Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Bergeron et Ville-Marie (Ville de)

2012 QCCLP 6338

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Drummondville

4 octobre 2012

 

Région :

Abitibi-Témiscamingue

 

Dossier :

448795-08-1109-R

 

Dossier CSST :

136462348

 

Commissaire :

Lise Collin, juge administratif

 

Membres :

Denis Sauvé, associations d’employeurs

 

Jean-Pierre Valiquette, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Mickaël Bergeron

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Ville de Ville-Marie

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 28 mars 2012, monsieur Mickaël Bergeron (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision à l’encontre d’une décision rendue par le tribunal le 20 février 2012.

[2]           Par cette décision, le tribunal accueille la requête du travailleur, modifie la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 27 juillet 2011 à la suite d’une révision administrative, déclare que la mère du travailleur, madame Manon Arpin, a droit au remboursement d’une somme de 666,00 $ pour ses frais de séjour et que le père du travailleur, monsieur Alain Bergeron, a droit au remboursement d’une somme de 688,10 $ pour ses frais de séjour et de déplacement.

[3]           Le travailleur, représenté par sa grand-mère, madame Réjane Robinson, a renoncé à la tenue d’une audience. L’employeur, la Ville de Ville-Marie, n'est pas représenté. L’affaire est mise en délibéré le 30 mai 2012.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Au soutien de sa requête produite le 6 mars 2012, la représentante du travailleur prétend que la décision rendue par le tribunal contient une erreur de fait puisque les sommes de 582 $ représentant le kilométrage et de 50 $ pour le stationnement n’ont pas été remboursées à la mère du travailleur, pour un total de 632 $.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis d’accueillir la requête du travailleur. Le tribunal devait décider si le travailleur, un enfant mineur, avait droit au remboursement des frais de déplacement et de séjour de ses parents qui se sont rendus à son chevet alors qu’il était hospitalisé à Montréal. Il a conclu par l'affirmative et s'en est expliqué, ce qui relève de son appréciation de la preuve et de son interprétation des dispositions applicables.

[6]           Cependant, il appert de la preuve que le tribunal a omis de tenir compte des frais de kilométrage (582 $) et de stationnement (50 $), pour un total de 632 $ alors que ces frais étaient bel et bien indiqués dans le compte de dépense apparaissant au dossier.

[7]           Il s'agit là d'une erreur dans l'appréciation de la preuve qui justifie la révision de la décision rendue par le tribunal.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[8]           La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision doit décider s’il y a lieu de réviser la décision rendue par le tribunal le 20 février 2012.

[9]           Après avoir pris connaissance de la preuve et reçu l’avis des membres issus des associations syndicales et d’employeurs, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision conclut qu’il y a lieu de réviser la décision rendue par le tribunal. Cette conclusion repose sur les éléments suivants.

[10]        Selon l’article 429.49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), les décisions de la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans appel.

[11]        Une décision peut toutefois être révisée ou révoquée sous certaines conditions prévues à l’article 429.56 de la loi.

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[12]        Il appartient à la partie qui demande la révision ou la révocation d’une décision de démontrer au moyen d’une preuve prépondérante l’un des motifs prévus par le législateur à l’article 429.56 de la loi, en l’occurrence un vice de fond de nature à l’invalider.

[13]        Depuis les décisions rendues dans les affaires Produits forestiers Donohue inc. et Franchellini[2], la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision interprète la notion de « vice de fond de nature à invalider la décision » comme faisant référence à une erreur manifeste en droit ou en fait qui a un effet déterminant sur le sort du litige. C’est donc dire que le pouvoir de révision ou de révocation est une procédure d’exception qui a une portée restreinte.

[14]        D’ailleurs, la Cour d’appel dans les arrêts Fontaine et Touloumi[3] a donné son aval à cette interprétation en disant qu’une requête en révision interne ne peut être accueillie que lorsque la décision rendue est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés.

[15]        Ainsi, il y a une erreur manifeste et déterminante lorsqu’une conclusion n’est pas supportée par la preuve et repose plutôt sur des hypothèses, lorsqu’une décision repose sur de fausses prémisses, fait une appréciation manifestement erronée de la preuve ou adopte une méthode qui crée une injustice certaine[4].

