Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
_

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec :

29 novembre 2006

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossier :

250935-03B-0412-R

 

Dossier CSST :

123931966

 

Commissaire :

Me Guylaine Tardif

 

Membres :

Aubert Tremblay, associations d’employeurs

 

Pierre de Carufel, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Robert Cadoret

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Quincaillerie R. Durand inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 25 mai 2006, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) dépose une requête en révision ou en révocation en l’encontre de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 27 avril 2006.

[2]                Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles accueille la contestation de monsieur Robert Cadoret (le travailleur), infirme la décision rendue en révision administrative par la CSST et déclare que le diabète de type II, dont souffre le travailleur constitue une rechute, récidive ou aggravation consécutive à la lésion professionnelle qu’il a subie le 4 février 2003.

[3]                L’audience s’est tenue à Lévis le 10 novembre 2006, en présence de la procureure de la CSST, du travailleur et de son procureur. Quincaillerie R. Durand inc. (l’employeur) n’était pas représenté à l’audience.

 

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]                La CSST demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision qu’elle a rendue pour le motif qu’elle est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider.

Question préliminaire

[5]                Le travailleur prétend que la requête est irrecevable. Il argumente que la CSST n’était pas une partie à l’audience tenue par le premier commissaire et que le recours en révision ne peut être exercé que par une partie au litige.

[6]                Sur ce point, la preuve au dossier révèle que l’audience a été convoquée le 14 décembre 2004, que la CSST a reçu copie de l’avis d’audience, que l’audience s’est tenue le 6 février 2006, que la décision a été rendue par la Commission des lésions professionnelles le 27 avril 2006 et que la CSST a produit un avis d’intervention au dossier le 17 mai 2006.

[7]                La procureure de la CSST prétend, jurisprudence à l’appui[1], que la CSST peut produire une requête en révision même si elle n’est pas intervenue au dossier avant ou au moment de l’audience tenue devant le premier commissaire.

 

L’AVIS DES MEMBRES SUR LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

[8]                Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis qu’il y a lieu de rejeter la requête en irrecevabilité. Ils considèrent qu’il n’y a pas lieu de s’écarter de la jurisprudence bien établie en la matière à l’effet que le recours en révision n’est pas ouvert uniquement à une partie au litige devant le premier commissaire.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LA QUESTIN PRÉLIMINAIRE

[9]                La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le recours en révision exercé par la CSST est recevable.

[10]           Ce recours est fondé sur l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la loi) qui se lit comme suit :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:

 

1°   lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2°   lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3°   lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[11]           Il est exact que selon l’article 429.16 de la loi la CSST est considérée une partie à un litige lorsqu’elle produit un avis d’intervention :

429.16. La Commission peut intervenir devant la Commission des lésions professionnelles à tout moment jusqu'à la fin de l'enquête et de l'audition.

 

Lorsqu'elle désire intervenir, elle transmet un avis à cet effet à chacune des parties et à la Commission des lésions professionnelles; elle est alors considérée partie à la contestation.

 

Il en est de même du travailleur concerné par un recours relatif à l'application de l'article 329.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 


 

[12]           Cependant, pour exercer le recours en révision prévu à l’article 429.56 de la loi, la CSST n’a pas à démontrer qu’elle était une partie au litige devant le premier commissaire. Le recours en révision est permis sans égard à quelque condition que ce soit qui soit relative à la qualité ou au statut de la personne qui l’exerce.

[13]           La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles et de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles est bien établie sur ce point.[2].

[14]           Il y a lieu de rejeter la requête en irrecevabilité.

Question préalable

[15]           Au soutien de sa requête en révision, la CSST produit certaines publications médicales portant sur le traitement approprié de la lombalgie.

[16]           Le procureur de travailleur s’oppose à la production de cette littérature médicale pour le motif qu’aucune preuve additionnelle ne peut être versée au dossier au stade du recours en révision.

[17]           La procureure de la CSST laisse la question à la discrétion du tribunal, tout en indiquant que la littérature médicale produite ne comporte que des indications de faits généralement reconnus.

