Décision

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Derome c. Robillard

2016 QCCS 3650

JH5439

 
COUR SUPÉRIEURE

(Chambre commerciale)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-11-047936-147

 

DATE :

1er août 2016

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

STEPHEN W. HAMILTON, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

MARTIN LUC DEROME

Demandeur

c.

MICHEL ROBILLARD

MICHAEL ROBILLARD

TOMMY ROBILLARD

GROUPE ROBILLARD CGL INC.

INFOPRIMES COURTAGE INC.

INFOPRIMES SOLUTIONS INC.

GROUPE ROBILLARD INC.

Défendeurs

et

BENJAMIN GONZALEZ

Mis en cause

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

sur la requête amendée de Martin Luc Derome

afin d’obtenir une provision pour frais (#58)

______________________________________________________________________

 

INTRODUCTION

[1]           Le demandeur dans un recours en oppression demande une provision pour frais de 150 000 $.

 

CONTEXTE

[2]           Martin Luc Derome est embauché comme directeur général des Assurances Robillard et Associés inc. le 1er décembre 2012[1]. Michel Robillard est l’administrateur et le président d’Assurances.

[3]           En 2012 et 2013, Derome[2] dirige l’acquisition des sociétés qui deviendront InfoPrimes Courtage inc., InfoPrimes Solutions inc. et Groupe Robillard CGL inc.[3] Les acquisitions sont financées par Michel Robillard et sont faites au nom de Groupe Robillard inc., une société dont les actionnaires, administrateurs et dirigeants sont Michael Robillard et Tommy Robillard[4], les fils de Michel[5]. Michael et Tommy deviennent des administrateurs et dirigeants de Courtage[6], Solutions[7] et CGL[8].

[4]           Derome devient actionnaire minoritaire, administrateur et directeur général de Courtage[9], Solutions[10] et CGL[11]. Ses achats d’actions sont financés par Michel. Selon les défendeurs, Derome doit toujours 168 960 $ plus les intérêts à Michel pour l’acquisition de ses actions dans Courtage et Solutions et doit libérer Michel des endossements qui avaient rendu possible l’acquisition de CGL[12].

[5]           Des conventions unanimes entre actionnaires sont signées pour Courtage[13], Solutions[14] et CGL[15]. Il y a aussi des conventions de vote d’actions[16].

[6]           En octobre 2014, les relations entre les parties se sont détériorées.

[7]           Le 27 octobre 2014 en début de matinée, Derome remet à Groupe un avis d’achat/vente forcée suite à l’article 9 de la convention unanime entre actionnaires de Courtage, Solutions et CGL[17]. Par cet avis, Derome offre d’acheter les actions de Groupe dans Courtage, Solutions et CGL pour un prix total de 1 250 000 $. L’avis prévoit un délai d’acceptation de trente jours et prévoit que si Groupe refuse l’offre ou est présumé refuser l’offre, Groupe doit acheter les actions de Derome au même prix unitaire. Selon les calculs de Derome dans son avis, le prix total de ses actions serait de 686 991,62 $.

[8]           L’avis déposé comme pièce inclut la mention « PROJET POUR FINS DE DISCUSSION »[18]. Derome insiste que ce n’est pas un projet.

[9]           Le même jour, Courtage, Solutions et CGL congédient Derome « pour cause juste et suffisante »[19] et envoient un avis de rachat forcé de ses actions en vertu du paragraphe 10 des conventions d’actionnaires[20]. Selon leur avis, le prix de rachat pour l’ensemble des actions de Derome est un total de 60,12 $. Derome est aussi démis de ses fonctions comme administrateur de Courtage[21], Solutions[22] et CGL.

[10]        Derome allègue qu’une entente est intervenue le 28 octobre 2014 entre lui et Michel, Michael et Tommy prévoyant le rachat de ses actions pour la somme globale de 686 000 $.

[11]        Les parties s’échangent des projets de documents afin de conclure une transaction[23]. Dans le cadre de ces discussions, les parties ont renégocié le prix et ont signé, le 31 octobre 2014, un document rédigé à la main prévoyant le rachat des actions de Derome pour un montant de 430 000 $[24]. Les défendeurs allèguent que cette entente est conditionnelle à la signature des documents de transaction, que Derome refuse de signer[25], et que donc l’entente est nulle.

[12]        Le 4 novembre 2014, Courtage, Solutions et CGL envoient un avis qu’elles procèdent le lendemain au rachat forcé des actions de Derome, toujours au prix de 60,12 $[26]. Derome conteste leur droit de procéder par rachat forcé à ce prix[27].

[13]        Suite à une mise en demeure le 5 décembre 2014[28], Derome dépose son action le 29 décembre 2014. Il demande le rachat de ses actions pour 686 000 $, un préavis de départ de 219 500 $, des dommages punitifs et exemplaires de 50 000 $ et une provision pour frais de 50 000 $.

[14]        Le dossier ne progresse pas très rapidement. BLG comparaît pour les défendeurs, nonobstant le courriel de Derome soutenant que BLG serait en conflit d’intérêts[29]. Derome dépose, le 23 février 2015, une requête pour faire déclarer BLG inhabile. Le lendemain, les défendeurs déposent une requête en exception déclinatoire. Derome répond avec une requête afin de faire déclarer abusive la requête en exception déclinatoire.

[15]        Les trois requêtes procèdent les 30 avril et 1er mai 2015 devant le juge Auclair. Les requêtes en exception déclinatoire et en déclaration d’abus sont rejetées séance tenante. La requête en déclaration d’inhabilité est prise en délibéré. Le juge Auclair accueille la requête et déclare BLG inhabile le 17 juin 2015[30].

[16]        Les nouveaux procureurs des défendeurs comparaissent au dossier le 13 juillet 2015.

[17]        Le 15 juillet 2015, Derome dépose la présente requête afin d’obtenir une provision pour frais de 150 000 $. Elle est fixée au 23 septembre 2015.

[18]        Les défendeurs procèdent au contre-interrogatoire de Derome sur son affidavit à l’appui de la requête le 5 août 2015. Son procureur soulève 52 objections et ne permet la réponse sous réserve de l’objection qu’à deux de ces questions.

