBRE 2015 ET 14 JANVIER 2016 :

A AUTORISÉ le retrait du chef 9 de la plainte.

A DÉCLARÉ l’intimée coupable des chefs 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 10 de la plainte amendée.

A ORDONNÉ la suspension conditionnelle quant aux renvois suivants :

·        Chef 4 : relativement à l’article 4 du Règlement sur la tenue des dossiers et des études des notaires;

·        Chef 7 : relativement à l’article 1 du Règlement sur la tenue des dossiers et des études des notaires;

·        Chef 8 : relativement à l’article 1 du Règlement sur la tenue des dossiers et des études des notaires;

·        Chef 10 : relativement aux articles 13 et 56 (9) du Code de déontologie des notaires et à l’article 59.2 du Code des professions.

ET LE 13 AVRIL 2016 :

IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes :

·        Quant au chef 1 : une radiation temporaire de trois ans;

·        Quant au chef 2 : une radiation temporaire de 12 mois;

·        Quant au chef 3 : une radiation temporaire de 12 mois;

·        Quant au chef 4 : une radiation temporaire de deux mois;

·        Quant au chef 5 : une radiation temporaire d’un mois;

·        Quant au chef 6 : une radiation temporaire d’un mois;

·        Quant au chef 7 : une radiation temporaire d’un mois;

·        Quant au chef 8 : une radiation temporaire d’un mois;

·        Quant au chef 10 : une radiation temporaire de trois ans.

ORDONNE que ces périodes de radiation temporaire soient purgées de façon concurrente, débutant rétroactivement au 12 août 2015, date de la radiation provisoire et immédiate.

(…)

ORDONNE qu’un avis de la présente décision soit publié dans un journal circulant dans le lieu où l’intimée avait sa place d’affaires.

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés, incluant les coûts de la publication de l’avis de la présente décision.

ACCORDE à l’intimée un délai de 12 mois pour s’acquitter des déboursés.

 

 

 

 

__________________________________

Me LYNE LAVERGNE, avocate

Présidente

 

 

__________________________________

Me ANNIE BOLDUC, notaire

Membre

 

 

__________________________________

Me PIERRE PÉLADEAU, notaire

Membre

 

 

 

 

Me Caroline Thibault-Gervais

Gauvin Thibault-Gervais

Procureure de la partie plaignante

 

 

 

Me Jean-Claude Dubé

Procureur de la partie intimée

 

 

 

 

Dates d’audience :

Les 21 décembre 2015 et 14 janvier 2016

 

Prise en délibéré :     Le 14 janvier 2016

 


CONSEIL DE DISCIPLINE

CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N°:

26-15-01297

 

DATE :

Le 13 avril 2016

______________________________________________________________________

 

LE CONSEIL :

Me LYNE LAVERGNE, avocate

Présidente

Me ANNIE BOLDUC, notaire

Membre

Me PIERRE PÉLADEAU, notaire

Membre

______________________________________________________________________

 

Me ANNE BOUTIN, notaire, en sa qualité de syndic adjoint de la Chambre des notaires du Québec

Plaignante

 

c.

 

« Me » DANIELLE LÉTOURNEAU, autrefois notaire

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

S’autorisant des dispositions du deuxième alinéa de l’article 142 du Code des professions, le Conseil rend une ordonnance de non-publication, DE non-diffusion et de non-divulgation des pièces SP2, SP3, SP4 (en liasse), SP14 (EN LIASSE), SP15 AINSI QUE SP17 ET SP18 RELATIVEMENT AUX NOMS DES CLIENTS SEULEMENT, déposées en preuve.

 

 

 

INTRODUCTION

[1]         Me Anne Boutin (la plaignante), en sa qualité de syndic adjoint de l’Ordre, reproche à Mme Danielle Létourneau (l’intimée), autrefois notaire, plusieurs infractions dont certaines relatives aux formalités requises par la Loi sur le Notariat[2] à l’égard d’actes faits en minute, d’autres relatives aux inscriptions au répertoire, à la vérification de l’identité des parties ainsi qu’à la transmission des rapports au Registre des dispositions testamentaires et au Registre des mandats donnés en prévision de l’inaptitude.

