Coop. Ambulanciers Mauricie inc. et CH Cloutier inc. |
2011 QCCLP 2668 |
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RECTIFICATION D’UNE DÉCISION
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[1] La Commission des lésions professionnelles a rendu le 11 avril 2011, une décision dans le présent dossier;
[2] Cette décision contient des erreurs d’écriture qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 429.55 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001;
[3] Sur la première page, nous lisons :
Commissaire : |
Jean-François, Juge administratif en chef |
[4] Alors que nous aurions dû lire :
Commissaire : |
Jean-François Clément, Juge administratif en chef |
[5] Au paragraphe [3], nous lisons :
[3] Une audience était prévue à Trois-Rivières, le 28 février 2001, mais l’employeur et le Centre hospitalier Cloutier inc. (la partie intéressée), y ont renoncé préférant déposer des argumentations écrites.
[6] Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :
[3] Une audience était prévue à Trois-Rivières, le 28 février 2011, mais l’employeur et le Centre hospitalier Cloutier inc. (la partie intéressée), y ont renoncé préférant déposer des argumentations écrites.
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Jean-François Clément |
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Madame Karine Jalbert |
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MEDIAL CONSEIL SANTÉ SÉCURITÉ INC. |
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Représentante de la partie requérante |
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Me Marie-Josée Hétu |
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HEENAN BLAIKIE |
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Représentante de la partie intéressée |
Coop. Ambulanciers Mauricie inc. et CH Cloutier inc. |
2011 QCCLP 2668 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Québec |
11 avril 2011 |
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Région : |
Mauricie-Centre-du-Québec |
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Dossier : |
418032-04-1008 |
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Dossier CSST : |
133098715 |
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Commissaire : |
Jean-François, Juge administratif en chef |
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Coop. Ambulanciers Mauricie inc. |
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Partie requérante |
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et |
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C.H. Cloutier inc. |
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Partie intéressée |
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DÉCISION
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[1] Le 20 août 2010, la Coop. Ambulanciers Mauricie inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 7 juillet 2010, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 20 avril 2010 et déclare que l’imputation du coût des prestations au dossier de l’employeur demeure inchangée, en relation avec la lésion professionnelle subie par monsieur Daniel Giguère (le travailleur), le 19 février 2008,
[3] Une audience était prévue à Trois-Rivières, le 28 février 2001, mais l’employeur et le Centre hospitalier Cloutier inc. (la partie intéressée), y ont renoncé préférant déposer des argumentations écrites.
[4] La dernière ayant été reçue le 31 mars 2011, c’est à cette date que le délibéré a débuté.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que les coûts inhérents à la lésion professionnelle du 19 février 2008 doivent être imputés aux employeurs de toutes les unités.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] La Commission des lésions professionnelles doit décider si l’employeur a droit au transfert de coûts qu’il demande en invoquant les dispositions de l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[7] Plus précisément, c’est la notion d’accident du travail attribuable à un tiers qui est invoquée par l’employeur.
[8] Cette notion a été interprétée par une formation de trois juges administratifs dans l’affaire Ministère des Transports et CSST[2].
[9] Pour pouvoir conclure qu’un accident est attribuable à un tiers et ainsi transférer les coûts qui lui sont inhérents aux employeurs d'autres unités, il faut démontrer les quatre éléments suivants :
1) l’existence d’un accident du travail;
2) la présence d’un tiers;
3) le fait que l’accident est attribuable à ce tiers;
4) le fait que l’imputation au dossier de l’employeur aurait pour effet de lui faire supporter injustement le coût des prestations dues en raison de cet accident.
[10] Le travailleur occupe un emploi de technicien-ambulancier chez l’employeur lorsqu’il subit un accident du travail, le 19 février 2008, en glissant sur de la glace alors qu’il descend de son véhicule, dans l’entrée des ambulanciers de l’établissement de la partie intéressée.
[11] La réclamation du travailleur est acceptée en lien avec une entorse lombaire et un étirement du biceps droit. Le nouveau diagnostic de tendinite à l’épaule est aussi accepté, tout comme celui de déchirure de la coiffe de l’épaule droite.
