Lespinasse et Courrier Purolator ltée |
2010 QCCLP 7410 |
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Dossier 389556-71-0909
[1] Le 22 septembre 2009, monsieur Gerry Lespinasse (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 10 septembre 2009, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST « conclut que la demande de révision du 9 juin 2009 a été produite hors délai », « qu’aucun motif raisonnable n’a été démontré permettant de relever le travailleur de son défaut » et « déclare, par conséquent, irrecevable la demande de révision du 9 juin 2009 ».
Dossier 401369-71-1001
[3] Le 30 janvier 2010, le travailleur dépose une seconde requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 26 janvier 2010, à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST :
- CONFIRME la décision (AVIS DE PAIEMENT) du 27 octobre 2009; et
- DÉCLARE que les ajustements de l’indemnité de remplacement du revenu appliqués ont été établi en considération d’un revenu brut annuel assurable de 57 000 $ conformément à la décision rendue le 9 octobre 2009 par la CLP.
[…]
- CONFIRME les décisions (AVIS DE PAIEMENT) du 2 novembre 2009 et du 5 novembre 2009;
- DÉCLARE que la Commission a procédé à l’annulation du surpayé d’un montant de 1 236,58 $ par le remboursement au travailleur des sommes de 1 018,36 $ et de 218,22 $ dont les montants figurent aux avis de paiement émis le 2 et le 5 novembre 2009 et ce, conformément à la décision rendue le 9 octobre 2009; et
- DÉCLARE que la Commission est justifiée de verser au travailleur un revenu d’intérêt d’un montant de 209,42 $.
[sic]
[5] Le travailleur est présent à l’audience tenue, le 22 juin 2010, à Montréal. Quant à Courrier Purolator ltée (l’employeur), il avait prévenu de son absence à l’audience par lettre de sa représentante datée du 22 juin 2010.
[6] Le travailleur a été autorisé à déposer, au plus tard le 2 août 2010, copies de deux contrats d’emploi, en vigueur le 17 novembre 2004, le liant à ses employeurs Courrier Purolator ltée et Ikea Canada ainsi que la liste des articles de la loi invoqués au soutien de sa contestation dans le dossier portant le numéro 401369-71-1001.
[7] À la demande du travailleur, le soussigné a prolongé le délai de production des documents mentionnés au paragraphe précédent à deux reprises, soit d’abord jusqu’au 20 août, puis jusqu’au 3 septembre 2010.
[8] Le 7 septembre 2010, le travailleur a déposé l’un des documents annoncés : une lettre de Courrier Purolator ltée datée du 28 juin 2010 confirmant ses conditions salariales au poste de « marqueur » en 2004.
[9] Dans sa note de couverture, le travailleur indique que « les informations manquantes vous seront envoyées aussitôt que possible ».
[10] Dans sa dernière communication, en date du 7 octobre 2010, le travailleur convient que le total de ses deux revenus d’emploi, à l’époque, s’élève à la somme de 57 509,32 $. Il soutient cependant qu’aux fins de la présente décision, le tribunal devrait plutôt considérer comme base salariale le montant annuel maximum maintenant en vigueur, soit pour l’année 2010.
[11] L’affaire a été mise en délibéré à compter du 7 octobre 2010.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
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[12] Le travailleur demande au tribunal de déclarer recevable sa demande de révision du 9 juin 2009. Sur le fond, il demande de retenir, à titre de base salariale aux fins du calcul de l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle il a droit, le total des revenus contractuels spécifiés à ses contrats d’emploi avec deux employeurs distincts.