[2]         Le Conseil de discipline s’est réuni les 21 décembre 2015 et 14 janvier 2016 pour procéder à l’audition de la plainte.

[3]         L’intimée requiert du Conseil une ordonnance de non-publication, non-divulgation et non-diffusion des pièces SP2, SP3, SP4 en liasse, SP14 en liasse, SP15 ainsi que SP17 ET SP18 relativement aux noms des clients seulement, déposées en preuve, et ce, pour assurer le respect du secret professionnel. La plaignante ne conteste pas la demande d’ordonnance.

[4]         Le Conseil fait droit à cette requête fondée sur l’article 142 du Code des professions afin d’assurer le respect du secret professionnel.

LA PLAINTE ET LA CULPABILITÉ

[5]         La plainte portée contre l’intimée se lit comme suit :

 

1.    À Montréal, entre le ou vers le 10 septembre 2014 et le ou vers le 5 mai 2015, l'intimée a omis de respecter les formalités requises énumérées à la Loi sur le notariat lors des rédactions et réceptions de 46 actes.

 

Ainsi, l’intimée a contrevenu aux dispositions des articles 45, 46, 49 et 52 de la Loi sur le notariat, RLRQ, c. N-3.

 

2.    À Montréal, entre le ou vers le 27 janvier 2015 et le ou vers le 12 mars 2015, l’intimée a altéré un testament reçu sous le numéro 2188 de ses minutes, et ce, après la réception des signatures requises.

 

Ainsi, l’intimée a contrevenu aux dispositions de l'article 58 de la Loi sur le notariat, RLRQ, c. N-3.

 

3.    À Montréal, entre le, ou vers le 27 janvier 2015 et le, ou vers le 12 mars 2015, l’intimée a altéré un mandat de protection en cas d’inaptitude reçu sous le numéro 2189 de ses minutes, et ce, après la réception des signatures requises.

 

Ainsi, l’intimée a contrevenu aux dispositions de l'article 58 de la Loi sur le notariat, RLRQ, c. N-3.

 

4.    À Montréal, le 28 mai 2015, il a été constaté que l'intimée est en défaut:

 

-      d'inscrire au répertoire les actes qu’elle a reçus en minute entre le
10 septembre 2014 et le 5 mai 2015;

 

-      d'effectuer les entrées à l'index au répertoire entre le 10 septembre 2014 et le 5 mai 2015.

 

Ainsi, l'intimée a contrevenu aux dispositions des articles 10 et 20 de la Loi sur le notariat, RLRQ, c. N-2 et 31 du Règlement sur la tenue des dossiers et des études des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 17.

 

5.    À Montréal, entre le ou vers le 10 septembre 2014 et le ou vers le 5 mai 2015, l’intimée a omis de conserver la preuve de vérification de l'identité des parties pour les actes qu'elle a reçus en minute sous les numéros 2186 à 2204, 2206 à 2227et 2229 à 2233.

 

Ainsi, l’intimée a contrevenu aux dispositions des articles 5 et 6 du Règlement sur la tenue des dossiers et des études des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 17.

 

6.    À Montréal, le ou vers le 24 mars 2015 et le ou vers le 28 avril 2015, l’intimée a omis d’insérer dans son greffe des déclarations constatant l’omission des numéros de minutes 2205 et 2228, d’inscrire au répertoire les numéros omis avec la mention qu’aucun acte n’y correspond et de transmettre copie des déclarations sans délai au secrétaire de l’Ordre.

 

Ainsi, l’intimée a contrevenu aux dispositions de l’article 37 al. 2 de la Loi sur le notariat, RLRQ, c. N-3.

