Trahan c. Centre d'enfouissement sanitaire St-Athanase inc. |
2014 QCCS 4562 |
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JL4478 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT D’ |
IBERVILLE |
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N° : |
755-17-001108-094 |
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DATE : |
29 septembre 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
CHANTAL LAMARCHE, J.C.S. |
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GILLES TRAHAN |
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Demandeur |
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c. |
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CENTRE D’ENFOUISSEMENT SANITAIRE |
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ST-ATHANASE INC. |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Le demandeur Me Gilles Trahan réclame de la défenderesse Centre d’enfouissement sanitaire St-Athanase inc. (le « Centre ») la somme de 139 100 $, une partie soit 125 000 $ est garantie par hypothèque, ainsi que la somme de 119 316,43 $[1], à titre d’honoraires (incluant les taxes) pour services professionnels rendus entre 1990 et 1999. Me Trahan institue les présentes procédures en 2009 puisque, jusqu’en novembre 2006, le Centre reconnaît les créances de Me Trahan et renonce au bénéfice du temps écoulé en signant à différents intervalles des billets à demande et reconnaissances de dette.
[2] De son côté, le Centre conteste la réclamation de Me Trahan. Il invoque que la créance est prescrite étant donné que les derniers billets à demande et les reconnaissances de dette signés en 2003 et en 2006 ne le lient pas, car ceux-ci ne sont pas appuyés des résolutions appropriées de la part de son conseil d’administration. Le Centre soutient également que Me Trahan n’a pas droit aux honoraires réclamés étant donné qu’il a violé le Code de déontologie des avocats[2] (« Code ») et le Code des professions[3], notamment en devenant actionnaire du Centre. Par sa demande reconventionnelle, le Centre recherche l’annulation de certaines résolutions et reconnaissances de dette, la radiation de l’hypothèque et réclame le paiement d’une somme de 200 000 $ de Me Trahan qu’il aurait reçue sans droit.
1. LE CONTEXTE
1.1 Les parties
[3] Me Trahan est un avocat admis au Barreau en 1981. Il développe sa pratique notamment en droit commercial et en matière d’environnement, représentant plus particulièrement des centres d’enfouissement sanitaire et des entreprises d’éboueurs.
[4] Le Centre est une entreprise familiale régie par la partie 1A de la Loi sur les compagnies[4] (« L.C.Q. ») qui opère un site d’enfouissement sanitaire à Saint-Athanase. Il est dirigé par Yves Lebeau jusqu’à son décès en décembre 1994, assisté par ses fils Michel et Noël Lebeau qui deviennent en 1992 actionnaires et administrateurs. Ils prennent la relève de leur père à son décès au niveau de l’administration et des opérations du Centre. Michel Lebeau est vice-président et Noël Lebeau est secrétaire corporatif. L’épouse d’Yves Lebeau, Pauline Lebeau, est également actionnaire et administratrice. Elle est nommée présidente après le décès de son époux. La preuve ne révèle pas son implication dans l’administration du Centre.
[5] En 1986, Me Trahan rencontre pour la première fois Michel Lebeau dans le cadre d’un congrès organisé pour les entreprises exploitant des sites d’enfouissement sanitaire.
[6] À la suite de ce premier contact, le Centre donne divers mandats à Me Trahan de 1986 à 2001 environ.
[7] Les principaux interlocuteurs de Me Trahan sont Michel et Noël Lebeau.
1.2 Les services et factures impayés
[8] Plusieurs factures pour services rendus entre 1986 et 1997 sont acquittées par le Centre et celles-ci ne sont pas en litige[5].
[9] Les factures en litige sont celles reproduites à la pièce P - 1 et couvrent différents mandats exécutés entre 1990 et mars 1999[6]. Les services requis de Me Trahan et facturés par celui-ci concernent notamment une demande d’augmentation des tarifs que le Centre facture à ses clients, des demandes d’autorisations afin d’enfouir les déchets sur certaines parcelles additionnelles du site, des demandes pour obtenir différents certificats et autorisations préalables à l’obtention d’un permis pour agrandir le site d’enfouissement.
[10] Dès le début des années 1990, le Centre mandate aussi Me Trahan pour trouver un partenaire investisseur pour l’agrandissement du site d’enfouissement, car celui-ci atteindra sa pleine capacité vers 1992. Cet agrandissement doit se faire sur un terrain, propriété du Centre, situé à Mont-Saint-Grégoire (« Terrain Mont-Saint-Grégoire »). L’arrivée d’un partenaire investisseur est essentielle étant donné que les nombreuses démarches pour un tel agrandissement impliquent des sommes d’argent importantes, sommes que le Centre n’a pas. Cet agrandissement est essentiel à la pérennité du Centre puisque lorsque le site d’enfouissement atteint sa pleine capacité, celui-ci n’obtient plus de revenus n’étant plus autorisé à recevoir des déchets.
[11] La pièce P-1 est constituée de quatre séries de factures qui sont en litige :
Ø une facture du 19 mai 1994 qui couvre des services de 1990 au 13 juillet 1992;
Ø neuf factures du 28 octobre 1996 qui couvrent des services de 1992 à 1996 ;
Ø une facture du 6 mai 1999 qui couvre des services de février à mars 1999;
Ø deux factures du 21 juin 1999 qui couvrent des services de février 1997 à avril 1999.
[12] Le montant des honoraires pour les services décrits à la facture du 19 mai 1994 fait l’objet d’une entente avec Michel et Noël Lebeau; la somme de 125 000 $ plus taxes (139 100 $) est jugée appropriée par eux. Bien que ces services aient été rendus entre 1990 et 1992, Me Trahan n’émet pas de facture immédiatement puisque Michel et Noël Lebeau l’informent que le Centre ne peut pas la payer.
[13] Cependant, afin d’assurer le paiement de ses honoraires, Me Trahan obtient le 1er septembre 1992 un billet à demande du Centre pour une somme de 125 000 $ portant intérêt au taux de 8 % l’an à compter du 1er septembre 1993[7]. Ce billet à demande est signé par tous les administrateurs du Centre : Yves, Pauline, Michel et Noël Lebeau.
[14] Le 18 mai 1994 un acte d’hypothèque notarié[8], grevant notamment le Terrain Mont-Saint-Grégoire en faveur de Me Trahan, est signé afin de garantir le billet à demande. Alors que le billet à demande prévoit que la somme de 125 000 $ porte intérêt au taux de 8 % l’an à compter du 1er septembre 1993, l’acte d’hypothèque comporte, en plus, une clause de capitalisation des intérêts. Conséquemment, tout intérêt impayé à son échéance porte intérêt au taux stipulé à l’acte. L’hypothèque est signée par Pauline et Noël Lebeau lesquels sont autorisés par une résolution du conseil d’administration signée par tous les administrateurs ainsi que par une résolution spéciale des actionnaires[9].
[15] Quant aux autres factures déposées sous P-1, soient les factures des 28 octobre 1996, 6 mai et 21 juin 1999, elles totalisent une somme de 122 416,43 $ incluant les taxes.
[16] Les factures du 28 octobre 1996 sont toutes émises en même temps en raison de la nécessité de divulguer les dettes du Centre dans le cadre des négociations avec Compo Haut-Richelieu (« Compo ») lesquelles mènent, comme nous le verrons plus loin, [à une entente] […]
[17] Ces factures totalisant 122 416,43 $ font l’objet d’une reconnaissance de dette signée le 8 juillet 1999 par Michel et Noël Lebeau[10].
1.3 Me Trahan devient actionnaire
[18] Le 10 juillet 1992, une convention unanime d’actionnaires (« Convention ») est rédigée par Me Trahan[11].
[19] Le 20 juillet 1992, Me Trahan achète d’Yves, Michel et Noël Lebeau 50 actions du Centre au prix de 100 $ l’action et rédige des amendements à la Convention[12].
[20] À la suite du décès d’Yves Lebeau en décembre 1994, ses actions sont distribuées à certains actionnaires. La Convention est mise de côté quant à la répartition des actions de feu Yves Lebeau, puisque les fils, Michel et Noël, veulent que leur mère obtienne un nombre supérieur d’actions que ce à quoi elle a droit en vertu de la Convention. De plus, Me Trahan obtient également plus d’actions que ce à quoi il a droit en vertu de la Convention[13].
[21] En mars 1995, Me Trahan achète de Michel, Noël et Pauline Lebeau 100 autres actions du Centre pour finalement détenir 20 % du capital-actions du Centre[14] et la Convention est à nouveau amendée par Me Trahan[15].
[22] En février 1997 et mai 1998, les cinq actionnaires du Centre cèdent certaines actions à leur famille (conjointes et enfants) pour des raisons fiscales[16].
1.4 L’entente avec Compo
[23] Au cours de l’année 1996, des discussions sont engagées avec Compo lesquelles mènent en septembre 1999 à la signature d’une […] (« l’Entente »)[17]. [En raison de la confidentialité du contenu de cette entente, le Tribunal ne rapportera pas dans le cadre du présent jugement son contenu. Il est cependant important de mentionner pour la compréhension du présent jugement que Me Trahan reçoit, dans le cadre de cette Entente, une somme d'argent pour la cession de son rang hypothécaire eu égard à son hypothèque grevant le Terrain Mont-Saint-Grégoire […]. Il est aussi important de mentionner que le Centre et Compo ont le même objectif, soit d'obtenir tous les permis nécessaires à l'agrandissement du site d'enfouissement sur le Terrain Mont-Saint-Grégoire.
[24] [Paragraphe omis en raison de la confidentialité de l'Entente.][18]
1.5 Les renouvellements du billet à demande et de la reconnaissance de dette
[25] Le billet à demande signé le 1er septembre 1992 pour la somme de 125 000 $ est renouvelé à quelques reprises jusqu’en novembre 2006[19]. Le renouvellement de 2003 est signé par Michel et Noël Lebeau. À l’époque, Yves Lebeau est décédé. Le dernier renouvellement, soit celui de 2006, n’est signé que par Noël Lebeau étant donné qu’à cette époque, Michel Lebeau est décédé[20].
[26] La reconnaissance de dette signée le 8 juillet 1999 pour les honoraires de 122 416,43 $ et par laquelle le Centre renonce à la prescription et au bénéfice du temps écoulé est renouvelée à quelques reprises jusqu’en novembre 2006[21]. Le renouvellement de 2003 est signé par Michel et Noël Lebeau. À l’époque, Yves Lebeau est décédé. Le dernier renouvellement est signé le 10 novembre 2006 par Noël Lebeau seulement étant donné qu’à cette date Michel Lebeau est décédé[22].
[27] À l’automne 2009, Me Trahan demande à Noël Lebeau de renouveler le billet à demande (125 000 $) et la reconnaissance de dette (122 416,43 $), ce que ce dernier refuse de faire. Me Trahan lui explique donc qu’il n’a pas le choix que d’instituer la présente procédure afin de protéger ses créances.
[28] Le 27 octobre 2009, Me Trahan intente son recours contre le Centre et le 3 février 2014, il signifie son préavis d’exercice de son droit hypothécaire.
[29] Dans sa défense et demande reconventionnelle, le Centre conteste la réclamation sur plusieurs fronts dont la prescription de la créance de Me Trahan avant même l’émission du premier billet à demande et de la reconnaissance de dette. Cependant, lors de l’audience le Centre admet que la créance de Me Trahan n’est pas prescrite à cette époque.
[30] Le Centre conteste maintenant la réclamation en invoquant :
Ø la prescription de la créance, étant donné que les billets à demande et reconnaissances de dette signés en 2003 et en 2006 sont nuls et ne lient pas le Centre;
Ø la violation par Me Trahan du Code et du Code des professions[23], ce qui l’empêche de réclamer ses honoraires.
