Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Hyacinthe

2 mars 2005

 

Région :

Abitibi-Témiscamingue

 

Dossier :

214957-08-0308-R

 

Dossier CSST :

123359739

 

Commissaire :

Jean-Marc Dubois

 

Membres :

Jean-Yves Gonthier, associations d’employeurs

 

Jean-Pierre Valiquette, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Denis Lagrois

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Forage Orbit inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 15 novembre 2004, monsieur Denis Lagrois (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête afin de faire réviser une décision rendue 27 octobre 2004 par cette instance.

[2]                Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles déclare que le revenu brut retenu pour calculer l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle le travailleur a droit, est équivalent au salaire minimum en vigueur le 5 décembre 2002 et que l’assignation temporaire à des travaux légers proposée par l’employeur le 18 juin 2003 n’est pas conforme aux dispositions de l’article 179 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[3]                À l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles le 17 février 2005 à Val D’Or, le travailleur et l’employeur sont représentés.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision rendue par cette instance concernant la base salariale et de déclarer que le revenu brut pour calculer son indemnité de remplacement du revenu doit être  équivalent à 56 364,00 $.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Les membres issus des associations d’employeurs et de travailleurs sont unanimes à l’effet que le travailleur n’a fait valoir aucun motif donnant ouverture à une révision de la première décision.

[6]                 Les membres s’entendent pour conclure que le premier commissaire a tenu compte de toute la preuve qui lui a été présentée et qu’il en fait une analyse rationnelle.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[7]                La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il a été démontré un motif donnant ouverture à la révision de la décision rendue le 27 octobre 2004 par cette instance.

[8]                L’article 429.49 de la loi prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel :

429.49 [...]

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[9]                Toutefois, le législateur a prévu à l’article 429.56 de la loi que la Commission des lésions professionnelles peut, dans certains cas, réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue. Cette disposition se lit comme suit :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:

 

1°   lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2°   lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3°   lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

            1997, c. 27, a. 24.

 

 

[10]           Dans un arrêt[2] récent, la Cour d'appel rappelle cette règle dans les termes suivants :

[21]      La notion (de vice de fond de nature à invalider une décision) est suffisamment large pour permettre la révocation de toute décision entachée d'une erreur manifeste de droit ou de fait qui a un effet déterminant sur le litige. Ainsi, une décision qui ne rencontre pas les conditions de fond requises par la loi peut constituer un vice de fond.

 

[22]      Sous prétexte d'un vice de fond, le recours en révision ne doit cependant pas être un appel sur la base des mêmes faits. Il ne saurait non plus être une invitation faite à un commissaire de substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle de la première formation ou encore une occasion pour une partie d'ajouter de nouveaux arguments1.

_______________

1.        Voir: Y. OUELLETTE, Les tribunaux administratifs au Canada, Procédure et Preuve, Montréal, Les Éditions Thémis, 1997, p. 506-508. J.P. VILLAGI, dans Droit public et administratif, Vol. 7, Collection de droit 2002-2003, Éditions Yvon Blais, 2002, p. 127-129.

 

[11]           Le premier commissaire n’avait pas l’obligation de discuter chacun des éléments de preuve ou chacun des arguments. Il suffit que la décision qu’il a rendue soit rationnelle, qu’elle s’appuie sur la preuve et qu’une lecture de la décision dans son ensemble permette de comprendre le raisonnement appliqué[3].

[12]           Toutefois, selon la jurisprudence[4], le fait d’omettre de considérer un ou des éléments de preuve importants constitue une erreur manifeste. Cette erreur est déterminante lorsque l’élément qu’on a omis de considérer emporte le sort du litige et fait pencher la balance des probabilités en faveur de conclusions contraires à celles retenues par le premier commissaire[5].

[13]           De même, la décision dont les conclusions n’ont pas de lien rationnel avec la preuve doit être révisée, puisqu’elle est de ce fait entachée d’un vice de fond[6].

[14]           L’absence totale de motivation est également un vice de fond de nature à invalider la décision[7].

[15]           Enfin, la décision fondée sur une absence totale de preuve est entachée d’une erreur manifeste de faits[8], qui est déterminante lorsque le fait non prouvé est la pierre angulaire du raisonnement appliqué[9].

[16]           Le travailleur prétend que le premier commissaire a commis une première erreur manifeste et déterminante sur l’issue du litige en ignorant les différents types de forage dans l’industrie minière.

[17]           Cette prétention est mal fondée, puisqu’aux paragraphes [47] et [48] de sa décision, le premier commissaire rappelle les faits pertinents à l’industrie du forage en citant la décision de la Cour d’appel dans l’affaire Héroux et Forage Major[10].

[18]           Le travailleur allègue de plus que le premier commissaire a commis une deuxième erreur manifeste et déterminante en ne tenant pas compte de la preuve qu’il a présentée à l’effet que son contrat était d’une durée indéterminée.

[19]           La question relative au contrat de travail est traitée par le premier commissaire aux paragraphes [43] à [46] de sa décision. Plus précisément au paragraphe 46, il rapporte ce qui suit :

[46]      Bien que le contrat ne précise pas la durée déterminée de l’embauche, il n’est pas contredit que, le 15 décembre 2002, l’employeur cesse ses opérations d’une des trois foreuses en activité à la River Gold.