[12] Le 1er mai 2009, la CSST rend une décision entérinant un avis du membre du Bureau d’évaluation médicale voulant que la lésion soit une déchirure de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite, chez un travailleur porteur d’une tendinopathie chronique du supra-épineux et d’une légère tendinose de l’infra-épineux et sous-scapulaire non symptomatique ainsi que d’une légère entorse lombaire.
[13] L’employeur demande un transfert de coûts parce qu’il estime que l’accident est attribuable à un tiers, soit la partie intéressée, qui aurait dû veiller à l’entretien du lieu où la chute est survenue.
[14] La première condition est manifestement remplie puisqu’un accident du travail a été reconnu par la CSST comme étant survenu le 19 février 2008.
[15] Aussi, le Centre hospitalier Cloutier inc. est bel et bien un tiers par rapport à l’employeur puisqu’il ne s’agit ni du travailleur lésé, ni de son employeur, ni des autres travailleurs exécutant un travail pour ce dernier.
[16] En troisième lieu, l’employeur doit démontrer que l’accident est bel et bien attribuable au Centre hospitalier Cloutier inc. en prouvant que ses agissements ou omissions s’avèrent être, parmi toutes les causes identifiables de l’accident, ceux qui ont contribué non seulement de façon significative mais plutôt de façon majoritaire à sa survenue, c’est-à-dire dans une proportion supérieure à 50 %.
[17] En somme, l’accident est attribuable à quiconque s’en trouve être le principal auteur pour avoir joué un rôle déterminant dans les circonstances qui l’ont provoqué.
[18] Le seul fait que de la glace ou de la neige se soit trouvée sur le stationnement où le travailleur a chuté ne suffit pas à permettre de conclure que l’accident est attribuable à la personne responsable de l’entretien de ce stationnement ou à son propriétaire.
[19] L’accumulation de neige ou de glace en hiver relève d’un phénomène naturel et non pas du tiers en cause.
[20] Ce n’est que lorsque le responsable de l’entretien fait défaut d’agir de façon diligente et raisonnable qu’on peut conclure que l’accident lui est, à tout le moins en partie, attribuable. Il ne suffit pas de l’alléguer ou de le présumer mais il faut aussi le prouver.
[21] Le tribunal ne peut pas simplement présumer qu’un accident serait attribuable majoritairement à la personne responsable de l’entretien des lieux sans que les circonstances pertinentes soient mises en preuve. Il ne suffit pas d’alléguer la faute ou la responsabilité d’un tiers encore faut-il prouver le contexte pour permettre de conclure qu’il s’agit là de la cause majoritaire de l’accident.
[22] L’employeur devait démontrer, au moyen d’une preuve prépondérante, que l’état dans lequel se trouvait la chaussée résultait d’un défaut d’entretien ou d’un entretien inadéquat de la part du tiers. Les conditions météorologiques doivent être prises en considération aux fins d’apprécier le degré de contribution d’une tierce partie à la survenance d’un accident du travail à l’occasion d’une chute causée par une surface extérieure mouillée ou glacée. Il n’y a pas d’automatismes en cette matière et la simple présence de glace ou de neige en hiver au Québec sur un terrain quelconque n’entraîne pas nécessairement une conclusion péremptoire que l’accident est attribuable à une négligence d’entretien du propriétaire du terrain en cause.
[23] Ceci étant dit, de l’ensemble des descriptions du fait accidentel survenu le 19 février 2008 au dossier, le tribunal croit que celle faite par le membre du Bureau d’évaluation médicale, le 5 avril 2009, est la plus complète :
«Monsieur Giguère confirme que le 19 février 2008, alors que comme ambulancier, il transportait un patient au centre hospitalier Cloutier, il y avait déjà une ambulance à l’intérieur, il a donc immobilisé son ambulance à l’extérieur et sortant de son véhicule, il a glissé, les deux pieds par l’avant et s’est protégé avec son membre supérieur droit, qui s’est enfoncé dans la neige, avec un étirement en abduction de l’épaule droite.
