Bernier et Centre de services partagés du Québec |
2017 QCCFP 7 |
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COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DOSSIER N° : |
1301623 |
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DATE : |
22 mars 2017 |
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DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF : |
Me Mathieu Breton |
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yves bernier |
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Appelant |
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et |
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CENTRE DE SERVICES PARTAGÉS DU QUÉBEC |
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Intimé |
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DÉCISION |
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(Article 35, Loi sur la fonction publique, RLRQ, c. F-3.1.1) |
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L’APPEL
[1] M. Yves Bernier dépose un appel à la Commission de la fonction publique (la « Commission ») en vertu de l’article 35 de la Loi sur la fonction publique[1] (la « Loi ») pour contester la décision du Centre de services partagés du Québec (le « CSPQ ») de refuser de l’admettre à un processus de qualification interministériel en vue de la promotion de cadre, classe 4[2].
[2] Le CSPQ considère que M. Bernier ne répond pas aux conditions d’admission de ce processus de qualification puisque, d’après son formulaire d’inscription, il ne possède pas une année d’expérience dans l’exercice d’activités de niveau d’encadrement.
[3] M. Bernier soutient que son emploi de directeur des communications à la municipalité de Blainville est de niveau d’encadrement bien qu’il n’ait pas indiqué, dans son formulaire d’inscription, que cette expérience comportait de la gestion ou de la supervision de personnel. Il estime que le CSPQ devrait donc l’admettre au processus de qualification.
LES FAITS
[4] Les conditions d’admission du processus de qualification en cause, indiquées dans l’appel de candidatures, sont les suivantes :
· Faire partie du personnel régulier de la fonction publique.
[…]
· Détenir un diplôme universitaire de premier cycle dont l’obtention requiert un minimum de seize années d’études […].
Chaque année de scolarité manquante est compensée par deux années d’expérience jugée pertinente aux attributions de l’emploi.
[…]
· Posséder huit années d’expérience dans l’exercice d’activités de niveau professionnel ou de niveau d’encadrement, comprenant une année d’expérience dans des activités d’encadrement.
Un maximum de deux années d’expérience manquante peut être compensé par une année de scolarité pertinente et additionnelle, de niveau équivalent ou supérieur à la scolarité exigée. Toutefois, l’année d’expérience dans des activités d’encadrement ne peut être compensée par de la scolarité.
· […]
[en caractères gras dans le texte original]
[5] Durant la période d’inscription se tenant du 16 au 31 mars 2016, M. Bernier soumet sa candidature à ce processus de qualification comme quelque 5 610 personnes.
[6] Dans la section « Expériences de travail » de son formulaire d’inscription, M. Bernier indique diverses expériences dans le domaine des communications et à titre de conseiller politique. Pour un emploi de directeur des communications à la municipalité de Blainville, d’une durée de plusieurs années, M. Bernier indique :
Réalisation du journal municipal
Conseils stratégiques
Plan de communication
Conférences de presse
[7] Après avoir analysé le formulaire d’inscription de M. Bernier, le CSPQ est d’avis que cette expérience est de niveau professionnel puisqu’elle ne comprend pas de supervision ou de gestion de personnel. De plus, les tâches décrites ressemblent à celles d’autres expériences de niveau professionnel se retrouvant dans ce formulaire.
[8] Le CSPQ conclut que M. Bernier respecte l’ensemble des conditions d’admission, hormis de posséder une année d’expérience dans l’exercice d’activités de niveau d’encadrement. Le 22 juin 2016, le CSPQ l’avise donc que sa candidature n’a pas été retenue.
[9] Le 27 juin 2016, M. Bernier demande au CSPQ de réviser sa décision. Il transmet alors des documents, soit une ancienne offre de service et un curriculum vitae. Il souligne :
Vous trouverez ci-joint des informations complémentaires démontrant mon expérience dans un poste d’encadrement à titre de directeur des communications de la Ville de Blainville.
J’ai également, en 2009, participé au même type de concours[[3]].
[10] Dans cette ancienne offre de service, concernant l’emploi de directeur des communications, il est notamment indiqué :
Assurer la gestion du personnel : évaluation de rendement.