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[13] Le travailleur demande au tribunal de déclarer qu’il a droit à des indemnités supérieures à celles que la CSST lui a versées. Il invoque les quatre moyens suivants :
- La CSST a calculé le montant de son indemnité de remplacement du revenu en se basant sur une semaine de travail de sept jours au lieu de cinq ;
- Dans ses calculs, la CSST a utilisé comme base salariale le montant maximal assurable établi pour l’année 2006, alors qu’elle aurait dû plutôt se servir du maximum assurable établi pour l’année 2009 ;
- Les frais de déplacement réclamés par le travailleur auraient dû lui être payés, car aucun délai pour en réclamer le remboursement n’est prévu par la loi ;
- La CSST a mal calculé les intérêts qui lui sont dus.
L’AVIS DES MEMBRES
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[14] La membre issue des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que la contestation devrait être rejetée.
[15] La demande de révision du 9 juin 2009 est irrecevable. Elle a été déposée bien après l’expiration du délai de 30 jours prescrit par l’article 358 de la loi. Le travailleur n’a pas démontré qu’il n’avait pu exercer son recours dans le délai imparti par la loi pour un motif raisonnable ; le tribunal ne peut donc le relever des conséquences de son défaut.
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[16] Les membres issus sont tous deux d’avis que la contestation devrait être rejetée.
[17] Aucun des motifs soulevés par le travailleur au soutien de sa requête n’est fondé en droit.
LES FAITS ET LES MOTIFS
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[18] Le 20 janvier 2005, la CSST rend une décision sous la forme d’un avis de paiement, établissant que le montant de l’indemnité payable au travailleur est calculé sur la base d’un revenu annuel brut de 47 538,64 $.
[19] Cet avis de paiement reproduit le calcul détaillé ayant servi à la détermination de l’indemnité payable au travailleur, comme ce fut le cas pour tous les autres paiements qu’il recevra par la suite. Le travailleur avait d’ailleurs été informé, lors d’un entretien téléphonique tenu le 18 janvier 2005, que le calcul de son indemnité serait basé sur l’addition des revenus qu’il avait tirés, au cours des 12 mois précédant son accident, des deux emplois distincts qu’il occupait alors.
[20] Le travailleur demande la révision de cette décision, plus de 52 mois plus tard, soit le 9 juin 2009.
[21] C’est cette demande qui a été déclarée irrecevable pour cause de tardiveté.
[22] L’article 358 de la loi fixe en effet à 30 jours de sa notification à la partie intéressée, le délai à l’intérieur duquel une demande de révision à l’encontre d’une décision rendue par la CSST doit être déposée :
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2.
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1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14.
[23] Le travailleur confirme bel et bien avoir reçu la décision en cause dans les jours suivant la date qu’elle porte.
[24] La demande de révision est donc irrecevable à sa face même.
[25] L’article 358.2 de la loi permet au tribunal de relever le travailleur des conséquences de son défaut si celui-ci démontre qu’il n’a pu exercer son recours dans le délai imparti pour un motif raisonnable :
358.2. La Commission peut prolonger le délai prévu à l'article 358 ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que la demande de révision n'a pu être faite dans le délai prescrit pour un motif raisonnable.
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1997, c. 27, a. 15.
[26] Dans sa demande de révision du 9 juin 2009, le travailleur écrit ce qui suit :
Je conteste le base salariale retenue dans ce dossier. je n’ai pu contester cette décision plutôt à cause de causes personnelles. (sic)
[27] À l’audience devant le tribunal, le travailleur raconte que, sur réception de l’avis de paiement originaire, il a consulté la loi, mais qu’il « n’a pas compris le mécanisme de calcul de son indemnité de remplacement du revenu ».
[28] Ce n’est qu’à l’été ou à l’automne de l’année suivante, en 2006, que le travailleur aurait compris comment son indemnité de remplacement du revenu était calculée. Mais, à compter de moment-là, il aurait éprouvé certains problèmes sur le plan psychologique - problèmes dont il ne précise cependant ni la nature ni la gravité ni l’effet sur son comportement.
