Décision

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Produits d'électronique et de signalisation (PES) Canada inc. c. Ville de Québec

2022 QCCS 3501

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

 

 

 :

200-17-033023-219

 

DATE :

12 septembre 2022

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

MARTIN DALLAIRE, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

PRODUITS D’ÉLECTRONIQUE ET DE SIGNALISATION (P.E.S.) CANADA INC.

2700, rue Dalton, bureau 206, Québec (Québec) G1P 3S4

 

Demanderesse

c.

VILLE DE QUÉBEC

2, rue Desjardins, C.P. 700, Succursale Haute-Ville, Québec (Québec) G1R 4S9

 

Défenderesse

et

LES SYSTÈMES CYBERKAR INC.

3026, rue Anderson, suite 202, Terrebonne (Québec) J6Y 1W1

 

 Mise en cause

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT SUR DEMANDE EN INJONCTION PERMANENTE

______________________________________________________________________

 

[1]                Prétextant être le plus bas soumissionnaire conforme dans le cadre d’un appel d’offres public soumis par la défenderesse, la demanderesse s’adresse à la Cour afin d’obtenir une injonction permanente visant à déclarer nul le contrat prétendument adjugé illégalement à la mise en cause et de lui octroyer.

LES PARTIES IMPLIQUÉES

[2]                Produits d’électronique et de signalisation [ci-après appelée : P.E.S.] est une entreprise constituée en 2000 opérant dans le domaine de vente et distribution d’équipements de sécurité publique, la distribution et l’installation d’équipements pour véhicules, notamment les véhicules de corps policier et de fourgons cellulaires.

[3]                P.E.S. a son domicile élu au 1575, boulevard Lionel-Boulet à Varennes, province de Québec. Son établissement principal est situé au 2700, avenue Dalton à Québec.

[4]                De son côté, Ville de Québec [ci-après appelée : Ville] est une personne morale de droit public, soit une corporation municipale qui procède à un appel d’offres, objet du présent litige.

[5]                Cet appel d’offres portant le numéro 75585 vise, entre autres, à obtenir des services spécialisés pour l’installation d’équipements sur les véhicules de son service de police.

[6]                Plus particulièrement, il s’agit d’un « contrat pour l’acquisition et l’installation d’équipements électroniques d’urgence neufs sur des véhicules utilitaires de police », tel que référé dans l’appel d’offres [pièce D-1].

[7]                La mise en cause, Les Systèmes Cyberkar inc. [ci-après appelée : Cyberkar] est une entreprise constituée en 2014 dont les activités commerciales sont de concevoir les systèmes informatiques véhiculaires pour les véhicules d’urgence et offrant des services de réparation d’équipements informatiques. Elle est domiciliée à Terrebonne.

[8]                P.E.S. opère dans un local suivant un bail intervenu le 1er novembre 2018 entre les Immeubles Roussin et elle-même. Ce bail comporte une convention d’agrandissement lui permettant, entre autres, de pouvoir bénéficier d’un espace plus grand [pièce P-20], option dont elle se prévaut le 19 mai 2021 [pièce P-21].

[9]                Il est admis et non contesté qu’au moment de l’appel d’offres, Cyberkar ne possède pas d’atelier et/ou de lieu de travail dans les limites de la Ville.

[10]           Le ou vers le 27 mai 2021, la Ville procède à son appel d’offres.

[11]           Monsieur Patrice Vachon, conseiller en approvisionnement pour la Ville, est responsable de cet appel d’offres.

[12]           Le 28 juin 2021 se veut la date limite pour le dépôt des soumissions. À l’intérieur de ce délai, tant P.E.S. que Cyberkar, déposent des soumissions qui sont ouvertes le 28 juin 2021 à 10h30.

[13]           Ainsi, dans l’appel d’offres il est prévu, au paragraphe 1.5, que le soumissionnaire est une personne physique, société ou personne morale qui dépose une soumission dans le cadre du présent appel d’offres.

[14]           L’article 4.1 stipule une réserve de la part de la Ville à l’effet qu’elle ne serait tenue d’accepter ni la plus basse ni aucune soumission.

[15]           De façon plus spécifique, une disposition contractuelle pertinente est prétendument non rencontrée par Cyberkar selon ce que soutient P.E.S.

[16]           Cette clause spécifique, intitulée « Place d’affaires et expérience », à l’article1.1.7, stipule ce qui suit :

« Le soumissionnaire doit avoir un atelier avec techniciens situé à proximité Ville de Québec (sic) afin d’être en mesure de donner un niveau de service requis pour ces (sic) véhicules d’urgence. La place d’affaire (sic) doit être accessible dans l’heure suivant une demande d’intervention du représentant de la Ville de Québec ».

[Soulignements ajoutés]

[17]           Dans sa soumission, Cyberkar précise : « Nous confirmons également que nous allons ajouter un atelier dans une région du Québec afin de mieux service nos clients » [pièce P-16].

[18]           Ainsi, elle précise son intention d’en avoir un au cas de l’octroi de la soumission.