[19]        Le 14 septembre 2015, Derome transmet les réponses aux engagements auxquels il ne s’est pas objecté et les parties procèdent sur 25 des 52 objections le 23 septembre 2015. Vingt objections sont rejetées et cinq accueillies. La requête afin d’obtenir une provision pour frais, qui devait procéder à cette date, est remise sine die.

[20]        L’interrogatoire de Derome se poursuit le jour même.

[21]        Derome signifie un nouvel avis de présentation de la requête afin d’obtenir une provision pour frais pour le 9 octobre 2015. À cette date, la requête est fixée au 8 janvier 2016.

[22]        Les défendeurs déposent leurs affidavits en réponse le 13 octobre 2015.

[23]        Les réponses aux engagements de Derome du 23 septembre 2015 ne sont transmises que le 18 décembre 2015, suite à plusieurs demandes et une requête pour rejet de la requête afin d’obtenir une provision pour frais.

[24]        Enfin, le 30 décembre 2015, Derome amende sa requête et dépose un affidavit additionnel. Les défendeurs s’objectent à l’affidavit additionnel.

[25]        Lors de l’audition du 8 janvier 2016, le Tribunal maintient l’objection des défendeurs quant aux paragraphes 7 à 15 de l’affidavit additionnel, sauf pour la mention au paragraphe 12 que les procédures criminelles, dans le dossier de cour portant le numéro, 505-01-128306-152, furent arrêtées le 4 décembre 2015.

[26]        À la fin de l’audition, le Tribunal exprime des réserves quant à la preuve faite par Derome de sa situation financière. Suite à l’audition, Derome dépose une requête pour autorisation de combler la preuve et en réouverture de débat et suspension du délibéré. La requête est accueillie le 19 février 2016 et Derome complète sa preuve quant à sa situation financière. Les défendeurs interrogent Derome hors cour et déposent une preuve additionnelle en réponse et les deux parties font des représentations écrites. Le dossier est pris en délibéré le 23 juin 2016.

[27]        Entre temps, le 3 mai 2016, Derome amende sa requête introductive d’instance pour y ajouter une conclusion demandant au Tribunal de donner acte à la transaction intervenue le 28 octobre 2014 prévoyant le rachat de ses actions pour 686 000 $ et des conclusions subsidiaires de donner acte à la transaction du 31 octobre 2014 prévoyant le rachat de ses actions pour 430 000 $.

[28]        Dans ses procédures, Derome souligne deux autres problèmes qui sont en marge des questions principales :

·        La récupération par Derome des effets personnels qu’il a laissés dans ses bureaux lors de son départ le 27 octobre 2014 a nécessité de longs délais, des échanges de correspondance entre les parties[31] et les procureurs[32] et l’implication d’huissiers[33], avant que les effets ne soient remis à Derome les 5 et 8 janvier 2015; et

·        Les défendeurs ont signifié des mises en demeure à Derome[34] et à des tiers[35] avec qui Derome envisageait faire affaires après son congédiement pour leur rappeler les clauses de confidentialité, de non-concurrence et de non-sollicitation dans les ententes entre actionnaires.

ANALYSE

[29]        Le Tribunal fait son analyse en deux temps :

1.            Quel est le test approprié pour décider si Derome a droit ou non à une provision pour frais?

2.            Est-ce que Derome rencontre ce test?

1.            Le test approprié

[30]        Derome invoque cinq bases juridiques distinctes pour justifier sa demande de provision pour frais :

a.            l’article 242(4) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions[36];

b.            l’article 239(3)(j) LCSA;

c.             l’article 451(14) de la Loi sur les sociétés par actions[37];

d.            l’article 53 du Code de procédure civile; et

e.            le pouvoir inhérent de la Cour supérieure.

[31]        Le Tribunal examine chacune de ces bases juridiques pour voir, dans un premier temps, si elles peuvent s’appliquer dans les circonstances du présent dossier et ensuite pour établir les critères.

a.            Article 242(4) LCSA

[32]        L’article 242(4) LCSA prévoit ce qui suit :

242(4) En donnant suite aux demandes, actions ou interventions visées à la présente partie, le tribunal peut ordonner à la société ou à sa filiale de verser aux plaignants des frais provisoires, y compris les honoraires légaux et les déboursés, dont ils pourront être comptables lors de l’adjudication définitive.

(Nous soulignons)

[33]        Cet article s’applique dans le cadre des recours visés à la Partie XX de la LCSA, dont le recours en oppression. Dans le présent cas, les trois sociétés dont Derome est ou était actionnaire, Courtage[38], Solutions[39] et CGL[40], sont toutes constituées en vertu de la LCSA.

[34]        Les défendeurs plaident que le présent recours n’est pas un recours en oppression. Selon eux, les amendements du 3 mai 2016, qui ajoutent des conclusions de prendre acte des transactions le 28 octobre 2014 et le 31 octobre 2014 pour le rachat des actions de Derome, confirment que la véritable nature du recours de Derome en est une d’homologation de transaction.

[35]        Le Tribunal rejette cet argument. Le recours de Derome est fondé sur son statut d’actionnaire minoritaire et l’obligation des défendeurs de racheter ses actions suivant l’avis d’achat/vente forcée et la convention entre actionnaires. Le fait que, à la suite de son expulsion, Derome a eu des discussions avec les défendeurs avec possiblement une entente sur le prix des actions, ne change pas la nature de l’action.

[36]        Derome peut donc invoquer l’article 242(4) LCSA. Toutefois, une ordonnance en vertu de l’article 242(4) LCSA ne peut viser que les sociétés Courtage, Solutions et CGL et leurs filiales[41]. Donc, la demande de provision pour frais contre Michel, Michael, Tommy et Groupe ne peut être basée sur l’article 242(4) LCSA.