[29] En réponse aux questions des membres du banc, le travailleur admet avoir été en emploi à compter du mois de mai 2006 jusqu’en juin 2009, sauf pour une période indéterminée, en 2007, où il a pris un congé parental. Il confirme que, pendant toutes ces années, il a vaqué à ses occupations courantes et habituelles, c’est-à-dire travailler, faire des courses, payer ses comptes, etc.
[30] Puis, le travailleur propose une nouvelle justification à son retard : avant d’agir dans la présente affaire, il attendait le résultat de ses démarches dans un autre dossier de la CSST où il était représenté par avocate ; plus précisément, il attendait l’avis de son avocate - avis dont il ne précise pas la nature, cependant.
[31] Le travailleur n’explique pas, non plus, en quoi l’avis de sa procureure dans l’autre dossier était susceptible d’influencer le sort du présent litige.
[32] Le témoignage offert par le travailleur est vague, incomplet, contradictoire et intéressé. Il n’a certes pas les attributs requis pour être convaincant et faire la démonstration d’un motif valable, comme le travailleur en a le fardeau. Au lieu de fournir une preuve prépondérante, le travailleur s’est contenté d’évoquer de pures conjectures.
[33] Le travailleur n’a donc pas établi qu’il n’avait pu faire sa demande de révision dans le délai prescrit pour un motif raisonnable. En conséquence, rien ne permet au tribunal de le relever des conséquences de son défaut.
[34] La demande de révision du 9 juin 2009 est irrecevable.
[35] La contestation est mal fondée.
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[36] Le travailleur prétend que le montant journalier de son indemnité de remplacement du revenu aurait dû être calculé sur une semaine de travail de cinq jours et non de sept. À l’audience, il n’est toutefois pas en mesure d’identifier une quelconque disposition de la loi qui étaye son argument.
[37] L’article 44 de la loi prévoit que « le travailleur victime d’une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s’il devient incapable d’exercer son emploi en raison de cette lésion ». Le droit à l’indemnité est donc directement relié à l’incapacité de la victime.
[38] L’article 45 de la loi prévoit que « l’indemnité de remplacement du revenu est égale à 90 % du revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi ». L’indemnité correspond donc, d’abord et avant tout, à un montant annuel.
[39] L’article 63 de la loi prévoit que « le revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi est égal à son revenu brut annuel d’emploi moins le montant des déductions pondérées par tranches de revenus que la Commission détermine en fonction de la situation familiale du travailleur pour tenir compte » de divers facteurs énumérés dans cet article. Le revenu brut qui sert de base au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu est, lui aussi, déterminé sur une base annuelle.
[40] L’article 65 de la loi prévoit que « aux fins du calcul de l’indemnité de remplacement du revenu, le revenu brut annuel d’emploi ne peut être inférieur au revenu brut annuel déterminé sur la base du salaire minimum en vigueur lorsque se manifeste la lésion professionnelle ni supérieur au maximum annuel assurable en vigueur ». Les minimums et maximums fixant les limites de la fourchette à l’intérieur de laquelle le revenu brut annuel doit se trouver sont également exprimés sur une base annuelle.
[41] L’article 67 de la loi - qui a servi à déterminer l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle le travailleur avait droit, en l’occurrence - prévoit, entre autres, que le revenu brut d’un travailleur peut être établi sur la base du revenu qu’il a tiré de son emploi « pour des employeurs différents pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité ». La période de référence utilisée pour établir le revenu gagné par la victime représente, elle aussi, une année.
[42] Ainsi, l’indemnité de remplacement du revenu est d’abord déterminée sur une base annuelle, comme toutes les données à partir desquelles elle est calculée, c’est-à-dire sur la base d’un calendrier comportant 365 jours[2], et ce, sans considération pour le nombre de journées ouvrables, de congés hebdomadaires ou annuels ou, encore, de jours fériés que l’année comprend.