[16]        Le 29 juillet 2010, le travailleur, dans le cours d’un emploi d’étudiant pour la Ville de Ville-Marie, subit une lésion professionnelle dont le diagnostic est un hématome à la cuisse droite. Son état de détériore en raison d’une maladie personnelle et il doit être transféré en avion à l’hôpital Sainte-Justine de Montréal.

[17]        Le litige dont devait disposer le tribunal porte sur le remboursement des frais de déplacement et de séjour de ses parents qui se sont rendus à son chevet à Montréal.

[18]        La CSST tant dans sa décision initiale que dans celle rendue à la suite d'une révision administrative a décidé qu’une somme de 1149,65 $ lui a été payée pour divers frais réclamés, dont un déplacement de Ville-Marie à Montréal et de Montréal à Ville-Marie effectué entre le 29 juillet 2010 et le 16 août 2010.

[19]        Le 12 mai 2011, le travailleur répond à la CSST que sa réclamation vise des déplacements effectués par son père et sa mère qui se sont rendus à son chevet et le remboursement de 1149,65 $ concernait les frais de déplacement encourus par ses grands-parents qui sont allés chercher leur petit-fils à l’hôpital de Sainte-Justine à Montréal pour le ramener à Ville-Marie entre le 11 et le 16 août 2010.

[20]        Le travailleur explique que son père a dû partir de Québec pendant la nuit pour l’accueillir à son arrivée à l’hôpital Sainte-Justine et l’accompagner jusqu’à l’arrivée de sa mère, Manon Arpin, afin que celle-ci prenne la relève à son chevet. Le travailleur était alors mineur.

[21]        Le 27 juillet 2011, la révision administrative de la CSST rejette la demande du travailleur et déclare qu’il a reçu le remboursement du montant auquel il a droit pour des frais de déplacements effectués entre le 29 juillet et le 16 août 2010.

[22]        Cette décision est contestée devant le tribunal. Dans la décision rendue par le tribunal, il est précisé ce qui suit :

[12]      Madame Robinson précise que le père du travailleur, monsieur Alain Bergeron, qui reste maintenant à Québec, s’est déplacé de Québec à Montréal pour accueillir le travailleur lors de son arrivée à Sainte-Justine. Il est resté au chevet de son fils du 29 juillet 2010 au 1er août 2010 et il a refait le trajet Québec-Montréal pour être à nouveau au chevet de son fils les 7 août 2010 et 8 août 2010. Tel qu’il appert, à la demande de remboursement de frais au dossier de la Commission des lésions professionnelles, celui-ci réclame à la CSST une somme de 410 $ (250 kilomètres x 4 x 0,41 cents) pour ses frais de transport ainsi qu’une somme de 278,10 $ pour les frais de repas, pour un total de 688,10 $.

 

[13]      Madame Robinson indique que la mère du travailleur, madame Manon Arpin, qui est domiciliée à Ville-Marie, s’est déplacée de Ville-Marie à Montréal et elle est restée au chevet de son fils du 31 juillet 2010 au 11 août 2010 à l’Hôpital de Sainte-Justine. Madame Robinson indique, tel qu’il appert à la demande de remboursement de frais au dossier de la Commission des lésions professionnelles, que la mère du travailleur réclame à la CSST une somme de 666 $ (556 $ pour les frais des repas ainsi qu’une somme 110 $ pour les frais d’hébergement).

 

 

[23]        Le tribunal fait ensuite référence à l’article 115 de la loi prévoyant ce qui suit au sujet des frais de déplacement et de séjour :

115.  La Commission rembourse, sur production de pièces justificatives, au travailleur et, si son état physique le requiert, à la personne qui doit l'accompagner, les frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation, selon les normes et les montants qu'elle détermine et qu'elle publie à la Gazette officielle du Québec.

__________

1985, c. 6, a. 115.