[19]           À l’origine, selon une déclaration sous serment de monsieur Alex Migneault, représentant de Location B.C.I., le 29 juin 2021 [pièce D-14], cette agence de location d’espaces commerciaux s’est vu contacter par un représentant de Cyberkar pour un intérêt sur un local situé dans l’arrondissement, notamment de Beauport, et ce, le lendemain de l’ouverture des soumissions.

[20]           Dans l’intervalle, le représentant de P.E.S. avise la Ville le 7 juillet 2021 [pièce P-7] qu’à son avis, Cyberkar n’est pas un soumissionnaire conforme vu son absence d’atelier.

[21]           Entretemps, dans un courriel [pièce P-5], en réponse à une demande d’information, le représentant de la mise en cause livre le commentaire suivant : « Salut, merci de l’intérêt. C’est incertain, mais ce sera sûrement à la fin de l’automne que nous ouvrirons l’atelier de Québec ».

[22]           En raison de ce fait, le 13 septembre 2021, le représentant de la Ville, monsieur Vachon, demande une information démontrant que « vous avez un atelier répondant aux critères » à la mise en cause [pièce P-17].

[23]           Cyberkar souhaite obtenir une extension du délai [pièce P-17].

[24]           Devant le refus de prolonger le délai, il confirme le lendemain qu’il serait possible d’avoir un local en transmettant une entente temporaire à signer. Cette entente temporaire pour une durée de trois mois comporte quand même certaines réserves de la part du locateur.

[25]           En effet, le représentant du locateur rappelle qu’avant d’entrer en possession des lieux, il faudrait changer les serrures, obtenir un dépôt de loyer et obtenir une confirmation d’assurance afin de couvrir adéquatement le local.

[26]           Parallèlement, le représentant de Cyberkar cherche à obtenir certaines précisions sur le bail définitif quant aux clauses usuelles qu’il souhaite négocier avec son locateur [pièce P-24].

[27]           Entretemps, à la demande de la Ville, une visite des lieux intervient différée le 22 septembre 2021 et une photo de l’atelier [pièce P-18] fait voir qu’il n’y a aucun équipement à l’intérieur du local.

[28]           Le 1er octobre 2021, le bail final intervient sur l’entente de location négociée de façon temporaire au préalable le 14 septembre, soit la pièce P-19.

[29]           Parallèlement, P.E.S., voyant que ces démarches demeurent vaines, transmet une plainte le 5 octobre 2021 au service du vérificateur général [pièce P-11].

[30]           Toujours dans l’intervalle, le 28 septembre 2021, un numéro sommaire est attribué dans le système informatique de la Ville intitulé « gestion du processus général », concordant avec le début de la date de l’écriture du sommaire décisionnel [pièce P-4].

[31]           Le 14 octobre 2021, Patrice Vachon reçoit une copie finale du bail et un plan d’aménagement des locaux de Cyberkar [pièce P-19]. Le 15 octobre, celui-ci appose sa signature sur le sommaire décisionnel AP-2021-17-595 comme étant favorable à l’adjudication de la soumission à Cyberkar.

[32]           Le 24 novembre 2021 se tient la séance du conseil d’agglomération qui attribue le contrat à Cyberkar sur une période de trois ans [pièce P-2].

[33]           Estimant être la plus basse soumissionnaire conforme, P.E.S. transmet une mise en demeure à la même date pour dénoncer la situation [pièce P-12].

[34]           Le 3 février 2022, un bon de commande est émis en faveur de Cyberkar [pièce D-5].

[35]           Parallèlement, en raison de la plainte logée par P.E.S., l’Autorité des marchés publics [A.M.P.] mentionne que sa vérification est terminée tout en précisant qu’à son avis, la clause 1.1.7 du devis technique manque de clarté [pièce D-6].

[36]           Voici ce qu’écrit monsieur Steve Dubé, directeur du traitement des plaintes dans sa correspondance du 21 février 2022 [Pièce D-6] :

La présente a pour but de vous informer que cette vérification est terminée et de vous faire part du constat de l’AMP quant au manque de clarté dans la rédaction de la clause intitulée « place d’affaires et expérience » qui aurait gagné à être précisée davantage. Nous vous rappelons que les organismes publics doivent s’assurer d’éviter toute ambigté dans la rédaction des clauses inscrites aux documents d’appel d’offres qu’ils publient afin de respecter les principes qui sous-tendent la passation des contrats publics.

[Soulignement ajouté]

[37]           De l’avis de monsieur Serge Bouchard, technicien aux équipements motorisés de la Ville, dans sa déclaration sous serment du 16 juin 2022 [Pièce D-8], l’objectif de la Ville vise à élargir le bassin des soumissionnaires et favoriser une plus grande concurrence tout en s’assurant qu’un entrepreneur d’expérience exploite une place d’affaires à proximité des points de service de la Ville de Québec.

[38]           Précisons que l’écart entre les deux soumissions en litige est inférieur à 6 000 $ pour une soumission totalisant plus de 1 300 000 $, et que l’atelier de Cyberkar est situé à la Ville de Lévis.

[39]           P.E.S. adresse à la Cour une injonction interlocutoire provisoire et permanente de nature déclaratoire.

[40]           Le 26 novembre 2021, suivant une instruction devant madame la juge Michèle Lacroix tenue le 29 novembre 2021, celle-ci rejette, au stade provisoire, la demande d’injonction logée par P.E.S.