[37]        Quant aux conditions que le requérant doit satisfaire pour que le Tribunal exerce sa discrétion en faveur du requérant, le juge Gascon, alors à la Cour d’appel, écrit ce qui suit dans l’arrêt Trackcom[42] :

[88]         In Gestion Pirel ltée v. Chouinard, relying on an Ontario Court of Justice decision rendered in 1990 in Wilson v. Conley, the Court expressed the view that for interim costs to be ordered pursuant to subsection 242(4) CBCA, the applicant had to establish that 1) he was in financial difficulty, 2) the financial difficulty arose out of the alleged oppressive action, and 3) he had a strong prima facie case. In Hétu and in Engel General Developers Ltd. v. Loyaltec inc., these criteria were cited with approval.

(Nous soulignons; références omises)

[38]        Toutefois, le juge Gascon ajoute dans une note de bas de page[43] :

Based on the Supreme Court judgment in Okanagan and a number of other cases that have limited the applicable conditions to the first and third ones, Martel (P. Martel, supra, note 8, at para. 31-491) has questioned the appropriateness of the second requirement that the financial difficulty be related to the alleged oppressive action. In 9022-8818 Québec inc. (Magil Construction ltée) (Syndic de), 2005 QCCA 275, paras. [27]-[33], a panel of the Court also questioned the applicability of the second condition of the test established in Wilson upon which both Loyaltec and Gestion Pirel relied. It rather concluded that it was no longer applicable as a result of the Supreme Court judgment in Okanagan. In that case, the Court opined that establishing special circumstances was sufficient. It is not necessary for me to express a view on this controversy that is not central to the resolution of this appeal where the appellants only argue that the first condition of the test is not met.

[39]        Il n’est donc pas clair si la deuxième condition fait partie ou non du test sous l’article 242(4) LCSA. Le Tribunal est d’avis qu’elle ne devrait pas en faire partie, mais il n’est pas nécessaire de trancher cette question dans le présent dossier parce qu’il est clair que si Derome satisfait les deux autres conditions, soit qu’il a des difficultés financières et qu’il a fait une preuve prima facie solide d’oppression, il aura démontré que ses difficultés financières sont le résultat d’actes oppressifs :

·        Derome a eu des difficultés financières dans le passé, mais il complète les paiements en vertu de sa proposition concordataire en novembre 2014;

·        Il a peu de revenu depuis octobre 2014 parce qu’il a été congédié et les défendeurs l’empêchent de se trouver un autre emploi; et

·        La valeur de ses actions passe de 686 991,62 $, selon Derome, à 60,12 $ selon les défendeurs, et Derome devrait toujours 168 960 $ plus les intérêts pour l’acquisition des actions de Courtage et Solutions et devrait libérer Michel des endossements qui avaient rendu possible l’acquisition de CGL.

[40]        En conséquence, en application de l’article 242(4) LCSA, le Tribunal pourra ordonner à Courtage, Solutions et CGL de payer une provision pour frais si Derome démontre que : (1) il a des difficultés financières, et (2) il a fait une preuve prima facie solide d’oppression.

b.            Article 241(3)(j) LCSA

[41]        L’article 241(3)(j) LCSA prévoit :

241 (3) Le tribunal peut, en donnant suite aux demandes visées au présent article, rendre les ordonnances provisoires ou définitives qu’il estime pertinentes pour, notamment :

[…]

j) indemniser les personnes qui ont subi un préjudice;

(Nous soulignons)

[42]        Cette disposition ne s’apparente pas à une provision pour frais. Il s’agit plutôt d’une avance sur l’indemnisation que le requérant recevra éventuellement dans le jugement final.

[43]        Cet argument n’est pas mentionné par Derome dans sa requête. La requête est intitulée « Requête amendée du demandeur afin d’obtenir une provision pour frais ». Les allégués de la requête portent principalement sur la situation financière de Derome et les honoraires judiciaires et extrajudiciaires engagés par Derome. Les conclusions de la requête sont énoncées comme suit :

ORDONNER aux défendeurs de verser au demandeur, la somme de 150 000,00$ à titre de provision pour frais;

ORDONNER que cette somme soit détenue en fidéicommis, par les procureurs du demandeur afin de servir au paiement des factures d’honoraires pour services professionnels rendus;

[44]        L’argument de l’article 241(3)(j) LCSA semble découler des commentaires du juge Gascon dans l’arrêt Trackcom où il suggère que le juge de première instance aurait pu s’appuyer sur cet article mais ne l’a pas fait[44].

[45]        Dans le présent cas, le Tribunal conclut que Derome n’a jamais invoqué l’article 241(3)(j) LCSA avant l’audition et qu’il ne serait pas approprié pour le Tribunal de rendre une ordonnance en vertu de cet article.

c.             Article 451(14) LSA

[46]        L’article 451(14) LSA prévoit ce qui suit :

451. Le tribunal peut, à l'occasion d'une demande visée à la présente sous-section, rendre toute ordonnance qu'il estime appropriée. Ainsi il peut, notamment:

[…]

14° condamner, non seulement dans un cas d'abus de procédure, mais également dans tout autre cas où le tribunal le jugera approprié, toute partie aux procédures à payer, en tout ou en partie, les honoraires extrajudiciaires et autres frais de toute autre partie.

[47]        Le Tribunal peut ordonner une provision pour frais en vertu de cet article.

[48]        Toutefois, il est clair que cet article ne s’applique que dans le cas de procédures en oppression sous la LSA et que la LSA ne s’applique qu’à des sociétés constituées en vertu de la LSA.

[49]        Or, dans le cas présent, la seule société défenderesse constituée en vertu de la LSA est Groupe. Les défendeurs et les autres sociétés défenderesses ne peuvent donc faire l’objet d’une ordonnance de provision pour frais en vertu de la LSA.

[50]        En ce qui concerne Groupe, Derome n’est pas et n’a jamais été actionnaire, administrateur ou dirigeant de Groupe. Le lien avec Groupe est que ce dernier est l’actionnaire majoritaire et Derome l’actionnaire minoritaire de Courtage, Solutions et CGL.

[51]        L’oppression alléguée est au sein de Courtage, Solutions et CGL et donc les dispositions sur l’oppression de la LCSA s’appliquent. Le seul fait que l’actionnaire majoritaire est constitué en vertu de la LSA ne rend pas les dispositions sur l’oppression de la LSA applicables.

