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[1] Le 9 avril 2003, l’employeur, Volailles Grenville inc., dépose à la Commission des lésions professionnelles, une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 2 avril 2003, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 18 juillet 2002 et déclare que monsieur Christopher Tolma (le travailleur) a été victime d’une lésion professionnelle le 15 juin 2002.
[3] L’employeur est présent et représenté à l’audience tenue les 16 octobre 2003 et 13 février 2004. Le travailleur est absent. Le dossier est pris en délibéré le 13 février 2004.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 15 juin 2002.
LES FAITS
[5] La Commission des lésions professionnelles retient de la preuve documentaire et testimoniale, les éléments pertinents suivants.
[6] Le travailleur occupe la fonction de journalier à l’abattage depuis le 11 juin 2002. Il travaille notamment les 11, 12, 13, 14, 20 (s’est présenté), 25, 26 et 27 juin.
[7] Le 27 juin 2002, le travailleur consulte le docteur E. Gaudette, qui note un événement du 15 juin et pose un diagnostic de salmonellose. Dans son Attestation médicale, le médecin indique que le travailleur a été vu à ce sujet les 16 et 24 juin par un autre médecin (nom illisible). Une date de consolidation, soit le 19 juin, est aussi mentionnée.
[8] Ce même jour, le travailleur transmet une réclamation à la CSST, en indiquant qu’il avait « des crampes au ventre et des nausées ». La date de l’événement est le 15 juin 2002.
[9] Le 18 juillet 2002, la CSST reconnaît que le travailleur a subi une lésion professionnelle, soit une intoxication à la salmonelle, le 15 juin 2002. Ceci sera confirmé en révision administrative, d’où la présente requête.
[10] L’employeur dépose quatre liasses de documents.
[11] Dans la première série, il est d’abord mentionné que les nouveaux employés de l’employeur sont soumis à environ trois jours d’information et de formation, soit un jour et demi de formation théorique donnée dans des locaux à l’extérieur de l’usine et un jour et demi d’entraînement à la tâche, qui se fait directement sur le plancher de production. On indique dans cette section les tâches régulières au département d’abattage : accrocher les poulets, charger, décharger les camions de poulets, saigner les poulets, ouvrir les cages de poulets vivants, nettoyer les cages.
[12] Finalement, il ressort d’une statistique de l’employeur qu’en juin 2002, huit employés auraient été atteints de gastro-entérite, de campylobactère, de salmonellose, d’entérite campylobactère et d’entérite, dont quatre au département d’abattage. Là - dessus, il y aurait eu quatre cas de salmonellose, dont deux à l’abattage.
[13] La deuxième liasse comporte divers commentaires du docteur G. Grenier, spécialiste en médecine interne, sur la campylobactère et la salmonellose. À remarquer que les notes sur les deux bactéries sont assez semblables. Les symptômes sont à peu près les mêmes et peuvent durer de un à quatre jours en moyenne. La contamination vient de viandes et poissons non cuits, dont le poulet, de matières fécales d’individus ou d’animaux domestiques, de liquides contaminés, etc. La période d’incubation de la campylobactère peut durer de trois à cinq jours mais elle peut varier de un à dix jours. Dans le cas de la salmonellose, la période d’incubation est de 6 à 48 heures, après l’ingestion de la bactérie.
[14] Le troisième document comporte divers règlements de l’usine en relation notamment avec la propreté et certaines précautions à prendre. Ainsi, on informe les employés qui sont atteints d’une maladie pouvant se propager par les aliments, d’aviser l’infirmière ou le contremaître. Ce document est signé par les employés et l’a été par le travailleur.
[15] La dernière liasse concerne divers aspects en relation avec la salmonellose et la campylobactère. Ainsi, on explique aux employés comment se laver les mains. On mentionne que de 60 à 80 % des poulets peuvent être porteurs de ces bactéries. Il est indiqué que le principal mode de contamination est par l’ingestion de la bactérie.
[16] Monsieur Luc Castonguay, directeur des ressources humaines chez l'employeur, vient témoigner.
[17] Certaines informations fournies par monsieur Castonguay se retrouvent déjà dans ce qui précède.