Il a ressenti immédiatement une douleur à l’épaule droite et une douleur lombaire légère.»
[24] Le simple fait de l’absence d’abrasifs au sol ne peut automatiquement permettre de conclure à un manquement de la part de la personne responsable de l’entretien. Tout dépend des circonstances climatiques qui prévalent à ce moment précis.
[25] Le tribunal retient la preuve déposée par la partie intéressée au niveau des conditions météorologiques observées le 19 février 2008, de préférence à celle présentée par l’employeur.
[26] En effet, l’établissement où est survenu l’accident est situé dans le secteur Cap-de-la-Madeleine et les données météorologiques fournies par la partie intéressée sont en provenance de cet arrondissement précis, contrairement à celles de l’employeur qui proviennent du Secteur de l’aqueduc, à Trois-Rivières, à une altitude plus élevée que le Cap-de-la-Madeleine selon les indications contenues à ces documents.
[27] Or, les données fournies par la partie intéressée démontrent que le jour de l’accident, la température est graduellement passée de 4.3o Celsius à -4.8o Celsius. Un refroidissement aussi subi ne peut faire en sorte qu’on puisse reprocher à l’employeur de ne pas avoir immédiatement appliqué des abrasifs.
[28] Dans le présent dossier, rien dans la preuve ne démontre donc que le tiers aurait fait défaut d’appliquer des abrasifs de façon raisonnable. Aucune preuve ne démontre que les lieux auraient été mal entretenus, que le tiers aurait négligé d’entretenir son terrain de façon raisonnable, etc.
[29] Comme la jurisprudence le mentionne, il faut plus que prouver l’existence d’une plaque de glace ou de neige, il faut aussi démontrer le défaut d’entretien par la tierce partie.
[30] La présence de glace au sol en elle-même ne relève pas du fait du propriétaire ou du gestionnaire des lieux. Il s’agit d’une conséquence du climat québécois, un phénomène naturel. La participation du tiers dans la survenance de la lésion doit donc s’évaluer au niveau des mesures prises pour entretenir les lieux selon les circonstances factuelles propres au dossier[3].
[31] De plus, l’affidavit déposé par le travailleur ne suffit pas à démontrer que la partie intéressée serait à la source de sa chute, de façon prépondérante.
[32] Alors que l’établissement de la partie intéressée possède une entrée des ambulances couverte pour permettre aux ambulanciers de sortir les patients en toute sécurité, le travailleur n’a pas attendu son tour et a préféré descendre à l’extérieur de cet abri; décision qui a contribué, de façon déterminante, à la survenance de son accident.
[33] Rien dans la preuve ne démontre que le travailleur ne pouvait pas attendre un peu que l’autre ambulance lui laisse la voie libre.
[34] Il affirme, de plus, dans son affidavit, qu’il y avait de la glace et de la neige dans toute l’entrée. Si tel est le cas, il devait alors s’armer d’une plus grande prudence pour éviter sa chute.
[35] Il affirme qu’il portait ses équipements de protection individuelle adéquatement mais il fait défaut de commenter la qualité des bottes qu’il portait, à ce moment précis.
[36] L’employeur ne s’est donc pas déchargé de son fardeau de démontrer que l’accident du 19 février 2008 est majoritairement attribuable à un tiers.
[37] Il n’a pas non plus démontré la présence d’une injustice.
[38] À ce sujet, il y a lieu de référer à des extraits de la décision rendue dans l’affaire Ministère des Transports[4] déjà citée :
[322] La notion de risque inhérent doit cependant être comprise selon sa définition courante, à savoir un risque lié d’une manière étroite et nécessaire aux activités de l’employeur ou qui appartient essentiellement à pareilles activités, en étant inséparable (essentiel, intrinsèque…)215. On ne doit donc pas comprendre cette notion comme englobant tous les risques susceptibles de se matérialiser au travail, ce qui reviendrait en pratique à stériliser le deuxième alinéa de l’article 326 de la loi.
