[1.] Le 12 mai 1998, Philippe Parker [le travailleur] conteste une décision rendue par le Bureau de révision de la région de Lanaudière le 27 février 1998. Dans les faits, cette décision fut émise par le Bureau de révision seulement à compter du 12 mars 1998, date à laquelle le représentant des travailleurs produisait une dissidence à l’encontre de l’opinion majoritaire émise le 27 février 1998.
[2.] Par cette décision, le Bureau de révision concluait que le travailleur ne détenait pas le statut de travailleur au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3..001.
[3.] À l’audience tenue à Joliette le 17 mai 1999, le travailleur était présent et représenté par Me Cécil Joe Posman. La CSST était présente et représentée par Me Carole Bergeron.
OBJET DE LA CONTESTATION
[4.] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue par le Bureau de révision le 27 février 1998 et de déclarer que monsieur Philippe Parker détient le statut de travailleur au sens de l’article 10 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
LES FAITS
[5.] Monsieur Philippe Parker a soumis une réclamation à la CSST alléguant la survenance d’un accident du travail le 27 septembre 1996 alors qu’il soulevait une pièce de métal d’environ 150 livres.
[6.] Dans ce formulaire, le travailleur précise qu’il est étudiant au Centre de formation professionnelle de Lachine.
[7.] La preuve révèle qu’au moment de l’événement, le travailleur était inscrit à un programme de formation de soudage général et d’assemblage offert par le Service de l’éducation des adultes de la Commission scolaire du Sault St-Louis. Ce cours faisait l’objet d’une subvention par l’assurance-emploi du Canada. L’accident est survenu dans les locaux de la Commission scolaire du Sault St-Louis lors d’un atelier de soudage offert par un professeur à l’emploi de la Commission scolaire du Sault St-Louis.
[8.] Les documents produits à l’audience révèlent que la mission du Centre de formation professionnelle de Lachine est de former ou de perfectionner des gens de métier de sorte que non seulement ils posséderont toutes les connaissances relatives à l’exercice du métier choisi mais aussi sauront maîtriser toutes les compétences nécessaires à l’exercice de ce métier. Un document remis à l’audience précise que la personne qui fréquente le Centre de formation professionnelle de Lachine s’engage à fournir tous les efforts nécessaires à l’atteinte des objectifs pédagogiques fixés dans son profil de formation en participant activement aux activités éducatives présentés par le personnel enseignant.
[9.] Les cours de soudure générale et d’assemblage étaient offerts selon un horaire à temps complet à raison de 32 heures par semaine de 15 h :30 à 22 h : 30.
[10.] À l’audience, le travailleur précise qu’il a poursuivi une formation en matière de soudure alors qu’il bénéficiait des prestations de l’assurance-emploi du Canada. Monsieur Parker pouvait recevoir des indemnités de l’assurance-emploi dans la mesure où il poursuivait cette formation au Centre de formation professionnelle de Lachine. Le travailleur possédait déjà une certaine expérience en soudure et c’est pourquoi il s’est dirigé dans ce secteur de métier. Monsieur Parker explique qu’à la suite de l’événement accidentel du 27 septembre 1996, il s’est adressé à monsieur Jean Brisebois, responsable des Ressources financières à la Commission scolaire du Sault St-Louis. Ce dernier lui a remis au nom de la Commission scolaire un formulaire de réclamation du travailleur afin qu’il soit complété à la suite de l’accident survenu le 27 septembre 1996. Le travailleur explique qu’on l’avait informé par ailleurs que la commission scolaire payait des cotisations à la CSST qui pouvait couvrir des situations où un étudiant se blessait à l’occasion d’un stage.
ARGUMENTATION DES PARTIES
[11.] Le représentant du travailleur est d’avis que l’article 10 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles couvre la situation de monsieur Philippe Parker dans le présent dossier. Les documents produits et les représentations faites par la Commission scolaire du Sault St-Louis ont laissé croire au travailleur que cette situation était visée par la notion de «travailleur étudiant» utilisée à l’article 10 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
[12.] Pour la CSST, les représentations de la commission scolaire faites au travailleur ne lient aucunement la CSST ou le présent tribunal sur l’interprétation à donner à la notion de «travailleur étudiant» utilisée à l’article 10 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. L’article 10 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles vise les cas où un travailleur se blesse en effectuant un stage non rémunéré dans un établissement alors qu’il poursuit ses études dans une institution d’enseignement. Il y a lieu de distinguer cette situation de celle de l’étudiant ordinaire qui se blesse dans le cadre des cours habituels offerts dans les locaux de l’institution d’enseignement.