[18] Monsieur Castonguay signale que les employés sont bien protégés au travail : casque, filet dans les cheveux, survêtement d’un morceau, gants de coton et de plastique, bottes pour l’eau. Le témoin mentionne que vers le 15 juin 2002, il n’y avait pas d’autres cas de salmonellose dans l’usine. Selon monsieur Castonguay, l’employeur n’aurait appris la condition du travailleur que le 27 juin 2002.
L’AVIS DES MEMBRES
[19] Le membre issu des associations syndicales soumet que le diagnostic de salmonellose n’a pas été contesté et que le tribunal est lié. Il mentionne que de 60 à 80 % des poulets sont porteurs des bactéries de salmonellose et de campylobactère et que la transmission se fait surtout par ingestion. Le travailleur a travaillé à l'abattage pendant une période allant de 6 heures à 48 heures (période d’incubation). Le membre est donc d’avis que le travailleur a subi une lésion professionnelle.
[20] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que les articles 28, 29 et 30 de la loi ne peuvent s’appliquer en l’instance ; pour ce qui est de l’article 30, il ne s’est écoulé que quelques jours. Le membre signale que la seule Attestation médicale au dossier, celle du 27 juin 2002, ne visait qu’à justifier une absence puisque le travailleur n’était plus symptomatique. Finalement, il apparaît selon le membre que dans la semaine du 15 juin 2002, il n’y eut pas d’autre cas de salmonellose dans le département d’abattage. Le membre considère donc que le travailleur n'a pas été victime d’une lésion professionnelle.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[21] La Commission des lésions professionnelles doit donc décider si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 15 juin 2002, soit une intoxication à la salmonelle (salmonellose).
[22] Le travailleur a souffert de salmonellose selon la preuve médicale au dossier. Il est vrai que la seule attestation au dossier, soit celle du docteur Gaudette, est postérieure à l’événement et à la date de consolidation. Toutefois, il est aussi question dans cette attestation de deux autres visites médicales antérieures au 27 juin 2002, dont l’une le 16 juin. Par ailleurs, la décision de la CSST en révision administrative signale aussi des consultations antérieures. Le tribunal a tenté de retrouver ces documents mais cela ne fut pas possible.
[23] Cependant, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la preuve prépondérante est à l’effet de retenir le diagnostic de salmonellose. Et ce diagnostic n’a pas été contesté.
[24] Qu’en est-il de la relation entre ce diagnostic et l’emploi du travailleur?
[25] La salmonellose, qui apparaît par ingestion de la bactérie, peut venir de diverses sources, soit de viandes (poulets, etc.) et poissons non cuits, de matières fécales d’individus ou d’animaux domestiques, de liquides contaminés. Sans que cela implique une certitude, il faut rechercher parmi ces contaminants ce avec quoi le travailleur fut apparemment le plus en contact dans les jours précédant le 15 juin 2002. La description de son travail à l'abattage indique clairement que l'ensemble de son travail (environ trois jours) se passait dans la manipulation des poulets et des cages.
[26] Par ailleurs, il appert que de 60 à 80 % des poulets traités chez l’employeur peuvent être porteurs des bactéries de salmonellose et de campylobactères. Et la période d’incubation est de 6 à 48 heures. À cet égard, il n’est pas nécessaire que le travailleur ait été à l’emploi pendant plusieurs semaines. Finalement, dans le mois de juin 2002, il y eut plusieurs cas chez l'employeur de salmonellose et de maladies semblables, dont certains à l'abattage. Incidemment, il est mentionné dans les documents déposés que l’incidence de telles contaminations est plus grande durant l’été.
[27] Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le travailleur a été victime d’une maladie professionnelle, en vertu de l'article 30 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), à savoir une maladie reliée directement aux risques particuliers de son travail.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de Volailles Grenville inc., l’employeur ;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 2 avril 2003, à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARE que monsieur Christopher Tolma, le travailleur, a subi une lésion professionnelle le 15 juin 2002.
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Guy Perreault |
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Commissaire |
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Me Lyne Gaudreault |
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Gaudreault et Savard |
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Représentante de la partie requérante |
AVIS :
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