 

L’AVIS DES MEMBRES SUR LA QUESTION PRÉALABLE

[18]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis que la preuve que tente de produire la CSST est inadmissible puisque qu’elle porte sur le fond du litige dont était saisie la Commission des lésions professionnelles, et non pas sur l’ouverture au recours en révision. Ils accueilleraient le moyen préalable.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LA QUESTION PRÉALABLE

[19]           La CSST tente d’ajouter au dossier, au stade du recours en révision, une preuve portant sur le fond du litige dont était saisi le premier commissaire.

[20]           Or, il est bien établi en jurisprudence que le recours en révision ne doit pas être l’occasion pour une partie de bonifier la preuve offerte devant la Commission des lésions professionnelles. Il n’est donc pas permis de présenter au stade de la révision une preuve qui aurait pu être présentée devant le premier commissaire[3].

[21]           Conclure autrement viderait de son sens l’article 429.49 de la loi qui prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel.

[22]           C’est pourquoi, les documents produits par la CSST au soutien de sa requête en révision doivent être retirés du dossier.

 

LES FAITS RELATIFS AU FOND DU LITIGE

[23]           La CSST prétend que la décision comporte des erreurs manifestes de faits qui sont déterminantes sur l’issue du litige et qu’il n’y a pas de lien rationnel entre les conclusions retenues par la Commission des lésions professionnelles et la preuve au dossier.

[24]           Le premier commissaire était saisi de la question de savoir si le diabète de type II dont souffre le travailleur résulte de la lésion professionnelle qu’il a subie le 4 février 2003.

[25]           À l’audience tenue par le premier commissaire, seul le travailleur était présent. Il a offert son témoignage ainsi qu’une preuve médicale au soutien de ses prétentions.

[26]           Le premier commissaire résume les faits et conclut comme suit :

« LES FAITS

 

[7]        Le travailleur, aujourd’hui âgé de 42 ans, exerce la fonction de vendeur-conseiller pour l’employeur depuis le mois de septembre 2001 lorsque, le 4 février 2003, il ressent une forte douleur dans le bas du dos en déplaçant un poêle.

 

[8]        Il consulte ce même jour le docteur Auger qui diagnostique une entorse lombaire au niveau L5-S1 avec sciatalgie gauche, condition pour laquelle des anti-inflammatoires, relaxants musculaires et arrêt de travail lui sont prescrits.

 

[9]        Par la suite, le travailleur est pris en charge par le docteur Gingras qui, le 14 février 2003, retient le diagnostic de lombalgie par discopathie aiguë et sciatalgie gauche.

 

[10]      Le 19 février 2003, le travailleur passe des tests de laboratoire (tests sanguins) qui révèlent, entre autres, un glucose à jeun à 5,4 par rapport à une normalité située entre 3,6 et 6,1.

 

[11]      Le 6 mars 2003, le travailleur passe, cette fois, une résonance magnétique au niveau lombaire qui est interprétée par la docteure Marie Dufour en ces termes : 

 

1-         Dégénérescence discale diffuse modérée à L4-L5, L5-S1.

 

 

2-         Hernie discale centrale de calibre modéré à L4-L5 qui démontre une migration inférieure.

 

3-         Hernie parasagittale gauche de calibre modéré qui démontre une migration inférieure à L5-S1.

 

4-         Arthrose interfacettaire multiétagée, sans signe de sténose spinale ou foraminale.

 

[12]      Le 20 mars 2003, le docteur Gingras réfère le travailleur au docteur Yves Brault, physiatre, sur la base du diagnostic de lombalgie par discopathie aiguë avec sciatalgie gauche.

 

[13]      Le 28 avril 2003, le docteur Gingras reprend son diagnostic mais réfère, cette fois, à une sciatalgie droite.

 

[14]      Le 2 mai 2003, la CSST accepte le diagnostic de hernie discale L5-S1 gauche comme étant en relation avec cet événement survenu le 4 février 2003.

 

[15]      Le 3 juillet 2003, le docteur Brault porte le diagnostic de hernie discale L4-L5 centrale et hernie discale L5-S1 centro-latérale gauche.

