Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

St-Laurent et Isra-Guard IGS Sécurité inc.

2012 QCCLP 4691

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Jean-sur-Richelieu

20 juillet 2012

 

Région :

Richelieu-Salaberry

 

Dossier :

438760-62A-1105

 

Dossier CSST :

136512670

 

Commissaire :

Claire Burdett, juge administratif

 

Membres :

Micheline de Gongre, associations d’employeurs

 

Roland Meunier, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Alain St-Laurent

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Isra-Guard IGS Sécurité inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 16 mai 2011, monsieur Alain St-Laurent (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 10 mai 2011, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST conclut que la demande de révision du 1er mars 2011 a été produite hors délai, qu’aucun motif raisonnable n’a été démontré permettant de relever le travailleur de son défaut et déclare, par conséquent, irrecevable la demande de révision du 1er mars 2011.

[3]           Préalablement à l’audience, les parties ont convenu de procéder uniquement quant à la question du délai. Les parties ont également convenu de fixer une audience au 13 juin 2012. À cette date, le travailleur est présent. Isra-Guard IGS Sécurité inc. (l’employeur) est présente et représentée par Me Simon Kearney. La CSST, partie intervenante, est absente. L’audience de ce dossier était prévue pour 13 h. Cependant, le procureur du travailleur, Me Jean-François P. Raymond, est absent. Le travailleur explique avoir laissé un message à Me Raymond, lundi le 11 juin 2012, concernant l’audience de ce jour et n’avoir eu aucun retour d’appel de son procureur. Le tribunal a tenté de rejoindre Me Raymond au numéro de téléphone figurant au dossier et confirmé au bottin des avocats du Barreau du Québec, en vain. Le tribunal a transmis un courriel à l’attention de Me Raymond à l’adresse courriel confirmée au bottin des avocats du Barreau du Québec. Ce courriel est demeuré sans réponse en date du 13 juin 2012. Le tribunal a faxé une demande de communication au numéro de télécopieur au dossier et confirmé au bottin des avocats du Barreau du Québec. Une adjointe du bureau de MRaymond a répondu à la télécopie, indiquant qu’elle ne savait où se trouvait MRaymond et qu’il ne pouvait être rejoint. Le Tribunal a offert au travailleur de reporter l’audience à une date ultérieure où son procureur pourrait être présent. Le travailleur a décidé de renoncer à la présence de son procureur et de se représenter seul. Le tribunal a pris soin de s’assurer que le travailleur comprenait très bien les enjeux en litige et qu’il maintenait toujours son intention de se représenter seul. Le travailleur a bien exprimé sa compréhension des litiges et il a maintenu son intention de se représenter seul. L’audience a donc débuté vers 14 h, le 13 juin 2012, soit avec une heure de retard, en présence du procureur de l’employeur et du travailleur. Le dossier est mis en délibéré le même jour.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de le relever de son défaut de ne pas avoir contesté la décision du 7 décembre 2010 dans le délai prévu à l’article 358 de Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). Le cas échéant, le travailleur demande d’être convoqué à nouveau pour traiter de l’admissibilité de sa réclamation pour une lésion survenue le 17 novembre 2010.

[5]           Le représentant de l’employeur soulève une question préliminaire à l’audience et demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer irrecevable la réclamation soumise par le travailleur en l’absence d’une attestation médicale ou d’un rapport médical d’évolution, tel qu’exigé par la loi.

L’AVIS DES MEMBRES

[6]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis de rejeter le moyen préliminaire soulevé par l’employeur. Selon lui, il y a un début de preuve médicale au dossier. Il ajoute que ce sont les médecins qui sont responsables d’envoyer les attestations médicales et les rapports médicaux d’évolution. Leur défaut de se faire ne serait être imputable au travailleur. D’ailleurs, la loi prévoit que la justice administrative doit être accessible et qu’une procédure entachée d’un vice de forme demeure recevable.

[7]           Quant à la question du délai, le membre issu des associations syndicales est d’avis que le travailleur ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer un motif raisonnable permettant au tribunal de le relever de son défaut de ne pas avoir contesté la décision du 7 décembre 2010 dans le délai prévu à la loi.