[43] Par contre, la durée de la période pendant laquelle tout travailleur ayant subi une lésion professionnelle a droit à l’indemnité de remplacement du revenu s’exprime, pour sa part, en nombre de jours, comme en attestent notamment les dispositions suivantes :
- En vertu de l’article 60 de la loi, l’employeur du travailleur victime d’une lésion professionnelle, doit lui verser « 90 % de son salaire net pour chaque jour ou partie de jour où ce travailleur aurait normalement travaillé, n’eût été de son incapacité, pendant les 14 jours complets suivant le début de cette incapacité », tel salaire constituant « l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle le travailleur a droit pour les 14 jours complets suivant le début de son incapacité » ;
- L’article 46 de la loi prévoit que « le travailleur est présumé incapable d’exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n’est pas consolidée ». Or, aux termes des articles 199 et 212 de la loi, la consolidation d’une lésion professionnelle est un fait juridique qui se constate à une date précise ou, à tout le moins, en fonction de la « période », exprimée en jours de calendrier, écoulée jusqu’à cette date à compter du jour où la lésion professionnelle s’est manifestée ;
- L’article 47 de la loi prévoit que « le travailleur dont la lésion professionnelle est consolidée a droit à l’indemnité de remplacement du revenu prévue à l’article 45 tant qu’il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d’exercer son emploi ou, si cet objectif ne peut être atteint, pour devenir capable d’exercer à plein temps un emploi convenable ». Or, le moment où un travailleur redevient capable d’exercer un emploi, le sien ou un autre convenable, s’établit à une date déterminée ;
- Il en va de même des situations visées par les articles 48 et 49 de la loi ;
- L’article 57 de la loi prévoit que « le droit à l’indemnité de remplacement du revenu s’éteint au premier des événements suivants : 1º lorsque le travailleur redevient capable d’exercer son emploi, 2º au décès du travailleur ou 3º au soixante-huitième anniversaire de naissance du travailleur … ». Tous et chacun de ces événements survient à une date précise du calendrier.
[44] Donc, la période durant laquelle l’indemnité de remplacement du revenu est payable à la victime d’une lésion professionnelle s’exprime, elle, en un nombre de jours de calendrier. En effet, la loi prévoit que le travailleur y a droit à chaque jour que dure son incapacité. Il faut, par conséquent, en quantifier le montant quotidiennement afin de verser à la victime exactement l’indemnité à laquelle elle a droit.
[45] Ainsi, l’indemnité de remplacement du revenu calculée sur la base de données annuelles, mais devant être versée sur une base quotidienne, requiert d’être convertie d’un montant annuel à un montant journalier, sans égard à la durée de la semaine normale de travail du prestataire. Cette conversion s’opère en divisant le montant de l’indemnité annuelle par 365 (ou 366, le cas échéant).
[46] Voilà pourquoi, aux fins du calcul et du versement de l’indemnité de remplacement du revenu, une semaine comporte sept jours et non pas seulement cinq, comme le voudrait le travailleur.
[47] L’exemple suivant démontre que la méthode de calcul suggérée par le travailleur mène à un résultat absurde.
[48] Prenons pour hypothèse le cas d’un travailleur dont l’indemnité de remplacement du revenu, calculée conformément à la loi, a été fixée à la somme de 14 600,00 $ et qui est demeuré incapable pendant un an à cause de sa lésion professionnelle. L’indemnité à laquelle il a droit, répartie sur les 365 jours du calendrier, représente donc une indemnité journalière de 40,00 $. Selon la méthode ici préconisée par le travailleur, le montant de l’indemnité journalière devrait plutôt être établi en divisant l’indemnité annuelle par 260 jours, soit le produit de 52 semaines de cinq jours chacune. L’indemnité journalière s’établirait alors à une somme de 56,15 $. Puisqu’il faudrait tout de même verser cette indemnité à la victime pour chaque jour qu’a duré son incapacité, au bout d’un an, on lui aurait versé une indemnité de remplacement du revenu totale de 20 494,75 $ (56,15 $ X 365), soit de 5 894,75 $ supérieure à l’indemnité à laquelle il avait droit.