[31] De plus, par sa demande reconventionnelle le Centre :
Ø demande de prononcer la nullité de l’extrait de résolution qui prévoit le rachat par le Centre des actions de Me Trahan pour […] $[24], de l’extrait de résolution par lequel le Centre reconnaît la dette de 125 000 $ et renonce à la prescription[25] ainsi que la reconnaissance de dette du 10 novembre 2006 signée par Noël Lebeau[26];
Ø réclame de Me Trahan la somme qu’il a reçue de […] en 1999 et;
Ø demande la radiation de l’hypothèque étant donné que la créance qu’elle garantie est prescrite.
[32] Les questions en litige sont les suivantes :
Ø La créance de Me Trahan est-elle prescrite?
Ø Me Trahan a-t-il violé le Code et le Code des professions l’empêchant ainsi de réclamer ses honoraires?
Ø Me Trahan doit-il payer au Centre la somme de […] $ que lui a versée […] et l’hypothèque en faveur de Me Trahan doit-elle être radiée?
Ø Les extraits de résolution pièces D-23 et D-35 ainsi que la reconnaissance de dette du 10 novembre 2006 doivent-ils être annulés?
3.1 La créance de Me Trahan est-elle prescrite?
3.1.1 Les prétentions des parties
[33] Me Trahan soutient que les reconnaissances de dette et billets à demande signés à répétition de 1992 à 2006 constituent une reconnaissance par le Centre de son droit aux honoraires de 139 100 $ (125 000 $ plus les taxes) et de 122 416,43 $, et ont interrompu la prescription en vertu de l’article 2898 du Code civil du Québec (« C.c.Q. »).
[34] Selon Me Trahan, la signature en 2003 du billet à demande et de la reconnaissance de dette par le vice-président et le secrétaire corporatif, Michel et Noël Lebeau, et la signature en 2006 par Noël Lebeau des mêmes documents sont suffisantes pour lier le Centre et ainsi interrompre la prescription.
[35] Le Centre fait valoir que les reconnaissances de dette et billets à demande signés en 2003 et 2006 ne peuvent lier le Centre et interrompre la prescription parce que les signataires ne sont pas autorisés par une résolution valide du conseil d’administration. Le Centre soutient que toute résolution autorisant la signature de tels documents doit être approuvée par la totalité des administrateurs conformément à l’article 3d) de l’addenda du 23 mars 1995 de la Convention[27]. Étant donné qu’en 2003 et 2006, Pauline Lebeau est aussi une administratrice et qu’elle ne signe ni résolution concernant ces reconnaissances de dette et billets à demande ni ces derniers, ceux-ci ne peuvent lier le Centre.
[36] De plus, le Centre allègue que Me Trahan ne peut pas être considéré un tiers de bonne foi en raison de son implication dans les affaires du Centre et du transfert de certains pouvoirs des administrateurs aux actionnaires par l’addenda du 23 mars 1995 de la Convention[28]. Par conséquent, selon le Centre, la théorie de l’indoor management invoquée par Me Trahan ne peut s’appliquer.
3.1.2 La preuve
[37] Noël Lebeau agit comme représentant du Centre dans le cadre de la présente instance. Il est le seul administrateur du Centre à témoigner. Il reconnaît clairement que les services visés par les factures en litige[29] ont été rendus, qu’il connaissait le taux horaire de Me Trahan et qu’il était tenu au courant « assez souvent » de l’avancement des travaux et des honoraires encourus pour ces services. Il affirme que le Centre n’a pas acquitté ces factures parce qu’il n’a pas l’argent pour les payer. Les montants de ces factures ne sont pas contestés. Noël Lebeau reconnaît également que la somme de 125 000 $ plus taxes pour la facture du 19 mai 1994 a fait l’objet d’une entente avec Me Trahan.
[38] Noël Lebeau témoigne que les honoraires sont dus et qu’il signe les reconnaissances de dette et billets à demande depuis 1992 à la demande de Me Trahan, après avoir reçu des explications de ce dernier. Il comprend que les reconnaissances de dette et billets à demande doivent être renouvelés sinon les créances de Me Trahan seront prescrites. Voici un court extrait de son témoignage sur le sujet :
[Contre-interrogé par Me Daoust, 14 mai 2014]
R. Il nous faisait signer des reconnaissances de dette pour garantir ses factures.
Q. Hum, hum.
R. Tout simplement.
Q. O.k. Il vous avait-tu mentionné pourquoi il revenait comme ça régulièrement au moins aux trois ans pour vous faire signer de quoi?
R. Euh, qu’il faisait signer à toutes les trois ans ou avant toutes les trois ans c’était par rapport qu’il fallait qu’il fasse ça selon la loi.
Q. Selon la loi, mais pourquoi selon la loi? Savez-vous pourquoi?
R. Prescription.
Q. Prescription, ah, o.k. Ça, c’est un mot qu’il vous a expliqué?
R. Oui.
Q. Puis pour vous c’est quoi ça la prescription?
R. Ça veut dire que si t’as des documents, il faut qu’ils soient signés en dedans de trois ans ou à tous les trois ans du moins.
Q. O.k. Là, il vous a expliqué ça Me Trahan?
R. Oui.
Q. Donc vous acceptiez de renouveler cette prescription lorsqu’il vous présentait la documentation pour renouveler les reconnaissances de dette, tant du 122 416,43 que du 125 000, c’est bien ça?
R. Euh, on n’avait pas le choix, mon cher ami.
Q. Pourquoi vous dites que vous n’aviez pas le choix?
R. Parce qu’il nous les donnait pis tu les signes, hein.
LE TRIBUNAL
Q. Parce que?
R. On n’avait pas le choix. Il nous les donnait les reconnaissances de dette pis tu les signes.
[…]
Me DAOUST
Q. Est-ce qu’il vous a expliqué à ce moment-là qu’en refusant ça le plaçait dans une situation où il n’y avait pas d’autre alternative, par rapport à la prescription, que de poursuivre l’entreprise?
R. …
Q. Est-ce qu’il vous a dit : « Je n’aurai pas le choix, je vais être obligé de prendre des procédures sinon je perds ma créance », est-ce qu’il vous a dit ça?
R. … Sans doute.
Q. Sans doute.
R. Sans doute.
Q. Pourquoi vous dites « sans doute »?
Q. C’est un avocat, il doit s’être… sûrement qu’il m’a expliqué ça.
[39] Noël Lebeau affirme également que le Centre n’a pas besoin de résolution pour agir parce que c’est une entreprise familiale. Il considère avoir l’autorité en tant que secrétaire corporatif pour signer par exemple les états financiers du Centre, même en l’absence de résolution. Encore une fois, son témoignage est très clair :
[Contre-interrogé par Me Daoust, 14 mai 2014]
Q. Si je vous dis que dans ce document qui reflète l’intégralité du livre [pièce P-46, le registre des procès-verbaux] que vous avez tenu, il n’y a aucune résolution qui vous autorise de signer les états financiers, est-ce que j’ai raison?
R. Il faudrait demander à Me Trahan, c’est lui qui faisait toutes les résolutions qui m’autorisaient.
Q. En 2000? Me Trahan faisait ça pour vous en 2000. Là, vous m’apprenez quelque chose. Moi, je suis en 2000 là. J’ai compris que Me Trahan gérait la compagnie là, vous nous avez dit ça tantôt là.
R. Oui.
Q. Parfait. On va revenir d’ailleurs là-dessus tantôt. Mais moi, je suis en 2000. En 2000, je pense que Me Trahan n’a plus rien, vous êtes allé chercher le livre de compagnie, vous nous l’avez mentionné d’ailleurs.
R. Ah ben, si Gilles Trahan est pus là en 2000, j’ai été mener les papiers chez le comptable pis je les ai signés. C’est ce que j’ai toujours fait.
Q. Oui, mais moi, c’est pas ça ma question. Avez-vous une résolution? Parce qu’on va nous reprocher tantôt là de pas avoir des résolutions pour des billets puis les reconnaissances de dettes. Alors, je veux savoir est-ce que vous avez une résolution?
R. Je ne me suis pas fait, je ne me suis pas fait de, comment est-ce qu’ils appellent ça là, résolution. Je ne me suis pas fait de résolution, je ne me suis pas signé de résolution.
Q. Le conseil d’administration ne vous en a pas donné non plus? Je n’en ai pas retrouvé dans le livre.
R. Non.
Q. Je vous pose la même question pour 2001. Vous reconnaissez votre signature dans le, les états financiers de 2001 à la page 4?
R. Madame la juge…
Q. Vous avez signé comme administrateur.
R. Madame la juge, en étant le secrétaire trésorier je trouvais normal que je signe les documents.
LE TRIBUNAL
Q. Sans avoir de résolution, c’est ça?
R. Je ne savais même pas que ça prenait une résolution pour faire ça.
Q. O.k.
R. Mais je peux vous dire comment conduire un camion par exemple.
Me DAOUST
Q. La même question pour 2002, vous reconnaissez votre signature?
R. La même réponse.
Q. Je vais quand même prendre le temps de vous montrer jusqu’à 2008. Même question pour 2003?
R. Ben la même réponse.
Q. Vous reconnaissez votre signature, d’accord.
R. Ça n’a pas changé là. C’était comme ça…
Q. D’accord.
R. … il me semblait que c’était normal.
Q. Et je n’ai pas plus vu de résolution là pour ces années-là, vous êtes d’accord aussi? Vous ne vous en êtes pas fait puis vous n’en avez pas fait faire, vous n’avez pas…
R. Il était évident qu’en étant le secrétaire trésorier j’étais autorisé. Des résolutions, on n’en a pas fait de ça, nous autres, dans la famille on n’en a pas fait.
Q. Il était évident que comme secrétaire trésorier vous étiez, vous étiez quoi, autorisé?
R. …
Q. Qu’est-ce que vous alliez dire?
R. Autorisé à signer les documents!
[Soulignements du Tribunal]
[40] De cette preuve, le Tribunal retient que Noël Lebeau comprend que le Centre est endetté envers Me Trahan pour les deux sommes mentionnées précédemment. Le Tribunal retient aussi qu’il signe au nom du Centre les reconnaissances de dette et les billets à demande afin d’éviter que les créances de Me Trahan ne soient prescrites, et ce, après avoir reçu les explications de celui-ci. De plus, pour Noël Lebeau, il n’y a pas nécessité d’avoir une résolution pour l’autoriser à signer des documents, à tout le moins les états financiers, étant donné son poste de secrétaire corporatif.
[41] Le Tribunal comprend de la preuve documentaire[30] que le billet à demande et la reconnaissance de dette, signés le 16 novembre 2003 par Michel et Noël Lebeau, sont autorisés par une résolution signée par deux des trois administrateurs, soit Michel et Noël Lebeau. Le billet à demande signé le 10 novembre 2006 par Noël Lebeau est appuyé d’un extrait de résolution conforme signé par Noël Lebeau dont la résolution n’existe pas et la reconnaissance de dette signée le 10 novembre 2006 par Noël Lebeau n’est appuyée par aucune résolution, ni extrait de résolution.
[42] Le Centre allègue qu’il existe un différend familial qui oppose Noël d’un côté et de l’autre sa sœur Murielle et sa mère Pauline. Selon Noël, sa mère n’était pas d’accord avec les reconnaissances de dette et billets à demande.
[43] Le Centre n’a présenté aucune preuve démontrant que la seule autre administratrice, Pauline Lebeau, désavouait la reconnaissance de dette ou le billet à demande signé par Michel et Noël Lebeau le 16 novembre 2003 ou encore ceux signés par Noël Lebeau le 10 novembre 2006.