[41]           Par la suite, en raison des différentes gestions par le Tribunal, P.E.S. avise qu’elle se désiste de sa conclusion en dommages et intérêts, mais souhaite plutôt obtenir une injonction permanente sur laquelle les parties conviennent de procéder, d’où la présente audition.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[42]           Les articles suivants du C.c.Q. :

1397. Le contrat conclu en violation d’une promesse de contracter est opposable au bénéficiaire de celle-ci, sans préjudice, toutefois, de ses recours en dommages-intérêts contre le promettant et la personne qui, de mauvaise foi, a conclu le contrat avec ce dernier.

Il en est de même du contrat conclu en violation d’un pacte de préférence.

1417. La nullité d’un contrat est absolue lorsque la condition de formation qu’elle sanctionne s’impose pour la protection de l’intérêt général.

1418. La nullité absolue d’un contrat peut être invoquée par toute personne qui y a un intérêt né et actuel; le tribunal la soulève d’office.

Le contrat frappé de nullité absolue n’est pas susceptible de confirmation.

1419. La nullité d’un contrat est relative lorsque la condition de formation qu’elle sanctionne s’impose pour la protection d’intérêts particuliers; il en est ainsi lorsque le consentement des parties ou de l’une d’elles est vicié.

[43]           L’article 85 du C.p.c. :

85. La personne qui forme une demande en justice doit y avoir un intérêt suffisant.

L’intérêt du demandeur qui entend soulever une question d’intérêt public s’apprécie en tenant compte de son intérêt véritable, de l’existence d’une question sérieuse qui puisse être valablement résolue par le tribunal et de l’absence d’un autre moyen efficace de saisir celui-ci de la question.

[44]           L’article 573.1.0.7 de la Loi sur les cités et villes[1] :

573.1.0.7.Dans le cas d’une demande de soumissions visée à l’un ou l’autre des articles 573.1.0.5 et 573.1.0.6, l’interdiction prévue au paragraphe 3.1 de l’article 573 s’applique jusqu’au dépôt des rapports visés à l’article 573.1.0.12.

QUESTIONS EN LITIGE

  1. S’agit-il pour Cyberkar d’une soumission conforme?
  2. Dans le cas d’absence de conformité, la qualification de l’irrégularité est-elle mineure ou majeure?
  3. L’exercice de la discrétion de la Ville était-il dans les circonstances justifié?
  4. La demanderesse possède-t-elle l’intérêt pour agir et pour en décider de quelle nature est la nullité?
  5. Le contrat octroyé à Cyberkar est-il opposable à la demanderesse en vertu de 1397 du C.c.Q.?
  6. Les conclusions recherchées sont-elles recevables?


PRÉTENTIONS DES PARTIES

 La demanderesse (P.E.S.)

[45]           De l’avis de P.E.S., celle-ci possède tous les critères voulus pour que son recours puisse être adéquatement accueilli.

[46]           Entre autres, elle prétend que la soumission telle qu’octroyée est non conforme, et ce, en raison même du libellé de l’article 1.7.1 de l’appel d’offres, à savoir qu’en aucun temps, au moment du dépôt de la soumission, Cyberkar ne se trouvait qualifiée.

[47]           Ainsi, l’emploi du verbe au temps présent présuppose une existence contemporaine.

[48]           Selon elle, toutes les démarches et tractations ultérieures dans le but de se qualifier ultérieurement ne rejoignent pas l’esprit et la disposition même de cette stipulation.

[49]           Tous les soumissionnaires, prétend-elle, doivent être traités de façon égale, et ce, dans le souci et l’objectif d’une soumission d’un corps public.

[50]           Par ailleurs, cette irrégularité majeure ne peut souffrir d’être qualifiée mineure parce qu’elle vient complètement déséquilibrer le rapport de force entre les différents soumissionnaires.

[51]           Enfin, selon elle, elle a l’intérêt pour agir parce que cette disposition, étant d’ordre public, se veut une nullité absolue.

[52]           Dans le cadre d’un tel recours de nullité absolue, elle est bien fondée de s’en prévaloir.

[53]           Subsidiairement, si la clause n’est pas claire comme le prétend la Ville en utilisant les règles d’interprétation, et surtout le consensus et l’esprit qu’avait le donneur d’ouvrage, cette interprétation devrait aller en faveur de la thèse qu’elle soutient.

[54]           Entre autres, elle fait référence au fait que peu de temps auparavant dans une soumission de semblable teneur, des dispositions particulières de périphérie et d’emplacement avaient été soumises par la Ville suivant le dépôt d’une pièce P-15.

[55]           La Ville précise à l’époque que le service et la garantie après-vente puissent concerner un secteur de 35 kilomètres.

[56]           Or, maintenant sa volonté vise une desserte dans une heure de préavis avec un atelier conforme à cette exigence.

[57]           Les conclusions recherchées sont recevables.

La défenderesse (Ville)

[58]           La Ville conteste cette réclamation, car elle estime que ses exigences relatives à l’atelier sont satisfaites.

[59]           Les dispositions de la clause 1.1.7 doivent être lues avec l’ensemble des conditions de l’appel d’offres.