[11] Dans le curriculum vitae transmis, pour ce qui est de cette même expérience, on retrouve cette mention :
Assure la gestion du personnel du département des communications : évaluation de rendement et encadrement d’équipe.
[12] À la suite de cette demande, le CSPQ procède à la révision du dossier de M. Bernier. Son formulaire d’inscription est alors analysé par une autre personne que celle qui avait précédemment procédé à l’évaluation de son admissibilité. Au terme de cet exercice, le CSPQ maintient sa décision initiale.
[13] Pour analyser l’admissibilité d’un candidat, même après une demande de révision, le CSPQ examine uniquement les informations apparaissant dans le formulaire d’inscription. Il ne peut tenir compte que des éléments soumis lors de la période d’inscription.
[14] D’ailleurs, dans différents documents accessibles aux candidats, il est indiqué que seuls les renseignements consignés dans le formulaire d’inscription seront considérés.
[15] Lorsqu’il a analysé le formulaire de M. Bernier, le CSPQ n’a eu aucun doute par rapport au niveau professionnel de l’expérience de directeur des communications. Il n’a donc pas téléphoné à M. Bernier pour lui demander des précisions, ce qu’il fait uniquement s’il doute du niveau d’un emploi.
[16] Par exemple, le CSPQ peut demander quels étaient le niveau et le nombre d’employés supervisés dans le cadre d’une expérience si le formulaire d’inscription fait état d’une supervision de personnel, mais qu’il ne précise pas ces informations.
[17] Par ailleurs, le CSPQ ne se fie pas au titre d’un emploi occupé à l’extérieur de la fonction publique, car il est souvent trompeur par rapport à son niveau. Il analyse donc uniquement les tâches décrites.
[18] Pour sa part, M. Bernier explique qu’il a omis de décrire suffisamment l’expérience de directeur des communications en inscrivant que celle-ci impliquait de superviser trois personnes, d’évaluer leur rendement et d’établir des objectifs.
[19] Il indique que Blainville est une municipalité d’environ 50 000 habitants qui est en pleine expansion.
[20] Il souligne que le CSPQ ne l’a jamais contacté afin d’obtenir des précisions par rapport à cet emploi, alors que plusieurs de ses collègues l’ont été.
[21] M. Bernier mentionne qu’un employé du CSPQ lui a dit qu’un appel à la Commission ne « donnerait rien ».
LES ARGUMENTATIONS
L’argumentation du CSPQ
[22] Le CSPQ rappelle que les exigences relatives à la scolarité et à l’expérience pour être admis au processus de qualification en cause sont les conditions minimales d’admission à un emploi de cadre, classe 4, prévues à l’article 14 de la Directive concernant la classification et la gestion des emplois de cadres et de leurs titulaires (630)[4] (ci-après la « Directive »). Il ne peut établir de conditions d’admission moins exigeantes, conformément à l’article 43 de la Loi.
[23] Pour leur part, les articles 19 et 19.1 de la Directive définissent ce que sont des « activités d’encadrement » et des « activités de niveau d’encadrement » :
19. Les activités d’encadrement, prévues au paragraphe 2o de l’article 14, font référence au rôle prédominant de la personne dans la supervision ou la coordination du personnel à titre de supérieur immédiat, chef d’équipe ou chargé de projet.
Selon le cas :
1o à titre de supérieur immédiat, la personne doit avoir supervisé au moins 2 employés;
2o à titre de chef d’équipe, les activités d’encadrement doivent avoir été exercées auprès d’au moins 2 employés de niveau professionnel;
3o à titre de chargé de projet, la personne doit avoir coordonné la réalisation du travail du personnel sous sa responsabilité fonctionnelle, comprenant au moins 2 employés de niveau professionnel (identification des résultats à atteindre, évaluation de la quantité du travail à réaliser, établissement des résultats, des échéanciers et des mécanismes de suivi).
19.1 Les activités de niveau d’encadrement comprennent l’une ou l’autre des activités suivantes :
1o les activités exercées à titre de cadre;
2o les activités effectuées à titre provisoire et à titre de remplacement temporaire dans un emploi de cadre.