 

 

[24]        Puis le tribunal fait référence au paragraphe [15] de sa décision à ce qui est indiqué dans le Règlement sur les frais de déplacement et de séjour[5] (règlement) et sa lecture du règlement l’amène à constater qu’il n’y a rien d’indiqué dans le cas d’une demande de remboursement pour des frais de déplacement encourus par les parents qui doivent se rendre au chevet d’un enfant mineur.

[25]        Le tribunal estime cependant que la loi ne peut pas prévoir toutes les situations comme celle qui prévaut en l’espèce. Le travailleur était un enfant mineur hospitalisé pendant plus de deux semaines à Montréal. Dans ces circonstances, il était normal que les parents du travailleur mineur aient été au chevet de leur fils pendant son hospitalisation puisque cette hospitalisation nécessitait des soins urgents et spécialisés.

[26]        Le tribunal poursuit en disant que les frais réclamés par les parents respectent les tarifs prévus au règlement et il est de plus précisé que le père du travailleur a droit au plein remboursement des frais de déplacement, car vu l’urgence de la situation, il ne pouvait attendre l’autorisation de la CSST pour se déplacer.

[27]        Au soutien de sa requête en révision, la représentante du travailleur prétend qu’une erreur a été commise dans le calcul des frais réclamés pour la mère du travailleur. Elle soutient que les frais de kilométrage et de stationnement n’ont pas été remboursés, soit un montant de 582 $ pour le kilométrage et de 50 $ pour le stationnement.

[28]        De fait, ces sommes de 582 $ représentant les frais de kilométrage et de 50 $ représentant ceux pour le stationnement sont indiquées dans le formulaire de compte de dépense produit au dossier. À l’endos du formulaire, sont énumérés les frais pour les repas et l'hébergement de madame Arpin, lesquels ont été additionnés à 666 $.

[29]        En somme, le tribunal n’a accordé que les frais de repas et d'hébergement et il a omis d'accorder ceux pour le kilométrage et le stationnement alors qu'ils étaient bel et bien indiqués au compte de dépense. D’ailleurs si madame Arpin qui est domiciliée à Ville-Marie a séjourné pendant plusieurs jours à Montréal, il tombe sous le sens qu’elle a dû s'y rendre en voiture. Il s'agit là d'une omission de la part du tribunal et d'une erreur dans l’appréciation de la preuve qui justifie la révision de la décision qu’il a rendue.

[30]        Procédant à rendre la décision qui aurait du être rendue, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision constate qu'en réalité, les frais encourus par madame Arpin pour ses repas et son hébergement s'élèvent à la somme de 665 $[6] et non pas de 666 $. À cette somme de 665 $, il faut y ajouter 582 $ pour les frais de kilométrage et de 50 $ pour le stationnement, ce qui forme un total de 1297 $.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête produite le 28 mars 2012;

RÉVISE la décision rendue par le tribunal le 20 février 2012;

ACCUEILLE la requête produite par le travailleur, monsieur Mickaël Bergeron, le 12 septembre 2011;

MODIFIE la décision rendue le 27 juillet 2011 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative;

 

DÉCLARE que la mère du travailleur, madame Manon Arpin, a droit au remboursement d'une somme de 1297,00 $ pour ses frais de séjour et de déplacement et que le père du travailleur, monsieur Alain Bergeron, a droit au remboursement d'une somme de 688,10 $ pour ses frais de séjour et de déplacement.

 

 

 

__________________________________

 

Lise Collin

 

 

 

 

 

 

Mme Réjane Robinson

 

Représentante de la partie requérante

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]          Produits Forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ; Franchenelli et Sousa, [1998] C.L.P. 783 .

[3]          CSST et Fontaine, [2005] C.L.P. 626 ; CSST et Touloumi, [2005] C.L.P. 921 (C.A.).

[4]           Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 .

[5]           (1993) 125 G.O. II 4257.

[6]           Les frais se détaillent comme suit : 124,80 $pour les petits déjeuners, 171,60 $ pour les dîners, 258,60 $ pour les soupers et 110,00 $ pour l’hébergement, pour un total de 665,00 $.

AVIS :
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