 

[16]      Dans le cadre d’un échange téléphonique avec le médecin régional de la CSST, le 20 août 2003, le docteur Gingras parle d’une évolution qui n’a pas été aussi favorable que celle anticipée. Il envisage de faire revoir le travailleur par le docteur Brault et n’écarte pas une consultation en neurochirurgie.

 

[17]      Le 30 septembre 2003, le travailleur passe une nouvelle résonance magnétique au niveau lombaire qui témoigne d’une amélioration du volume de ses hernies discales L4-L5 et L5-S1.

 

[18]      Sensibilisé par le docteur Gingras sur le fait que le docteur Brault doit revoir bientôt le travailleur, le médecin régional communique avec ce dernier, le 20 novembre 2003, pour discuter de la pertinence d’envisager un programme de réadaptation de type Prévicap, proposition que le docteur Brault trouve intéressante mais désire tout de même examiner le travailleur avant de prendre position.

 

[19]      Le 21 novembre 2003, le docteur Brault note que le travailleur demeure extrêmement souffrant malgré l’amélioration de ses hernies discales. Il s’interroge sur la meilleure thérapeutique et le réfère à un neurochirurgien.

 

[20]      Le 13 février 2004, le docteur Jacques Francoeur, neurochirurgien, recommande au travailleur une approche chirurgicale compte tenu de l’évolution de ses hernies discales.

 

[21]      Le 18 février 2004, le travailleur passe de nouveaux tests de laboratoire qui démontrent une glucose à 5,9 par rapport à la moyenne située entre 3,6 et 6,1.

 

[22]      Par la suite, le travailleur continue d’être suivi régulièrement par le docteur Gingras sur la base du diagnostic de « lombosciatalgie secondaire à hernie discale lombaire ».

 

[23]      Dans son rapport médical du 22 avril 2004, le docteur Gingras précise que le travailleur est en attente d’une chirurgie pour cette condition lombaire.

 

[24]      Les tests biochimiques passés par le travailleur, le 29 juin 2004, réfèrent cette fois à une glycémie au temps 0 à 8.0 par rapport à une normale de 6,1 et à une glycémie à 120 minutes à 14.3 pour une valeur de référence normale qui est inférieure à 7.8. L’interprétation de ces derniers tests est compatible avec un diabète de type 2.

 

[25]      Le 9 août 2004, le docteur Gingras reprend son diagnostic de « lombosciatalgie secondaire à hernie discale lombaire » et ajoute celui de diabète secondaire à l’inactivité du travailleur.

 

[26]      Le 27 août 2004, la CSST, après avoir obtenu l’opinion de son médecin régional, écrit au travailleur pour l’informer qu’elle refuse le diagnostic de diabète au motif qu’il n’y a pas de relation avec l’événement survenu le 4 février 2003 et, dans une autre décision, l’informe qu’elle ne peut rembourser le médicament Ascencia microfill bandelette, puisque ce dernier n’est pas relié aux traitements de sa lésion professionnelle, dernière décision que le travailleur porte en révision le 24 septembre 2004 et la première le 1er novembre 2004.

 

[27]      Le 10 novembre 2004, la CSST, à la suite d’une révision administrative, confirme ses décisions rendues le 27 août 2004, d’où la contestation déposée à la Commission des lésions professionnelles le 13 décembre 2004 au nom du travailleur.

 

[28]      À l’audience, le représentant du travailleur dépose, sous la cote T-1, le rapport d’évaluation médicale du docteur Jean-Marc Lépine du 7 janvier 2006; sous la cote T-2, deux lettres émanant du docteur Claude Gingras datées respectivement du 23 décembre 2004 et 2 février 2006; sous la cote T-3, un extrait de littérature provenant de l’Agence de santé publique du Canada sur le diabète; et, sous la cote T-4, des extraits du Nouveau Larousse médical et du Grand dictionnaire médical pour la famille. Il est demandé au représentant du travailleur de déposer les tests de laboratoire passés chez le travailleur les 19 mars 2003, 18 février et 29 juin 2004. Le travailleur livre également témoignage.

 

[29]      De celui-ci, la Commission des lésions professionnelles retient qu’il revient brièvement sur son accident survenu le 4 février 2003.

