Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Lessard et Métallurgie Castech inc.

2014 QCCLP 2892

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

9 mai 2014

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossier :

524561-03B-1310

 

Dossier CSST :

129420634

 

Commissaire :

Marie-Claude Lavoie, juge administratif

 

Membres :

Jean-Guy Verreault, associations d’employeurs

 

Yves Poulin, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

André Lessard

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Métallurgie Castech inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 17 octobre 2013, monsieur André Lessard (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 9 octobre 2013, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST maintient celle qu’elle a initialement rendue le 30 août 2013 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais de grand ménage annuel dans le cadre des travaux d’entretien courant de son domicile.

[3]           L’audience s’est tenue à Thetford Mines le 11 mars 2014, en présence du travailleur et de son représentant. Le dossier est mis en délibéré le même jour.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit au remboursement des frais d’entretien courant du domicile pour les travaux du grand ménage annuel.

LES FAITS

[5]           Le 9 février 2006, le travailleur subit une lésion professionnelle alors qu’il est frappé par une pièce de métal qui le projette sur des boites de métal. Les diagnostics suivants sont posés : une contusion aux avant-bras droit et gauche, une entorse cervicale, une entorse dorsolombaire, une contusion à l’épaule droite, un stress post-traumatique, des acouphènes et une dépression majeure.

[6]           Le 3 septembre 2008, le docteur Richard Laliberté, psychiatre et membre du Bureau d’évaluation médicale, évalue le travailleur. À la suite de son évaluation, il retient des diagnostics d’état de stress post-traumatique d’intensité modérée et de dépression majeure chronique. Il est d’avis que le travailleur est inapte à tout emploi rémunérateur.

[7]           Le 18 novembre 2008, une conseillère en réadaptation de la CSST rencontre le travailleur à son domicile pour procéder à l’évaluation de ses besoins relativement aux travaux d’entretien et à l’aide personnelle à domicile. Au terme de son évaluation, elle conclut que le travailleur n’a pas droit à l’aide personnelle, puisqu’il est autonome dans tous ses besoins personnels de base. Elle considère toutefois qu’il a droit au remboursement de certains travaux d’entretien courant, soit les travaux de déneigement de son entrée, l’entretien de la pelouse, la taille des haies de cèdre, les travaux de grand ménage annuel, la peinture intérieure et extérieure de son domicile.

[8]           En février 2009, la CSST rend une décision où elle considère que le travailleur est incapable d’exercer un emploi à temps plein. Conséquemment, elle lui versera une indemnité de remplacement du revenu, jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 68 ans.

[9]           Dans une décision du 17 mars 2009[1], le tribunal déclare que la contusion aux avant-bras droit et gauche et la contusion à l’épaule droite sont consolidées sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles et que l’entorse cervicale et l’entorse dorsolombaire sont consolidées avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.

[10]        Le 16 février 2012, le docteur Luc Lafranchise remplit un rapport médical où il recommande une aide technique pour la salle de bain et une assistance à domicile pour les activités domestiques et de la vie quotidienne.

[11]        Le 17 février 2012, le travailleur écrit à la CSST lui demandant d’autoriser une nouvelle évaluation de ses besoins d’aide personnelle. Après avoir discuté avec le travailleur, la conseillère en réadaptation de la CSST mandate un ergothérapeute afin de vérifier les besoins en aide technique et en aide personnelle au domicile du travailleur.

[12]        À la suite de son évaluation, l’ergothérapeute conclut que le travailleur a besoin d’aide personnelle à domicile. Plus particulièrement, il est d’avis que le travailleur a besoin d’une assistance complète pour réaliser l’entretien ménager lourd.

[13]        À la suite de la réception du rapport de l’ergothérapeute, la CSST analyse la demande d’aide personnelle à domicile et d’aides techniques. Elle conclut que le travailleur n’a pas droit à l’aide personnelle à domicile, puisqu’il ne satisfait pas aux conditions d’éligibilité, et rend une décision à cet effet le 5 juin 2012, qui sera confirmée par l’instance de la révision administrative le 1er août 2012.

[14]        Le 20 mars 2013, la Commission des lésions professionnelles rend une décision[2] où elle déclare que le travailleur a droit à une allocation d’aide personnelle à domicile. Il y a lieu de reprendre certains passages pertinents de la décision.

[88]  De même, il a besoin d’assistance partielle à complète pour la réalisation des travaux d’entretien ménager lourd. Le tribunal trouve quelque peu étonnant que l’ergothérapeute conclût à un besoin d’assistance partielle pour la préparation du souper alors qu’en novembre 2008, alors que le travailleur était porteur des mêmes limitations fonctionnelles, il s’était vu reconnaître un besoin d’assistance complète à ce titre.

 

[…]

 

[90]  Considérant ce qui précède, le tribunal conclut que le travailleur présente les besoins d’assistance personnelle et domestique suivants :

 

·         préparation du dîner, besoin d’assistance partielle, 2 points;

·         préparation du souper, besoin d’assistance complète, 4 points;

·         ménage léger, besoin d’assistance partielle, 0,5 point;

·         ménage lourd, besoin d’assistance complète, 1 point;

·         lavage du linge, besoin d’assistance partielle, 0,5 point;

·         approvisionnement, besoin d’assistance complète, 3 points;

pour un pointage total de 11 sur 48.