[…]
[330] L’analyse de la jurisprudence permet de constater que dans les cas de guet-apens, de piège, d’acte criminel, d’agression fortuite, de phénomène de société ou de circonstances exceptionnelles, inhabituelles ou inusitées, le tribunal accorde généralement à l’employeur un transfert de coûts.
[…]
[339] Il ressort de ce qui précède qu’en application de l’article 326 de la loi, plusieurs facteurs peuvent être considérés en vue de déterminer si l’imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail attribuable à un tiers, soit :
- les risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur, les premiers s’appréciant en regard du risque assuré alors que les secondes doivent être considérées, entre autres, à la lumière de la description de l’unité de classification à laquelle il appartient ;
- les circonstances ayant joué un rôle déterminant dans la survenance du fait accidentel, en fonction de leur caractère extraordinaire, inusité, rare et/ou exceptionnel, comme par exemple les cas de guet-apens, de piège, d’acte criminel ou autre contravention à une règle législative, règlementaire ou de l’art;
- les probabilités qu’un semblable accident survienne, compte tenu du contexte particulier circonscrit par les tâches du travailleur et les conditions d’exercice de l’emploi.
[340] Selon l’espèce, un seul ou plusieurs d’entre eux seront applicables. Les faits particuliers à chaque cas détermineront la pertinence ainsi que l’importance relative de chacun.
[341] Aucune règle de droit ne doit être appliquée aveuglément. On ne saurait faire abstraction des faits propres au cas particulier sous étude. C’est au contraire en en tenant compte que le tribunal s’acquitte de sa mission qui consiste à faire la part des choses et à disposer correctement et équitablement du litige déterminé dont il est saisi.219
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215 À ce sujet, voir Petit Larousse illustré, éditions Larousse, Paris, 2007, p. 582; le nouveau Petit Robert, éditions Le Robert, Paris, 2008, p. 1332.
219 Paul-Henri Truchon & Fils inc., C.L.P. 288532-64-0605, 9 juillet 2006, J.-F. Martel ; Entreprises D.F. enr., [2007] QCCLP 5032 .
[39] Le tribunal ne croit pas que l'employeur ait démontré qu’il satisfait à ce quatrième critère.
[40] L’employeur opère un service d’ambulances de sorte qu’il est appelé à intervenir partout où des personnes aux prises avec des problèmes de santé se trouvent et ce, que ce soit sur la voie publique, dans des édifices, sur des terrains de stationnements, etc.
[41] Il est donc normal que le travailleur exerce ses fonctions à l’extérieur lorsque requis et donc qu’il se retrouve sur des terrains glacés ou enneigés en hiver. Cela fait partie des risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur.
[42] Le risque de chute sur la glace en hiver est donc un risque lié de manière étroite et nécessaire aux activités de l’employeur.
[43] Comme le rappelait l’honorable Yves Alain de la Cour supérieure du Québec dans une décision récente[5], on doit considérer, eu égard à la notion d’accident attribuable à un tiers, l’activité effectuée au moment de l’accident, à savoir si elle constitue ou non une activité normale de l’employeur.
[44] Or, le risque auquel a été confronté l’employeur dans le présent dossier, tout comme l’accident subi par son travailleur, constitue clairement un risque inhérent auquel s’exposent quotidiennement en hiver l’employeur et tous ses ambulanciers.
[45] Au surplus, le tribunal ne voit rien d’extraordinaire, d’inusité, de rare ou d’exceptionnel dans le fait pour un ambulancier de glisser sur une plaque de glace alors qu’il sort de son ambulance. La présence de glace en hiver au Québec n’est certainement pas un guet-apens ou un piège, à moins de circonstances exceptionnelles ou particulières qui ne sont pas en preuve dans ce dossier.
[46] Manifestement, les probabilités qu’un semblable accident survienne sont indéniables.
[47] Une étude de la jurisprudence rendue depuis la décision Ministère des Transports et CSST va dans le sens du rejet de la requête de l’employeur.