 

[30]      À la suite de cet accident du travail, il a dû être alité de trois à quatre mois en raison de l’intensité de ses douleurs impliquant sa région lombaire et son membre inférieur gauche.

 

[31]      Avant cet accident, il était actif sur le plan sportif, se livrant à la natation, la marche et le ski de fond.

 

[32]      Selon ses dires, son poids se situait entre 170 et 180 livres au moment de l’accident pour atteindre celui de 240 livres vers le mois de septembre ou octobre 2003.

 

 

[33]      Au cours de traitements, il a développé une problématique au niveau de sa tension artérielle en lien avec un des effets secondaires des anti-inflammatoires qu’il a dû utiliser.

 

[34]      Il n’avait pas de diabète avant le mois de février 2003.

 

[35]      Au niveau familial, il admet que son père et sa mère présentent actuellement du diabète de type 2 mais cette maladie s’est manifestée, pour l’un, à l’âge de 75 ans et, pour l’autre, à l’âge de 73 ans. Il a deux sœurs et celles-ci n’ont aucunement le diabète.

 

[36]      Il fumait un paquet de cigarettes aux deux jours mais a cessé il y a un an à un an et demi.

 

 

L’AVIS DES MEMBRES

 

[37]      Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis de confirmer la décision rendue par la révision administrative, le 10 novembre 2004, alors que le membre issu des associations syndicales est d’avis contraire.

 

[38]      Pour le membre issu des associations d’employeurs, le diabète de type 2 diagnostiqué chez le travailleur, en juin 2004, relève exclusivement d’une condition qui lui est personnelle.

 

[39]      Le membre issu des associations syndicales estime, quant à lui, que la preuve factuelle et médicale permet d’établir la relation entre le diabète que présente le travailleur, le 29 juin 2004, et les conséquences engendrées par sa lésion professionnelle du 4 février 2003.

 

[40]      Il note que le travailleur n’avait pas de diabète avant que ne survienne cet accident du travail du 4 février 2003.

 

[41]      C’est à la suite de cet accident que le travailleur a dû être alité de trois à quatre mois et à se livrer à une sédentarité physique importante après. Ainsi, son poids est passé d’approximativement 180 livres à 240 livres en quelques mois seulement.

 

[42]      Sans remettre en question la condition personnelle du travailleur qui faisait de lui un candidat pour développer le diabète, ses parents étant tous deux atteints, il note tout de même que l’inactivité physique du travailleur jointe à cette prise de poids considérable en si peu de temps ont, comme le souligne son médecin traitant, précipité ce diabète de type 2, d’où la conclusion qu’il tire sur la relation entre cette maladie et les conséquences de cette lésion professionnelle vécue le 4 février 2003.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

 

[43]      La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur présente, le 29 juin 2004, une lésion professionnelle à titre de récidive, rechute ou aggravation.

 

[44]      La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi)1 définit, à son article 2, la lésion professionnelle comme suit : 

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[45]      Il ressort de cette définition qu’une récidive, rechute ou aggravation peut, pour les droits prévus à la loi précitée, constituer une lésion professionnelle.

 

[46]      En semblable matière, la Commission des lésions professionnelles et antérieurement la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) ont, à maintes reprises, réitéré toute l’importance pour le travailleur de démontrer, par une preuve prépondérante, l’existence même d’une pathologie et d’en établir la relation causale avec une lésion professionnelle initiale ou ses conséquences.

 

[47]      Dans le dossier sous étude, on ne remet pas en question le fait que le travailleur a des antécédents familiaux qui font de lui un candidat pour développer le diabète de type 2, ses parents étant tous deux atteints de cette maladie depuis l’âge de 73 ans  pour l’un et 75 ans pour l’autre.

 

[48]      Conscient de ce fait, le représentant du travailleur soumet que la prédisposition du travailleur, qui est une condition tout à fait personnelle, n’élimine pas pour autant la reconnaissance d’une lésion professionnelle sous forme de récidive, rechute ou aggravation si, dans les faits, les conséquences de sa lésion professionnelle ont joué un rôle dans la manifestation ou la précipitation de cette maladie.

