Boucherie St-Jean de Lachute inc. c. M & M Meat Chops Ltd. (Aliments M & M/M & M Meat Shops) |
2015 QCCS 621 |
JC2316 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TERREBONNE |
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No : |
700-17-009746-131 |
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DATE : |
23 février 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L'HONORABLE MICHEL A. CARON, J.C.S. |
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BOUCHERIE ST-JEAN DE LACHUTE INC. |
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partie demanderesse |
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c. |
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M&M MEAT CHOPS LTD. (LES ALIMENTS M&M / M&M MEAT SHOPS) |
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partie défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] La demanderesse Boucherie St-Jean de Lachute Inc. (ci-après « la Boucherie ») poursuit la défenderesse pour résiliation unilatérale d’une entente de franchise.
[2] La défenderesse M&M Meat Chops Ltd. (ci-après « M&M ») admet qu’il y a eu entente entre les parties mais insiste que les documents contractuels n’ont jamais été complétés.
[3] La preuve non contredite établit que le principal représentant de la demanderesse, monsieur Pierre St-Jean, a opéré une boucherie à Lachute pendant plusieurs années jusqu’à l’ouverture du magasin M&M le 1er décembre 2010.
[4] Du 1er décembre 2010 jusqu’au mois de septembre 2012, la demanderesse a opéré le magasin M&M de Lachute. Depuis la fin de l’année 2012 jusqu’à aujourd’hui, la demanderesse opère à nouveau une boucherie dans les mêmes locaux concernés.
[5] En tout temps pertinent, il avait été convenu que le magasin M&M de Lachute serait opéré en franchise et dans cette optique, durant la période d’opération, les aliments congelés et vendus dans le magasin étaient achetés chez M&M et une redevance était payée à M&M par la demanderesse.
[6] Le litige découle uniquement de la non-signature du contrat de franchise. D’une part, M&M a toujours insisté pour que le droit d’exploiter la franchise soit conféré à une personne physique, laquelle pouvait ensuite choisir une exploitation par une personne morale à la condition de demeurer solidairement responsable avec cette dernière.
[7] D’autre part, Pierre St-Jean a toujours insisté que seule Boucherie St-Jean de Lachute Inc. serait franchisée et exploiterait la franchise M&M.
[8] Au tout début de la relation d’affaires, c’est Pierre St-Jean qui a rempli le formulaire de renseignements soumis à M&M et c’est Pierre St-Jean qui a rencontré les représentants de M&M. [1]
[9] Après les discussions préliminaires entre les parties, est venu le temps d’acheter l’équipement et de payer les frais de transfert de la franchise. Les pièces P-1 et P-2 confirment que les factures de M&M ont été soumises à Boucherie St-Jean Inc. Ces factures représentaient des paiements de 25 000 $ et 15 000 $.
[10] Au moment de soumettre ces factures et d’ailleurs à tout moment ultérieur, il n’y avait pas de contrat entre les parties. Les montants demandés ont été payés.
[11] En outre, pour l’exploitation du nouveau magasin M&M, la demanderesse a dû débourser des montants importants notamment pour l’aménagement du nouveau local. Ainsi, des frais de réfrigération, peinture, plomberie, uniformes, enseignes, etc. ont été encourus avant l’ouverture du magasin au mois de décembre 2010.
[12] Dès l’ouverture du magasin, ce fut un succès et des ventes importantes furent réalisées par la demanderesse. Dans les mois subséquents, les ventes ont baissé, mais la preuve révèle que la demanderesse n’a jamais été en défaut de paiement face à M&M et toutes les livraisons ont été payées ainsi que les redevances.
[13] En août 2010, un premier projet de convention de franchise a été transmis à Pierre St-Jean et à l’examen de ce document[2], on note que la partie de deuxième part n’est pas identifiée.
[14] Plus tard, en novembre 2010, un deuxième projet de convention de franchise est transmis et cette fois, on y indique le nom de Pierre St-Jean et La Boucherie St-Jean Inc. à titre de partie de deuxième part[3].