[8]           La membre issue des associations d’employeurs est d’avis d’accueillir le moyen préliminaire soulevé par l’employeur. Selon elle, l’absence d’une attestation médicale ou d’un rapport médical d’évolution constitue un vice de forme. Le législateur utilise le mot « doit » aux articles 199, 200 et 267. Elle estime donc que la réclamation soumise par le travailleur est irrecevable en l’absence d’une attestation médicale ou d’un rapport médical conforme à la loi. La membre n’a donc pas à se prononcer quant à la question du délai.

LES FAITS ET LES MOTIFS RELATIFS À LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

[9]           Le travailleur est agent de sécurité pour le compte de l’employeur depuis 14 ans. Depuis peu, le travailleur vient d’être transféré à un nouveau contrat à la Tour de Bell située au 600, Jean-Talon.

[10]        À l’époque pertinente, le travailleur est en formation pour cette nouvelle affectation. À 11 h, il avait terminé sa journée de travail. Il quitte donc l’édifice pour se rendre au métro. En se rendant au métro, le travailleur commence à se sentir mal, de sorte qu’il décide de sortir à l’extérieur de l’édifice. Puis, il retourne dans l’entrée de l’édifice et se rend au bureau de son sergent. C’est à ce moment-là que le travailleur se sent étourdi et chute au sol. À l’occasion de la chute, le travailleur protège sa tête avec sa main et dit se fracturer un os du poignet du côté cubital. Il est transporté en ambulance à l’Hôpital général de Montréal, où il est hospitalisé du 17 au 20 novembre 2010.

[11]        Il dit avoir bénéficié d’une immobilisation plâtrée pendant plusieurs semaines. Il se serait légèrement cogné la tête. Il aurait subi une tomodensitométrie, mais sans en avoir les résultats.

[12]        Le 30 novembre 2010, le travailleur soumet une réclamation à la CSST concernant cet événement d’origine du 17 novembre 2010. À la description de l’événement, le travailleur décrit ce qui suit :

J’ai fait un burn out j’ai tomber en depression j’ai tomber et cassé ma main fracture [sic]

 

 

[13]        À l’appui, le travailleur transmet une demande médicale de consultation signée par le docteur Doyle. Cette demande de consultation dirige le travailleur au service de chirurgie plastique. Les raisons cliniques de la requête sont les suivantes : Right wrist à Triquetral.

[14]        Il s’agit du seul document de nature médicale figurant au dossier de la Commission des lésions professionnelles.

[15]        Le 22 février 2011, le travailleur soumet une nouvelle réclamation à la CSST concernant l’événement d’origine du 17 novembre 2010 et concernant la récidive, rechute ou aggravation des 28 et 29 décembre 2010. Cette fois, la description de l’événement précise ce qui suit :

J’ai perdu boucoups, de force depuis 1 ans, Je me sens la fatigue, la déprime à dormir 3 h par nuit je ne mangais plus, je n’avais plus d’intèrêt. Pendant 11 mois de harcèlement de la directrice nouvel depuis 11 mois j’ai travaillé 11 ans à cette endroit Elle m’a fait transféré a un autre contras pour raison personnel J’ai commencé mon nouveau contrat sur mon quart de travail J’ai tombé à terre Je me suis reiveillé à l’hopital. [sic]

 

 

[16]        Le tribunal constate qu’aucune attestation ou rapport médical d’évolution n’est produit au soutien des réclamations du travailleur. Au surplus, il n’y a aucun rapport médical de consultation. Seule une demande de consultation avec des renseignements, pour le moins incompréhensibles, figure au dossier.

[17]        Le présent tribunal croit que c’est à bon droit que la Commission des lésions professionnelles a déjà décidé que le dépôt d’une attestation médicale est un élément essentiel à la recevabilité d’une réclamation pour permettre à un travailleur lésé d’obtenir les avantages que lui confère la loi[2].

[18]        En fait, la Commission des lésions professionnelles ne fait que réaffirmer l’intention du législateur en ressortant les articles 199, 200, 202, 203, 204, 212, 224, 267 et 269 de la loi.