 

[49]      C’est justement par le biais des conséquences de la lésion professionnelle vécue par le travailleur, le 4 février 2003, que son médecin traitant, le docteur Gingras, établit pareille relation.

 

[50]      Pour le docteur Gingras, la sédentarité causée par la lésion professionnelle initiale a favorisé l’apparition précoce de ce diabète de type 2, approche qui en soi n’est pas dénudée de tout bon sens.

 

[51]      Cette conclusion du docteur Gingras se trouve par ailleurs corroborée par l’extrait de l’Agence de santé publique du Canada sur le diabète qui identifie, comme facteurs de risque, l’embonpoint excessif, les mauvaises habitudes alimentaires et l’inactivité physique.

 

[52]      Rappelons-nous que peu de temps après sa lésion professionnelle vécue le 4 février 2003, le travailleur a passé des tests de laboratoire qui se sont révélés être dans les limites de la normale.

 

[53]      À la suite de cet accident, le travailleur a dû être alité de trois à quatre mois en raison de l’intensité de ses douleurs impliquant sa région lombaire et son membre inférieur gauche.

 

[54]      Cette inactivité physique du travailleur s’est poursuivie après cette période d’alitement et il en est encore de même aujourd’hui.

 

[55]      Lorsque le travailleur passe de nouveaux tests, le 18 février 2004, son glucose a progressé à 5,9 et, dès le 29 juin 2004, sa glycémie au temps 0 est à 8.0, dépassant ainsi le maximum normal fixé à 6,1 et sa glycémie à 120 minutes est à 14.3 pour une valeur de référence inférieure à 7.8.

 

[56]      Entre la date de son accident du travail vécu le 4 février 2003 et le dernier test de laboratoire passé le 29 juin 2004, le travailleur a donc développé ce diabète de type 2.

 

[57]      Comment expliquer l’apparition précoce de ce diabète de type 2, si ce n’est que par cette sédentarité et/ou prise de poids significative en peu de temps, quoique ce dernier élément ne semble pas aussi prépondérant que cette même sédentarité ?

 

[58]      En effet, le surplus de poids pris par le travailleur entre le 4 février et le mois de septembre-octobre 2003, passant de 180 livres à 240 livres, peut s’expliquer, entre autres, par la sédentarité et aussi par l’abandon de son tabagisme. Toutefois, malgré un régime alimentaire assez sévère qui a donné lieu à une baisse de poids jusqu’à 201 livres, le 21 avril 2004, le travailleur demeure tout de même avec son diabète de type 2, confirmant ainsi que la sédentarité est vraisemblablement l’élément majeur ayant favorisé l’apparition précoce de ce diabète.

 

[59]      Dans la mesure où cette sédentarité est en étroite relation avec l’une des conséquences de sa lésion professionnelle, la Commission des lésions professionnelles, tout comme l’a reconnu le docteur Gingras, conclut qu’il existe une relation de cause à effet entre l’apparition précoce de ce diabète de type 2 et la lésion professionnelle vécue le 4 février 2003.

 

[60]      En conclusion, la Commission des lésions professionnelles reconnaît que l’apparition précoce de ce diabète de type 2 chez le travailleur constitue bel et bien une lésion professionnelle à titre de récidive, rechute ou aggravation de l’une des conséquences laissées par cet accident du travail initial.

 

[61]      Par ailleurs, cette conclusion de la Commission des lésions professionnelles fait en sorte que le médicament Ascencia microfill bandelette prescrit au travailleur pour ce diabète de type 2 se doit donc d’être remboursé au travailleur, compte tenu de l’admissibilité de sa réclamation pour aggravation sur la base du diagnostic de diabète de type 2. »

___________________

1              L.R.Q., c. A-3.001.

 

 

[27]           La procureure de la CSST prétend que le premier commissaire a commis une erreur manifeste en retenant un lien de causalité indirect alors que le lien requis doit être direct et elle soumet qu’il n’y avait au dossier aucune preuve à l’effet qu’une hernie discale peut être la cause directe d’un diabète de type II.

[28]           Elle prétend par ailleurs que le premier commissaire a commis une autre erreur manifeste en s’en remettant uniquement au témoignage du travailleur quant à la sédentarité qui a résulté de la lésion professionnelle, à sa prise de poids subséquente et au lien temporel existant entre l’apparition du diabète de type II et la variation de poids du travailleur.