[44] D’ailleurs, Pauline Lebeau qui a été annoncée comme témoin n’a finalement pas témoigné.
[45] Les états financiers de 2008 du Centre, soit les plus récents, déposés au dossier de la Cour, indiquent clairement une dette de 125 000 $ garantie par l’hypothèque[31] il en est de même des états financiers de 1999[32], 2000 à 2004[33] et ceux de 2005[34].
[46] Par ailleurs, la preuve démontre que Me Trahan est un actionnaire du Centre depuis 1992, mais n’a jamais été un de ses administrateurs. En tant qu’avocat du Centre, il révise le registre des procès-verbaux du Centre en 1992 et rédige une résolution de ratification le 15 juin 1992. Par la suite, c’est lui qui a la charge de préparer la majorité des résolutions apparaissant au registre des procès-verbaux[35] ainsi que la Convention et ses addendas[36].
[47] Certaines résolutions laissent présumer que les administrateurs du Centre, incluant Pauline Lebeau, avaient une grande confiance en Me Trahan.
[48] À titre d’exemple, le 9 décembre 1999, le Centre adopte une résolution signée par les trois seuls administrateurs, Pauline, Michel et Noël Lebeau dont le texte est rédigé en ces termes :
QUE Me Gilles Trahan soit par les présentes nommé avocat de la compagnie avec tout pouvoir pour s’enquérir de tout solde du compte, toute transaction ou demander tout renseignement ayant trait au compte ouvert à la succursale de a CIBC situé (sic) sur le boulevard d’Anjou à Châteauguay;
QUE la compagnie demande et requiert à ce que soit envoyé les rapports, soldes et/ou état de compte au bureau de Me Gilles Trahan;
QUE l’adresse de correspondance de la compagnie pour ce compte sera le 105, avenue du Manoir, Ville de Léry (Québec), J6N 3N8, à l’attention de Me Gilles Trahan[37].
[49] La preuve ne révèle cependant pas quel rôle Me Trahan a effectivement joué quant aux informations bancaires du Centre par la suite.
[50] Il révise aussi le registre des procès-verbaux du Centre dans le cadre de l’Entente avec Compo. Cette révision est assez courte, trois heures, dit-il au Tribunal. Il affirme ne plus avoir eu le registre des procès-verbaux par la suite. Noël Lebeau corrobore ce dernier élément en affirmant avoir récupéré le registre des procès-verbaux de Me Trahan « un peu avant 2000 ».
[51] Après l’Entente, c’est Compo qui devient l’acteur de premier plan dans le dossier d’agrandissement du site.
[52] En 2001, Me Trahan participe en tant que représentant du Centre dans le cadre des audiences au Bureau des audiences publiques sur l’environnement (« BAPE »)[38]. En février 2004, le gouvernement refuse de délivrer le certificat d’autorisation recherché par le Centre et Compo pour l’agrandissement du site d’enfouissement[39].
[53] Après 2001, Me Trahan dit que ses contacts avec les représentants du Centre s’étiolent, ce qui n’est pas contredit. D’ailleurs, la preuve démontre qu’en novembre 2005, il représente les intérêts de BPR inc. dans le cadre d’une transaction de cette dernière avec le Centre[40].
3.1.3 La capacité d’un administrateur et dirigeant de lier une compagnie
[54] Le dirigeant est un mandataire de la compagnie[41]. L’administrateur peut également être un mandataire de la compagnie.
[55] Le conseil d’administration exerce tous les pouvoirs nécessaires à la gestion des affaires de la compagnie et il peut déléguer aux dirigeants certains de ces pouvoirs[42].
[56] Le dirigeant ou l’administrateur lie la compagnie s’il agit à l’intérieur de son mandat. Comme nous le verrons, il peut aussi lier la compagnie même s’il agit à l’extérieur de son mandat ou s’il agit sans mandat lorsque certaines conditions sont respectées[43].
[57] Le mandat d’un administrateur ou dirigeant peut être réel ou apparent. Le mandat réel peut être explicite ou implicite.
[58] Le mandat explicite peut être en termes généraux pour les actes de simple administration[44]. Cependant, pour les autres actes, il doit être exprès.
[59] Quant au mandat implicite, les auteurs Maurice et Paul Martel le décrivent ainsi :
Quant au mandat implicite, celui-ci découle du titre ou de la fonction accordés au dirigeant, habituellement dans les règlements de la compagnie. C’est ici que se situe la notion des « pouvoirs inhérents » du mandataire, d’origine anglaise, à laquelle font référence l’article 2137 du Code civil du Québec et l’article 36 de la Loi sur les compagnies (ainsi que les articles 123.31(3) de la Loi sur les compagnies et 18(d) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, dont il sera question plus loin). Du poste occupé par le dirigeant, s’infèrent les pouvoirs (autres que d’aliénation qui, rappelons-le, requiert un mandat exprès) habituellement attachés à un tel poste dans le cours ordinaire des affaires.
Les arrêts déclarant la compagnie liée par l’acte d’un dirigeant en vertu d’un mandat tacite ou implicite ne manquent pas au Québec.
La nature du poste occupé par l’agent ou le dirigeant dans la compagnie joue un rôle déterminant à cet égard. Le mandat implicite d’un gérant ou d’un directeur général, par exemple, ne pose pas de problème, mais celui d’un simple commis ou trésorier adjoint, peu importe les représentations qu’il fait au tiers, est pour ainsi dire inexistant, car à sa face même un tel poste suppose que son titulaire a des pouvoirs limités et qu’il ne peut lier la compagnie sans l’autorisation d’un supérieur.
La question à se poser pour déterminer si la compagnie est liée par un tel mandat implicite est la suivante : le tiers était-il justifié de croire, d’après le poste occupé par l’individu, la nature de l’acte qu’il a posé, et la corrélation entre cet acte et les pouvoirs habituellement attachés à ce poste, que cet individu avait l’autorité d’engager la compagnie?[45]
[Références omises]
[Soulignements du Tribunal]
[60] L’article 123.31(3) de la L.C.Q. mentionné par ces auteurs se lit comme suit :
123.31. Les tiers peuvent présumer que :
[…]
3° les administrateurs ou dirigeants de la compagnie occupent valablement leurs fonctions et exercent légalement les pouvoirs qui en découlent;
[61] Il convient aussi de reproduire l’article 123.32 de la L.C.Q. :
Les articles 123.30 et 123.31 ne s'appliquent pas aux tiers de mauvaise foi ou aux personnes qui auraient dû avoir une connaissance contraire en raison de leurs fonctions au sein de la compagnie ou de leurs relations avec cette dernière.
[62] Si l’administrateur ou le dirigeant excède son mandat ou n’en détient pas, la compagnie pourra tout de même être liée par l’acte posé par cet administrateur ou dirigeant si elle :
[…] ratifie, expressément ou tacitement, des actes qui excèdent les limites du mandat. Ou encore, si la compagnie a donné à un tiers de bonne foi des motifs raisonnables de croire qu’une personne est son mandataire, alors que ce n’est pas le cas. Et enfin, si le mandat est terminé, mais que les tiers ne le savent pas.[46]
[Références omises]
[63] Lorsque la compagnie a donné à un tiers de bonne foi des motifs raisonnables de croire qu’une personne est son mandataire alors qu’elle ne l’est pas, on parle alors de mandat apparent.
[64] Les auteurs Maurice et Paul Martel décrivent la portée de la théorie du mandat apparent de la façon suivante :
La compagnie est également liée envers les tiers qui contractent de bonne foi avec une personne qu’ils croient son mandataire alors qu’elle ne l’est pas, si elle leur a donné des motifs raisonnables de le croire et n’a pas pris des mesures appropriées pour prévenir cette erreur, si elle était prévisible.
La question à se poser ici est la suivante : la compagnie a-t-elle fait croire ou laissé croire que la personne avait l’autorité d’agir en son nom? Si oui, et si le tiers a cru de bonne foi à cette autorité, le fait que l’individu ait outrepassé ses pouvoirs ou agi sans mandat ne libérera pas la compagnie de sa responsabilité pour ses actes.[47]
[65] La jurisprudence foisonne d’exemples où la théorie du mandat apparent a été appliquée par un tribunal afin de conclure qu’une compagnie était liée par un acte de son administrateur ou dirigeant.
[66] L’arrêt Gendron c. Gatien Transport inc. est un bon exemple. Dans cet arrêt, l’honorable Pierre-C. Gagnon de la Cour supérieure détermine que les deux frères Gatien sont des administrateurs de jure de Gatien Transport, mais qu’un seul est administrateur de facto. Il conclut que le frère qui était l’administrateur de facto a lié la compagnie eu égard à la vente d’immeubles, même en l’absence de résolution autorisant une telle vente, en appliquant la théorie de mandat apparent.
[67] Les passages pertinents de l’arrêt sont les suivants :
[75] La preuve n'établit pas que Monsieur Gatien ait détenu, à quelque époque pertinente, un mandat exprès de vendre de la part de Gatien Transport […] .
a) Gatien Transport
[76] Tel que déjà établi, Gatien Transport est une société par actions constituée en vertu de la Partie I de la Loi sur les compagnies.
[77] En principe, un représentant d'une telle personne morale ne peut agir qu'avec l'autorisation du conseil d'administration.
[78] En avril 2003, Madame Simone Gatien était décédée. Monsieur Maurice Gatien était démissionnaire depuis le 16 mars 1999 mais, n'ayant pas été remplacé, il restait en fonction jusqu'à ce que son successeur soit élu.
[79] La règle de la majorité signifiait dès lors que Gatien Transport n'était liée que par décision unanime de Denis et Maurice Gatien. Or, ce dernier n'était pas au courant des négociations entre son frère Denis et Monsieur Gendron. [pour la vente des immeubles]
[80] Y a-t-il lieu d'appliquer la théorie du mandat apparent, énoncée à l'article 2163 C.c.Q?
Art. 2163. Celui qui a laissé croire qu'une personne était son mandataire est tenu, comme s'il y avait mandat envers le tiers qui a contracté de bonne foi avec celle-ci, à moins qu'il n'ait pris des mesures appropriées pour prévenir l'erreur dans des circonstances qui la rendaient possible.
[81] Les auteurs Fabien et Morel ont livré une étude désormais classique du mandat apparent. Ils résument:
Nous avons identifié quatre conditions. En premier lieu, le mandataire ne doit pas avoir le pouvoir de représenter le mandant dans l'acte accompli avec le tiers. Mandat véritable et mandat apparent sont antinomiques. En second lieu, le tiers doit être de bonne foi, ce qui implique qu'il doit avoir satisfait à son obligation de vérifier les pouvoirs du mandataire apparent, obligation qui peut varier selon les circonstances et le type de mandant dont il s'agit. En troisième lieu, il doit exister des motifs raisonnables de croire au mandat, motifs qui s'apprécient in abstracto. Enfin, selon l'article 1730 C.c., les apparences doivent émaner du mandant. Nous avons cependant démontré qu'un segment important de la jurisprudence acceptait que les apparences émanent d'une autre source, de sorte que se trouve posé le problème de la source des apparences dans la théorie du mandat apparent.
[82] La bonne foi de Monsieur Gendron est présumée et n'est pas mise en doute.
[83] La seule question qui se pose consiste à vérifier si le mandant Gatien Transport a donné des motifs raisonnables de croire aux pouvoirs de Monsieur Gatien de la représenter.