 

[…]

 

[92]  Le tribunal considère donc justifié et équitable d’attribuer au travailleur un pointage correspondant à un besoin d’assistance de 11 sur 48. Sur cette base, le dossier doit donc être retourné à la CSST pour qu’elle fixe le montant d’indemnité payable au travailleur à compter de la date de sa demande, le 17 février 2012, de même que les intérêts qui en découlent.

 

 

[15]        Le tribunal conclut que « le travailleur a droit, à compter du 17 février 2012, à une allocation d’aide personnelle à domicile dont le montant doit être calculé sur la base d’un pointage de 11 sur 48 suivant la grille d’évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile prescrit au Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile ».

[16]        Le 30 août 2013, la CSST rend une décision concernant la fin d’une mesure de réadaptation pour les travaux d’entretien courant du domicile, soit le grand ménage :

Pour faire suite à la décision de la CLP du 20 mars 2013 vous donnant droit à de l’aide personnelle à domicile, nous vous informons que vous n’aurez plus droit à la mesure de grand ménage, dans le cadre des travaux d’entretien courant de votre domicile, selon l’article 165 de la LATMP. En effet, vous recevez le pointage maximal accordé par la CLP pour le ménage lourd dans la grille d’évaluation des besoins d’aide à domicile, ce qui implique que l’activité du grand ménage est déjà prise en considération. Vous ne pouvez donc être compensé deux fois pour une même activité. Nous ne pourrons vous rembourser votre facture de grand ménage du 23 août 2013 au montant de 601.60$ que vous nous avez fait parvenir.

 

 

[17]        Le 9 octobre 2013, l’instance de révision administrative confirme cette décision. Elle s’exprime comme suit :

Aux fins de rendre sa décision, la Commission en révision retient que les orientations de la Commission prévoient que lorsqu’un travailleur est admissible à l’aide personnelle à domicile, le grand ménage est évalué à l’aide de la grille d’évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile sous l’item ménage lourd plutôt qu’à titre de travaux d’entretien courant du domicile.

 

La Commission, en révision, retient également que la CLP a attribué au travailleur le maximum de pointage qu’il peut se voir octroyer pour les travaux lourds. L’allocation auquel il a droit, comprend une portion pour les travaux lourds. Les travaux lourds comprennent le nettoyage du four, du réfrigérateur, le lavage des planchers et des fenêtres, le grand ménage annuel, etc. Il s’agit des mêmes activités que lorsque la Commission accepte de payer pour le grand ménage ou le ménage lourd, compris dans les travaux d’entretien courant du domicile.

 

La Commission, en révision, estime, tout comme la Commission, qu’il faut éviter la double indemnisation. Par conséquent, le travailleur n’a plus droit au remboursement des frais pour le ménage lourd puisque son allocation d’aide personnelle à domicile comporte des sommes pour ces tâches.

 

 

L’AVIS DES MEMBRES

[18]        Le membre issu des associations d’employeur et le membre issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête du travailleur. Le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais de grand ménage dans le cadre de l’entretien courant de son domicile, puisqu’il est déjà indemnisé pour le ménage lourd dans la cadre de l’aide personnelle à domicile. Il faut éviter la double indemnisation.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[19]        Le tribunal doit décider si le travailleur a droit au remboursement des frais de grand ménage dans le cadre de l’entretien courant de son domicile.

[20]        L’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] (la loi) prévoit les critères pour le remboursement des travaux d’entretien courant du domicile.

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[21]        L’article 158 de la loi prévoit, quant à lui, les conditions qu’un travailleur doit remplir pour bénéficier d’une allocation d’aide personnelle à domicile.

158.  L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.

__________

1985, c. 6, a. 158.

 

 

[22]        Le Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile[4] (le règlement) encadre l’évaluation des besoins d’un travailleur, relativement à l’allocation de l’aide personnelle à domicile. La grille prévue à l’annexe I du règlement prévoit le pointage pouvant être attribué à un travailleur relativement à son besoin d’assistance pour effectuer différentes activités de la vie quotidienne et domestique, en raison de sa lésion professionnelle. Le règlement prévoit le pointage pouvant être attribué tant pour le ménage léger que pour le ménage lourd.

[23]        L’annexe de ce règlement définit les notions de ménage léger et de ménage lourd.

·         Ménage léger : la capacité de faire seul, les activités d’entretien régulier de son domicile telles que épousseter, balayer, sortir les poubelles, faire son lit.

·         Ménage lourd : la capacité de faire seul, les activités de ménage telles que nettoyer le four et le réfrigérateur, laver les planchers et les fenêtres, faire le grand ménage annuel.