[29]           Reconnaissant qu’il appartenait au premier commissaire d’apprécier la preuve, la procureure de la CSST considère toutefois qu’il devait apprécier tous les faits du dossier et non pas seulement le témoignage du travailleur.

[30]           Considérant que le lien de causalité requis n’est pas supporté par la preuve, la CSST plaide qu’il n’y a pas de lien rationnel entre la preuve et les conclusions du premier commissaire.

[31]           Elle demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision qu’elle a rendue et de déclarer que le diabète de type II dont souffre le travailleur ne résulte pas de la lésion professionnelle.

[32]           Le procureur du travailleur prétend, pour sa part, que la rechute, récidive ou aggravation comprend la lésion causée indirectement par une lésion professionnelle. Il estime que le premier commissaire n’a commis aucune erreur de droit à cet égard.

[33]           Quant au reste, il plaide que la décision rendue par le premier commissaire repose sur des faits qu’il a jugé prépondérants et sur la preuve médicale au dossier à l’effet que la lésion professionnelle a aggravé, en raison de la sédentarité qu’elle a entraînée, le risque que présentait le travailleur de développer un diabète de type II. Il conclut que le premier commissaire n’a commis aucune erreur manifeste, de faits ou de droit, en concluant de la sorte.

[34]           Il soumet certaines décisions au soutien de ses prétentions[4] et demande à la Commission des lésions professionnelles de rejeter la requête.

 


L’AVIS DES MEMBRES

[35]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis qu’il y a lieu de rejeter la requête. Ils considèrent que la CSST n’a pas démontré que la décision comporte une erreur manifeste et déterminante, de faits ou de droit, sur l’issue du litige. Ils constatent que la décision prend appui sur des faits jugés prépondérants par le premier commissaire, et que son interprétation de la règle de droit n’est pas manifestement erronée.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LE FOND DU LITIGE

[36]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a matière à réviser la décision qu’elle a rendue.

[37]           Rappelons que la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel, conformément à l’article 429.49 de la loi.

[38]           Dans ces circonstances, il n’appartient pas au tribunal siégeant en révision de réapprécier la preuve et le droit applicable et de substituer son opinion à celle du premier commissaire[5].

[39]           L’appréciation de la preuve faite par le premier commissaire n’est donc pas sujette à révision, à moins qu’on démontre que cette appréciation est manifestement erronée[6], ce qui n’est pas le cas en espèce.

[40]           Le premier commissaire a entendu le témoignage du travailleur, qu’il a apprécié, et il a tenu compte de la preuve médicale offerte par le travailleur, qu’il a jugé prépondérante. Il lui appartenait d’apprécier la preuve et il ne revient pas à la commissaire soussignée de reprendre cet exercice en l’absence de démonstration d’une erreur manifeste et déterminante.

[41]           Même en assumant que le premier commissaire a commis une erreur en retenant que le travailleur avait pris 60 livres entre février et octobre 2003, il reste que la preuve documentaire au dossier est à tout le moins à l’effet que le travailleur a pris 26 livres entre le 20 mars 2003 et le 3 mars 2004. Une prise de poids significative ultérieure à la survenance de la lésion professionnelle est démontrée, sans égard au caractère probant du témoignage du travailleur sur cet aspect. S’il y a erreur, elle n’est pas déterminante.

[42]           Quant au lien de causalité nécessaire entre une lésion professionnelle et une rechute, récidive ou aggravation ultérieure, le premier commissaire n’a commis aucune erreur manifeste de droit en retenant qu’un lien de causalité indirect est suffisant.

[43]           La CSST n’a soumis aucune autorité à l’effet que le lien de causalité requis doit nécessairement être direct. La jurisprudence de ce tribunal admet d’ailleurs aussi bien les lésions directes que les lésions indirectes.

[44]           La question du lien temporel entre l’évolution du poids du travailleur et la sédentarité associée à la lésion professionnelle relève de l’appréciation de la preuve médicale. Le premier commissaire a étudié cette question. Il n’appartient pas à la commissaire soussignée de réapprécier cette preuve et de substituer son opinion à celle du premier commissaire.