[84] Le Tribunal statue par l'affirmative, en appliquant la notion énoncée ci-après par Fabien et Morel:
Les tribunaux ont parfois eu recours à la notion de « ostensible authority » comme condition d'application du mandat apparent. Ne (sic) nom de cette notion laisse bien soupçonner son origine anglaise. Selon cette notion, dès qu'une personne est entourée de signes extérieurs ou des apparences d'un certain titre ou d'une certaine fonction, le tiers est justifié de croire qu'elle possède les pouvoirs de représentation normalement associés à ce titre ou à cette fonction.
[85] En l'espèce, Gatien Transport est une petite entreprise familiale dont la raison sociale utilise le patronyme des deux actionnaires. Cette personne morale a conféré le titre de président à Monsieur Gatien, le seul véritable exploitant de l'entreprise (Maurice Gatien étant un actionnaire inactif). Pour reprendre la terminologie de l'article 2863 C.c.Q., il était prévisible que des tiers considèrent Monsieur Gatien comme un mandataire plénipotentiaire et Gatien Transport n'a pris aucunes mesures appropriées pour prévenir cette erreur.[48]
[Références omises]
[Soulignements du Tribunal]
[68] Le juge Gagnon décide que la règle de l’indoor management s’applique aussi en l’espèce.
[69] Finalement, la compagnie sera également liée par les actes de son administrateur ou dirigeant même si toutes les formalités internes n’ont pas été suivies dans la mesure où la personne qui cherche à lier la compagnie est un tiers de bonne foi. Il s’agit de la règle de l’indoor management[49].
[70] L’article 123.31(4) de la L.C.Q. énonce cette règle de la façon suivante :
123.31. Les tiers peuvent présumer que :
[…]
4° les documents de la compagnie provenant d'un de ses administrateurs, dirigeants ou autres mandataires sont valides.
[71] Toutes ces théories, que ce soit celle du mandat implicite, du mandat apparent ou encore de l’indoor management, impliquent que la personne qui cherche à lier la compagnie soit un tiers de bonne foi.
3.1.4 Le Centre est-il lié par les reconnaissances de dette et billets à demande signés en 2003 par Michel et Noël Lebeau et en 2006 par Noël Lebeau?
[72] Étant donné que la prémisse pour l’application des théories et règles mentionnées à la section précédente implique un tiers de bonne foi et que le Centre fait valoir que Me Trahan ne peut être considéré comme tel, examinons les arguments du Centre à cet égard.
[73] Le Centre fait valoir que l’implication de Me Trahan dans les affaires du Centre lui fait perdre son statut de tiers de bonne foi.
[74] Le Tribunal ne peut retenir cet argument.
[75] La preuve ne démontre pas que Me Trahan était impliqué dans les opérations du Centre ni dans son administration. Cependant, jusqu’en 1999, il agit comme avocat du Centre et rédige les procès-verbaux et certains autres documents corporatifs, telle que la Convention. Après cette date, Me Trahan n’a plus le registre des procès-verbaux et, depuis la fin de l’audience au BAPE en 2001, sa relation avec les représentants du Centre s’amenuise. Il demeure un actionnaire passif. Comme mentionné précédemment, la preuve démontre d’ailleurs qu’en novembre 2005, il représente les intérêts de BPR inc. dans le cadre d’une transaction de cette dernière avec le Centre[50].
[76] La preuve ne démontre aucunement qu’après avoir remis le registre des procès-verbaux à Noël Lebeau « un peu avant 2000 », il se soit impliqué dans les affaires internes corporatives du Centre ou encore qu’il ait été mis au courant de l’existence ou non de résolutions autorisant Michel et Noël à signer les reconnaissances de dette et billets à demande de 2003 et 2006.
[77] Même s’il existe une résolution du 9 décembre 1999 permettant à Me Trahan d’obtenir des informations bancaires à l’égard du Centre, cette résolution ne permettait pas à Me Trahan de savoir si en 2003 et 2006 il y avait des résolutions autorisant Michel et Noël à signer les documents maintenant contestés. De plus, la preuve est muette sur le rôle qu’a effectivement joué Me Trahan quant aux informations bancaires et, s’il en a joué un, jusqu’à quelle date.
[78] Le Tribunal retient que la preuve prépondérante démontre qu’en 2003 et 2006, date où les billets à demande et les reconnaissances de dette contestés ont été signés, Me Trahan n’a plus de rôle actif avec le Centre depuis quelques années.
[79] Le Centre allègue également que l’article 28 de la Convention et son addenda du 23 mars 1995[51] transfèrent aux actionnaires les pouvoirs des administrateurs de sorte que les actionnaires se retrouvent dans les mêmes souliers que les administrateurs et ne peuvent être considérés comme des tiers de bonne foi.
[80] Il est vrai que certains des pouvoirs des administrateurs sont transférés aux actionnaires mais pas tous. Entre autres, le pouvoir de renouveler des reconnaissances de dette et billets à demande n’est pas transféré aux actionnaires.
[81] De plus, dans les faits plusieurs actes sont posés par des administrateurs du Centre sans implications des actionnaires. À titre d’exemple, 2005, le Centre a signé un contrat avec BPR inc. sans intervention ou implication des actionnaires[52]. Autre exemple, le 9 décembre 1999, les administrateurs signaient une résolution autorisant Noël Lebeau à ouvrir un compte bancaire à Châteauguay, sans quelque intervention ou implication des actionnaires. Ces derniers n’ont jamais été impliqués dans les renouvellements de la reconnaissance de dette et du billet à demande.
[82] Conséquemment, le Tribunal ne croit pas que Me Trahan doive être considéré dans la position d’un administrateur en raison de l’article 28 de la Convention et son addenda du 23 mars 1995.
[83] Le Centre invoque aussi qu’en 2000, l’étude de Me Trahan apparaît comme le domicile élu du Centre auprès du Registraire des entreprises du Québec[53]. Il ne peut donc pas être considéré comme un tiers de bonne foi.
[84] Me Trahan indique avoir demandé par la suite à quelques reprises au Centre d’enlever l’adresse de son étude comme domicile élu, mais le Centre n’a pas procédé à la modification en temps opportun. Me Trahan souligne que ce n’est d’ailleurs pas la seule information erronée concernant le Centre auprès du Registraire des entreprises du Québec. En effet, en date du 8 septembre 2008, Michel Lebeau est décédé depuis 2005 et il apparaît toujours comme actionnaire et vice-président[54]. De plus, il est erronément indiqué qu’il n’y a pas de convention unanime d’actionnaires.
[85] Le Tribunal ne peut pas conclure qu’en raison de l’adresse du domicile élu du Centre au Registraire des entreprises du Québec, Me Trahan ne peut être considéré comme un tiers de bonne foi.
[86] Par ailleurs, aucune autre preuve n’a été administrée par le Centre pouvant laisser croire qu’en 2003 et 2006 ou même avant Me Trahan n’était pas de bonne foi.
[87] Étant donné ce qui précède et que la bonne foi se présume[55], le Tribunal considère qu’en 2003 et 2006, Me Trahan peut être considéré un tiers de bonne foi.
[88] Le Centre peut-il être lié par les reconnaissances de dette et billets à demande signés par Michel et Noël Lebeau?
[89] Le Centre allègue que l’article 3c) de l’addenda du 23 mars 1995 à la Convention[56] entraîne la nullité des reconnaissances de dette et des billets à demande parce qu’ils ne sont pas supportés par une résolution adoptée par 100 % des voix des administrateurs. Le Centre soutient que Me Trahan ne pouvait ignorer cette condition puisqu’il a lui-même rédigé cet addenda.
[90] L’article 3c) dudit addenda se lit ainsi :
3. L’article 29 de la convention unanime des actionnaires est remplacé par le suivant :
« 29. Tout règlement ou résolution des administrateurs de la compagnie ayant pour objet ou effet, direct ou indirect, l’un des points suivants, devra être adopté par 100 % des voix des administrateurs pour être valide :
[…]
c) Toute décision autre qu’une décision administrative prise dans le cours ordinaire des affaires de la compagnie. »
[91] Aux yeux du Centre, la reconnaissance de dette et le billet à demande sont des décisions « autre qu’une décision administrative prise dans le cours ordinaire des affaires de la compagnie » et nécessite donc une résolution adoptée par 100 % des voix des administrateurs.
[92] Le Tribunal n’est pas d’accord.
[93] Tant la jurisprudence que la doctrine reconnaît que cette notion du « cours ordinaire des affaires » s’interprète selon le contexte.
[94] La Cour suprême dans l’arrêt Dans la faillite de Pacific Mobile Corporation c. American Biltrite[57]devait déterminer si le paiement d’une dette que Pacific Mobile avait envers American Biltrite avait été fait dans le cours ordinaire des affaires au sens de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité[58]. La Cour s’exprime ainsi :
Il n’est pas sage de tenter de donner une définition exhaustive de l’expression dans « le cours ordinaire des affaires » applicable à tous les cas. Il est préférable de considérer les circonstances de chaque cas et de tenir compte du genre d’affaires que font le débiteur et le créancier.
Nous approuvons le passage suivant tiré des motifs du juge Monet où il discute de l’expression dans « le cours ordinaire des affaires » à la p. 205 :
Il ressort de ces autorités, me semble-t-il, que, d’une part, la notion qui nous concerne est une notion abstraite et que, d’autre part, les tribunaux ont pour mission d’apprécier les circonstances propres à chaque espèce afin de déterminer la qualification d’une transaction donnée. C’est, en somme, le va-et-vient perpétuel entre le droit et le fait. Mais, avec égards, je crois qu’on ne peut affirmer qu’un paiement qui n’est pas fait à échéance ne peut être considéré comme ayant été fait dans le cours ordinaire des affaires.
En l’espèce, il est clair, vu les éléments de preuve produite, que le paiement a été fait dans le cours ordinaire des affaires. Le paiement tardif de Pacific Mobile à American Biltrite était non seulement normal dans le contexte de leurs relations d’affaire, mais c’était aussi habituel dans leur industrie particulière[59].
[Soulignements du Tribunal]
[95] La Cour d’appel dans l’arrêt Braun Canada limitée c. La Banque Nationale[60] conclut également que la conduite antérieure des parties est un élément important à considérer lorsqu’il faut décider si la transaction questionnée s’insère dans le cours normal des affaires. Voici ce que la Cour affirme :
La seconde question me paraît plus difficile. Il s'agit, en effet, de déterminer si la transaction commerciale de retour de marchandise moyennant crédit intervenue entre Braun et Distribution Fortier (Red Carpet) se situait, selon l'expression consacrée et bien connue ....«dans le cours ordinaire des affaires»...
Une lecture attentive de cette jurisprudence sur l'interprétation à donner à cette expression révèle l'existence d'un double critère. En premier lieu, on doit se poser la question de savoir si la transaction s'insérait dans un mode de comportement commercial habituel entre les parties?
Pour l'évaluer, il convient donc de se référer à la conduite antérieure des parties. Si l'examen de celle-ci permet de constater que ce type de transaction se faisait couramment ou régulièrement entre elles, et hormis naturellement le cas de fraude, on devra conclure que la transaction était bel et bien dans le cours ordinaire des affaires.
Par contre, une constatation contraire ne permet pas nécessairement de conclure par la négative. La meilleure preuve en est, en toute logique, que cette conclusion s'appliquerait alors nécessairement et par la force des choses à une toute première transaction, alors que celle- ci pourrait, par la suite, se répéter et à ce titre devenir un comportement d'affaires habituel et donc reconnu.