 

7.    À Montréal, l’intimée a transmis tardivement ses rapports au Registre des dispositions testamentaires, pour les périodes suivantes :

 

#

Période

Date de réception

des rapports

1

16 au 31 janvier 2015

7 mai 2015

2

1er au 15 février 2015

7 mai 2015

3

16 au 28 février 2015

7 mai 2015

4

1er au 15 mars 2015

7 mai 2015

5

16 au 31 mars 2015

7 mai 2015

6

1er au 15 avril 2015

7 mai 2015

 

Ainsi, l'intimée a contrevenu aux dispositions des articles 94 de la Loi sur le notariat, RLRQ, c. N-3 et 1 du Règlement sur les registres de la Chambre des notaires du Québec, RLRQ, c. N-3, r. 13.

 

8.    À Montréal, l’intimée a omis de transmettre ses rapports au Registre des mandats donnés en prévision de l’inaptitude pour les périodes suivantes :

 

#

Période

Date de réception

des rapports

1

1er au 15 septembre 2014

 

2

16 au 30 septembre 2014

 

3

1er au 15 octobre 2014

 

4

16 au 31 octobre 2014

 

5

1er au 15 novembre 2014

 

6

16 au 30 novembre 2014

 

7

1er au 15 décembre 2014

 

8

16 au 31 décembre 2014

 

9

1er au 15 janvier 2015

 

10

16 au 31 janvier 2015

 

11

1er au 15 février 2015

 

12

16 au 28 février 2015

 

13

1er au 15 mars 2015

 

14

16 au 31 mars 2015

 

15

1er au 15 avril 2015

 

16

16 au 30 avril 2015

 

17

1er au 15 mai 2015

 

18

16 au 31 mai 2015

 

19

1er au 15 juin 2015

 

 

Ainsi, l'intimée a contrevenu aux dispositions des articles 94 de la Loi sur le notariat, RLRQ, c. N-3 et 1 du Règlement sur les registres de la Chambre des notaires du Québec, RLRQ, c. N-3, r. 13.

 

9.    À Montréal, entre le ou vers le 22 avril 2015 et le ou vers le 5 mai 2015, l’intimée a omis de déclarer à ses rapports au Registre des dispositions testamentaires, les actes suivants :

 

 

No de

minute

Acte

Date de l’acte

1

2224

Testament

22 avril 2015

2

2225

Testament

22 avril 2015

3

2226

Testament

28 avril 2015

4

2227

Testament

28 avril 2015

5

2229

Testament

4 mai 2015

6

2230

Testament

5 mai 2015

7

2231

Testament

5 mai 2015

8

2232

Testament

5 mai 2015

9

2233

Testament

5 mai 2015

 

Ainsi, l’intimée a contrevenu aux dispositions des articles 96 de la Loi sur le notariat, RLRQ, c. N-3 et 1 du Règlement sur les registres de la Chambre des notaires du Québec, RLRQ, c. N-3, r. 13.

 

10. À Montréal, l’intimée a déclaré des fausses dates de réception de 28 actes à ses rapports au Registre des dispositions testamentaires :

 

Ainsi, l'intimée a contrevenu aux dispositions des articles, 1, 13 et 56 9 du Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 2 et, à défaut d’application de ses dispositions, elle a posé un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline de membres de l’Ordre aux termes de l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ, c. C-26.

[6]         D’entrée de jeu, l’intimée plaide coupable relativement aux chefs 1, 2, 3, 5, 6, 7, 8 et 10 de la plainte.

[7]         Vu le plaidoyer de culpabilité, la plaignante demande le retrait du chef 9 que le Conseil entérine.

[8]         La plaignante demande de plus un amendement quant au chef 4 afin d’y retirer le rattachement à l’article 10 de la Loi sur le Notariat et d’y substituer l’article 19 de la même loi.

[9]         L’intimée consent à l’amendement. Le Conseil, dans les circonstances, accueille la demande d’amendement et l’intimée plaide coupable sur le chef 4 tel qu’amendé.

[10]      Après s’être assuré du consentement libre et éclairé de l’intimée, le Conseil, séance tenante et unanimement, la déclare coupable des chefs 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 10 de la plainte.