[45]           Enfin, l’allégation de la CSST à l’effet qu’il n’y a pas de lien rationnel entre les conclusions du premier commissaire et la preuve au dossier est mal fondée.

[46]           Le premier commissaire ayant retenu que la lésion professionnelle a entraîné une modification importante du niveau d’activités habituel du travailleur, que la sédentarité résultant de la lésion professionnelle a provoqué une prise de poids significative augmentant par le fait même le risque de développement d’un diabète de type II et aggravant le risque personnel du travailleur de développer cette pathologie, il n’y a rien d’irrationnel dans le fait de conclure que le travailleur a démontré qu’il a subi une rechute, récidive ou aggravation consécutive à la lésion professionnelle.

[47]           Enfin, la commissaire soussignée constate que la décision repose sur des faits prouvés et que l’appréciation du premier commissaire est bien motivée. La requête produite par la CSST s’apparente à un appel déguisé.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête en irrecevabilité produite par monsieur Robert Cadoret, le travailleur;

 

ACCUEILLE le moyen préalable;

ORDONNE le retrait du dossier de la littérature médicale produite par la Commission de la santé et de la sécurité du travail au soutien de sa requête en révision;

REJETTE la requête en révision produite par la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

 

 

 

 

GUYLAINE TARDIF

 

Commissaire

 

 

 

 

Me Georges-Étienne Tremblay

C.S.N.

Procureur de la partie requérante

 

Me Odile Tessier

PANNETON LESSARD

Procureure de la partie intervenante

 



[1]           Gauthier et Proulx, 104715-72-9809, 29 janvier 2001, M. Bélanger; Fortin et Lomex inc., 02316-60-8702, 3 mars 1989, G. Beaudoin.

[2]           C.S.S.T. et Restaurants McDonald du Canada ltée, [1998] C.L.P. 1318; Hardouin et Société Asbestos ltée, 116756-03-9905, 5 septembre 2000, G. Tardif, révision rejetée, 5 mars 2002, M. Beaudoin (01LP-182); Gauthier et Proulx, précitée, note précédente; Fortin et Lomex inc., précitée, note précédente.

[3]           C.S.S.T. et Restaurants MacDonald du Canada ltée, précitée, note précédente; Hardouin et Société Asbestos ltée, précitée, note précédente; Services correctionnels du Canada et Rivard, [1998] C.L.P. 635 ; Vêtements Golden Brand Canada ltée et Casale, 100304-60-9804, 16 décembre 1998. É. Harvey; Magasin Laura PV inc. et C.S.S.T., 76356-61-601, 15 février 1999, S. Di Pasquale; Lessard et Les produits miniers Stewart inc., 88727-08-9705, 19 mars 1999, J.-G. Roy, requête en révision judiciaire rejetée [1999] C.L.P. 825 (C.S.); Poitras et Christina Canada, 100370-62-9803, 7 mars 2000, M. Zigby, requête en révision judiciaire rejetée, C.S., Longueuil, 505-05-006180-001, 9 janvier 2001, j. Tremblay

[4]           Papetière Donnacona et Barbeau, 243713-32-0409, 16 novembre 2005, J.-L. Rivard, rejetant une requête en révision; Maranda et R.T.C. Chauffeurs, 219187-32-0310, 18 novembre 2005, P. Simard, rejetant une requête en révision.

[5]           Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 ; Moschin et Communauté urbaine de Montréal, [1998] C.L.P. 860 ; Vêtements Golden Brand Canada ltée et Casale, précitée, note 3; Magasin Laura PV inc. et C.S.S.T., précitée, note 3; Poitras et Christina Canada inc., précitée note 3; Lessard et Les produits miniers Stewart inc., précitée, note 3; Lessard c. C.L.P., [1999] C.L.P. 825 (C.S.); Gaumond et Centre d’hébergement St-Rédempteur inc., [2000] C.L.P. 346 .

[6]           Poitras et Christina Canada inc., précitée note 3; C.S.S.T. c. Fontaine, [2005] C.L.P 626 (C.S.).

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.