199.  Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui-ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et :

 

1° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou

 

2° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.

 

Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.

__________

1985, c. 6, a. 199.

 

 

200.  Dans le cas prévu par le paragraphe 2° du premier alinéa de l'article 199, le médecin qui a charge du travailleur doit de plus expédier à la Commission, dans les six jours de son premier examen, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport sommaire comportant notamment :

 

1° la date de l'accident du travail;

 

2° le diagnostic principal et les renseignements complémentaires pertinents;

 

3° la période prévisible de consolidation de la lésion professionnelle;

 

4° le fait que le travailleur est en attente de traitements de physiothérapie ou d'ergothérapie ou en attente d'hospitalisation ou le fait qu'il reçoit de tels traitements ou qu'il est hospitalisé;

 

5° dans la mesure où il peut se prononcer à cet égard, la possibilité que des séquelles permanentes subsistent.

 

Il en est de même pour tout médecin qui en aura charge subséquemment.

__________

1985, c. 6, a. 200.

 

 

202.  Dans les 10 jours de la réception d'une demande de la Commission à cet effet, le médecin qui a charge du travailleur doit fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport qui comporte les précisions qu'elle requiert sur un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .

__________

1985, c. 6, a. 202; 1992, c. 11, a. 12.

 

 

203.  Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.

 

Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant :

 

1° le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des indemnités pour préjudice corporel adopté par règlement;

 

2° la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;

 

3° l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.

 

Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.

__________

1985, c. 6, a. 203; 1999, c. 40, a. 4.

 

 

204.  La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.

 

La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115 .

__________

1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.

 

 

212.  L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :

 

1° le diagnostic;

 

2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

 

3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

 

4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

 

5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

__________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.

 

 

224.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

269.  L'employeur transmet à la Commission le formulaire prévu par l'article 268, accompagné d'une copie de l'attestation médicale prévue par l'article 199, dans les deux jours suivant :

 

1° la date du retour au travail du travailleur, si celui-ci revient au travail dans les 14 jours complets suivant le début de son incapacité d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle; ou

 

2° les 14 jours complets suivant le début de l'incapacité du travailleur d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle, si le travailleur n'est pas revenu au travail à la fin de cette période.

 

Il remet au travailleur copie de ce formulaire dûment rempli et signé.

__________

1985, c. 6, a. 269.

 

 

[19]        Conformément au raisonnement développé par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Beaucaire et Municipalité St-Joseph-du-Lac[3], le présent tribunal est d’avis que la nécessité d’une attestation médicale ou d’un rapport médical d’évolution n’est pas une exigence de pure forme, mais une question de forme indispensable à l’exercice du droit de réclamer.

[20]        Par conséquent, le tribunal est d’avis que les réclamations soumises par le travailleur les 30 novembre 2010 et 21 février 2011 sont irrecevables et que la décision rendue par la CSST le 7 décembre 2010 est irrégulière et doit être annulée.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur Alain St-Laurent, le travailleur;

DÉCLARE irrecevable les réclamations soumises par monsieur Alain St-Laurent;

DÉCLARE nulles les décisions rendues le 10 mai 2011 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative, de même que celle rendue initialement le 7 décembre 2010;

DÉCLARE qu’il n’y a pas lieu de convoquer à nouveau les parties à une audience.

 

 

__________________________________

 

Claire Burdett

 

 

 

 

Me Simon Kearney

LANGLOIS KRONSTRÖM DESJARDINS.

Représentant de la partie intéressée

 

 

Me Josée Picard

VIGNEAULT THIBODEAU BERGERON

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Laliberté et Novabus Corporation, C.L.P. 163114-64-0106, 29 novembre 2001, J.-F. Martel; Beaucaire et Municipalité St-Joseph-du-Lac, C.L.P. 166237-64-0107, 26 mai 2004, J.-F. Martel; Robert et Canplast Canada ltée, C.L.P. 332980-71-0711, 27 janvier 2010, R. M. Goyette; Petremann et Commission scolaire de La Capitale, C.L.P. 335383-31-0712, 12 mai 2010, H. Thériault.

[3]           Précitée, note 2.

AVIS :
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