[48] Dans les Ambulances St-Amour de Lanaudière enr.[6], un technicien ambulancier avait chuté sur une plaque de glace en transférant un patient. La Commission des lésions professionnelles retient qu’elle ne peut conclure que le tiers serait, majoritairement responsable de l’événement qui est survenu en hiver alors que les conditions climatiques peuvent varier et où la présence de glace n’est évidemment pas inhabituelle surtout qu’il y avait eu chute de précipitations la veille.
[49] Quant à l’absence d’injustice, le tribunal la justifie par le fait qu’il fait partie des risques inhérents au travail d’un ambulancier de rencontrer tout type de personnes et de conditions climatiques.
[50] Dans l’affaire CSSS du sud de Lanaudière[7] la Commission des lésions professionnelles a refusé le transfert de coûts demandé par l’employeur dont la travailleuse, une auxiliaire familiale et sociale, avait glissé dans un escalier enneigé et glacé alors qu’elle sortait de la résidence d’un bénéficiaire. Même si cet escalier était vraisemblablement entretenu par le propriétaire de l’immeuble visité, la Commission des lésions professionnelles conclut que de par ses fonctions la travailleuse doit se rendre régulièrement au domicile des bénéficiaires et le genre d’accident qui lui est arrivé est donc susceptible de se produire.
[51] Pareil évènement fait partie des risques inhérents aux activités de l’employeur. Le fait que les déplacements chez les bénéficiaires constituent une activité principale ou secondaire importe peu. Par ailleurs, les conditions climatiques et la situation d’enneigement étant normales pour un mois d’hiver au Québec, l’employeur n’a pas prouvé que les circonstances entourant l’accident étaient inusitées ou exceptionnelles en regard de la nature de l’emploi de la travailleuse. Ces principes s’appliquent parfaitement en l’espèce.
[52] Dans l’affaire Brasserie Labatt ltée[8], un livreur avait subi une lésion professionnelle après avoir fait une chute sur de la glace dans un stationnement.
[53] Le juge administratif Denis Rivard conclut que, même si le tiers avait la responsabilité d’entretenir le stationnement où devait circuler le travailleur, ce dernier devait, dans le cadre normal et habituel de son travail de livraison, en période hivernale, se déplacer dans des commerces faisant en sorte qu’il était confronté à des risques de chute sur des stationnements couverts de plaques de glace et de neige.
[54] Il ajoute que le livreur pouvait refuser de faire la livraison si cela était dangereux et constate que de telles situations s’étaient d’ailleurs déjà produites. Il estime que le travailleur connaissait l’état du stationnement et qu’aucune circonstance extraordinaire ou exceptionnelle, inusitée ou rare n’avait donc été établie de sorte qu’on ne pouvait conclure à la présence d’un piège.
[55] Il termine en affirmant que les probabilités qu’un accident semblable survienne compte tenu du contexte particulier circonscrit par les tâches du travailleur et des conditions de l’exercice de l’emploi en période hivernale sont toujours présentes et font partie des risques inhérents aux activités de l’employeur. Encore là, ces principes s’appliquent parfaitement en l’espèce.
[56] Dans Autocar Hélie et Appalaches Auberge Spa Villégiature[9], un chauffeur d’autobus nolisé avait subi une lésion professionnelle en allant chercher des passagers chez un client et en chargeant leurs valises dans l’autobus. Il avait glissé, perdu pied et fait une chute sur de la glace.
[57] Le juge administratif saisi du dossier détermine qu’il n’y a pas d’injustice à imputer les coûts de cet accident à l’employeur puisqu’il fait partie des tâches du travailleur de prendre des bagages des clients et de les déposer dans l’autobus qu’il conduit.