 

 

[20]           Il est donc faux de prétendre que le premier commissaire n’a pas pris en compte la question concernant la nature de la durée du contrat du travailleur. En ce faisant, le premier commissaire n’ignorait pas une partie essentielle de la preuve, contrairement à ce que prétend le travailleur à plusieurs reprises dans sa requête.

[21]           Le travailleur se plaint d’une autre erreur qu’il qualifie de manifeste et déterminante, intéressant cette fois l’appréciation de certains éléments de preuve dont le témoignage de l’employeur concernant la durée de ses activités de forage ainsi que l’interprétation que fait le premier commissaire, en regard de la cessation des opérations de l’une des trois foreuses, le 15 décembre 2002 et la date de la mise à pied temporaire du foreur Martel.

[22]           Le travailleur considère également comme une erreur manifeste et déterminante les conclusions du premier commissaire voulant qu’il ait été mis à pied au plus tard, en même temps que monsieur Martel.

[23]            Le premier commissaire décrit ces situations comme suit :

[46]      Bien que le contrat ne précise pas la durée de l’embauche, il n’est pas contredit que, le 15 décembre 2002, l’employeur cesse les opérations d’une des trois foreuses en activité à la River Gold.  De plus, il est démontré que le foreur Martel, pour qui le travailleur est engagé à titre d’aide-foreur, est mis à pied temporairement par manque de travail le 7 mars 2003.

 

[53]      En effet, la preuve non contredite démontre que, au maximum, le travailleur, qui est le dernier engagé, aurait travaillé jusqu’au 7 mars 2003, date de la mise à pied du foreur qu’il devait aider.

 

 

[24]           Dans sa requête, le travailleur reproche également au premier commissaire d’avoir mal interprété les dispositions de la loi concernant les modalités de calcul de son revenu brut pour déterminer l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle il a droit.

[25]           À l’audience de sa requête, le travailleur reprend en tous points les mêmes motifs. Il rediscute les mêmes éléments de preuve et soumet que le premier commissaire les a mal interprétés.

[26]           Tel qu’indiqué précédemment, il appartenait au premier commissaire d’apprécier la preuve qu’on lui a soumise et il ne s’agit pas pour le commissaire soussigné de prendre prétexte du recours en révision pour substituer sa propre appréciation de la preuve à celle du premier commissaire.

[27]           Tel que nous l’avons déjà mentionné, le recours en révision ne constitue pas un second appel à partir des mêmes faits. Le commissaire siégeant en révision ne peut pas substituer son appréciation de la preuve à celle déjà faite par le premier commissaire à moins qu’il soit démontré une erreur manifeste et déterminante. Dans le présent cas, l’existence d’une telle erreur n’a pas été établie.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête en révision du travailleur, monsieur Denis Lagrois.

 

 

__________________________________

 

Jean-Marc Dubois

 

Commissaire

 

 

 

 

Stéphan Ferron, avocat

CAIN, LAMARRE & ASSOCIÉS

Représentant de la partie requérante

 

 

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001.

[2]          Bourassa c. Commission des lésions professionnelles, C.A. Montréal, 500-09-011014-016, 28 août 2003, jj. Mailhot, Rousseau-Houle, Rayle.

[3]          Brasserie Molson O’Keefe ltée et Boucher, C.S. Montréal, 500-05-009440-932,     29 septembre 1993, j. Gomery, D.T.E. 93T-1279 ; Morin et Fils spécialisés Cavalier inc., [2001] C.L.P. 288 ; Durand et Couvoir Scott ltée, 94101-03-9802, 9 mars 1999, M. Beaudouin

[4]          Brouillard et Valpiro inc., 144900-08-0008-2R, 5 février 2003, C. Bérubé; Bernard et Sisca inc., 125822-05-9911-R, 28 mars 2002, G. Godin; Avon Canada et Matthieu, 112860-62C-9903-R, 28 septembre 2000, L. Landriault; Cuerrier et C.E.C.M. [1998] C.A.L.P. 287 ;

[5]         Duguay et Boîte Major inc., 133845-71-0003, 19 juillet 2002, C.-A. Ducharme

[6]         Mercuri et Les pavages Ci-Bec inc., 148260-72-0010-R, 4 décembre 2002, M.Zigby, requête en     révision accueillie; Constant et Goodyear Canada inc., [2002] C.L.P. 292, requête en révision           pendante; Tremblay et Commission d’appel en matière de lésions professionnelles, [1998] C.L.P.          1464 (C.A.)

[7]         Cité de la santé de Laval et Heynemand, 69547-64-9505, 26 octobre 1999, A. Vaillancourt,           (99LP)-160

[8]         General Motors du Canada ltée et Ouellet, 94174-64-9802, 11 janvier 2000, S. Mathieu;    Montambeault et Hydro-Québec (Prod. Ther. et nucléaire), 136996-04B-0004, 12 juillet 2001, M.   Allard; Carter et Primeteck électroniques inc., 140851-62-0006, 6 mars 2003, M. Zigby; Desbiens          et Produits forestiers Domtar, 155003-08-0101, 7 avril 2003, P. Simard, (03LP-26); Poulin et           Métro Ste-Marthe, 182842-64-0204, 20 octobre 2003, L. Nadeau, (03LP-190)

[9]         Dufour et Pro-Nat Décor, 110551-03B-9902, 16 novembre 2002, G. Tardif, (00LP-94)

[10]        CA, 500-09-006750-988, 2001-08-15

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