[60]           Or, selon elle, l’on vise deux considérations à savoir, une expérience requise et les caractéristiques de l’atelier où seront effectués les travaux prévus au devis.

[61]           En analysant les preuves de complément circonstancielles, la Ville estime être en mesure de donner un niveau de service requis pour ses véhicules d’urgence selon ses propres exigences.

[62]           Il s’agit d’une exigence de performance relative à l’exécution de service et qui, par définition, se veut sous son contrôle au stade de l’analyse des soumissions.

[63]           Ainsi, elle voit une distinction entre le verbe « avoir » pour la place d’affaires par rapport au verbe « démontrer » qui concerne l’expérience.

[64]           Cette notion d’expérience étant impérative alors que l’autre devient facultative.

[65]           Le contexte contractuel de la clause doit être pris en compte par le Tribunal, et ce, afin de pouvoir établir l’intention des rédacteurs de l’avis.

[66]           Ainsi, l’intention du service de la Ville vise un contexte d’opération de performance afin d’obtenir par la soumission que son soumissionnaire soit en mesure de constituer un inventaire d’importance dans le but de desservir adéquatement le service requis.

[67]           D’ailleurs, l’analyse de la soumission et la ventilation des coûts permettent de voir que la constitution d’un inventaire approprié dans les circonstances est importante.

[68]           Les discussions entre monsieur Bouchard, gestionnaire d’expérience depuis plus de 15 ans, et monsieur Vachon permettent de comprendre l’évolution du libellé.

[69]           En dernier lieu, il faut comprendre quun tel libellé vise une saine concurrence.

[70]           La Ville, se faisant, accroit les chances d’augmenter le nombre de soumissionnaires à son appel d’offres, d’autant plus qu’elle jouit d’une large discrétion dans l’analyse de la soumission.

[71]           Si le contrat est un contrat d’adhésion, il doit être interprété en faveur de l’ensemble des soumissions plutôt que pour une seule d’entre elles.

[72]           Selon elle, elle devait adjuger le contrat au plus bas soumissionnaire conforme. Cette soumission comportant l’engagement ferme d’avoir une place d’affaires est un engagement qui ne vise pas à modifier la soumission.

[73]           Ajoutons que sans avoir à aller à une telle exigence, le fait de recevoir la plainte de la part de P.E.S. l’amène à vérifier le tout de bonne foi dans le but de traiter adéquatement chacun de ses soumissionnaires.

[74]           Et c’est ainsi que l’on apprend que celle-ci, dans un délai serré, n’aura pas voulu le prolonger d’une semaine. L’exigence du bail se trouve rencontrée, le gestionnaire Bouchard, ayant eu l’occasion de visiter les lieux, est à même de constater le service dispensé à cet endroit.

[75]           Enfin, si le Tribunal en venait à la conclusion qu’il s’agit d’une irrégularité, celle-ci est une exigence accessoire à l’appel d’offres ou encore une irrégularité mineure qui n'entraine pas de conséquences fatales. D’ailleurs, cette imprécision n’a aucun impact sur le coût de la soumission.

[76]           De plus, P.E.S. est mal venue de pouvoir prétendre à une conclusion à son encontre, puisqu’elle-même n’est pas une soumissionnaire conforme.

[77]           Malgré l’analyse faite par le Conseil de ville et du contentieux de l’époque, de la conformité de P.E.S., l’analyse est toute autre en raison d’un aveu judiciaire formulé au paragraphe 46.1 des procédures et qui se lit comme suit :

« Alors que la demanderesse exécutait déjà la fourniture de services en faveur de la Ville de Québec à titre de sous-traitant pour un contrat d’installation et de support pour ordinateurs véhiculaires octroyé à la compagnie Hypertec dans le cadre de AO 51936 Acquisition de matériel, installation et soutien matériel pour la flotte de véhicules du SPVQ et du SPCIQ, celle-ci a convenu de l’agrandissement de son local qu’elle louait déjà au 2700, rue Dalton, en la ville de Québec, notamment en vue de se conformer à l’appel d’offre 75585, tel qu’il appert de la convention d’agrandissement en rapport avec le bail intervenu le 1ier novembre 2018 datée (sic) du 26 mai 2021 et communiqué sous la pièce P-13 ».

[78]           En effet, bien que bénéficiant d’un bail, elle se prévaut d’un bail d’agrandissement à une date antérieure à l’ouverture de l’appel d’offres, car elle présume qu’il s’agit d’une information privilégiée qu’aurait obtenue P.E.S.

[79]           En raison des dispositions de l’article 573 3.1.2 de la Loi sur les cités et villes, cela disqualifie la Ville, le contrat ne peut être accordé à un soumissionnaire inadmissible.

[80]           L’on rétorque qu’au contraire, la question aurait été adressée directement lors de l’interrogatoire du représentant de P.E.S., monsieur Pierre Malo aurait répondu négativement.

ANALYSE ET DÉCISION

[81]           Le Tribunal fera droit en partie à certaines conclusions recherchées par la demanderesse, et voici pourquoi.

  1. La conformité de la soumission

[82]           À cette question, l’on doit analyser le texte proposé par la Ville dans sa demande de soumission.