Dans cette deuxième hypothèse, il faut donc aller plus loin et se référer à un second critère qui est le suivant. Malgré sa nouveauté dans les relations habituelles entre les parties, la transaction se situe-t-elle dans le cours normal d'affaires pour des entreprises du même genre et exerçant le même type d'activités commerciales? C'est alors non plus le comportement habituel de l'entreprise en question qui est visé, mais celui de l'ensemble des entreprises œuvrant dans le même domaine[61].
[Soulignements du Tribunal]
[96] Bien qu’il ne s’agisse pas en l’espèce de l’application de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité[62] comme dans les deux arrêts ci-dessus mentionnés, il est possible de s’inspirer de cette jurisprudence afin de déterminer si la signature des billets à demande et des reconnaissances de dette en 2003 et 2006 sont des actes qui s’inscrivent dans le cours ordinaire des affaires du Centre.
[97] Le Tribunal considère qu’il est dans le cours normal des affaires pour le Centre de payer les honoraires de son avocat, ce que le Centre a fait à plusieurs reprises. Le Tribunal estime qu’il est aussi dans le cours normal des affaires du Centre de payer en retard les honoraires de Me Trahan. Celui-ci a effectivement mentionné au Tribunal que le Centre payait plusieurs de ses factures[63] avec du retard.
[98] De plus, depuis 1992 plusieurs gestes ont été posés par le Centre pour s’assurer que la créance de Me Trahan ne se prescrive pas et même qu’elle soit en partie garantie. Ainsi, le Centre a signé une hypothèque en 1994[64] et a signé des reconnaissances de dette les 8 juillet 1999, 3 août 2001, 12 juin 2002[65] qui ne sont pas contestées et des billets à demande des 1er septembre 1992[66], 21 novembre 1996, 8 juillet 2002, 20 juin 2001 et 9 décembre 2002[67] qui ne sont également pas contestés.
[99] Le Tribunal conclut qu’étant donné les circonstances, il était dans le cours normal des affaires du Centre de signer à nouveau la reconnaissance de dette et le billet à demande en 2003 et en 2006. Conséquemment, l’argument du Centre eu égard à l’article 3c) de l’addenda du 23 mars 1995 de la Convention ne peut être retenu.
[100] Cependant, l’absence de résolution adoptée à la majorité des administrateurs autorisant Noël Lebeau à renouveler en 2006 le billet à demande et la reconnaissance de dette libère-t-elle le Centre[68]?
[101] Le Tribunal estime que même s’il n’y a pas de preuve que Noël Lebeau détenait un mandat réel explicite en termes généraux ou exprès, que ce soit sous forme de résolution ou autrement, l’autorisant à signer les reconnaissances de dette et billets à demande, un mandat réel implicite s’infère en raison du poste occupé par celui-ci. Rappelons que Noël Lebeau a été vice-président puis au décès de son père, il est nommé secrétaire corporatif du Centre. Lui et son frère Michel sont les deux principaux interlocuteurs de Me Trahan dans sa relation professionnelle avec le Centre.
[102] De plus, la preuve démontre qu’il a signé d’autres documents au nom du Centre. Plus particulièrement, il signe comme seul représentant du Centre la Convention et son premier addenda de juillet 1992[69].
[103] D‘ailleurs, la conduite du Centre, de Michel et Noël Lebeau confirme aux yeux du Tribunal l’existence d’un mandat implicite pour signer les documents contestés et lier le Centre.
[104] En effet, tel que mentionné précédemment, depuis plusieurs années, le Centre renouvelle ce billet à demande et cette reconnaissance de dette et Noël Lebeau les signe tous, de même que Michel Lebeau jusqu’à son décès.
[105] Au surplus, jamais avant la signification de la défense et demande reconventionnelle, le Centre ou quiconque en son nom ne s’est objecté à ces reconnaissances de dette et billets à demande ou encore n’a soulevé l’absence d’autorisation pour Noël Lebeau de signer ces documents. Personne non plus n’a contesté les honoraires de Me Trahan. La seule occasion où le Centre émet une opposition c’est lorsque Me Trahan, en raison du refus de Noël Lebeau de renouveler ces documents en 2009, intente ses procédures et réclame le paiement des ses honoraires[70].
[106] D’ailleurs, lorsque contre-interrogé sur la raison qui l’a motivé à refuser de renouveler ces documents en 2009, Noël Lebeau répond qu’il ne s’en rappelle plus!
[107] Par ailleurs, le Tribunal ne peut tirer l’inférence, comme le souhaite le Centre, que l’absence de la signature de Pauline Lebeau sur les reconnaissances de dette, billets à demande et l’absence de résolution autorisant leur renouvellement en 2006 indiquent sa protestation. Selon Noël Lebeau, il ne parle plus à sa mère en raison des agissements de Me Trahan depuis, selon sa première version, 20 ans (donc 1993), ou selon sa deuxième version, depuis le verglas (donc janvier 1998). Or, comment expliquer que même s’il ne parle plus à sa mère depuis cette période, il attribue l’absence de la signature de celle-ci sur des documents en 2003 et 2006 à un refus de reconnaître ces créances.
[108] Si telle était la situation, pourquoi ne l’a-t-elle pas indiqué au Tribunal en témoignant?
[109] De plus, le registre des procès-verbaux[71] contient plusieurs résolutions qui ne sont pas signées par Pauline Lebeau alors qu’elle est toujours administratrice, dont notamment les résolutions la nommant présidente en 2001, 2002 et 2003. Était-ce aussi un signe de protestation de sa part?
[110] Pour le Tribunal la preuve prépondérante démontre plutôt que le Centre fait preuve de laxisme à tout le moins à l’égard de la signature ou même la rédaction de résolution ce qui n’est pas nécessairement étonnant considérant qu’il s’agit d’une petite entreprise familiale.
[111] Ce laxisme est d’ailleurs reflété par la résolution de ratification préparée par Me Trahan et signée par les administrateurs le 15 juin 1992[72].
[112] De plus, Noël Lebeau n’a jamais affirmé ne pas avoir l’autorité pour lier le Centre. Au contraire, il affirme qu’en tant que secrétaire corporatif, il est autorisé à signer les états financiers même en l’absence de toute résolution lui permettant de le faire. Selon lui, le Centre n’a pas besoin de résolution parce que c’est « la famille »[73].
[113] Enfin, le Centre n’a présenté aucune preuve pouvant, de quelque façon que ce soit, mettre en doute ce mandat implicite.
[114] Par ailleurs, même en l’absence de mandat réel implicite, le Tribunal conclut qu’à la lumière de la preuve prépondérante et pour les motifs qui précèdent, la théorie du mandat apparent entraîne la responsabilité du Centre à l’égard des créances de Me Trahan.
[115] En effet, le Tribunal estime que le Centre a laissé croire que Noël Lebeau et même son frère Michel avaient l’autorité pour agir. Les deux avaient le mandat apparent pour renouveler les reconnaissances de dette et billets à demande et Noël Lebeau, après le décès de son frère, avait aussi ce mandat apparent.
[116] Si cela n’est pas suffisant, le Tribunal estime aussi que la règle de l’indoor management s’applique et entraîne la responsabilité du Centre eu égard à la créance de Me Trahan.
[117] Le Centre ne peut donc se libérer des documents signés par Michel et Noël Lebeau en invoquant l’absence de résolution valide.
[118] Le Tribunal considère aussi que Noël Lebeau est le seul administrateur et dirigeant du Centre appelé à témoigner, qu’il agit devant le Tribunal comme représentant du Centre et qu’il n’y a aucune preuve de désaveu de ses actes. Par conséquent, le fait d’invoquer que la reconnaissance de dette et le billet à demande qu’il a signés ne sont pas conformes et ne lient pas le Centre, revient à plaider sa propre turpitude ce qui ne peut constituer un moyen de défense valable[74].
[119] Finalement, il transparaît de la défense du Centre que celui-ci soulève que ses administrateurs n’ont pu donner un consentement libre et éclairé lors du renouvellement de la reconnaissance de dette et du billet à demande en 2003 et 2006 en raison d’un manque de connaissance et de la contrainte exercée par Me Trahan. Bien que le Centre n’ait pas clairement plaidé cet argument devant le Tribunal, celui-ci en disposera tout de même.
[120] Le Tribunal a entendu Noël Lebeau témoigner, lequel s’exprime clairement, bien qu’il tente à quelques reprises d’inciter le Tribunal à croire qu’il n’a pas les connaissances pour comprendre les documents qu’il signe étant donné qu’il est un camionneur. Le Tribunal décèle chez cet homme un vocabulaire approprié et une compréhension de la situation plus que suffisante pour conclure qu’il a tout à fait les capacités et qu’il a eu les explications suffisantes de Me Trahan pour donner un consentement éclairé. À titre d’exemple et comme mentionné plus haut, il indique lui-même que Me Trahan lui a expliqué pourquoi les billets à demande et reconnaissances de dette étaient nécessaires. Noël Lebeau utilise lui-même le terme « prescription » devant le Tribunal et il explique même ce terme.
[121] Par ailleurs, s’il y a contrainte, tel que le prétend le Centre, le Tribunal considère qu’elle est légitime. En effet, Me Trahan informe les représentants de sa cliente que s’ils refusent de signer une reconnaissance de dette ou le renouvellement de celle-ci, ce qu’il est prêt à accepter afin de retarder le paiement de ses honoraires, il devra procéder par recours judiciaire afin de protéger sa créance.
[122] Le Tribunal ne peut conclure que l’affirmation de Noël Lebeau voulant qu’il n’avait pas le choix de signer parce que s’il ne signait pas, le Centre devait payer les honoraires de Me Trahan et que le Centre n’avait pas les ressources financières pour payer, démontre une contrainte de nature à vicier son consentement.
[123] Noël Lebeau n’était pas obligé de signer les reconnaissances de dette antérieures à 2006 ou même celles de 2006, la preuve en est qu’en 2009, il a tout simplement refusé de signer.
[124] La preuve prépondérante démontre donc que le consentement de Noël Lebeau était libre et éclairé.
[125] Le Tribunal note également qu’il est étrange que la première fois où les honoraires de Me Trahan sont contestés c’est lors de la défense à la requête introductive d’instance, soit en 2009. Alors que le premier billet à demande a été signé en 1992.
[126] Le Tribunal comprend de la preuve présentée que le Centre a, par le biais de ces administrateurs, refusé de signer la dernière reconnaissance de dette parce qu’il n’avait pas l’argent pour payer les honoraires. Le Tribunal comprend aussi que le Centre recherche par sa défense et demande reconventionnelle l’extinction d’une créance qu’il n’est tout simplement pas en mesure de payer[75].
[127] Le Tribunal conclut donc que le Centre est lié par les reconnaissances de dette pour la somme de 122 416,43 $ et par les billets à demande de 125 000 $ signés le 16 novembre 2003 et le 10 novembre 2006 et que ces documents constituent des reconnaissances du droit de Me Trahan à ses honoraires de 139 100 $ (125 000 $ plus taxes) et de 122 416,43 $. Il y a, par conséquent, eu interruption de la prescription.
3.2 Me Trahan a-t-il violé le Code et le Code des professions l’empêchant ainsi de réclamer ses honoraires?
[128] Le Centre invoque que Me Trahan a violé le Code à plusieurs égards ainsi que l’article 59.2 du Code des professions[76].
[129] Plus particulièrement, le Centre soutient que Me Trahan a violé les articles 3.02.04, 3.03.02 et 3.08.03 en facturant le Centre comme il l’a fait.