[49] Cet argument du travailleur n’est donc pas fondé.
[50] Le travailleur plaide ensuite que la CSST aurait dû fixer son revenu brut annuel au maximum annuel assurable en vigueur pour l’année 2009 plutôt qu’à celui en vigueur pour l’année 2006.
[51] En effet, selon le travailleur, son droit à une indemnité de remplacement du revenu supérieure à celle que la CSST lui versait jusqu’alors a été reconnu dans une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles en 2009[3] (la décision du 9 octobre 2009). Son indemnité de remplacement du revenu devait donc être calculée sur la base du maximum annuel assurable en vigueur pour cette année-là.
[52] Encore ici, le travailleur est incapable d’identifier la disposition législative sur laquelle son raisonnement est fondé.
[53] À la lumière de la preuve présentée, dans la décision du 9 octobre 2009, la juge administrative a déterminé que le revenu annuel combiné que le travailleur tirait des deux emplois qu’il occupait au moment où il a subi sa lésion professionnelle (le 16 janvier 2006) s’élevait à la somme de 57 509,32 $. Elle a ensuite appliqué à cette situation les dispositions expresses de l’article 65 de la loi et du Règlement sur la table des indemnités de remplacement du revenu pour l’année 2006[4] :
[32] D’autre part, la règle de base, énoncée à l’article 67 de la loi, est le contrat de travail. Les exceptions, prévues dans cette disposition, permettant de calculer le revenu des douze mois précédant l’incapacité de travail, ont pour but de permettre à un travailleur de démontrer un revenu plus élevé que celui prévenu à son contrat de travail. Cette disposition ne permet pas à la CSST de retenir le revenu gagné durant les douze mois précédant l’incapacité de travail lorsqu’il est moindre que le contrat de travail. En l’espèce, le travailleur n’a pas travaillé durant toute cette période en raison d’un autre accident du travail et d’un accident d’automobile. Cependant au moment de la lésion professionnelle du 16 janvier 2006, il avait réintégré ses deux emplois et au moment de l’audience, il les occupe encore.
[33] La situation d’emploi de ce travailleur est particulière en ce qu’il occupe deux postes réguliers : l’un à temps plein, l’autre à temps partiel et offre une prestation de 57,5 heures qui dépasse largement la semaine normale de travail de 40 heures3. Ce qui lui procure un revenu annuel brut combiné de 57 509, 32 $ selon ses contrats de travail.
[34] L’application stricte de l’article 71 de la loi entraîne pour ce travailleur une perte financière importante. L’application de l’article 75 de la loi s’impose donc afin d’appliquer une méthode de calcul plus équitable en raison de la nature particulière de sa situation de travail.
[35] L’article 1 de la loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et de leurs conséquences. Afin de respecter cet objet, il apparaît davantage approprié de retenir une méthode de calcul qui reflète la situation réelle du travailleur.
[36] Le cumul des revenus s’avère, pour ce dernier, une méthode plus équitable qui tient compte de sa situation professionnelle particulière au moment de la lésion professionnelle qui le prive du revenu de ses deux emplois.
[37] Toutefois, puisque ce cumul atteint 57 509, 32$ et dépasse le maximum annuel assurable de 57 000,00 $ en vigueur4 au moment de la lésion professionnelle, la base salariale ne peut dépasser ce montant, tel que prévu à l’article 65 de la loi :
65. Aux fins du calcul de l'indemnité de remplacement du revenu, le revenu brut annuel d'emploi ne peut être inférieur au revenu brut annuel déterminé sur la base du salaire minimum en vigueur lorsque se manifeste la lésion professionnelle ni supérieur au maximum annuel assurable en vigueur à ce moment.
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1985, c. 6, a. 65.