[83]           Or, ce texte, de l’avis du Tribunal, ne souffre d’aucune ambigüité.

[84]           Les propos de Nicolas Boileau, bien qu’anciens, sont toujours d’actualité « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ».

[85]           C’est dans cet esprit que l’on doit analyser le texte du donneur d’ouvrage.

[86]           On utilise un temps présent pour le verbe « devoir ».

[87]           Le verbe « devoir » suivi d’un infinitif se définit comme « être dans l’obligation de faire quelque chose »[2].

[88]           Ainsi, jumelé au verbe « avoir », ce quelque chose à faire consiste à avoir un atelier. Le temps ne souffre d’aucune réserve. Cette obligation doit exister au moment de la soumission à compléter.

[89]           Dans l’esprit du Tribunal, cela ne souffre d’aucune distinction, malgré les propos habiles et laborieux de la Ville visant à donner au texte une tout autre portée.

[90]           Par analogie, présupposons que le texte stipule l’énoncé suivant : « le soumissionnaire doit avoir 18 ans? ». Pourrait-on croire qu’une personne n’ayant pas cet âge s’autoriserait à soumissionner quand même?

[91]           Poser la question, dans l’esprit du Tribunal, c’est y répondre.

[92]           De surcroit, si de l’avis de la Ville l’on vise à développer une concurrence et favoriser une saine compétition, encore faut-il le stipuler clairement.

[93]           Un texte prévoyant une conformité dans une période donnée pourrait fort bien s’énoncer.

[94]           À défaut de le dire clairement, l’on ne saurait y souscrire par des hypothèses non vérifiées.

[95]           D’ailleurs, l’Autorité des marchés publics précise pour sa part à la pièce D-6 que le texte de la soumission n’est pas clair. Ce n’est pas notre avis.

[96]           Quoi qu’il en soit, même si cela était, une ambigüité dans une soumission publique est à proscrire, sinon, chaque soumissionnaire peut en inférer à son avantage et il n’y a plus d’égalité entre les soumissionnaires.

[97]           Ainsi, un soumissionnaire ayant déjà un atelier dans le secteur visé, qui paie des taxes, des assurances et du personnel voit un concurrent n’ayant aucune de ces contraintes, favorisé.

[98]           Tel que le mentionnait le Tribunal en cours d’instruction, celui-ci reçoit donc tous les avantages d’une situation sans les inconvénients.

[99]           Sachant que s’il n’est pas le plus bas, il n’engendre aucun coût de quelque nature que ce soit.

[100]       Dans une décision de la Cour d’appel[3], on y lit ce qui suit :

[54]           En l'espèce, l'obligation de traiter les soumissionnaires équitablement est reconnue comme une obligation essentielle au contrat d'appel d'offres. Accepter une modification substantielle à une soumission, après l'expiration du délai de présentation et sans en avertir les autres soumissionnaires, constitue une transgression de l'obligation essentielle de traitement équitable des soumissionnaires. La clause d'exonération ne peut permettre à ADM de faire échec à la requête introductive d'instance en dommages-intérêts de Genesis.

[101]       Quant à se rabattre sur la clause de réserve, le Tribunal partage le commentaire de madame la juge Carole Therrien[4] :

  • La clause de réserve

[68] La réserve par la Ville de ne retenir aucune soumission n’empêche pas l’annulation de la résolution. Une fois que la Ville a décidé d’exercer son choix et d’accorder le contrat à l’un des soumissionnaires, elle renonce implicitement à son droit de ne pas donner suite à l’appel d’offres et elle se droit d’en respecter les conditions qu’elle a elle-même posées, sous peine de nullité.

[102]       Un mot sur l’argument de l’intention. L’on a beau découper et scruter l’ensemble de l’appel d’offres, il n’y a nulle part ailleurs dans le texte un élément de nature à se conjuguer à la clause 1.7.1 pour rejoindre l’interprétation voulue par la Ville.


  1. La nature de l’irrégularité

[103]       De l’avis du Tribunal, cette irrégularité se veut majeure et fatale.

[104]       En effet, tel qu’exprimé ci-avant, elle provoque un déséquilibre dans le jeu de la soumission.

[105]       Le texte constitue une porte d’entrée nécessaire pour se qualifier. Elle se veut une composante spécifique, c’est une situation bien différente de celles où les tribunaux font montre d’une approche lénifiante pour des erreurs qualifiées de mineures tels, de façon non limitative, loubli de joindre un chèque visé[5], le fait de ne pas joindre un certificat d’immatriculation d’une niveleuse[6], ou encore, la correction d’une irrégularité mineure avant l’adoption d’une résolution par le Conseil de ville[7].

[106]       Alors qu’au contraire, est qualifiée de majeure, tels l’absence d’un certificat d’assurance malgré une lettre d’un courtier référant à une police à être émise[8], un engagement à posséder un équipement advenant l’octroi de la soumission[9], et le fait d’accepter une disponibilité de machinerie au lieu d’une exigence de propriété[10].

  1. Discrétion justifiée

[107]       Lorsqu’avisée de la situation, la Ville cherche à valider son exigence par une vérification ponctuelle.

[108]       Un tel exercice doit être appliqué avec diligence. Ainsi, l’on refuse une prolongation de délai que souhaite Cyberkar.