[24] Le CSPQ estime qu’il est contraint de statuer quant à l’admissibilité de M. Bernier au processus de qualification en considérant uniquement les éléments présents dans son formulaire d’inscription, conformément à l’article 14 du Règlement concernant le processus de qualification et les personnes qualifiées[5] (ci-après le « Règlement »). Il ne peut en conséquence tenir compte d’informations soumises après la fin de la période d’inscription.
[25] Il soutient qu’il n’avait aucun doute lorsqu’il a analysé le formulaire de M. Bernier afin de déterminer son admissibilité et qu’il n’avait donc pas à le contacter pour obtenir des précisions.
[26] Le CSPQ soumet à l’attention de la Commission quelques décisions pertinentes[6] appuyant sa position et demande de rejeter l’appel de M. Bernier.
L’argumentation de M. Bernier
[27] M. Bernier estime que le titre de l’emploi de directeur des communications aurait dû semer un doute auprès du CSPQ qui l’aurait amené à le contacter, comme cela a été le cas pour plusieurs de ses collègues.
[28] Il estime que son droit de se faire entendre pleinement n’a pas été respecté puisque le CSPQ n’a pas communiqué avec lui pour obtenir des précisions avant de rendre sa décision quant à son admissibilité.
[29] Il trouve injuste cette décision, notamment parce qu’il a déjà été admis à un concours de promotion de cadre, classe 4, il y a quelques années.
[30] Malgré qu’il comprenne les règles encadrant un processus de qualification, il dénonce la rigidité dont fait preuve le CSPQ. Il croit qu’il faut faire preuve d’ouverture.
[31] Il déplore que le CSPQ ait tenté de le dissuader de contester sa décision par un appel à la Commission.
[32] Il demande donc à la Commission d’accueillir son appel et d’être admis au processus de qualification en cause.
LES MOTIFS
[33] L’article 35 de la Loi prévoit :
35. Un candidat peut interjeter appel devant la Commission de la fonction publique s’il estime que la procédure utilisée pour son admission ou pour son évaluation dans le cadre d’un processus de qualification visant exclusivement la promotion a été entachée d’une irrégularité ou d’une illégalité. Il doit le faire par une demande écrite qui doit être reçue à la Commission dans les 15 jours ouvrables de l’expédition de l’avis l’informant qu’il ne satisfait pas aux conditions d’admission pour participer au processus de qualification ou l’informant des résultats de son évaluation au cours de ce processus.
[…]
[34] Suivant cet article, la Commission doit donc décider si la procédure d’admission de M. Bernier au processus de qualification en cause est entachée d’une illégalité ou d’une irrégularité. Il appartient à M. Bernier de convaincre la Commission, selon la règle de la prépondérance de la preuve, que la décision du CSPQ de ne pas l’admettre à ce processus de qualification est déraisonnable, arbitraire, discriminatoire ou abusive.
[35] M. Bernier considère que le CSPQ a fait erreur en ne considérant pas son expérience de directeur des communications à la municipalité de Blainville comme étant de niveau d’encadrement.
[36] L’appelant estime que les renseignements indiqués dans son formulaire d’inscription concernant cet emploi auraient dû susciter un doute de la part du CSPQ. Selon M. Bernier, ce doute aurait alors dû amener le CSPQ à le contacter pour obtenir des précisions permettant d’établir le niveau de cette expérience.
[37] La Commission ne partage toutefois pas cet avis.
[38] La notion du doute issue de la décision Chouinard[7] a maintes fois été interprétée. Récemment, dans la décision Minville[8], la Commission indique :
[…] le doute qui peut amener l’autorité qui administre un processus de qualification à contacter un candidat, afin de préciser des informations contenues dans son formulaire d’inscription, doit porter « sur l’interprétation à donner sur des renseignements soumis par le postulant ».
[39] Dans le formulaire de M. Bernier, aucune information relative à l’emploi de directeur des communications ne laisse entrevoir que celui-ci implique « la supervision ou la coordination du personnel », éléments auxquels réfère la définition d’activités d’encadrement prévue à l’article 19 de la Directive.