(Le tribunal souligne) (Références omises)
[54] L’article 65 de la loi est clair et non ambigu : pour les fins du calcul de son indemnité de remplacement du revenu, le revenu brut annuel d’emploi du travailleur ne pouvait être supérieur au maximum annuel assurable en vigueur lorsque sa lésion professionnelle s’est manifestée, soit en 2006, pas celui en vigueur en 2009. Le règlement applicable fixait le maximum assurable pour cette année-là à la somme de 57 000 $.
[55] Vérification faite dans le plumitif du tribunal, le travailleur n’a pas demandé la révision, judiciaire ou autre, de la décision du 9 octobre 2009. Elle a donc acquis un caractère final et irrévocable. Chose certaine, le soussigné n’a, dans le cadre du litige dont il est saisi, aucune compétence pour la modifier, et cela, même si elle est erronée - ce qui n’est manifestement pas le cas.
[56] Ce second moyen soulevé par le travailleur doit donc, lui aussi, être écarté.
[57] Il en va de même du troisième argument mis de l’avant par le travailleur, selon lequel la CSST a eu tort de lui refuser le remboursement des frais de déplacement, puisque, selon lui, la loi ne prévoit aucun délai pour le réclamer. Le travailleur soutient, en effet, que « l’article 115 des lois et règlements de la CSST ne fait aucune mention de temps limite pour réclamer ces frais ».
[58] La décision du 9 octobre 2009 a également disposé de ce point, dans les termes suivants :
[52] Le 28 avril 2006, le travailleur réclame pour des frais de déplacement encourus entre le 26 novembre 2004 et le 21 février 2005.
[53] Le Règlement sur les frais de déplacement et de séjour5 prévoit un délai de six mois pour formuler une demande de remboursement :
21. Les frais prévus au présent règlement ne sont remboursés que si la demande de remboursement, appuyée des pièces justificatives, est transmise à la Commission dans les 6 mois suivant la date où ils ont été faits.
Toutefois, la Commission peut prolonger ce délai lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.
[54] En tenant compte des frais les plus récents, ceux du 21 février 2005, le délai expire le 21 août 2005. Le travailleur réclame huit mois après l’expiration de ce délai.
[55] Pour expliquer le retard, le travailleur invoque différentes situations : une réclamation du 27 février 2005 pour une lésion psychique , un autre accident de travail subi en septembre 2005 et son accident d’automobile subi en novembre 2005.
[56] Le tribunal estime que les situations invoquées par le travailleur ne constituent pas un motif raisonnable expliquant son retard puisque la preuve démontre qu’il est retourné au travail de janvier 2005 à septembre 2005, à l’intérieur du délai de six mois pendant lequel il pouvait faire sa demande de remboursement. Aucune preuve ne démontre que sa condition psychique l’empêchait de faire une telle réclamation alors qu’il était en mesure de travailler. La décision de l’instance de révision est donc confirmée.
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5 L.R.Q., c. A-3.001, r. 0.4.1
(Le tribunal souligne)
[59] Encore une fois, le soussigné ne siège ni en appel ni en révision de la décision du 9 octobre 2009. Le tribunal ne peut se prononcer d’aucune façon à l’égard des frais de déplacement encourus entre le 26 novembre 2004 et le 21 février 2005, car cette réclamation a déjà fait l’objet d’une décision, laquelle est désormais finale et irrévocable.
[60] Le tribunal note que, dans le dossier 401369-71-1001 dont il est saisi, la décision rendue le 26 janvier 2010, à la suite de la révision administrative, ne dispose d’aucune autre réclamation du travailleur pour remboursement de frais de déplacement. L’argument soulevé par le travailleur à ce sujet n’est donc pas relié à l’objet de la contestation soumise au tribunal.
[61] Pour l’information du travailleur, le soussigné rappelle ce qui suit. Bien que l’article 115 de la loi ne fixe pas lui-même un délai pour réclamer le remboursement des frais de déplacement, il prévoit néanmoins que celui-ci est effectué par la CSST « selon les normes et les montants qu’elle détermine et qu’elle publie dans la Gazette officielle du Québec ».