AVIS DES MEMBRES
[13.] Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont tous deux d’avis que monsieur Philippe Parker n’est pas un travailleur étudiant au sens de l’article 10 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. En effet, monsieur Parker allègue avoir subi un événement accidentel alors qu’il était étudiant dans une institution d’enseignement sans qu’il soit possible de conclure qu’il effectuait un stage non rémunéré dans un établissement. Le travailleur n’était pas affecté à l’exercice d’un travail de soudeur dans le cadre d’un stage visant à mettre en pratique les enseignements reçus.
MOTIFS DE LA DÉCISION
[14.] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur détenait le statut de travailleur étudiant au sens de l’article 10 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
[15.] L’article 10 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles se lit comme suit :
10. Est considéré un travailleur à l'emploi de l'établissement d'enseignement dans lequel il poursuit ses études ou, si cet établissement relève d'une commission scolaire, de cette dernière, l'étudiant qui, sous la responsabilité de cet établissement, effectue un stage non rémunéré dans un établissement ou un autre étudiant, dans les cas déterminés par règlement.
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1985, c. 6, a. 10; 1992, c. 68, a. 157.
[16.] Il y a lieu également de reproduire la définition des termes «employeur» et «travailleur» que l’on retrouve à l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles se lisant comme suit :
« employeur » : une personne qui, en vertu d'un contrat de louage de services personnels ou d'un contrat d'apprentissage, utilise les services d'un travailleur aux fins de son établissement ;
« travailleur » : une personne physique qui exécute un travail pour un employeur, moyennant rémunération, en vertu d'un contrat de louage de services personnels ou d'apprentissage, à l'exclusion :
1 du domestique ;
2 de la personne physique engagée par un particulier pour garder un enfant, un malade, une personne handicapée ou une personne âgée, et qui ne réside pas dans le logement de ce particulier ;
3 de la personne qui pratique le sport qui constitue sa principale source de revenus ;
[17.] On constate que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles définit la notion de «travailleur» en précisant qu’il s’agit d’une personne physique qui exécute un travail pour un employeur, moyennant rémunération en vertu d’un contrat de louage de services personnels ou d’apprentissage. Dans le présent dossier, il est évident que monsieur Parker n’exécute pas un travail pour le compte de la Commission scolaire du Sault St-Louis, moyennant le versement d’une rémunération. Le statut du travailleur est celui d’un étudiant bénéficiant d’un enseignement prodigué par un Centre de formation professionnelle. Il est donc évident que le travailleur ne peut aucunement être considéré comme un travailleur à l’emploi de la Commission scolaire du Sault St-Louis en regard de la définition de «travailleur» figurant à l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
[18.] Toutefois, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles prévoit que, dans certaines circonstances, une personne qui exécute un travail pour le compte d’une autre personne, est un travailleur au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles même si celle-ci n’est pas rémunérée pour l’exécution de ce travail. C’est le cas dans la situation visée par l’article 10 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
[19.] Cet article a été interprété dans une décision rendue par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles dans l’affaire Francis Lavoie et CEGEP Rimouski[1]. Dans cette affaire, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles devait déterminer si un travailleur avait été victime d’une lésion professionnelle lorsqu’il a subi une blessure au cours d’une partie de ballon volant disputée dans le cadre d’un cours obligatoire offert par l’Institut de Police du Québec. La Commission d’appel en matière de lésions professionnelles écrivait ce qui suit :
«La loi ne précise pas ce qu’on doit entendre par un stage. La Commission d’appel considère toutefois que cette expression doit être interprétée dans le contexte de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et de sa notion centrale, la lésion professionnelle, c’est-à-dire la blessure ou la maladie qui survient par le fait ou à l’occasion du travail.
La Commission d’appel conclut donc que le stage, au sens de l’article 10, implique l’exécution d’un travail par un étudiant, pour le compte d’un employeur et sans rémunération, dans le cadre de son programme de formation et sous la responsabilité de l’établissement d’enseignement qu’il fréquente.
Un stage implique donc l’exécution d’un travail pour le compte d’un employeur, dans un véritable contexte de travail, par opposition aux exercices pratiques ou simulations effectuées dans le contexte de la relation enseignant-étudiant.