[52]        En conséquence, la demande de provision pour frais en vertu de la LSA sera rejetée.

d.            Article 53 C.p.c.

[53]        L’article 53 C.p.c. prévoit en partie :

53. Le tribunal peut, dans un cas d'abus, rejeter la demande en justice ou un autre acte de procédure, supprimer une conclusion ou en exiger la modification, refuser un interrogatoire ou y mettre fin ou encore annuler une citation à comparaître.

Dans un tel cas ou lorsqu'il paraît y avoir un abus, le tribunal peut, s'il l'estime approprié:

[…]

5° ordonner à la partie qui a introduit la demande en justice ou présenté l'acte de procédure de verser à l'autre partie, sous peine de rejet de la demande ou de l'acte, une provision pour les frais de l'instance, si les circonstances le justifient et s'il constate que sans cette aide cette partie risque de se retrouver dans une situation économique telle qu'elle ne pourrait faire valoir son point de vue valablement.

(Nous soulignons)

[54]        Cet article donne au Tribunal la discrétion (« si les circonstances le justifient ») d’ordonner le paiement d’une provision pour frais lorsque[45] :

1.     Il paraît y avoir abus; et

2.     Sans cette aide, la partie risque de se retrouver dans une situation économique telle qu'elle ne pourrait faire valoir son point de vue valablement.

[55]        L’abus est défini à l’article 51 C.p.c. :

51. Les tribunaux peuvent à tout moment, sur demande et même d'office, déclarer qu'une demande en justice ou un autre acte de procédure est abusif.

L'abus peut résulter, sans égard à l'intention, d'une demande en justice ou d'un autre acte de procédure manifestement mal fondé, frivole ou dilatoire, ou d'un comportement vexatoire ou quérulent. Il peut aussi résulter de l'utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable ou de manière à nuire à autrui ou encore du détournement des fins de la justice, entre autres si cela a pour effet de limiter la liberté d'expression d'autrui dans le contexte de débats publics.

(Nous soulignons)

[56]        Il faut donc déceler une mesure de blâme dans le comportement judiciaire d’une partie[46].

[57]        La provision pour frais peut être ordonnée contre chaque partie au litige, mais l’abus doit être dans les procédures ou un autre acte qui est relié aux procédures. Nous y reviendrons.

e.            Pouvoir inhérent de la Cour supérieure

[58]        Enfin, dans l’affaire Okanagan, la Cour suprême statue que les cours supérieures ont le pouvoir inhérent d’ordonner le paiement d’une provision pour frais même en l’absence d’une disposition législative explicite[47] :

35           Compte tenu de l’analyse de la jurisprudence qui précède, on peut dégager les observations générales suivantes.  Le pouvoir d’ordonner le paiement de frais provisoires est inhérent à la nature de la compétence en equity de statuer sur les dépens, et le tribunal peut, lorsqu’il l’exerce, décider à son gré à quel moment et par qui les dépens seront payés.  Ce large pouvoir discrétionnaire peut être expressément mentionné dans une loi, comme au par. 131(1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires de l’Ontario, L.R.O. 1990, ch. C.43, qui prévoit, s’agissant des dépens, que « ceux qui les paient et la part qui incombe à chacun relèvent du pouvoir discrétionnaire du tribunal ».  Le pouvoir d’ordonner le paiement de frais provisoires peut donc être expressément prévu, comme dans la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario, ou une loi semblable dans les autres ressorts.  Toutefois, même en l’absence d’habilitation législative explicite, le pouvoir d’attribution de frais provisoires découle implicitement de la compétence des tribunaux de statuer sur les dépens comme c’est le cas dans les Rules of Court de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, qui prévoient que la cour peut rendre des ordonnances qui dérogent à la règle habituelle voulant que les dépens suivent le sort de l’affaire.

(Nous soulignons)

[59]        La Cour Suprême ajoute ce qui suit quant aux conditions d’exercice d’un tel pouvoir[48] :

36           La jurisprudence pose plusieurs conditions à l’exercice de ce pouvoir, toutes devant être présentes pour qu’une provision pour frais soit accordée.  La partie qui sollicite l’ordonnance doit être si dépourvue de ressources qu’elle serait incapable, sans cette ordonnance, de faire entendre sa cause.  Elle doit prouver prima facie que sa cause possède un fondement suffisant pour justifier son instruction devant le tribunal.  De plus, il doit exister des circonstances suffisamment spéciales pour que le tribunal soit convaincu que la cause appartient à cette catégorie restreinte de causes justifiant l’exercice exceptionnel de ses pouvoirs.  Ces exigences pourraient être modifiées si le législateur définissait les conditions d’octroi des provisions pour frais ou si les tribunaux établissaient des critères applicables à une situation particulière où l’attribution de provisions pour frais est autorisée par la loi (comme c’est le cas avec le par. 249(4) de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario; voir Organ, précité, p. 213).  Mais normalement, lorsque le tribunal exerce sa compétence en equity pour ordonner de telles provisions pour frais parce qu’il conclut qu’il y va de l’intérêt de la justice, il doit ressortir de la preuve que les trois conditions sont réunies : le manque de ressources nécessaires, une cause qui vaut d’être instruite et des circonstances spéciales.

(Nous soulignons)

[60]        Les conditions pour l’exercice de ce pouvoir inhérent sont donc :

1.            La partie qui sollicite l’ordonnance doit être si dépourvue de ressources qu’elle serait incapable, sans cette ordonnance, de faire entendre sa cause;

2.            Elle doit prouver, prima facie, que sa cause possède un fondement suffisant; et

3.            Il doit exister des circonstances spéciales justifiant l’exercice exceptionnel des pouvoirs du tribunal.

[61]        Le législateur peut modifier ces conditions, comme il l’a fait dans la LCSA et le Code de procédure civile. Lorsque le législateur intervient et fixe les conditions pour la provision pour frais dans un domaine particulier, il exclut l’application du pouvoir inhérent dans ce domaine[49]. Donc, le pouvoir inhérent ne s’applique pas dans des cas d’oppression ou d’abus de procédures. Dans le présent dossier, le pouvoir inhérent ne peut s’appliquer qu’à la récupération par Derome de ses effets personnels et les mises en demeure signifiées à Derome et à des tiers au sujet des clauses de confidentialité, de non-concurrence et de non-sollicitation.