[109]       L’on voit bien par les échanges de courriel [pièce P-17] que Cyberkar, mise en appétit par les perspectives de faire affaire avec la Ville, met tout en œuvre pour dénicher son local. Rappelons qu’elle envisage louer un local à Beauport en juin, mais en septembre c’est à Lévis qu’elle négocie son atelier.

[110]       Elle négocie et produit un bail temporaire où certaines conditions de ce même bail ne sont pas rencontrées, tels le dépôt d’un premier loyer, les assurances et le changement de service.

[111]       Même après la signature de ce bail, Cyberkar continue de négocier le retrait de certaines clauses du bail qu’elle considère inappropriées et dont notamment, entre autres, la clause du sous-traitant [pièce P-24].

[112]       Un représentant de la Ville se présente sur les lieux pour une prise de photos de l’emplacement conforme, à tout le moins, pour les aires de travail.

[113]       L’on soutient que la Ville, en ces circonstances, n’avait pas à faire un travail d’enquête plus poussé, et que l’exercice se veut adéquat à sa discrétion.

[114]       Toutes les interventions montrent bien que la Ville vise à valider un atelier conforme. Mais ces démarches sont après-coups, elle ne peut valider dans le temps une situation qui n’existe pas au moment de la demande de soumissions.

[115]       Il ne s’agit pas de ces cas énons par la jurisprudence, d’une vérification diligente visant à clarifier des dispositions vagues et imprécises, ce qui n’est pas le cas dans l’esprit du Tribunal.

[116]       La situation vécue dans 178030 Canada inc.[11] présente une certaine analogie et les propos de M. le juge Faullem sont d’actualité :

[55] Dans ces circonstances, la lecture de l’ensemble des documents qui composent l’appel d’offres à l’étude doit nécessairement s’interpréter comme imposant implicitement aux soumissionnaires d’être en mesure de démontrer, lors du dépôt de leur soumission, qu’ils disposent des deux points de service prévus au devis technique ou, à tout le moins, d’un droit certain d’en disposer. Comme mentionné précédemment, la preuve révèle qu’au moment du dépôt de sa soumission, Prévimed ne possède pas de tels emplacements ni qu’elle détient un droit quelconque de les obtenir.

[56] En conséquence, l’évaluation de la soumission de Prévimed, notamment à la lumière des réponses données au questionnaire, pièce P-20, démontre que celle-ci ne se conformait pas aux conditions de l’appel d’offres au moment de son dépôt.

[63] Par ailleurs, même si l’on avait voulu rendre le contrat de service conditionnel à l’implantation par Prévimed des conditions prévues à l’appel d’offres, cette entente n’aurait eu aucune valeur juridique, puisque, conformément à l’article 1500 C.c.Q., l’obligation dont la naissance dépend uniquement de la volonté du débiteur, comme cela aurait été le cas en l’instance, est nulle.

[117]       Cet énoncé du paragraphe 63 est particulièrement intéressant à partir du moment où la Ville prétend à une erreur mineure qui peut se corriger, alors que l’article 1500 C.c.Q. précise le contraire.


  1. Est-ce que P.E.S. a l’intérêt pour agir?

[118]       La réponse est oui, car il s’agit d’une nullité absolue où le soumissionnaire lésé soulève un problème à trancher.

[119]       Une telle demande a déjà été jugée comme recevable. D’abord, le juge Benoît Moore dans sa décision écrit ce qui suit[12] :

[39]        Le Code civil du Québec reconnaît deux types de nullité : la nullité absolue et la nullité relative. La distinction entre les deux repose sur l’objectif visé par la règle de droit que la nullité sanctionne. Ainsi, si la nullité vise la protection de l’intérêt général, elle est absolue (art. 1417 C.c.Q.), alors que si elle vise la protection d’intérêts particuliers de l’un ou l’autre des contractants, elle est relative (1419 C.c.Q). En fait, dans le premier cas, la règle entend protéger la société d’un contrat attentatoire à son intérêt, alors que dans le second, elle vise à protéger une partie d’un contrat qui lui est nuisible.

[40]        C’est dire qu’un contrat est sanctionné par la nullité absolue lorsque la règle qui a été enfreinte viole, non pas l’ordre public en général, mais l’ordre public de direction. Or, si celle-ci interpelle souvent la personne humaine, la famille ou encore l’organisation politique de l’état, elle peut aussi sanctionner certaines illégalités qui interpellent le système économique lorsqu’il est concerné dans son ensemble, tel qu’il en va de la libre concurrence, par exemple[30].

[41]        C’est précisément le cas des règles visant les appels d’offres avec le pouvoir public, qu’il s’agisse du principe du traitement égalitaire des soumissionnaires ou encore de la limite de la négociation postadjudication. Cette conclusion s’impose, car ces règles ne visent pas à protéger une partie au contrat, mais, au contraire, les autres soumissionnaires et, plus largement, l’ensemble de la collectivité. Une sanction par la nullité relative neutraliserait donc toute efficacité au système, puisque seules des personnes n’ayant pas intérêt à invoquer la nullité pourraient le faire. La sanction est donc, comme la doctrine le soutient[31], la nullité absolue.