[130] Me Trahan a certes une façon particulière de facturer le Centre. À titre d’exemple, la pièce P-8A comprend une facture du 8 février 1996 pour des travaux exécutés de septembre à novembre 1991 sans ventilation. La pièce P-8A comprend également une facture d’octobre 1992 ayant pour seule description des services : « pour travaux exécutés non comptabilisés ». Dans P-1, il y a également une facture du 19 mai 1994 pour des services rendus de 1990 à 1992 et huit factures du 28 octobre 1996 pour des services rendus de 1992 à 1996. Me Trahan explique aussi avoir remis à plus tard l’émission de ses factures parce que le Centre n’a pas les moyens financiers de les payer et il ne veut pas à avoir à assumer la remise au gouvernement de la TPS et TVQ.
[131] Cependant, comme mentionné plus haut, Noël Lebeau reconnaît devant le Tribunal que les services décrits dans les factures qui se trouvent à P-1 ont été rendus, qu’à l’époque, il connaissait le taux horaire de Me Trahan, qu’il était tenu au courant de l’avancement des travaux et de l’accumulation des honoraires. De plus, Noël Lebeau indique au Tribunal que pour la rémunération des services énumérés à la facture du 19 mai 1994 il a convenu avec Me Trahan de la somme de 125 000 $ plus les taxes.
[132] Le Tribunal doit donc conclure qu’au niveau de la facturation pour honoraires, le Code n’a pas été violé et le Tribunal ne peut intervenir pour réduire le montant.
[133] Le Centre soutient également que Me Trahan a violé l’article 3.05.08 du Code en convenant de l’hypothèque sur le Terrain Mont-Saint-Grégoire.
[134] L’article 3.05.08 du Code interdit à l’avocat « […] d’acquérir un droit de propriété dans un bien litigieux à l’occasion d’un mandat qui lui a été confié par un client ».
[135] Le Tribunal ne croit pas que Me Trahan, en obtenant une hypothèque pour sécuriser ses honoraires à hauteur de 125 000 $, a violé l’article 3.05.08 du Code. Premièrement, il n’a pas acquis un droit de propriété. Deuxièmement, il n’y a aucun immeuble en litige. Certes, le Centre retient les services de Me Trahan pour obtenir les autorisations afin de continuer à exploiter son site d’enfouissement et d’agrandir celui-ci sur l’immeuble grevé de l’hypothèque, mais cet immeuble n’est pas en litige. C’est son exploitation qui pourrait considérer l’être.
[136] Le Centre allègue aussi que Me Trahan s’est placé en conflit d’intérêts dès qu’il a acquis des actions en 1992, et que, par ces actions, il a reçu un avantage en plus de sa rémunération violant notamment les articles 3.05.13 et 3.06.07 du Code.
[137] Me Trahan, et ce n’est pas contredit, affirme avoir acheté les actions que lui a offertes sa cliente à l’exception de celles reçues à la suite du décès d’Yves Lebeau.
[138] Noël Lebeau indique que, selon lui, les actions que Me Trahan acquiert en 1992 étaient pour garantir le prêt de 125 000 $ et pour démontrer le sérieux du Centre. Puis, plus tard, il affirme que Me Trahan reçoit des actions du Centre en paiement de ses factures.
[139] Aux yeux du Tribunal, cette deuxième affirmation n’est pas vraisemblable. Tout d’abord, ce n’est pas le Centre qui lui transfère des actions, mais les actionnaires. Ensuite, si le Centre avait transféré à Me Trahan des actions en 1992 et 1995 en paiement de ses factures, pourquoi émet-il des factures en 1994, 1996 et 1999, et surtout pourquoi Michel et Noël Lebeau continuent-ils de signer à répétition, de 1992 à 2006, des reconnaissances de dette et billets à demande pour ces mêmes factures si elles ont été acquittées par le transfert d’actions?
[140] Il est certain que malgré la grande réticence de Me Trahan à l’admettre à quelques occasions, il espérait une plus-value et tous, y compris celui-ci, travaillaient en vue de l’obtenir. Cependant, le Tribunal ne croit pas que ces actions constitueraient un avantage, une ristourne ou une commission qu’il recevrait pour ses services en plus de ses honoraires en violation de l’article 3.05.13 du Code.
[141] Le Tribunal doit aussi souligner que la preuve ne démontre pas qu’une plainte a été déposée au Syndic du Barreau alléguant que Me Trahan aurait violé le Code.
[142] Par ailleurs, le Tribunal considère qu’il n’est pas utile dans la présente instance de déterminer si Me Trahan s’est placé en conflit d’intérêts en acquérant les actions du Centre, puisque le remède recherché par le Centre, soit l’annulation de ces honoraires, ne pourrait être accordée par le Tribunal.
[143] En effet, même si le Tribunal concluait que Me Trahan était en conflit d’intérêts, le Tribunal ne croit pas que les mandats confiés à ce dernier de 1992 à 1999 doivent être considérés nuls comme le prétend le Centre. Il n’y a aucune preuve que ces mandats étaient contraires à l’ordre public.
[144] De plus, si un tel conflit d’intérêts était prouvé, le Tribunal ne croit pas que le remède approprié aurait été l’annulation des factures en litige. Une plainte au Syndic aurait pu être une avenue possible ou encore, si le Centre avait subi un préjudice par la faute de Me Trahan il aurait certes pu poursuivre Me Trahan en dommage, si le recours n’était pas prescrit. Encore aurait-il fallu que le Centre prouve non seulement la faute, mais le dommage et le lien entre les deux, ce qui n’a vraisemblablement pas été fait ici.
[145] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal ne peut conclure que Me Trahan n’a pas droit à ses honoraires en raison de la violation du Code ou du Code des professions.
3.3 Me Trahan doit-il payer au Centre la somme de […] $ que lui a versée […] et l’hypothèque doit-elle être radiée?
[146] Le Centre allègue que la somme de […] $ a été payée à Me Trahan pour acquitter une partie de ses honoraires. Par conséquent, si les créances de Me Trahan sont prescrites, il doit rembourser cette somme.
[147] Étant donné que le Tribunal conclut que les créances de Me Trahan ne sont pas prescrites, cet argument ne tient plus.
[148] Faut-il déduire des créances de Me Trahan cette somme de […] $?
[149] Pour le faire, il faut écarter l’Entente[77] et plus particulièrement l’article 16 de celle-ci en vertu duquel Me Trahan a reçu la somme de […] $.
[150] Le Tribunal estime que l’article 16 de l’Entente ne peut être écarté.
[151] La preuve prépondérante démontre qu’au 13 juillet 1999[78], le projet d’entente […] prévoit que […] verse à Me Trahan […] $ et en considération de ce paiement, Me Trahan radie l’hypothèque grevant le Terrain Mont-Saint-Grégoire et sa créance de 125 000 $. Il est aussi prévu que […] [79] .
[152] Or, en cours de route, comme l’a bien expliqué Noël Lebeau au Tribunal, la finalité du paiement de la somme de […] $ change. Cette somme sera payée à Me Trahan en contrepartie de la cession de son rang hypothécaire au bénéfice de […][80]. Me Trahan indique que cette modification est faite à la demande de […]. Cela peut paraître étrange, car le seul qui semble bénéficier de ce changement est Me Trahan. Cependant, cette affirmation de Me Trahan n’est pas contredite.
[153] L’Entente qui est signée par […] est conforme à ce changement de finalité. Ainsi, [...] verse une somme de […] $ à Me Trahan en contrepartie de la cession de son rang hypothécaire[81].
[154] Noël Lebeau a été informé, en temps opportun, de la modification de cette clause 16. Il a même fait le commentaire devant le Tribunal qu’il avait trouvé que c’était cher payé pour une cession de rang.
[155] De plus, il s’agit d’un contrat que les parties ont reconnu avoir lu avant de signer tel que le spécifie la clause 21(12) de l’Entente et chacune des pages est paraphée par toutes les parties à l'Entente.
[156] La clause 16 à l’Entente est très claire, la somme de […] $ est versée à Me Trahan pour céder son rang hypothécaire en faveur de […]. L’Entente est signée en 1999, nous sommes maintenant en 2014 et jamais le Centre, ses administrateurs ou actionnaires ont porté plainte contre Me Trahan ou ont remis en question cette partie de l’Entente avant les présentes procédures.
[157] Le seul autre témoin pour le Centre a été Murielle Lebeau qui vraisemblablement était très hostile à Me Trahan et son témoignage sur cet article 16 de l’Entente n’est pas convaincant et le Tribunal ne peut le retenir.
[158] Elle témoigne une première fois, le 14 mai 2014, et revient témoigner en contre-preuve sur la demande reconventionnelle, le 15 mai 2014, simplement pour tenter d’établir que lorsqu’elle signe l’Entente dans les bureaux de […], elle est seule avec sa mère et Me Trahan. Les autres […] ont déjà signé […]. Tout ça, sans doute, pour laisser entendre qu’elle n’a jamais eu d’explication sur la clause 16 de l’Entente, ce qui est d’ailleurs contraire au témoignage de Noël Lebeau qui a affirmé que […] avait reçu des explications sur cette clause 16.
[159] Or, en contre-interrogatoire le 15 mai 2014, elle se fait poser la question si elle a discuté le matin même de ce qu’elle venait de témoigner, visiblement mal à l’aise, elle a répondu ne pas s’en souvenir.
[160] De toute façon, même si le Tribunal retenait sa version qu’elle croyait que la somme de […] $ payait les honoraires, cela n’a aucune incidence sur la conclusion du Tribunal. Une partie ne peut contredire un écrit valablement fait. Aussi, la clause 16 est claire, Noël Lebeau l’a comprise et la preuve prépondérante est à l’effet que cette somme a été payée à Me Trahan en cession de son rang hypothécaire.
[161] Les représentants du Centre à l’Entente, Pauline et Noël Lebeau, donnent-ils un consentement libre et éclairé en signant ladite offre? Le seul administrateur qui a témoigné est Noël Lebeau et il comprend très bien la portée de la clause 16.
[162] A-t-il été contraint de signer comme il le prétend en raison des pressions de Me Trahan?
[163] La seule pression qu’il invoque, il l’exprime comme suit : « on n’avait pas le choix de signer sinon il fallait payer Me Trahan ».
[164] Pour les raisons énoncées plus haut, le Tribunal ne considère pas que cette « pression » ait vicié son consentement.
[165] Le Tribunal conclut donc que la somme de […] $ que Me Trahan a reçue en 1999 de […] ne peut servir à réduire la dette qu’a le Centre envers lui comme déterminée plus haut.
[166] Le Centre demande également la radiation de l’hypothèque[82]. Il fait valoir que l’hypothèque n’étant que l’accessoire, elle doit suivre le principal, soit le billet à demande.
[167] Étant donné la conclusion à laquelle le Tribunal en arrive eu égard au billet à demande, il faut également conclure que l’hypothèque demeure.
[168] Quant à la capitalisation des intérêts prévue dans l’acte hypothécaire, le Centre prétend que cette disposition ne peut s’appliquer étant donné que le principal, le billet à demande, ne prévoit que le paiement d’un intérêt de 8 % l’an.
[169] Le Tribunal ne peut accepter cet argument. L’hypothèque est contenue dans un acte authentique, dont son contenu fait preuve. Il n’y a eu aucune inscription en faux et il n’y a eu aucune preuve qui pourrait démontrer que les signataires au nom du Centre n’exprimaient pas un consentement libre et éclairé lors de la signature. De plus, la clause de capitalisation des intérêts est claire et ne peut porter à interprétation.
3.4 Les extraits de résolution pièces D-23 et D-35 ainsi que la reconnaissance de dette du 10 novembre 2006 doivent-ils être annulés?