[58] L’accident fait donc partie des risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur et il est possible qu’un tel accident se produise dans le cadre de l’exécution des tâches d’un chauffeur d’autobus nolisé qui est appelé à manipuler des bagages des clients dans différents lieux, dont le terrain d’un hôtel et ce, en toutes saisons. Les circonstances entourant la survenance de la chute ne peuvent être qualifiées d’extraordinaires, d’inusitées, de rares ou d’exceptionnelles puisqu’il est courant de devoir circuler sur de la glace au mois de janvier au Québec. Il n’est pas possible de conclure à la présence d’un piège.
[59] Les mêmes principes ont été retenus dans Centre hospitalier régional Trois-Rivières et Construction APS 2000 inc.[10] Centre hospitalier régional Trois-Rivières et Belle-Neige 2000[11], Cafétéria Montchâteau[12] ainsi que dans Géodex inc. et Aéroport de Montréal[13].
[60] La jurisprudence à laquelle réfère l’employeur a été rendue avant la décision dans l’affaire Ministère des Transports précitée qui a établi le droit en cette matière et qui est suivie depuis par la quasi-totalité des juges administratifs du tribunal.
[61] Quant à l’affaire Poulin & Piuze inc. et Redcliff Realty management inc.[14], les faits diffèrent du présent dossier puisqu’une preuve circonstanciée avait été présentée quant au défaut d’entretien du terrain où était survenue la chute du travailleur.
[62] Le soussigné ne peut souscrire à l’avis du juge administratif saisi de l’affaire C.L.S.C. Lasalle[15] puisque ce n’est pas l’accident, comme tel, qui ne doit pas faire partie des risques inhérents des activités de l’employeur mais plutôt l’activité exercée au moment de cet accident.
[63] Quant à l’affaire Humatech inc. et Hôtel-Dieu-du-Sacré-Cœur-de-Jésus[16], le soussigné estime, respectueusement, qu’il ne s’agit pas là de la position majoritaire du tribunal. De toute façon, la quatrième condition n’est pas remplie en l’espèce.
[64] Les prétentions de l’employeur doivent donc être rejetées.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de la Coop. Ambulanciers Mauricie inc., l’employeur;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, 7 juillet 2010, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que tous les coûts inhérents à la lésion professionnelle du 19 février 2008 doivent être imputés au dossier de la Coop. Ambulanciers Mauricie inc.
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Jean-François Clément |
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Madame Karine Jalbert |
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MEDIAL CONSEIL SANTÉ SÉCURITÉ INC. |
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Représentante de la partie requérante |
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Me Marie-Josée Hétu |
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HEENAN BLAIKIE |
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Représentante de la partie intéressée |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] [2007] C.L.P. 1804
[3] Expertech bâtisseur de réseaux inc. et CSST, C.L.P. 381354-62-0906 et autres, 23 décembre 2009, J.-F. Clément, Aliments Lesters Ltée et Tremblay, C.L.P. 157950-0103, 15 mars 2002, G. Morin, Hôpital Maisonneuve-Rosemont, C.L.P. 362820-62-0811, 15 décembre 2009, J.-F. Clément.
[4] Précitée, note 2.
[5] CSST c. CLP et Fernand Breton 1995 inc., 200-17-010640-084, 14 avril 2009.
[6] 2009, QCCLP 567.
[7] C.L.P. 358568-63-0809, 14 octobre 2009, L. Morissette.
[8] C.L.P. 360519-62A-0810-R, 6 octobre 2009, D. Rivard.
[9] C.L.P. 302888-04-0611, 2 septembre 2009, D. Lajoie.
[10] C.L.P. 392245-04-0910, 27 septembre 2010, R. Napert.
[11] C.L.P. 415865-04-1007, 27 septembre 2010, R. Napert.
[12] C.L.P. 383174-31-0907, 9 février 2010, J.-F. Clément.
[13] C.L.P. 324770-64-0708, 18 janvier 2010, R. Daniel.
[14] C.L.P. 305060-31-0612, 23 juillet 2008, D. Lajoie.
[15] C.L.P. 148795-72-0010, 27 avril 2001, M. Denis.
[16] C.L.P. 410633-31-1005, 2 février 2011, M.-A. Jobidon.
AVIS :
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