[15] Dès réception de ce projet de convention et avant l’ouverture du magasin, Pierre St-Jean et la demanderesse informent M&M :
La convention de franchise doit intervenir entre Les Aliments M&M Ltée et Boucherie St-Jean de Lachute Inc. [4]
[16] Tel que mentionné plus haut, l’ouverture du magasin a lieu le 1er décembre 2010 et le jour même, l’avocate de M&M écrit à la Boucherie en indiquant :
Veuillez prendre note que la convention de franchise est toujours signée à travers le Canada par le franchiseur national, soit M&M Meat Shops Ltd., et les franchisés en leur nom personnel. Elle est par la suite cédée par le biais d’une « Convention de cession, d’indemnisation et prorogation » au nom de l’entreprise qui opère le magasin. [5]
[17] Malgré cette impasse, le magasin continue d’opérer et plus tard, en juin 2011, la demanderesse et l’avocat de Pierre St-Jean indiquent à l’avocate de M&M :
Lors des discussions initiales qui ont eu lieu entre nos clients respectifs, il était prévu que la convention de franchise interviendrait entre Les Aliments M&M et Boucherie St-Jean de Lachute Inc.
En effet, il n’a jamais été question que Pierre St-Jean ni Manon Legault soient parties à ladite convention. [6]
[18] C’est encore l’impasse et l’avocate de M&M répond :
La Convention de franchise des Aliments M&M est la même à travers tout le pays et toutes les conventions de franchise signées - et on parle de plus de 500 à travers le Canda - l’ont toutes été avec les franchisés en leur nom personnel et ensuite cédées à l’entreprise qui opère le magasin respectif par le biais d’une « Convention de cession, d’indemnisation et prorogation ».
Cette même procédure devra être respectée pour le magasin de Lachute, aucune exception n’étant faite à cet égard. [7]
[19] D’autres discussions ont lieu entre les parties et diverses solutions sont envisagées mais sans succès. Le magasin continue d’être opéré.
[20] Le 14 septembre 2012, la demanderesse est ainsi avisée par lettre de l’avocate de M&M :
Par la présente, nous vous informons que le Franchiseur se voit dans l’obligation de vous interdire, à compter d’aujourd’hui, l’exploitation du commerce « les Aliments M&M » situé au 373 B rue Principale, Lachute (Québec). À ce jour, et malgré les nombreux suivis qui ont été effectués auprès de vous depuis 2010, nous n’avons toujours pas reçu de copie signée de votre Convention de Franchise. Vous ne disposez par conséquent d’aucun droit pour opérer ce commerce et vous afficher comme franchisé autorisé de la bannière. [8]
[21] Les opérations cessent alors, certains biens sont récupérés par M&M et quelques semaines plus tard, la demanderesse débutera à nouveau l’opération d’une boucherie.
[22] Dans ses procédures, la demanderesse réclame un montant de 290 460,95 $ pour le coût des travaux et achats effectués en vue d’opérer le magasin M&M de Lachute. La demanderesse ne réclame pas une perte de profits.
[23] La demanderesse allègue que la résiliation unilatérale et intempestive de la convention de franchise par M&M lui a causé les dommages réclamés.
[24] La preuve a révélé que les lieux où était opéré le commerce étaient la propriété d’une compagnie dont Pierre St-Jean était coactionnaire. Pour débuter les opérations, des travaux importants ont été entrepris et lorsque la demanderesse a repris l’opération de la Boucherie en 2012, des nouvelles transformations ont dû être exécutées.
[25] En effet, l’opération du magasin M&M nécessitait des systèmes de réfrigération particuliers puisque les biens vendus étaient principalement des aliments surgelés alors que l’opération d’une boucherie ne nécessite pas le même type de réfrigération.
[26] Il ne fait aucun doute pour le Tribunal qu’il y avait effectivement entente pour l’opération du magasin M&M et devant la preuve soumise, le Tribunal conclut que Boucherie St-Jean de Lachute Inc. pouvait raisonnablement croire que M&M accepterait de ne pas lier Pierre St-Jean personnellement. En effet :
· Dans toute la correspondance échangée sauf dans le formulaire de candidature, Pierre St-Jean réfère toujours à Boucherie St-Jean de Lachute Inc. pour identifier la franchisée;
· Bien avant l’ouverture du magasin, des faits précis ont pu laisser croire à Boucherie St-Jean de Lachute Inc. qu’elle était seule franchisée. En effet, la facture concernant l’équipement au montant de 25 000 $[9] est adressée à Boucherie St-Jean Inc. en 2010. De plus, la facture concernant les frais de transfert et frais de formation au montant de 15 000 $ est aussi adressée à Boucherie St-Jean Inc. le 8 juin 2010[10];
· Le refus catégorique de Pierre St-Jean de s’engager personnellement était connu de M&M bien avant l’ouverture du magasin et en tout temps pendant les opérations qui ont duré de décembre 2010 et à septembre 2012, Boucherie St-Jean Inc. a agi comme étant seule franchisée;
· M&M savait que des frais importants étaient engagés par la demanderesse. M&M a non seulement vendu les aliments surgelés mais M&M a aussi reçu régulièrement ses redevances.