LE CONTEXTE

[11]      L’intimée est notaire et membre de l’Ordre de 1985 à 2015.

[12]      De 1992 à 2010, l’intimée occupe des postes de direction au sein de différentes organisations. Puis de 2010 à 2014, elle est chargée de cours, niveau maîtrise, à l’Université de Sherbrooke[3].

 

[13]      En janvier 2015, l’intimée retourne à la pratique privée comme notaire. Elle obtient un mandat de la Congrégation des sœurs missionnaires de l’Immaculée Conception pour préparer et recevoir les testaments des deux cent cinquante sœurs de cette Congrégation. Elle rédige alors une cinquantaine d’actes, tels que des testaments et des mandats en prévision d’inaptitude.

[14]      La plaignante lui reproche de ne pas avoir respecté les formalités requises prévues à la Loi sur le Notariat[4] à l’égard de 46 actes, principalement des testaments, d’avoir altéré un testament ainsi qu’un mandat de protection en cas d’inaptitude, de ne pas avoir inscrit au répertoire ni à l’index du répertoire des actes reçus en minute, de ne pas avoir conservé la preuve de vérification de l’identité des parties relativement à plusieurs actes reçus en minute, d’avoir omis d’insérer dans son greffe des déclarations relatives à l’omission de numéros de minute, de les inscrire à son répertoire et d’en transmettre une copie au secrétaire de l’Ordre, d’avoir transmis tardivement des rapports au Registre des dispositions testamentaires, et enfin, d’avoir déclaré des fausses dates de réception de 28 actes au Registre des dispositions testamentaires.

[15]      Le 24 juillet 2015, le Conseil entend une requête de la plaignante en radiation provisoire de l’intimée.

[16]      Le 11 août 2015, le Conseil impose à l’intimée une radiation provisoire pour valoir jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue dans le présent dossier.

 

 

RECOMMANDATIONS CONJOINTES

[17]      Les parties recommandent au Conseil d’imposer à l’intimée les périodes de radiation temporaire suivantes à être purgées de façon concurrente :

·        Quant au chef 1 : une radiation temporaire de trois ans;

·        Quant au chef 2 : une radiation temporaire de 12 mois;

·        Quant au chef 3 : une radiation temporaire de 12 mois;

·        Quant au chef 4 : une radiation temporaire de deux mois;

·        Quant au chef 5 : une radiation temporaire d’un mois;

·        Quant au chef 6 : une radiation temporaire d’un mois;

·        Quant au chef 7 : une radiation temporaire d’un mois;

·        Quant au chef 8 : une radiation temporaire d’un mois;

·        Quant au chef 10 : une radiation temporaire de trois ans.

[18]      Elles demandent que la période de radiation provisoire déjà purgée, soit déduite de la radiation temporaire de trois ans.

[19]      Elles suggèrent de plus que le Conseil ordonne au Secrétaire du Conseil de publier un avis de sa décision dans un journal circulant dans la localité où l’intimée avait sa place d’affaires.

[20]      Elles recommandent enfin au Conseil de condamner l’intimée au paiement des déboursés ainsi qu’aux frais de publication de l’avis dans le journal.

QUESTION EN LITIGE

[21]      Le Conseil doit-il donner suite aux recommandations conjointes sur sanction?

[22]      Le Conseil, après avoir délibéré, donne suite aux recommandations conjointes sur sanction pour les motifs exprimés ci-dessous.

ANALYSE

[23]      Lorsque des sanctions sont suggérées conjointement par les parties, le Conseil n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence des suggestions conjointes, mais doit y donner suite s’il les considère raisonnables, adéquates, non contraires à l’intérêt public ni de nature à déconsidérer l’administration de la justice[5].

[24]      La finalité du droit disciplinaire n’est pas en soi de punir le professionnel fautif, mais plutôt de trouver une sanction juste, ayant un effet de dissuasion sur le professionnel, d’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession et ainsi, veiller à assurer la protection du public[6].