Conclusion sur le test approprié

[62]        Le Tribunal conclut donc qu’il y a trois tests pertinents :

·        En ce qui concerne le recours en oppression, en application de l’article 242(4) LCSA, le Tribunal peut ordonner une provision pour frais payable par Courtage, Solutions et CGL si Derome démontre que : (1) il a des difficultés financières, et (2) il fait une preuve prima facie solide d’oppression;

·        En ce qui concerne les abus de procédure, le Tribunal peut ordonner une provision pour frais en vertu de l’article 53 C.p.c. contre chaque défendeur, si Derome démontre que (1) il paraît y avoir abus dans les procédures ou un autre acte qui est relié aux procédures, et (2) sans la provision, il risque de se retrouver dans une situation économique telle qu'il ne pourrait faire valoir son point de vue valablement.

·        En ce qui concerne la récupération par Derome de ses effets personnels et les mises en demeures signifiées à Derome et à des tiers au sujet des clauses de confidentialité, de non-concurrence et de non-sollicitation, le Tribunal peut ordonner une provision si Derome démontre que (1) il est si dépourvu de ressources qu’il serait incapable, sans cette ordonnance, de faire entendre sa cause; (2) il prouve prima facie que sa cause possède un fondement suffisant; et (3) il doit exister des circonstances spéciales justifiant l’exercice exceptionnel des pouvoirs du tribunal.

[63]        Si le Tribunal conclut que Derome a droit à une provision pour frais, il devra en évaluer le montant approprié. Dans cette évaluation, deux facteurs additionnels seront l’évaluation des frais qui seront encourus pour compléter le dossier et la capacité de payer de la partie qui doit payer la provision[50].

3.            Application des tests

a.         Situation financière de Derome

[64]        En fonction de tout ce qui précède, dans tous les cas, le premier test est la situation financière de Derome : il doit établir, à la satisfaction du Tribunal, qu’il n’a pas les moyens de poursuivre le litige sans la provision pour frais.

[65]        La preuve sur la situation financière de Derome lors de l’audition se résume ainsi :

·        Derome avait fait une proposition à ses créanciers en juin 2009 aux termes de laquelle il a fait des paiements mensuels de 667 $ à ses créanciers jusqu’en août 2014[51];

·        Il est congédié le 27 octobre 2014. Il est payé jusqu’au 24 octobre 2014 et il n’a rien reçu comme délai-congé;

·        Les défendeurs lui offrent seulement 60,12 $ pour ses actions. De plus, Michel avait financé ses acquisitions d’actions dans les trois sociétés et Derome ne lui a rien remboursé à ce jour;

·        Il est le principal soutien financier de sa famille, qui inclut six enfants, dont quatre sont mineurs;

·        Le budget annuel de la famille montre des dépenses de 135 247,94 $ en 2014 et de 110 208,02 $ en 2015[52];

·        Sa conjointe travaille de la maison : elle gagne entre 200 $ et 240 $ par semaine pendant trois mois, mais ce travail prend fin;

·        Il a dû souscrire un second prêt hypothécaire de 50 000 $ sur la résidence familiale et il emprunte 17 500 $ d’un membre de sa famille;

·        En 2015, la résidence familiale est vendue au prix de 468 500 $;

·        Il est incapable de gagner un revenu parce que toutes ses démarches ont été contrées par des mises en demeure adressées par les défendeurs à d’éventuels partenaires d’affaires;

·        Les seuls revenus qu’il a gagnés pendant les sept mois entre novembre 2014 et juillet 2015 sont de 12 562,87 $;

·        Il a engagé des honoraires judiciaires et extrajudiciaires de 74 392,07 $ en date du 7 janvier 2016[53], mais a seulement payé 22 432,03 $;

·        Le budget des honoraires judiciaires et extrajudiciaires pour compléter le dossier est de 150 000 $.

[66]        Dans son affidavit du 13 octobre 2015, Michael allègue que Derome travaille pour Prostyle comme vice-président, opérations et développement des affaires, depuis au moins le 31 août 2015[54]. Ce fait ne fut pas mentionné par Derome dans son interrogatoire le 23 septembre 2015 ni dans la requête amendée et affidavit supplémentaire du 30 décembre 2015.

[67]        Ce n’est qu’après l’audition du 8 janvier 2016 que Derome demande la réouverture de l’enquête afin qu’il fasse la preuve de ses revenus de Prostyle.

[68]        Les défendeurs plaident que cette omission est délibérée et que le Tribunal ne devrait pas permettre à Derome de la combler. En effet, le Tribunal est troublé par cette omission. Derome savait que sa situation financière était en jeu, et le Tribunal s’explique mal comment Derome a pu penser qu’il n’avait pas à divulguer ses revenus. Toutefois, s’inspirant des articles 268 et 323 C.p.c. et de l’arrêt de la Cour d’appel dans Wang c. Demers Beaulne inc. (Groupe Sutton Royal inc.)[55], le Tribunal autorise la réouverture de l’enquête. Derome dépose un affidavit et des pièces et les défendeurs l’interrogent hors cour et déposent une preuve additionnelle en réponse.

[69]        La preuve additionnelle se résume comme suit :

·        Le revenu net d’entreprise de Derome en 2015 est de 5 613,10 $[56], ce qui inclut ses revenus de ProfileSoft (7 350,64 $)[57], Humares (3 075 $ plus les taxes ou 3 535,48 $)[58] et Prostyle (791,53 $)[59], moins les dépenses;

·        Les seuls autres revenus de Derome en 2015 (24 643,62 $) proviennent de l’encaissement de deux REER[60];

·        Pour 2016, Derome prévoit le 1er avril 2016 un revenu de 58 911 $ pour l’année[61]. Toutefois, au 16 juin 2016, son procureur indique que Derome n’a gagné que 4 480 $ à ce jour[62]; et

·        Le bilan de Derome en date du 1er avril 2016 indique des actifs de 65 078,63 $ et un passif de 28 612,45 $ pour une valeur nette de 36 466,18 $[63]. Il faut y ajouter un REER de 14 952 $ omis par erreur[64], ce qui fait augmenter la valeur nette à 51 418,18 $. Toutefois, les actifs incluent des REER (57 482,17 $) dont la valeur est imposable s’ils sont encaissés. Le procureur de Derome estime leur valeur nette à 30 000 $[65]. Le passif n’inclut pas la dette de 50 000 $ envers les procureurs ou la dette de 168 960 $ plus les intérêts envers Michel pour l’acquisition de ses actions dans Courtage et Solutions.