[40] Le CSPQ ne pouvait donc douter du niveau de cette expérience et ainsi demander des précisions à M. Bernier.
[41] De plus, l’autorité qui administre un processus de qualification n’a pas à aviser un candidat avant de rendre une décision défavorable par rapport à son admissibilité.
[42] Par ailleurs, il est raisonnable pour le CSPQ de ne pas baser son évaluation du niveau d’un emploi occupé à l’extérieur de la fonction publique sur le titre de celui-ci. Ce sont les tâches énoncées dans le formulaire d’inscription qui doivent être analysées pour déterminer si une expérience à l’extérieur de la fonction publique est de niveau d’encadrement.
[43] La Commission rappelle également que seuls les renseignements soumis durant la période d’inscription peuvent être considérés par l’autorité qui administre un processus de qualification afin d’établir l’admissibilité d’un candidat. D’ailleurs, l’article 14 du Règlement énonce que « [l]’admissibilité d’une personne est vérifiée par l’examen de son formulaire d’inscription ».
[44] Un candidat ne peut donc pas, notamment lors d’une demande de révision auprès de l’autorité qui administre le processus de qualification, ajouter des informations par rapport à des éléments n’apparaissant pas dans son formulaire d’inscription[9].
[45] La Commission réitère, comme elle l’a fait récemment dans les décisions Minville[10] et Vachon[11], qu’il est de la responsabilité du candidat de soumettre, durant la période d’inscription, toutes les informations utiles à l’évaluation de son admissibilité au processus de qualification.
[46] Faillir à cette obligation peut entraîner de graves conséquences pour un candidat, comme dans le cas de M. Bernier. Toutefois, le CSPQ ne pouvait pallier ce manquement. En effet, l’autorité qui administre un processus de qualification doit appliquer uniformément des normes strictes afin d’assurer l’équité entre tous les candidats et de respecter le cadre légal et réglementaire.
[47] La Commission ne décèle donc aucune irrégularité ou illégalité dans la procédure utilisée pour vérifier l’admissibilité de M. Bernier au processus de qualification en cause.
POUR CES MOTIFS, la Commission :
[48] REJETTE l’appel de M. Yves Bernier.
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Original signé par :
__________________________________ Mathieu Breton |
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M. Yves Bernier |
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Appelant non représenté |
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Me Claire Lapointe |
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Procureure du Centre de services partagés du Québec |
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Intimé |
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Lieu de l’audience : Québec |
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Date de l’audience : 21 février 2017 |
[1] RLRQ, c. F-3.1.1.
[2] No 63004PS93470001.
[3] Depuis le 29 mai 2015, la notion de « concours » a été remplacée par celle de « processus de qualification » en raison de l’entrée en vigueur de plusieurs articles de la Loi modifiant la Loi sur la fonction publique principalement en matière de dotation des emplois (LQ 2013, c. 25), conformément au Décret 368-2015 du 29 avril 2015.
[4] C.T. 198195 du 30 avril 2002 et ses modifications. Le paragraphe 5o de l’article 7 prévoit que « l’année d’expérience dans des activités d’encadrement, prévue au paragraphe 2o de l’article 14, ne peut être compensée par de la scolarité ».
[5] RLRQ, c. F-3.1.1, r. 3.1.
[6] Chouinard et Ministère de la Main-d'œuvre et de la Sécurité du revenu, [1986] 3 no 2 R.D.C.F.P. 211; Asselin et Secrétariat du Conseil du trésor, 2007 CanLII 53141 (QC CFP); Roussy et Secrétariat du Conseil du trésor, 2007 CanLII 53147 (QC CFP); Létourneau et Centre de services partagés du Québec, 2011 QCCFP 14; Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport et Simard, 2011 QCCFP 33; Gamache et Régie des rentes du Québec, 2014 QCCFP 6; Minville et Centre de services partagés du Québec, 2017 QCCFP 1.
[7] Préc., note 6.
[8] Préc., note 6, par. 43.
[9] Voir notamment la décision Gamache, préc., note 6, par. 74.
[10] Préc., note 6, par. 44.
[11] Vachon et Centre de services partagés du Québec, 2017 QCCFP 4, par. 35.
AVIS :
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