 

[notre soulignement]

 

 

[24]        À l’audience, le travailleur soumet que le pointage accordé par la CSST pour le ménage lourd, soit le maximum de 1, ne change rien au montant mensuel de son aide personnelle à domicile, ayant obtenu un pointage total de 11. En effet, l’annexe I du règlement prévoit que lorsque le pointage se situe entre 8,5 et 12, un travailleur a droit à un pourcentage de 21,7 du montant maximum mensuel de l’aide prévue à l’article 160 de la loi.

[25]        Le tribunal est d’avis que le travailleur ne peut avoir droit au remboursement des frais de grand ménage annuel dans le cadre des frais d’entretien courant de son domicile prévu à l’article 165 de la loi, puisqu’il serait doublement indemnisé.

[26]        En effet, le tribunal retient les motifs énoncés dans la décision Larochelle et Centre de sous-traitance de Beauce inc.[5], dont les faits sont très similaires au présent dossier. Le tribunal énonce que le remboursement ne peut être accordé tant au chapitre de l’entretien courant que de l’aide personnelle, puisque le travailleur serait doublement indemnisé pour les travaux de ménage lourd.

[34]  Le tribunal constate que les frais réclamés par le travailleur, sur la base de l’article 165 de la loi pour les travaux de grands ménages annuels, correspondent essentiellement aux travaux ménagers lourds qui sont définis à l’annexe 1 du Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile.

 

[35]  De plus, tel que le mentionne la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Charlebois et G-Net Universel ltée3, dont les faits présentent plusieurs similitudes avec ceux du présent cas, l’énumération contenue dans cette définition n’est pas exhaustive et indique plutôt le genre d’activités qui sont visées par ce Règlement.

 

[36]  Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles considère que l’allocation d’aide personnelle à domicile que le travailleur reçoit déjà et pour laquelle il a reçu le maximum du pointage pour les travaux ménagers légers et lourds inclut, de toute évidence, les travaux de grands ménages annuels visés par la présente contestation y compris le décapage et le cirage du plancher. En effet, le tribunal constate que la définition de « travaux ménagers lourds » inclut spécifiquement les travaux de grand ménage annuel et ceux que le travailleur vise par sa contestation.

[37]  Tel que le rappelle la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Gaudette et Groupe Cascades inc.4, la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles considère maintenant que les frais relatifs au grand ménage peuvent être compris tant dans l’allocation personnelle à domicile en vertu de l’article 158 de la loi, qu’à titre de remboursement des frais de travaux d’entretien courant du domicile en vertu de l’article 165 de la loi5. Toutefois, la jurisprudence enseigne également qu’il faut éviter la double indemnisation6.

 

[38]  Or, c’est exactement le cas en l’espèce, le travailleur reçoit déjà une allocation d’aide personnelle à domicile incluant une assistance complète pour les travaux ménagers légers et lourds. Suivant les enseignements de la jurisprudence précitée, il n’a pas droit, en plus au remboursement des frais pour les travaux de grand ménage annuel.

__________

 

[Notes omises]

 

[Notre soulignement]

 

 

[27]        À la lumière des principes énoncés dans cette décision, le tribunal est d’avis que le travailleur n’a pas droit au remboursement des travaux d’entretien courant de son domicile pour le grand ménage annuel, puisque ce dernier reçoit déjà une allocation d’aide personnelle à domicile, qui inclut notamment l’assistance d’une personne pour effectuer tant les travaux ménagers légers que lourds.

[28]        À l’époque où la CSST a remboursé les frais du grand ménage annuel réclamés par le travailleur dans le cadre de l’entretien courant de son domicile, ce dernier n’avait pas droit à de l’aide personnelle à domicile. Tel que l’a énoncé la jurisprudence[6], il faut éviter la double indemnisation.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur André Lessard, le travailleur;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 9 octobre 2013, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais relatifs aux travaux de grand ménage annuel dans le cadre des travaux d’entretien courant de son domicile.

 

 

__________________________________

 

Marie-Claude Lavoie

 

 

 

 

Monsieur Yves Bouley

A.P.A.Q.

Représentant de la partie requérante

 



[1]           C.L.P. 317890-03B-0705, 17 mars 2009, R. Deraiche.

[2]           2013 QCCLP 1873.

[3]           L.R.Q., c. A-3.001.

[4]           R.R.Q., c. A-3.001, r. 9.

[5]           2013 QCCLP 2999. Voir également : Vinette et Constructions Gaston Roberge inc. (fermé), C.L.P. 336900-64-0712, 11 septembre 2008, J.-F. Martel.

[6]           Charlebois et G-Net Universel ltée, [2005] C.L.P. 266; Vinette et Constructions Gaston Roberge inc. (fermé), C.L.P., précitée, note 5; Leclerc et Constructions Roy-Franc, C.L.P. 342034-63-0803, 5 février 2009, I. Piché; Ruel et Resto Bar Bonsai, C.L.P. 352187 - 62B-0806, 17 mars 2009, M.-D. Lampron; Janvier et Reliure de la Capitale inc. (fermé), C.L.P. 360658-31-0810, 30 mars 2009, J. A. Tremblay; Larochelle et Centre de sous-traitance de Beauce inc., C.L.P., précitée, note 5; Pilozzi et Systemex Communications (SC) inc., 2014 QCCLP 1346.

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