[25]      Pour déterminer si la sanction est raisonnable, le Conseil doit regarder les facteurs objectifs et subjectifs applicables, tels qu’énoncés dans de nombreuses décisions[7].

[26]      Le Conseil retient les facteurs suivants au niveau de la gravité objective des infractions :

·        Les infractions reprochées constituent des manquements graves et en lien avec la profession, puisqu’un notaire est un officier public et qu’à ce titre, il a pour mission de recevoir les actes qui présenteront un caractère d’authenticité;

·        En ne respectant pas des formalités essentielles, telle l’obligation que le testament soit signé devant un témoin en plus du notaire instrumentant, les actes rédigés par l’intimée n’ont pas acquis ce caractère d’authenticité;

·        En altérant des actes signés, l’intimée leur fait perdre leur caractère d’acte authentique;

·        En transmettant tardivement ses rapports aux Registres des dispositions testamentaires et celui des mandats d’inaptitude ou de protection, l’intimée affecte la fiabilité et l’exactitude des Registres puisque la Registraire ne peut alors transmettre au public des informations exactes. Il en est de même lorsque l’intimée déclare de fausses dates de réception de testaments;

·        Comme seuls les notaires transmettent aux Registres des rapports de testaments et de mandats en prévision d’inaptitude, la fiabilité des Registres repose sur la diligence de ces derniers. Cette obligation relève de la protection du public;

·        Enfin, en n’inscrivant pas les actes qu’elle a reçus en minute dans le Répertoire ainsi qu’à son index pendant toute la période où elle est revenue à la pratique notariale, l’intimée fait défaut de respecter les règles strictes de tenue de dossiers;

·        L’intimée a rédigé ainsi près d’une cinquantaine d’actes sans se rendre compte des erreurs qu’elle y perpétuait;

·        Les erreurs commises par l’intimée ont eu de sérieuses conséquences, car ces actes ont dû être ou auront à être refaits;

·        Bien que notaire depuis 30 ans, l’intimée n’a pas rédigé d’acte authentique en plus de 20 ans et n’a pas su prendre les mesures pour s’assurer que ses connaissances en la matière demeurent à jour;

·        Les infractions se situent donc au cœur même de la profession de notaire.

[27]      Le Conseil retient comme facteurs subjectifs aggravants :

·        L’insouciance et le laxisme de l’intimée quant à la mise à jour de ses connaissances, à la transmission de ses rapports aux Registres des dispositions testamentaires et celui des mandats d’inaptitude ou de protection;

·        Le manque de compréhension de l’intimée relativement aux formalités qu’elle voit comme des règles administratives plutôt que des règles visant la protection du public;

·        Le défaut de l’intimée d’aviser l’Ordre de son changement de statut lorsqu’elle commence à recevoir des actes en minute alors qu’elle est sous avis d’exemption de déposer ses rapports bimensuels auprès des deux Registres;

·        Le défaut de l’intimée, malgré son engagement du 28 mai 2015, de cesser de rendre des services juridiques alors qu’elle reprend plusieurs actes en minute afin de les rendre conformes, toujours sans avoir mis à jour ses connaissances;

·        Le caractère répétitif des infractions;

·        Le risque de récidive.

[28]      En revanche, on retrouve les facteurs subjectifs atténuants suivants :

·        L’intimée admet les faits et plaide coupable;

·        Elle n’a pas d’antécédent disciplinaire;

·        Elle reconnait ses fautes et exprime des regrets;

·        Elle a repris à ses frais plusieurs actes;

 

 

[29]      Sur le chef 1 relativement au défaut d’avoir respecté les formalités requises pour les actes authentiques, les parties réfèrent aux causes Wolford[8], Séguin[9] et Tremblay[10], dans lesquelles le Conseil impose des périodes de radiation temporaire de 2 à 5 ans pour des chefs semblables.

[30]      Les parties suggèrent une radiation temporaire de 3 ans et la considèrent raisonnable dans les circonstances. Le Conseil adhère à cette suggestion.