[70]        La preuve a aussi été faite de la situation financière de la conjointe de Derome :

·        Ses revenus en 2015 sont de 23 925 $[66];

·        Ses revenus estimés en 2016 sont de 33 100 $[67];

·        Son bilan en date du 1er avril 2016 indique des actifs de 155 731,24 $ et un passif de 1 396,16 $ pour une valeur nette de 154 335,08 $. Son actif est composé principalement de REER (75 840,17 $) et de REEE pour les quatre enfants mineurs (58 079,10 $)[68].

[71]        Derome plaide que les revenus et les actifs de sa conjointe ne sont pas pertinents à la question de savoir s’il a droit à une provision pour frais parce que la conjointe n’a pas à payer les frais du recours. Toutefois, dans la mesure où Derome plaide les dépenses de la famille, les revenus et les actifs de la conjointe sont pertinents.

[72]        La situation financière de Derome est précaire : la valeur réalisable de ses actifs est moins que le total de son passif. Il doit déjà 50 000 $ à ses procureurs et l’estimation pour compléter le procès est de 150 000 $. Son revenu à date en 2016 est minime. S’il gagne 30 000 $ dans la deuxième moitié de 2016 et 60 000 $ en 2017[69], il peut payer en partie les frais de la poursuite, mais pas la totalité.

[73]        Cette analyse ne tient pas compte de ses obligations familiales. Le budget annuel de la famille montre des dépenses de 135 247,94 $ en 2014 et de 110 208,02 $ en 2015. Ces montants semblent exagérés. Le tribunal les fixe, pour les fins de l’analyse, à 75 000 $ par année. À ce stade, il est approprié de tenir compte des revenus et actifs de sa conjointe. Les revenus du couple ne sont pas suffisants, même si Derome gagne 30 000 $ dans la deuxième moitié de 2016 et 60 000 $ en 2017, pour payer les dépenses familiales et la conjointe devra encaisser des REER ou des REEE. Il n’est pas réaliste de penser qu’elle pourra aider Derome avec les frais de la poursuite.

[74]        Le Tribunal en conclut que Derome rencontre le premier test pour une provision pour frais, soit qu’il n’a pas les moyens de poursuivre le litige sans la provision pour frais.

b.            Preuve prima facie solide d’oppression

[75]        Avant d’ordonner aux défendeurs de payer une provision pour frais et ainsi financer le recours contre lui, le Tribunal doit s’assurer que le recours est sérieux.

[76]        Derome est ou était actionnaire minoritaire de Courtage, Solutions et CGL. Il envoie un avis d’achat/vente forcée des ses actions suite à l’article 9 des conventions unanimes entre actionnaires. Suite à cet avis, Derome allègue que les défendeurs doivent racheter ses actions pour 686 000 $. Il allègue que les défendeurs le congédient pour éviter leur obligation de racheter ses actions.

[77]        Les défendeurs plaident que le recours en oppression n’est pas sérieux. Ils plaident que l’avis de Derome n’est qu’un projet et que Derome n’y a jamais donné suite parce qu’il n’avait pas les moyens de le faire. Ils plaident que Derome a été congédié pour cause et qu’ils ont racheté ses actions pour 60,12 $ suivant les conventions unanimes entre actionnaires. Ils ajoutent que si Derome a droit à la juste valeur de ses actions, il s’agit d’un montant minime parce que les sociétés sont toutes endettées et que Derome, de toute façon, n’a rien déboursé pour ses actions.

[78]        Ce débat semble sérieux.

[79]        Par la suite, les parties tentent de négocier un règlement. Derome allègue une première entente le 28 octobre 2014 pour le rachat de ses actions à 686 000 $ et une deuxième entente le 31 octobre à 430 000 $. Les défendeurs admettent cette deuxième entente, mais plaident qu’elle était conditionnelle et que la condition ne s’est pas réalisée. Sans entrer dans ce débat, le fait que les parties aient signé cette entente confirme le sérieux du recours de Derome.

c.             Abus dans les procédures ou un autre acte qui est relié aux procédures

[80]        En ce qui concerne les procédures, Derome s’attaque aux gestes suivants :

·        La comparution par BLG le 8 janvier 2015, nonobstant le courriel de Derome insistant qu’ils se placeraient dans un conflit d’intérêts[70]. Derome dépose une requête en déclaration d’inhabilité, qui est accueillie le 17 juin 2015[71];

·        La demande de report de la date de présentation de la requête introductive d’instance, du 10 février 2015 au 25 février 2015; et

·        Le dépôt par les défendeurs d’une requête en exception déclinatoire le 24 février 2015, qui est rejetée séance tenante le 30 avril 2015.

[81]        Il est important de noter que Derome a présenté une requête pour faire déclarer abusive la requête en exception déclinatoire. Cette requête fut rejetée au même moment que la requête en exception déclinatoire et ce jugement n’a pas été porté en appel.

[82]        Le Tribunal ne peut donc pas conclure que la requête en exception déclinatoire est abusive. Le juge Auger, qui accueille la requête en déclaration d’inhabilité contre BLG, ne commente pas un abus quelconque.