[44]        Il ne fait pas de doute pour le Tribunal qu’un soumissionnaire non retenu a l’intérêt pour agir en nullité du contrat conclu dans le cadre de l’appel d’offres. La jurisprudence l’a reconnu, et ce, même si ce soumissionnaire ne s’est pas classé second[32]. Certes, dans un tel cas, le contrat ne lui sera pas attribué par effet automatique découlant de la nullité du contrat visé. Ce n’est de toute manière pas ce que Dufresne demande en l’espèce. Le fait de pouvoir soumissionner dans le cadre d’un nouvel appel d’offres, voir simplement de faire respecter, à titre de soumissionnaire, la légalité du processus, suffit pour lui conférer l’intérêt suffisant.


[120]       Ensuite, madame la juge Beaudoin, alors à notre Cour, reprend l’argument de monsieur le juge Moore en ajoutant ce qui suit dans Daniels SharpSmart[13] :

[20]       Outre les dispositions législatives mentionnées ci-haut, l’article 1418 CCQ prévoit : « La nullité absolue d’un contrat peut être invoquée par toute personne qui y a un intérêt né et actuel; le tribunal la soulève d’office. (…) »

[21]       Dans la décision Autobus Dufresne inc., le juge Benoit Moore précise qu’un soumissionnaire possède un intérêt suffisant pour demander au tribunal d’exercer son pouvoir de contrôle de la légalité du processus d’appel d’offres émanant d’un organisme public et ce, même si celui-ci ne s’est pas classé second, puisqu’il a intérêt à ce que les règles et la légalité du processus soient respectées et peut-être même s’attendre à pouvoir soumissionner de nouveau.

[43]         L’exigence de l’intérêt né et actuel de cet article reprend ni plus ni moins celle du droit judiciaire de l’article 85 C.p.c.

[44]       Il ne fait pas de doute pour le Tribunal qu’un soumissionnaire non retenu a l’intérêt pour agir en nullité du contrat conclu dans le cadre de l’appel d’offres. La jurisprudence l’a reconnu, et ce, même si ce soumissionnaire ne s’est pas classé second. Certes, dans un tel cas, le contrat ne lui sera pas attribué par effet automatique découlant de la nullité du contrat visé. Ce n’est de toute manière pas ce que Dufresne demande en l’espèce. Le fait de pouvoir soumissionner dans le cadre d’un nouvel appel d’offres, voir simplement de faire respecter, à titre de soumissionnaire, la légalité du processus, suffit pour lui conférer l’intérêt suffisant. 

[Soulignements dans l’original et référence omise]

[22]       En l’instance, s’il est démontré que SigmaSanté a failli à son obligation d’adjuger le contrat en fonction des règles établies dans les documents d’appel d’offres[14], toute personne intéressée peut en demander la nullité[15]. Il n’est donc point nécessaire pour le Tribunal de décider si en l’instance, la soumission de Daniels est ou non conforme aux documents d’appel d’offres, puisque Daniels ne demande ni de se voir octroyer le contrat en lieu et place de Stericycle, ni le paiement de dommages et intérêts. De surcroit, le Tribunal pourrait soulever d’office cette nullité, le cas échéant[16].

[23]       Il semble donc évident qu’à titre de soumissionnaire, Daniels a intérêt à voir au respect des règles d’ordre public de direction encadrant les contrats des organismes publics ainsi qu’au respect de la légalité du processus auquel elle a participé. Daniels possède l’intérêt juridique en l’instance.


  1. P.E.S. est-elle déchue de son droit?

[121]       L’on nous soumet que P.E.S. devrait se voir déchue de sa demande en raison d’un aveu formulé à l’intérieur de ses procédures.

[122]       Si l’on suit les prétentions de P.E.S., l’on présuppose que celle-ci aurait bénéficié d’une information privilégiée pour procéder à l’agrandissement de son local avec une prolongation de bail quelques jours avant la demande de soumissions.

[123]       Bien que la Ville considère la soumission de P.E.S. conforme aujourd’hui, forte de ce prétendu aveu d’ordre public, elle est bien à l’aise de le soulever.

[124]       De l’avis du Tribunal, il n’y a pas de preuve contraire pour soutenir un tel argument.

[125]       De surcroit, une analyse attentive du paragraphe 47.1 modifié ne permet pas une conclusion aussi catégorique. L’on y apprend que de façon contemporaine, P.E.S. se prévaut de son option.

[126]       Certes, il s’agit d’un heureux hasard, mais à défaut d’une preuve directe, l’on ne peut en inférer un tel argument.

[127]       En raison de cela, le Tribunal ne retient pas cet argument.

  1. Les conclusions recherchées

[128]       Le Tribunal fera droit à celle visant la conformité de la soumission et la nullité de l’octroi de la soumission de P.E.S.

[129]       Par contre, il ne saurait adjuger en faveur de P.E.S. la soumission qui est déjà bien entamée.