[31]      Quant aux chefs 2 et 3 relatifs à l’altération de deux actes authentiques, le Conseil a imposé des périodes de radiation temporaire allant de 12 à 18 mois dans les dossiers Chouinard[11] et Robinette[12].

[32]      Les parties suggèrent ici une radiation temporaire de 12 mois par chef que le Conseil estime raisonnable.

[33]      Dans la cause Pelletier[13], le Conseil impose à l’intimé une radiation temporaire de 15 jours, alors que ce dernier a fait défaut de tenir à jour son répertoire pendant une période de 4 mois.

[34]      Dans le présent cas, l’intimée a fait défaut de tenir à jour son répertoire pendant 8 mois, soit depuis le début de la reprise de sa pratique jusqu’à la visite de la plaignante, et ce, car elle ignorait les règles à cet égard.

[35]      La radiation de deux mois est raisonnable dans les circonstances.

[36]      Dans la cause Drolet[14], l’intimée se voit imposer une radiation temporaire d’une semaine pour avoir omis de conserver une preuve d’identité à l’égard de quatre dossiers.

[37]      Comme l’intimée dans le présent cas a fait défaut de conserver une preuve d’identité pour chacun des actes qu’elle a reçus, le Conseil juge qu’une radiation temporaire d’un mois est raisonnable.

[38]      Quant au chef 6 relativement au défaut d’insérer des déclarations d’omission de deux numéros de minute et d’en transmettre une copie au Secrétaire de l’Ordre, les parties réfèrent à la cause Drouin[15] dans laquelle le Conseil impose une radiation temporaire de deux semaines, car l’intimé n’a pas adressé de copie de ses déclarations au Secrétaire de l’Ordre.

[39]      Les parties suggèrent dans le présent cas une radiation temporaire d’un mois, puisque l’intimée a fait défaut de préparer de telles déclarations et non pas seulement de les transmettre au Secrétaire de l’Ordre. Cette suggestion remporte l’adhésion du Conseil.

[40]      Quant aux chefs 7 et 8 relativement à la transmission tardive des rapports au Registre des dispositions testamentaires et l’omission de transmettre des rapports au Registre des mandats donnés en prévision d’inaptitude, les parties suggèrent une radiation temporaire d’un mois par chef, à l’instar des causes Bossé[16], St-Pierre[17] et Pelletier[18].

[41]      Le Conseil juge ces sanctions raisonnables.

[42]      Enfin, quant au chef 10 relatif à la déclaration de fausses dates de réception d’actes dans les rapports au Registre des dispositions testamentaires, les parties réfèrent le Conseil aux causes Hassan[19] et Villeneuve-Daigle[20] dans lesquelles les Conseils de discipline ont respectivement imposé des périodes de radiation temporaire de 18 mois et 3 mois.

[43]      A cet égard, le Conseil retient :

·        L’appel téléphonique de l’intimée auprès de la registraire concernant son obligation relative aux rapports de testaments;

·        Le fait que l’intimée n’a pas cru nécessaire de changer son statut;

·        Son laxisme à l’égard du Registre.

Le Conseil trouve raisonnable dans les circonstances la suggestion conjointe d’une radiation temporaire de trois ans quant au chef 10.

[44]      Conformément aux enseignements du Tribunal des professions[21], il y a lieu de soustraire de la période de radiation temporaire la durée écoulée de la radiation provisoire.

DÉCISION

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT, LES 21 DÉCEMBRE 2015 ET 14 JANVIER 2016 :

A AUTORISÉ le retrait du chef 9 de la plainte.

A DÉCLARÉ l’intimée coupable des chefs 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 10 de la plainte amendée.

A ORDONNÉ la suspension conditionnelle quant aux renvois suivants :

·        Chef 4 : relativement à l’article 4 du Règlement sur la tenue des dossiers et des études des notaires;

·        Chef 7 : relativement à l’article 1 du Règlement sur la tenue des dossiers et des études des notaires;

·        Chef 8 : relativement à l’article 1 du Règlement sur la tenue des dossiers et des études des notaires;

·        Chef 10 : relativement aux articles 13 et 56 (9) du Code de déontologie des notaires et à l’article 59.2 du Code des professions.