[83]        De plus, lorsque le Tribunal analyse la conduite des parties après le jugement sur la requête en exception déclinatoire, le Tribunal n’y voit aucun abus de procédures de la part des défendeurs. En fait, depuis ce jugement, les seuls gestes procéduraux posés par une partie ou l’autre sont les suivants :

·        17 juin 2015 : jugement du Tribunal accueillant la requête en déclaration d’inhabilité[72];

·        13 juillet 2015 : comparution des nouveaux procureurs des défendeurs;

·        15 juillet 2015 : Derome dépose la présente requête afin d’obtenir une provision pour frais. Elle est fixée au 23 septembre 2015;

·        5 août 2015 :contre-interrogatoire de Derome sur son affidavit. Son procureur soulève 52 objections et ne permet la réponse sous réserve de l’objection qu’à deux de ces questions;

·        14 septembre 2015 : Derome transmet les réponses aux engagements;

·        23 septembre 2015 : les parties procèdent sur 25 objections. Vingt objections sont rejetées et cinq accueillies. L’interrogatoire se poursuit le même jour;

·        13 octobre 2015 : les défendeurs déposent leurs affidavits en réponse;

·        18 décembre 2015 : Derome transmet les réponses à ses engagements pris le 23 septembre 2015, suite à plusieurs demandes et une requête pour rejet de sa requête;

·        30 décembre 2015 : Derome amende sa requête et dépose un affidavit additionnel;

·        8 janvier 2016 : audition de la requête pour provision pour frais;

·        19 février 2016 : réouverture de l’enquête à la demande de Derome parce qu’il n’a pas divulgué l’ensemble de ses revenus pour l’année 2015;

·        1er avril 2016 : dépôt de l’affidavit de Derome[73];

·        29 avril 2016 : interrogatoire de Derome;

·        25 mai 2016 : remise des engagements de Derome;

·        14 juin 2016 : preuve et représentations écrites des défendeurs;

·        16-23 juin 2016 : derniers échanges entre les procureurs.

[84]        Il est clair pour le Tribunal qu’il n’y a aucun comportement blâmable assimilable à un abus de procédure de la part des défendeurs ou leurs procureurs dans le débat judiciaire. Les délais sont plutôt attribuables à Derome et ses procureurs.

[85]        La requête en vertu de l’article 53 C.p.c. est rejetée.

d.            Provision quant à la récupération des effets personnels et les mises en demeure au sujet des clauses de confidentialité, de non-concurrence et de non-sollicitation

[86]        Les deux gestes qui ne sont pas couverts par les dispositions expresses sur les provisions pour frais sont la récupération des effets personnels de Derome et les mises en demeure envoyées à Derome et à des tiers au sujet des clauses de confidentialité, de non-concurrence et de non-sollicitation.

[87]        Lorsque Derome est congédié le 27 octobre 2014, il ne peut prendre avec lui ses effets personnels. Il ne les obtiendra que les 5 et 8 janvier 2015. Cette question a donné lieu à des échanges de correspondance entre les parties[74] et les procureurs[75] et l’implication d’huissiers[76]. Selon Derome, le tout lui a coûté 17 571,07 $[77].

[88]        Cet argent était gaspillé. Les défendeurs n’ont jamais contesté le droit de Derome de reprendre ses biens. Le problème étant au niveau des procureurs : les procureurs de Derome fixaient des délais trop courts ou des conditions que les procureurs des défendeurs ne pouvaient accepter et ils envoyaient des huissiers pour constater le refus de remettre les effets alors qu’ils savaient très bien que les effets ne seraient pas remis. De toute façon, la question est réglée depuis plus d’un an. Si Derome veut des dommages, il les demandera, mais il n’y a pas lieu à une provision pour frais.

[89]        Il n’y a pas de preuve que les mises en demeure ont causé Derome à encourir des frais d’avocat. De toute façon, le montant ne serait pas très important. Encore une fois, si Derome veut des dommages, il en fera la demande, mais il n’y a pas lieu à une provision pour frais.

[90]        Il n’y a aucune circonstance spéciale justifiant l’exercice exceptionnel des pouvoirs inhérents du Tribunal.

4.            Montant nécessaire pour compléter les procédures

[91]        La seule preuve du montant nécessaire pour compléter le procès est le témoignage de Derome, qui affirme que l’estimation qu’il a reçue de ses procureurs pour compléter le procès est de 150 000 $. Il ne produit aucun détail.

[92]        Ce montant semble exagéré.

[93]        Derome tente de justifier ce montant en déposant un état de compte montrant qu’il a engagé des honoraires de 74 392,07 $ en date du 7 janvier 2016. Toutefois, ce montant inclut des honoraires de 17 571,07 $ sur la question de la récupération de ses effets personnels, qui ne fait pas partie du présent litige. De plus, les honoraires à ce jour sont dus en grande partie en raison du comportement de Derome et ses procureurs. En conséquence, le fait qu’il a engagé des honoraires de près de 75 000 $ à ce jour ne justifie pas l’estimation de 150 000 $ pour compléter le procès.

[94]        Selon le dernier protocole de l’instance en date du 18 mars 2016, les seules étapes qui restent à franchir avant l’audition sont les interrogatoires, pour un total de 14,5 heures, et les procédures incidentes aux interrogatoires. Les défendeurs annoncent une expertise, mais Derome n’en prévoit pas. Les honoraires pour les interrogatoires et le procès ne devraient pas atteindre 150 000 $.

[95]        Le Tribunal estime que le montant de 50 000 $ est suffisant pour compléter le procès.

5.            Capacité de payer de la partie qui doit payer la provision

[96]        La dernière question est de vérifier que Courtage, Solutions et CGL ont la capacité de payer une provision pour frais de 50 000 $.

[97]        Les défendeurs ont déposé les états financiers de Courtage, Solutions et CGL au 30 septembre 2014[78]. Ces informations ne sont pas à jour, mais ce sont les seules informations auxquelles le Tribunal a accès. Le Tribunal note que ce sont les défendeurs qui ont choisi de ne pas mettre ces informations à jour.

[98]        En date du 30 septembre 2014, les sociétés ne sont pas profitables : la perte nette de Solutions dépasse les petits bénéfices nets de Courtage et CGL. Les sociétés n’ont pas beaucoup de liquidité dans l’encaisse : un total de 1 074 $ le 30 septembre 2014.

[99]        Toutefois, Courtage a des actifs à court terme qui dépassent son passif à court terme par plus de 200 000 $.