[27] Le Tribunal insiste particulièrement sur le fait que l’équipement ainsi que les frais de transfert de la franchise ont été facturés par M&M à Boucherie St-Jean Inc. et M&M a permis l’ouverture du magasin sachant très bien que Pierre St-Jean refusait de s’engager personnellement.
[28] Au surplus, de décembre 2010 à septembre 2012, dans les circonstances ci-haut mentionnées, M&M a livré régulièrement des aliments surgelés et la rupture de la relation contractuelle entre les parties au mois de septembre 2012 résulte uniquement de la volonté de M&M.
[29] Dans sa défense, au paragraphe 60, M&M soumet que la cessation des livraisons des marchandises et le retrait de bannière ont été la conséquence de l’entêtement injustifié de Pierre St-Jean à ne pas signer la convention de franchise, comme M&M était en droit de s’y attendre suite à la signature par celui-ci du formulaire de candidature.
[30] En examinant le formulaire de candidature[11], on y voit clairement dès le début du formulaire que « Ce formulaire n’engage aucunement les deux parties ».
[31] De plus, le Tribunal réitère que par ses faits et gestes, M&M a laissé croire qu’elle acceptait de transiger avec la demanderesse.
[32] Le Tribunal conclut que la défenderesse ne pouvait pas unilatéralement mettre fin à l’entente intervenue entre les parties et sa décision unilatérale d’interrompre la livraison des marchandises et retirer la bannière M&M était abusive, fautive et génératrice de responsabilité.
[33] Aucun dommage n’est réclamé à titre de perte de profits mais la demanderesse insiste pour le paiement des travaux et achats effectués pour l’exploitation du magasin M&M.
[34] Dans sa requête introductive d’instance, au paragraphe 40, la demanderesse réclame un montant de 290 460,95 $. Plusieurs items ont été retirés lors de l’audience et la défenderesse a soumis, entre autres, que plusieurs items[12] ne peuvent pas être considérés puisque les paiements ont été faits par le locateur.
[35] Ainsi, l’achat et la pose de céramique, l’électricité, les travaux de gypse et l’ébénisterie ont été payés par le locateur et celui-ci n’est pas une partie au présent litige.
[36] Les items énumérés au paragraphe 40 n.q.r.s. de la requête introductive d’instance ne seront pas retenus par le Tribunal.
[37] Par ailleurs, le témoignage de Pierre St-Jean ainsi que l’ensemble des factures et preuves de paiement soumis par la demanderesse viennent confirmer que les travaux, frais de transfert de la franchise et l’achat d’équipements chez M&M totalisent 118 211,23 $.
[38] Cependant, le Tribunal doit prendre en considération que la demanderesse a opéré le magasin M&M pendant 21 mois.
[39] La preuve comptable est silencieuse en ce qui concerne la dépréciation à considérer pour certains items mais le Tribunal retient que s’il y avait eu entente entre les parties, la durée prévue aurait été de l’ordre de dix ans.
[40] À défaut d’une preuve précise, en considérant la durée d’opération du magasin, le Tribunal croit juste et raisonnable d’accorder à la demanderesse 75% des dépenses, soit un montant de 88 658,42 $;
[41] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[42] ACCUEILLE la requête introductive d’instance de la demanderesse;
[43] CONDAMNE la défenderesse M&M Meat Chops Ltd. (Les Aliments M&M / M&M Meat Shops) à payer à la demanderesse Boucherie St-Jean de Lachute Inc. la somme de 88 658,42 $, avec intérêts et indemnité additionnelle à compter du 4 octobre 2012;
[44] AVEC DÉPENS.
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MICHEL A. CARON, J.C.S. |
Me Michel F. Bissonnette procureur de la partie demanderesse
Me Jean-Marc Clément Clément Davignon procureur de la partie défenderesse
date d’audience : 10 février 2015 |
AVIS :
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