[170] Quant à la demande du Centre de déclarer nuls l’extrait de résolution qui autorisait Noël Lebeau à renouveler le billet à demande (D-35) et la reconnaissance de dette signée le 10 novembre 2006 par Noël Lebeau, le Tribunal considère que les conclusions qui précèdent règlent leur sort et cette demande est rejetée.
[171] Le Centre demande également au Tribunal d’annuler l’extrait de résolution, pièce D-23, qui prévoit que le 20 septembre 1999 le Centre rachète une partie (sans préciser la quantité) des actions de Me Trahan pour […] $. Ce document est appelé un extrait de résolution mais il n’en est pas un puisque la résolution d’où proviendrait cet extrait n’existe pas. De plus, ce document signé par Michel et Noël Lebeau comprend trois « attendu » dans lesquels il est indiqué que Me Trahan ne donnait qu’une cession de rang à […] dans le cadre de l’Entente. Il y est également prévu dans les « attendu » que la somme de […] $ remise à Me Trahan serait considérée comme le paiement de […], mais « au terme de l’Entente ».
[172] Ces « attendus » confirment la compréhension que Me Trahan a de l’Entente comme il l’énonce au Tribunal, à savoir ; il reçoit de […] la somme de […] $ afin de céder son rang hypothécaire et cette somme […] (« au terme de l’Entente ») devient un paiement partiel pour […].
[173] Me Trahan indique au Tribunal qu’il n’a pas rédigé la résolution où il est indiqué « que la compagnie [le Centre] rachète immédiatement une partie des actions, égales au nombre d’actions équivalent à la somme de […] $ versée à M. Gilles Trahan ».
[174] Le Tribunal doit conclure que la preuve prépondérante ne démontre pas que Me Trahan a écrit cette deuxième partie de la résolution. En effet, il serait tout à fait illogique pour Me Trahan d’écrire une telle résolution qui contredit le troisième « attendu» et qui contredit également l’article 5.1.12 de l’Entente et son témoignage.
[175] La preuve soumise au Tribunal ne peut lui permettre de conclure quel était l’objectif d’une telle résolution ni pour quelle raison le Centre recherche l’annulation de ce document qui n’est pas un extrait de résolution. Cependant, étant donné que la preuve prépondérante ne démontre pas l’absence de consentement de Michel et Noël Lebeau, les deux signataires de ce document, le Tribunal ne peut accueillir la demande du Centre d’annuler ce document appelé « extrait de résolution ». Le Tribunal ne se prononce cependant pas sur la portée de ce document.
[176] Par ailleurs, le Tribunal note qu’à sa réponse et défense reconventionnelle, Me Trahan demande l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel en vertu de l’article 547 C.p.c. Étant donné qu’aucune preuve ne la supporte et que cette demande n’a pas été plaidée, le Tribunal ne l’accorde pas.
[177] Finalement, dès le début de l’audience, les parties ont souligné la nécessité de maintenir la confidentialité du contenu de l’Entente. Le Tribunal a, par conséquent, rendu une ordonnance de confidentialité à cet égard. Étant donné ce qui précède, le Tribunal a masqué dans la version du présent jugement à être publiée les informations reliées à l'Entente qui doivent demeurer confidentielles.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[178] ACCUEILLE la requête introductive d’instance, sauf quant à l’exécution provisoire nonobstant appel;
[179] REJETTE la demande reconventionnelle;
[180] CONDAMNE la défenderesse à verser au demandeur la somme de 119 316,43 $ avec intérêts au taux légal plus l’indemnité additionnelle, et ce, à partir de la signification de la requête introductive d’instance;
[181] CONDAMNE la défenderesse à verser au demandeur la somme de 139 100 $ avec intérêt au taux de 8 % l’an à compter du 1er septembre 1993 lequel sera calculé uniquement sur la somme de 125 000 $ et auquel s’additionne un intérêt de 8 % l’an sur les intérêts échus;
[182] DÉCLARE bonne et valable l’hypothèque datée du 18 mai 1994, passée devant Me Pierre Filion, sous le numéro 6 588 de ses minutes, et dûment enregistrée au bureau de la publicité foncière de Saint-Jean-sur-Richelieu le 25 mai 1994, sous le numéro 260567, sur les lots P-46, P-47, P-48, P-49, P-51 et P-52, ci-dessous nommément désignés, le tout en garantie du billet à demande de 125 000 $ en date du 1er septembre 1992 et de tout renouvellement de celui-ci;
Désignation :
1. a) Cette partie du lot originaire numéro QUARANTE-SIX (Ptie 46) au cadastre officiel de la paroisse de Saint-Grégoire dans la circonscription foncière de Saint-Jean, mesurant cinq mille soixante-trois pieds et sept dixièmes de pieds (5 063. 7’) dans sa ligne Nord; quatre cent deux pieds et huit dixièmes de pied (402.8’) dans sa ligne Sud-Ouest; quatre mille six cent quatre-vingt-dix-neuf pieds et quatre dixièmes de pied ( 699.4’) dans sa ligne Sud et deux cent cinq pieds et deux dixièmes de pied 9205.2’) dans sa ligne Est.
Cette partie du lot originaire numéro 46 est bornée vers le Nord par partie du lot originaire numéro 45 au susdit cadastre; vers le Sud-Ouest par partie du lot originaire numéro 298 au cadastre de la paroisse de Saint-Athanase; vers le Sud par partie du lot originaire numéro 47 au susdit cadastre de la paroisse de Saint-Grégoire et; vers l’Est par le chemin du 3e Rang.
b) Cette autre partie du lot originaire numéro QUARANTE-SIX (Ptie 46) au susdit cadastre de la paroisse de Saint-Grégoire, mesurant cent cent onze pieds et cinq dixièmes de pied (511.5’) dans sa ligne Nord; approximativement deux cent soixante pieds (260’) dans sa ligne Nord-Est; soixante-quatorze pieds et un dixième de pied (74.1’) dans sa ligne Est; sept cent dix-neuf pieds et trois dixièmes de pied (719.3’) dans sa ligne Sud et deux cent vingt-neuf et six dixièmes de pied (229.6’) dans sa ligne Ouest.
Cette partie du lot originaire numéro 46 est bornée vers le Nord par partie du lot originaire numéro 45 du même cadastre; vers le Nord-Est par le chemin du 4e Rang; vers l’Est par le lot 46-1 du susdit cadastre; vers le Sud par le lot originaire numéro 47 du susdit cadastre et vers l’Ouest par le chemin du 3e Rang.
2. a) Cette partie du lot originaire numéro QUARANTE-SEPT (Ptie 47) au susdit cadastre officiel de la paroisse de Saint-Grégoire, mesurant quatre mille six cent quatre-vingt-dix-neuf pieds et quatre dixièmes de pied (4 699.4’) dans sa ligne Nord, deux cent soixante-dix-huit pieds et un dixième de pied (278.1’) et cent trente-quatre pieds et un dixième de pied (134.1’) dans ses lignes Sud-Ouest; quatre mille trois cent trente-cinq pieds et cinq dixièmes de pied (4 335.5’) dans sa ligne Sud et deux cent trente et un pieds et trois dixièmes de pied (231.3’) dans sa ligne Est.
Ladite partie du lot originaire numéro 47 est bornée comme suit : vers le Nord par la partie du lot originaire numéro 46 ci-devant désignée au paragraphe 1.a).; vers le Sud-Ouest par partie du lot originaire numéro 298 au cadastre de la paroisse de Saint-Athanase dans cette ligne qui mesure 278.1’ et par le lot originaire numéro 297 au cadastre de la paroisse de Saint-Athanase, dans cette ligne qui mesure 134.1’; vers le Sud par partie du lot originaire numéro 48 cadastre de la paroisse de Saint-Grégoire et vers l’Ouest par le chemin du 3e Rang.
b) Cette autre partie du lot originaire numéro QUARANTE-SEPT (Ptie 47) au susdit cadastre de la paroisse de Saint-Grégoire, mesurant sept cent dix-neuf pieds et trois dixièmes de pied (719.3’) dans sa ligne Nord, cent quatre-vingt-dix-huit pieds et six dixièmes de pied (198.6’) dans sa ligne Est six cent quatre-cinq pieds (85’) dans sa ligne Sud et deux cent six pieds et six dixièmes de pied 9206.6’) dans sa ligne Ouest.
Cette partie du lot originaire numéro 47 est bornée comme suit : vers le Nord par cette partie du lot originaire numéro 46 ci-devant désignée au paragraphe 1.b); vers l’Est par le lot originaire numéro 47-1 de la paroisse de Saint-Grégoire; vers le Sud par partie du lot originaire numéro 48 de la paroisse de Saint-Grégoire; et vers l’Ouest par le chemin du 3e Rang.
3. a) Cette partie du lot originaire numéro QUARANTE-HUIT (Ptie 48) au susdit cadastre officiel de la paroisse de Saint-Grégoire, mesurant quatre mille trois cent trente-cinq pieds et cinq dixièmes de pied (4 335.5’) dans sa ligne Nord; sept cent soixante-seize pieds et huit dixièmes de pied (776.8’) dans sa ligne Sud-Ouest; trois mille deux cent quatre-vingt-onze pieds et cinq dixièmes de pied (3 291.5’) dans une première ligne Sud, deux cent quarante-huit pieds (248’) dans une première ligne Est, quatre cents pieds (400’) dans une deuxième ligne Sud et deux cent quarante-quatre pieds (244’) dans une deuxième ligne Est.
Cette partie du lot originaire numéro 48 est bornée comme suit : vers le Nord par la partie du lot originaire numéro 47 ci-devant désignée au paragraphe 2.a); au Sud-Ouest, partie par partie du lot originaire numéro 297 au cadastre de la paroisse de Saint-Athanase et partie par partie du lot originaire numéro 296 au cadastre de la paroisse de Saint-Athanase; dans sa première ligne Sud c’est-à-dire celle qui mesure trois mille deux cent quatre-vingt-onze pieds et cinq dixièmes de pied (3 291.5’), par partie du lot originaire numéro 49 de la paroisse de Saint-Grégoire; dans sa première ligne Est, c’est-à-dire celle qui mesure deux cent quarante-huit pieds (248’), par le lot 48-1 de la paroisse de Saint-Grégoire; dans sa deuxième ligne Sud, c’est-à-dire celle qui mesure quatre cents pieds (400’) par le susdit lot 48-1 et dans sa deuxième ligne Est, celle qui mesure deux cent quarante-quatre pieds (244’), par le chemin du 3e Rang.
b) Cette autre partie du lot originaire numéro QUARANTE-HUIT (Ptie 48) au susdit cadastre, mesurant six cent soixante-quatre pieds et neuf dixièmes de pied (664.9’) dans sa ligne Nord; cinq cent quinze pieds et six dixièmes de pied (515.6’) dans sa ligne Est; cinq cent soixante pieds (560’) dans sa ligne Sud et quatre cent quatre-vingt-neuf pieds et trois dixièmes de pied (489.3’) dans sa ligne Ouest.
Cette dite partie du lot originaire numéro 48 est bornée comme suit : au Nord par la partie du lot originaire numéro 47 ci-devant désignée au paragraphe 2.b); à l’Est par une autre partie non subdivisée du lot originaire numéro 48 de la paroisse de Saint-Grégoire; au Sud par une partie non subdivisée du lot originaire numéro 49 de la paroisse de Saint-Grégoire et à l’Ouest par le chemin du 3e Rang.