Il en découle que l’étudiant qui effectue des exercices pratiques qui simulent le contexte de travail et les tâches qu’il sera appelé à exécuter, lorsqu’il sera sur le marché du travail, n’effectue pas un stage au sens de l’article 10 et ne sera pas alors un travailleur au sens de cet article, parce qu’il n’exécute pas un travail pour le compte d’un employeur dans un véritable contexte de travail.
Il est en preuve que l’appelant, qui est étudiant en techniques policières au Cégep de Rimouski, a choisi de suivre sa dernière session de cours à l’Institut de police du Québec afin d’avoir accès à un éventail d’emplois plus large lorsqu’il aura terminé ses études.
Il est possible que les étudiants en techniques policières qui optent en faveur de la dernière session de cours à l’Institut de police du Québec qualifient de stage leur séjour à cette institution d’enseignement spécialisé, compte tenu de ses particularités.
Cependant, on ne peut conclure, du seul fait de cette qualification par les étudiants, que l’enseignement qu’ils reçoivent à l’Institut de police du Québec constitue un stage au sens de l’article 10 précité et qu’ils sont des travailleurs au sens de cet article lors de leur séjour à l’Institut de police du Québec.
De plus, le fait que le Cégep de Rimouski paie des cotisations à la Commission pour ses étudiants en techniques policières qui font leur dernière session de cours à l’Institut de police du Québec, n’est pas un élément déterminant de leur statut de travailleurs au sens de l’article 10.
La Commission d’appel considère que ces étudiants sont alors simplement dans la même situation, face à l’Institut de police du Québec, que tout autre étudiant qui décide, pour une raison ou pour une autre, de suivre un cours dans une autre institution d’enseignement que celle où il a jusque-là suivi ses cours ou qui décide de poursuivre ses études dans une autre institution d’enseignement.
Pour qu’on puisse déterminer que ces étudiants sont des travailleurs au sens de l’article 10, on doit nécessairement conclure qu’ils exécutent un travail, sans rémunération, pour le compte de l’Institut de police du Québec, ou d’un autre employeur, dans le cadre de leur programme de formation et sous la responsabilité du Cégep de Rimouski.» (Nos soulignements)
[20.] On le voit, dans l’affaire Francis Lavoie et CEGEP Rimouski, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles précisait qu’un stage au sens de l’article 10 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles impliquait nécessairement l’exécution d’un travail pour le compte d’un employeur dans un véritable contexte de travail. Il y a lieu donc ici d’exclure les exercices pratiques ou les simulations effectuées dans le contexte de l’enseignement prodigué par un professeur du Centre de formation professionnelle de Lachine dans le présent dossier. Autrement dit, il s’agit d’un simple étudiant qui reçoit dans les faits une formation normale par un professeur d’une institution d’enseignement. On ne peut aucunement conclure dans ce contexte qu’il s’agit d’un stage au sens de l’article 10 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles parce qu’il n’y a pas exécution d’un travail pour le compte d’un employeur dans une situation réelle de travail au sein d’une entreprise.
[21.] Dans le présent dossier, monsieur Parker effectue simplement des exercices pratiques en ateliers dans les locaux de la commission scolaire au moment de l’événement allégué du 27 septembre 1996. Le travailleur n’effectuait aucun stage non rémunéré pour le compte d’un employeur en contexte de travail réel.
[22.] Par ailleurs, le fait que la Commission scolaire du Sault St-Louis ait pu laisser croire au travailleur qu’il pouvait bénéficier des indemnités de la CSST en lui faisant compléter un formulaire de réclamation n’est pas un élément pertinent dans la détermination de son statut de travailleur. On ne peut évidemment être lié par l’interprétation ou la qualification que la commission scolaire pouvait faire de la situation vécue par le travailleur. Ce qui est en cause ici, c’est l’interprétation de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. En l’espèce, la loi ne permet d’accorder aucune protection au travailleur dans le cas précis soumis à l’attention du présent tribunal.
[23.] La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que monsieur Parker ne peut aucunement être considéré comme un travailleur au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
[24.] PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES
REJETTE la contestation déposée par le travailleur, monsieur Philippe Parker, le 12 mai 1998;
MAINTIENT la décision rendue par le Bureau de révision le 27 février 1998;
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JEAN-LUC RIVARD |
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Commissaire |
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203, Place d’Youville Montréal (Québec) H2Y 1L3 |
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Représentant de la partie requérante |
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(Me Carole Bergeron) 432, rue de Lanaudière Joliette (Québec) J6E 7N2 |
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Représentant de la partie intervenante |
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AVIS :
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