[130]       Voici ce qu’en dit la doctrine à ce sujet[14] :

[9.99] C’est aussi parce que l’appel d’offres ne lie pas une municipalité et ne peut aucunement constituer un engagement définitif entre les parties que les tribunaux ne peuvent jamais ordonner à une municipalité d’accorder un contrat, même lorsque la Cour en arrive à la conclusion que telle personne est le plus bas soumissionnaire. Le Tribunal ne peut décider de l’attribution d’un contrat à la place du conseil municipal (Transport Yamaska ltée c. Ville de St-Hubert, J.E. 92-1772 (C.S.)). La Cour ne peut non plus ordonner à la municipalité de faire une nouvelle demande de soumissions (Transport Fafard inc. c. Corporation municipale de St-Eugène, CS Drummond, no 405-05-000183-889, 26 octobre 1988, j. André Biron). Tout ce que peut faire un tribunal, c’est de déclarer que la résolution du conseil octroyant le contrat est nulle, le désigner qui est le plus bas soumissionnaire conforme et, si le contrat a été accordé è une autre personne, de dire que le demandeur (soumissionnaire évincé) a droit à des dommages-intérêts (Prud’homme & Frères ltée c. Ville de Montréal, (1991) 2 M.P.L.R. (2d) 194 (C.S.)).

[131]       Enfin, notre collègue, monsieur le juge Faullem, écrit ce qui suit[15]:

[95] Qui plus est, en combinant les effets d’une clause de réserve et ceux de l’article 2125 C.c.Q., lequel accorde au propriétaire un droit de résiliation unilatérale d’un contrat de service, il est généralement reconnu qu’il est impossible pour un tribunal d’émettre une injonction comportant des conclusions mandatoires pour forcer un organisme public à accorder le contrat « B » à un autre soumissionnaire.

[Référence omise]

[132]       À ce sujet, la Cour d’appel souligne la dualité des contrats A et B énoncés par la Cour[16] :

[251] […] Depuis les arrêts de la Cour suprême dans Ron Engineering, M.J.B. Entreprises Ltd. Et Martel Building Ltd., il est reconnu que l’invitation à présenter une soumission faite dans un appel d’offres peut constituer une offre de contracter, laquelle, acceptée par la présentation d’une soumission, donne naissance à un véritable contrat appelé « contrat A ». Celui-ci est distinct du contrat d’entreprise ou de service qui va résulter de l’adjudication du marché à l’un des soumissionnaires, appelé par opposition le « contrat B ». Ces arrêts sont compatibles avec le droit civil québécois.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[133]       DÉCLARE la soumission déposée par la mise en cause, Les Systèmes Cyberkar inc., en lien avec l’appel d’offres non conforme aux conditions dudit appel d’offres;

[134]       DÉCLARE nulle l’adjudication de l’appel d’offres no 75585 en faveur de la mise en cause Les Systèmes Cyberkar inc.;

[135]       DÉCLARE qu’en vertu de l’appel d’offres no 75585 le plus bas soumissionnaire conforme est la demanderesse, Produits d’Électronique et de Signalisation (P.E.S.) Canada inc.;


[136]       LE TOUT, avec les frais de justice contre la défenderesse, Ville de Québec.

 

 

__________________________________

MARTIN DALLAIRE

Juge à la Cour supérieure

 

Me François Beauvais

Me Jean-Philippe Langlois

Beauvais avocats inc.

Avocats de la demanderesse

 

Me Daniel Blondin Stewart

Me Olivier Gauthier

Giasson et associés

Avocats de la défenderesse

 

Les Systèmes Cyberkar inc.

Mise en cause

 

Date d’audience :

23 août 2022

 


[1]  Loi sur les cités et villes, chapitre C-19.

[2]  Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, société du nouveau littré, 1983, tome 2, page 199.

[3]  3051226 Canada inc. c. Aéroports de Montréal, 2008 QCCA 722.

[4]  149430 Canada inc. (Aylmer Remorquage) c. Gatineau (Ville de), 2016 QCCS 1779.

[5]  Ville de Trois-Rivières c. Paquet inc., AZ-860-11089, C.A.

[6]  Bédard Québec inc. c. Ville de Québec, 1990 CANLII 3653 QCCA.

[7]  Rimouski c. Structures G.B. ltée, 2010 QCCA 219.

[8]  Lefevre c. St-Cyrille de Windover, CS 2005-01-25 AZ 50291522.

[9]  Pavages Mask inc. c. Ville de Montréal, REJB 2002-32538 C.S.

[10]  Pavage L Métivier inc. c. Beauport (Ville de) 2002, CANLII 62141 (C.A.).

[11]  178030 Canda inc. (Entreprises médicales de l’Outaouais) c. Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais (CISSSO), 2020 QCCS 1062.

[12]  Autobus Dufresne inc. c. Réseau de transport métropolitaine, 2017 QCCS 5812.

[13]  Daniels SharpSmart Canada Limited c. SigmaSanté, 2020 QCCS 3280.

[14]  HÉTU, Jean et DUPLESSIS, Yvon, Droit municipal – principes généraux et contentieux, 2e éd., Brossard, Publications CCH ltée, feuilles mobiles, à jour au 1er septembre 2021.

[15]  178030 Canada inc. (Entreprises médicales de l’Outaouais) c. Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais (CISSSO).

[16]  Immobilière (L’), société d’évaluation conseil inc. c. Évaluations BTF inc., 2009 QCCA 1844 (CanLII).

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