ET CE JOUR :

IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes :

·        Quant au chef 1 : une radiation temporaire de trois ans;

·        Quant au chef 2 : une radiation temporaire de 12 mois;

·        Quant au chef 3 : une radiation temporaire de 12 mois;

·        Quant au chef 4 : une radiation temporaire de deux mois;

·        Quant au chef 5 : une radiation temporaire d’un mois;

·        Quant au chef 6 : une radiation temporaire d’un mois;

·        Quant au chef 7 : une radiation temporaire d’un mois;

·        Quant au chef 8 : une radiation temporaire d’un mois;

·        Quant au chef 10 : une radiation temporaire de trois ans.

ORDONNE que ces périodes de radiation temporaire soient purgées de façon concurrente.

ORDONNE que soit déduite des périodes de radiation temporaire la période de radiation provisoire purgée à la date de la présente décision.

ORDONNE qu’un avis de la présente décision soit publié dans un journal circulant dans le lieu où l’intimée avait sa place d’affaires.

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés, incluant les coûts de la publication de l’avis de la présente décision.

ACCORDE à l’intimée un délai de 12 mois pour s’acquitter des déboursés.

 

 

 

 

__________________________________

Me LYNE LAVERGNE, avocate

Présidente

 

 

__________________________________

Me ANNIE BOLDUC, notaire

Membre

 

 

__________________________________

Me PIERRE PÉLADEAU, notaire

Membre

 

 

 

 

Me Caroline Thibault-Gervais

Gauvin Thibault-Gervais

Procureure de la partie plaignante

 

 

 

Me Jean-Claude Dubé

Procureur de la partie intimée

 

 

Dates d’audience :

Les 21 décembre 2015 et 14 janvier 2016

 

Prise en délibéré :     Le 14 janvier 2016


 



[1] Mailloux c. Deschênes, 2015 QCCA 1619 (CanLII)

[2] LRQ, c. N-3

[3] Pièce SI-1 intitulée « Profil de carrière »

[4] LRQ, c. N-3

[5] Chan c. Médecins (Ordre professionnel des) 2014 QCTP 5-A

Boudreau c. Avocats (Ordre professionnel des) 2006 QCTP 41

Pepin c. Avocats (Ordre professionnel des) 2008 QCTP 152

[6] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA)

[7] Supra, note 2

[8] Notaires (Chambres des) c. Wolford, 2009 CanLII 91077 (QC CDNQ),

[9] Notaires (Chambres des) c. Séguin, 2009 CanLII 91072 (QC CDNQ)

[10] Notaires (Chambres des) c. Tremblay, 2014 CanLII 60355 (QC CDNQ)

[11] Notaires (Chambres des) c. Chouinard, 2014 CanLII 38642 (QC CDNQ)

[12] Notaires (Chambres des) c. Robinette, 2014 CanLII 58660 (QC CDNQ)

[13] Notaires (Chambres des) c. Pelletier, 2014 CanLII 51985 (QC CDNQ)

[14] Notaires (Chambres des) c. Drolet, 2009 CanLII 91075 (QC CDNQ)

[15] Notaires (Chambres des) c. Drouin, 2012 CanLII 85952 (QC CDNQ)

[16] Notaires (Chambres des) c. Bossé, 2014 CanLII 61582 (QC CDNQ)

[17] Notaires (Chambres des) c. St-Pierre, 2011 CanLII 97696 (QC CDNQ)

[18] Voir note 12

[19] Notaires (Chambres des) c. Hassan, 2014 CanLII 74737 (QC CDNQ)

[20] Barreau du Québec c. Villeneuve-Daigle, 2015 CanLII 24 (QC CDBQ)

[21] Voir Kenny c. Dentistes (Corporation professionnelle), [1993] D.D.C.P. 214, repris dans Mailloux c. Deschênes, 2015 QCCA 1619 (CanLII)

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.