4. a) Cette partie du lot originaire numéro QUARANTE-NEUF (Ptie 49) au susdit cadastre officiel de la paroisse de Saint-Grégoire, mesurant trois mille six cent quatre-vingt-onze pieds et cinq dixièmes de pied (3 691.5’) dans sa ligne Nord; cinq cent quatre-vingt-onze pieds et trois dixièmes de pied (591.3’) et cent quarante et un pieds (141’) dans ses lignes Sud-Ouest, trois mille quatre-vingt-quatorze pieds et un dixième de pied (3 094.1’) dans sa ligne Sud et quatre cent quatre-vingt-cinq pieds et trois dixièmes de pied (485.3’) dans sa ligne Est.
Cette partie du lot originaire numéro 49 est bornée comme suit : vers le Nord partie par le lot originaire numéro 48 ci-devant désignée au paragraphe 3.a) et partie par le lot 48-1 au susdit cadastre; vers le Sud-Ouest dans sa première ligne qui mesure cinq cent quatre-vingt-onze pieds et trois dixièmes de pied 9591.3’), par partie du lot originaire numéro 296 au cadastre de la paroisse de Saint-Athanase et dans sa deuxième ligne, celle qui mesure cent quarante et un pieds (141’) par partie du lot originaire numéro 295 au cadastre de la paroisse de Saint-Athanase; vers le Sud par partie du lot originaire numéro 51 de la paroisse de Saint-Grégoire et vers l’Est par le chemin du 3e Rang.
b) Cette autre partie du lot originaire numéro QUARANTE-NEUF (Ptie 49) au susdit cadastre de la paroisse de Saint-Grégoire, mesurant cinq cent soixante pieds (560’ ») dans sa ligne Nord, cinq cent vingt-sept pieds et six dixièmes de pied (527.6’) dans sa ligne Est ou Sud-Est, trois cent quatre-vingt-dix pieds (390’) dans sa ligne Sud et quatre cent quatre-vingt-cinq pieds et deux dixièmes de pied (485.2’) dans sa ligne Ouest.
Cette dite partie du lot originaire numéro 49 est bornée vers le Nord par la partie du lot originaire numéro 48 ci-devant désignée au paragraphe 3.b); dans sa ligne Est ou Sud-Est par une partie non subdivisée du lot originaire numéro 49 au susdit cadastre; au Sud par partie du lot originaire numéro 51 de la paroisse de Saint-Grégoire et à l’Est par le chemin du 3e Rang.
5. a) Cette partie du lot originaire numéro CINQUANTE ET UN (Ptie 51) au susdit cadastre de la paroisse de Saint-Grégoire, mesurant trois mille quatre-vingt-quatorze pieds et un dixième de pied (3 094.1’) dans sa ligne Nord, six cent quarante-neuf pieds et deux dixièmes de pied (649.2’) et cent trente-trois pieds et deux dixièmes de pied (133.2’) dans ses lignes Sud-Ouest, deux mille quatre cent quatre-vingt-deux pieds et deux dixièmes de pied (2 482.2’) dans sa ligne Sud et cinq cent quarante-cinq pieds et un dixième de pied (545.1’) dans sa ligne Est.
Cette partie du lot originaire numéro 51 est bornée comme suit : vers le Nord par la partie du lot originaire numéro 49 ci-devant désignée au paragraphe 4.a); dans sa première ligne Sud-Ouest, celle qui mesure six cent quarante-neuf pieds et deux dixièmes de pied (649.2’), par partie du lot originaire numéro 295 de la paroisse Saint-Athanase; dans sa deuxième ligne Sud-Ouest, celle qui mesure cent trente-trois pieds et deux dixièmes de pied (133.2’), par une partie du lot originaire numéro 294 de la paroisse de Saint-Athanase; dans sa ligne Sud par partie du lot originaire numéro 52 de la paroisse de Saint-Grégoire et à l’Est, par le chemin du 3e Rang.
b) Cette autre partie du lot originaire numéro CINQUANTE ET UN (Ptie 51) au susdit cadastre officiel de la paroisse de Saint-Grégoire, mesurant trois cent quatre-vingt-dix pieds (390’) dans sa ligne Nord, cent pieds (100’), soixante-dix-neuf pieds (79’), deux cent soixante pieds (260’) et deux cent dix-sept pieds et trois dixièmes de pied (217.3’) le long d’une ligne brisée dans l’orientation générale est Est, Nord-Est et Est; sept cent un pieds et cinq dixièmes (701.5’) dans sa ligne Sud et cinq cent quarante-cinq pieds et deux dixièmes (545.2’) dans sa ligne Ouest.
Ladite partie du lot originaire numéro 51 est bornée comme suit : vers le Nord par la partie du lot originaire numéro 49 ci-devant désignée au paragraphe 4.b); vers l’Est, Nord-Est et Est le long de ces différentes lignes brisées, par une autre partie non subdivisée dudit lot originaire numéro 51 de la paroisse de Saint-Grégoire; vers le Sud, par une partie du lot originaire numéro 52 de la paroisse de Saint-Grégoire; et à l’Ouest par le chemin du 3e Rang.
6. a) Cette partie du lot originaire numéro CINQUANTE-DEUX (Ptie 52) au susdit cadastre officiel de la paroisse de Saint-Grégoire, mesurant deux mille quatre cent quatre-vingt-deux pieds et deux dixièmes de pied (2 482.2’) dans sa ligne Nord, quatre cent soixante-trois pieds et trois dixièmes de pied dans sa ligne Sud-Ouest (463,3’); deux mille cinquante-neuf pieds et un dixième de pied (2 059’) dans sa ligne Sud et deux cent trente pieds et sept dixièmes de pied (230.7’) dans sa ligne Ouest.
Cette partie du lot originaire numéro 52 est bornée comme suit : vers le Nord par la partie du lot originaire numéro 51 ci-devant désignée au paragraphe 5.a); vers le Sud-Ouest par partie du lot originaire numéro 294 de la paroisse de Saint-Athanase; vers le Sud par partie du lot originaire numéro 53 de la paroisse de Saint-Grégoire; et vers l’Est par le chemin du 3e Rang.
b) Cette partie du lot originaire numéro CINQUANTE-DEUX (Ptie 52) au susdit cadastre officiel de la paroisse de Saint-Grégoire, mesurant sept cent un pieds et cinq dixièmes de pied (701.5’) dans sa ligne Nord; quatre-vingt-sept pieds et six dixièmes de pied (87.6’) et cent quarante-huit pieds et huit dixièmes de pied (147.8’) le long d’une ligne brisée Est; sept cent soixante-dix pieds (770’) dans sa ligne Sud et deux cent trente-trois pieds et un dixième de pied (233.1’) dans sa ligne Ouest.
Cette partie du lot originaire numéro 52 est bornée comme suit : vers le Nord, par la partie du lot originaire numéro 51 ci-devant désignée au paragraphe 5.b); vers l’Est, par une partie non subdivisée dudit lot originaire numéro 52 de la paroisse de Saint-Grégoire; vers le Sud par partie du lot originaire numéro 53 de la paroisse de Saint-Grégoire et vers l’Ouest, par le chemin du 3e Rang.
[183] AVEC DÉPENS.
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__________________________________ Chantal Lamarche, j.c.s. |
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Me Raymond A. Daoust |
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CROCHETIERE, PÉTRIN |
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Avocat du demandeur |
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Me Luc Daneau |
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DANEAU POIRIER |
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Avocat de la défenderesse |
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Dates d’audience : |
12, 13, 14, 15 et 16 mai 2014 |
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[1] En cours d’enquête, Me Trahan retranche 3 100 $ de la somme de 122 416,43 $ initialement réclamée.
[2] R.L.R.Q. c. B-1, r-3.
[3] R.L.R.Q. c. C-26
[4] R.L.R.Q. c. C-38.
[5] Pièce P-8A.
[6] [Note omise pour raison de confidentialité].
[7] Pièce P-3.
[8] Pièce P-4.
[9] Pièce P-46.
[10] Pièce P-2.
[11] Pièce D-4.
[12] Pièces D-4, P-13 et P-46.
[13] Pièces D-5 et P-46.
[14] Pièce P-46.
[15] Pièce D-5.
[16] Pièce P-46.
[17] Pièce P-6.
[18] Art. 16 de la pièce P-6.
[19] Pièces P-3 et P-5.
[20] Pièce P-5.
[21] Pièce P-2.
[22] Pièce P-2.
[23] R.L.R.Q. c. C-26.
[24] Pièce D-23.
[25] Pièce D-35.
[26] Pièce P-2.
[27] Pièce D-5.
[28] Pièce D-5.
[29] Pièce P-1.
[30] Pièces P-2, P-5, P-46 et D-35.
[31] Pièce P-28.
[32] Pièce D-37 (fait en 2007).
[33] Témoignage du comptable Michel Houle. Ces états financiers ont tous été faits en 2007.
[34] Pièce P-27.
[35] Interrogatoire avant défense de Me Trahan tenu le 6 octobre 2010, p. 12 à 19.
[36] Pièces D-4 et D-5.
[37] Pièce P-46.
[38] Pièce P-9.
[39] Pièce P-17.
[40] Pièce P-42.
[41] Art. 312 C.c.Q.
[42] Art. 335 C.c.Q.
[43] Art. 2130, et 2160 C.c.Q., art. 123.30 et 123.31 L.C.Q.
[44] Art. 2135 C.c.Q.
[45] Maurice MARTEL et Paul MARTEL, La compagnie au Québec, Vol. 1, « Les aspects juridiques », Montréal, Wilson & Lafleur, 2010, par. 26-38 à 26-41.
[46] M. MARTEL et P. MARTEL, préc., id., par. 26-31.
[47] M. MARTEL et P. MARTEL, préc., note 45, par. 26-53 et 26-54.
[48] Gendron c. Gatien Transport inc., no AZ-50305302, par. 75 à 85.
[49] M. MARTEL et P. MARTEL, préc., note 45, par. 26-5 à 26-28.
[50] Pièce P-42.
[51] Pièces D- et D-5.
[52] Pièce P-46.
[53] Pièce D-44.
[54] Pièce P-51.
[55] Art. 2805 C.c.Q.
[56] Pièce D-5.
[57] [1985] 1 RCS 290.
[58] L.R.C. (1985) ch. B-3.
[59] Dans la faillite de Pacific Mobile Corporation c. American Biltrite, préc., note 57, p. 291.
[60] NO AZ-99011114.
[61] Braun Canada limitée c. La Banque Nationale, préc., id., p. 4, 5 et 6.
[62] Loi sur la faillite et l’insolvabilité, préc., note 58.
[63] Pièce P-8A.
[64] Pièce P-4.
[65] Pièce P-2.
[66] Pièce P-3.
[67] Pièce P-5.
[68] Le billet et la reconnaissance signés en 2003 par Noël et Michel Lebeau étaient appuyés d’une résolution signée par deux des trois administrateurs : Pièces P-2, P-5, P-46 et D-35.
[69] Pièce D-4.
[70] Gestion Panaber inc. c. Banque Toronto-Dominion, no AZ-50075240, par. 122 à 126.
[71] Pièce P-46.
[72] Pièce P-46, Interrogatoire avant défense de Me Trahan tenu le 6 octobre 2010.
[73] Voir par. 39 du jugement.
[74] Les Immeubles La chaloupe inc. c. Les Immeubles Demontigny ltée, 2008 QCCS 4591.
[75] Kaufman Laramée, s.e.n.c.r.l. c. Durpro GVB Incorporated, 2011 QCCS 635.
[76] L’article 59.2 du Code des professions se lit ainsi :
Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l'honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l'ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l'honneur, la dignité ou l'exercice de sa profession.
[77] Pièce P-6.
[78] Pièce P-26.
[79] Id., art. 17.
[80] Pièces P-26, art. 17 et P-29, art. 16.
[81] Pièce P-6, art. 16.
[82] Pièce P-4.
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Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.