[62] Or, l’une de ces normes fixe effectivement un délai limite pour réclamer le remboursement des frais de déplacement. Elle est contenue à l’article 21 du Règlement sur les frais de déplacement et de séjour précité dans la décision du 9 octobre 2009 : « la demande de remboursement, appuyée des pièces justificatives, est [doit être] transmise à la CSST dans les 6 mois suivant la date où ils ont été faits ». À défaut de respecter ce délai, le travailleur devra démontrer « un motif raisonnable pour expliquer son retard » avant de pouvoir obtenir remboursement.
[63] Ainsi, contrairement à ce que prétend le travailleur, la demande de remboursement des frais de déplacement est bel et bien soumise à une limite de temps.
[64] Cet argument doit être rejeté, comme les précédents.
[65] Enfin, pour ce qui est des intérêts que la CSST a payés au travailleur sur les sommes qui lui étaient dues en exécution de la décision du 9 octobre 2009, là encore, aucune disposition législative ou réglementaire particulière n’est invoquée par le requérant.
[66] Le paiement de tels intérêts est prescrit par l’article 364 de la loi :
364. Si une décision rendue par la Commission, à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358, ou par la Commission des lésions professionnelles reconnaît à un bénéficiaire le droit à une indemnité qui lui avait d'abord été refusée ou augmente le montant d'une indemnité, la Commission lui paie des intérêts à compter de la date de la réclamation.
Le taux de ces intérêts est déterminé suivant les règles établies par règlement. Ces intérêts se capitalisent quotidiennement et font partie de l'indemnité.
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1985, c. 6, a. 364; 1993, c. 5, a. 20; 1997, c. 27, a. 20; 1996, c. 70, a. 42.
[67] Quant au taux applicable que portent ces intérêts, le deuxième alinéa de l’article de la loi précité renvoie à un règlement. Il s’agit du Règlement sur la détermination du taux d’intérêt applicable aux fins des articles 60 , 90 , 135 , 261 et 364 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[5].
[68] L’article 2 de ce règlement prévoit que « le taux d’intérêt correspond, pour chaque trimestre d’une année civile, au taux d’intérêt des obligations d’épargne du Québec en vigueur le premier jour du troisième mois du trimestre précédent, réparti quotidiennement ».
[69] La note évolutive du 28 octobre 2009 montre le détail du calcul d’intérêts effectué par la CSST. On y voit que des intérêts, à des taux variables, ont été appliqués sur les montants dus en capital pour chacune des périodes comprises entre le 2 février 2006 et le 28 octobre 2009 ; ils forment un total de 209,42 $.
[70] L’avis de paiement accompagnant le chèque de la CSST au travailleur encaissable le 2 novembre 2009 mentionne que des intérêts totalisant 209,42 $ sont inclus dans la somme payée.
[71] Rien au dossier ne permet de croire que les susdits calculs, effectués par ordinateur, sont erronés ou ne sont pas conformes aux dispositions de la loi et du règlement concerné.
[72] Ce dernier argument du travailleur n’est donc pas fondé, lui non plus.
[73] Cette deuxième contestation est, elle aussi, non fondée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 389556-71-0909
REJETTE la requête de monsieur Gerry Lespinasse, le travailleur ;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 10 septembre 2009, à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARE irrecevable la demande de révision déposée par le travailleur, le 9 juin 2009 ;
Dossier 401369-71-1001
REJETTE la requête du travailleur ;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 26 janvier 2010, à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARE conformes à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles les ajustements à l’indemnité de remplacement du revenu due au travailleur effectués par la Commission de la santé et de la sécurité du travail et dont les détails apparaissent aux avis de paiement émis les 9 octobre ainsi que les 2 et 5 novembre 2009.
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Jean-François Martel |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.