[100]     Dans les circonstances, le Tribunal estime que les sociétés ont la capacité de payer la provision pour frais de 50 000 $ dont Derome a besoin afin de poursuivre ses procédures.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL

[101]     ACCUEILLE EN PARTIE la requête amendée de Martin Luc Derome afin d’obtenir une provision pour frais (#58);

[102]     ORDONNE aux défendeurs InfoPrimes Courtage inc., InfoPrimes Solutions inc. et Groupe Robillard CGL inc. de verser à Derome la somme de 50 000 $ à titre de provision pour frais;

[103]     ORDONNE que cette somme soit détenue en fidéicommis par les procureurs de Martin Luc Derome afin de servir au paiement des factures d’honoraires pour services professionnels rendus;

[104]     LE TOUT avec frais de justice à suivre.

 

 

__________________________________

Stephen W. Hamilton, j.c.s.

 

 

Me Nina Fernandez

Me Alain Longval

Me Vincent Théorêt

DUNTON RAINVILLE

Pour le demandeur

 

Me Sébastien Richemont

Me Audrey Bourassa

WOODS

Pour les défendeurs

 

Date d’audience :

8 janvier 2016; réouverture d’enquête le 19 février 2016 et échange de preuve et de représentations additionnelles complété le 23 juin 2016

 



[1]     Selon Derome, il est toujours directeur général d’Assurances en octobre 2014. Les défendeurs plaident que son emploi est transféré à Groupe Robillard CGL inc. le 1er janvier 2014 (voir pièce D-9). Le Tribunal n’a pas à trancher cette question.

[2]     L’utilisation des noms de famille dans le jugement a pour but d’alléger le texte et l’on voudra bien n’y voir aucune discourtoisie à l’égard des personnes concernées.

[3]     Pièce D-8.

[4]     Pièces P-2 et D-1.

[5]     L’utilisation des prénoms des membres de la famille Robillard dans le jugement a pour but d’alléger le texte et l’on voudra bien n’y voir aucune discourtoisie à l’égard des personnes concernées.

[6]     Pièce P-3.

[7]     Pièce P-4.

[8]     Pièce P-1.

[9]     Pièce P-3.

[10]    Pièce P-4.

[11]    Pièce P-1. Selon Derome, il est aussi directeur général de GPME Lanaudière inc. Les défendeurs contestent cette affirmation. Le Tribunal n’a pas à trancher cette question.

[12]    Défense, par. 116 et 125.

[13]    Pièce D-4 (MiR-1).

[14]    Pièce D-5 (MiR-2).

[15]    Pièce P-5.

[16]    Pièce D-12.

[17]    Pièce P-6.

[18]    Id. Voir aussi l’accusé de réception de Groupe déposé comme pièce P-7.

[19]    Pièce P-8.

[20]    Pièce P-9.

[21]    Pièce D-2.

[22]    Pièce D-3.

[23]    Les pièces P-10 à P-16 et D-15 sont des projets de documents qui ne sont pas signés.

[24]    Pièce P-17.

[25]    Pièce P-18.

[26]    Pièce P-19. Voir aussi les pièces P-22 et D-16.

[27]    Pièce P-20.

[28]    Pièce P-24.

[29]    Pièce P-21.

[30]    2015 QCCS 2704.

[31]    Pièce P-27.

[32]    Pièces P-28, P-31, P-30, D-18, MiR-9, D-19.

[33]    Pièce P-29.

[34]    Pièces P-23, P-26, D-20 et D-21.

[35]    Pièce P-25.

[36]    L.R.C. (1985), ch. C-44.

[37]    RLRQ, c. S-31.1.

[38]    Pièces P-3 et D-2.

[39]    Pièces P-4 et D-3.

[40]    Pièces P-1 et D-1.

[41]    Trackcom Systems International Inc. v. Trackcom Systems Inc., 2014 QCCA 1136, par. 81.

[42]    Id., par. 88.

[43]    Id., note 46.

[44]    Précitée note 41, par. 87 et 98.

[45]    Eden Palace inc. c. Dinard, 2010 QCCA 2015, par. 3; Layette Minimôme inc. c. Jarrar, 2011 QCCS 1743, par. 27.

[46]    Agence du revenu du Québec c. Groupe Enico inc., 2012 QCCA 479, par. 32;

[47]    Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan, 2003 CSC 71, par. 35. Voir aussi Hétu c. Notre-Dame-de-Lourdes (Municipalité de), 2005 QCCA 199, par. 33 et suivants.

[48]    Okanagan, précitée note 47, par. 36.

[49]    Hétu, précitée note 47, par. 42-44.

[50]    Paul MARTEL, La société par actions au Québec, vol. 1 « Les aspects juridiques », Montréal, Wilson & Lafleur, 2011 feuilles mobiles, mis à jour en janvier 2016, par. 31-520; Trackcom, précité note 41, par. 10-0.

[51]    Pièce MR-4.

[52]    Pièce IMLD-12C.

[53]    Pièce R-2A.

[54]    Pièces MiR-10 à MiR-12.

[55]    2016 QCCA 64.

[56]    Avis de cotisation 2015 (pas coté).

[57]    Pièce R-2.

[58]    Id.

[59]    Pièce R-3.

[60]    Avis de cotisation 2015 et états du revenu provenant d’un REER (pas cotés).

[61]    Pièce DL-1.

[62]    Lettre de Me Longval du 16 juin 2016.

[63]    Pièce DL-2.

[64]    Pièce D-8.

[65]    Lettre de Me Longval du 16 juin 2016.

[66]    Avis de cotisation 2015.

[67]    Pièce DL-1.

[68]    Pièce DL-2.

[69]    Son estimé pour l’année est de 58 911 $, avant les taxes.

[70]    Pièce P-21.

[71]    2015 QCCS 2704.

[72]    2015 QCCS 2704.

[73]    Ce délai s’explique par l’infarctus de Derome le 1er février 2016.

[74]    Pièce P-27.

[75]    Pièces P-28, P-31, P-30, D-18 et D-19.

[76]    Pièce P-29.

[77]    Pièce IMLD-12.

[78]    Pièce D-14 (MiR-13).

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