[1] Les appelants se pourvoient contre un jugement rendu le 21 septembre 2016 par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable André Prévost), qui rejette leur demande en jugement déclaratoire visant à les exempter, pour des motifs religieux, du port du casque protecteur lorsqu’ils sont sur le site des terminaux du Port de Montréal [Terminaux][1].
[2] Ils soulèvent deux moyens d’appel : (1) le juge a erré en refusant d’appliquer la Charte canadienne des droits et libertés[2] [Charte canadienne] aux faits en litige; et (2) il a commis une erreur manifeste et déterminante en concluant que la politique du port obligatoire du casque protecteur [Politique], instaurée par les intimées, respecte l’article 20 de la Charte des droits et libertés de la personne[3] [Charte québécoise] et qu’elle est justifiée en vertu de l’article 9.1 de celle-ci.
[3] Il convient de faire un bref retour sur les faits.
[4] Les appelants sont des camionneurs de confession sikhe qui portent le turban. Ils contestent la Politique les obligeant à porter un casque protecteur lors de leurs déplacements à l’extérieur de leurs camions sur le site des Terminaux utilisés par les intimées. Ils s’y rendent dans le cadre de leur travail, afin de livrer ou récupérer des conteneurs.
[5] En juillet 2005, les intimées Montreal Gateway Terminals Partnership (MGT), Empire Stevedoring Co. Ltd. (Empire) et Termont Terminals inc., qui sont des entreprises privées, adoptent la Politique requérant que toute personne appelée à circuler à pied à l’intérieur des Terminaux porte un casque protecteur conforme. La Politique requiert des camionneurs le port du casque de sécurité sur le site des Terminaux lors des déplacements à l’extérieur de leur camion. Elle a comme objectif de protéger la santé et la sécurité des travailleurs circulant sur les Terminaux.
[6] La mise en œuvre de cette Politique fait suite à l’adoption par le gouvernement du Canada en 2004 de la Loi C-21[4] qui modifie le Code criminel en introduisant une disposition obligeant les organisations et ses dirigeants de prendre les mesures voulues pour éviter qu’il ne résulte de blessure corporelle à autrui dans l’accomplissement d’un travail ou l’exécution d’une tâche. Cette disposition prévoit qu’il « incombe à quiconque dirige l'accomplissement d'un travail ou l'exécution d'une tâche ou est habilité à le faire de prendre les mesures voulues pour éviter qu'il n'en résulte de blessure corporelle pour autrui »[5]. Elle met l’accent sur l’importance de la prévention en cette matière et, à défaut, expose les corporations et leurs dirigeants à des accusations criminelles.
[7] Après une brève période transitoire de sensibilisation aux exigences de la nouvelle Politique, les intimées l’appliquent et interdisent l’accès des Terminaux aux personnes ne la respectant pas. C’est le cas des appelants et d’autres camionneurs de confession sikhe arborant le turban qui refusent de s’y conformer pour des motifs liés à leurs croyances religieuses.
[8] Après discussions entre les parties, une mesure d’accommodement est mise en place en août 2005 chez MGT. Elle prévoit que le camionneur demeure en tout temps à l’intérieur de son véhicule depuis l’entrée jusqu’à la sortie des Terminaux. Pendant ce temps, d’autres employés, qui portent un casque protecteur, effectuent à leur place les tâches requises à l’extérieur du camion.
[9] En raison de cette mesure d’accommodement, un chargement qui prend habituellement entre 10 et 20 minutes peut se prolonger sur une période de 30 minutes à deux heures puisque le personnel doit se rendre disponible pour assister les camionneurs.
[10] Cette mesure d’accommodement, uniquement appliquée chez MGT, ne convient pas aux parties. Des camionneurs se plaignent des délais d’attente et jugent que la situation n’est pas économiquement viable. Plusieurs cessent donc d’effectuer du transport aux Terminaux après sa mise en place. De leur côté, après l’avoir appliquée pendant trois années, les intimées l’abandonnent en raison de sa non-viabilité sur les plans économique et organisationnel.
[11] Le 3 juillet 2006, les appelants déposent une requête introductive d’instance en jugement déclaratoire afin d’être exemptés du port du casque protecteur et d’avoir le droit de porter leur turban lorsqu’ils circulent sur le site des Terminaux.
[12] Dans un jugement soigné, qui examine en détail l’environnement de travail des appelants, les risques auxquels ils sont exposés et les mesures de sécurité mises en place par les intimées, le juge de première instance rejette la demande en jugement déclaratoire.
[13] Après avoir conclu que les appelants sont assujettis à la réglementation fédérale en matière de travail, le juge écarte l’application de la Charte canadienne puisque le litige vise à contester une politique adoptée par des entreprises privées et non à remettre en cause un acte gouvernemental[6].
[14] Le juge retient également qu’en vertu des articles 124 et 125 du Code canadien du travail[7] (C.c.t.), les intimées ont non seulement l’obligation d’assurer la protection de la santé et de la sécurité de leurs employés, mais également celle des tiers qui se trouvent sur les lieux du travail[8]. Les Règlements adoptés en vertu du C.c.t. exigent également le port du casque protecteur lorsqu’il y a un risque de blessure à la tête sur les lieux du travail[9]. Les conséquences potentielles découlant de l’adoption de l’article 217.1 du Code criminel incitent par ailleurs les intimées à adopter la Politique.
[15] Il conclut également, en appliquant les principes établis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Québec (P.G.) c. COPA[10], que les articles 3,10 et 16 de la Charte québécoise s’appliquent à la relation entre les parties. Ces conclusions du juge ne sont pas remises en cause en appel.
[16] Le juge s’interroge ensuite sur le caractère discriminatoire de la Politique. Il suit l’analyse en deux volets proposée dans Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier inc. (Bombardier aéronautique Centre de formation)[11] qui exige : (1) que le demandeur prouve une discrimination prima facie; et (2) que le défendeur justifie sa décision en invoquant l’une des exemptions prévues à la Charte québécoise ou développées par la jurisprudence[12].
[17] Il détermine que le premier volet du test est rempli puisque la Politique affecte l’exercice, en pleine égalité, des droits des appelants à leur liberté de religion[13]. En ce qui a trait au deuxième volet du test, il estime que la Politique constitue une exigence professionnelle justifiée suivant l’application du test à trois critères élaboré dans les arrêts Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. B.C.G.S.E.U., et Colombie-Britannique (Superintendant of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights)[14]. Elle est rationnellement rattachée à la fonction exécutée par les camionneurs et à leur sécurité lorsqu’ils se trouvent à l’extérieur de leur camion[15]. La Politique est adoptée de bonne foi dans le contexte des modifications au Code criminel[16]. Il conclut enfin que le port obligatoire du casque protecteur est une exigence professionnelle justifiée et que toute dérogation à cette Politique constitue une contrainte excessive pour les intimées. Il trouve frappant l’absence d’initiative ou de collaboration des appelants visant à améliorer la mesure d’accommodement mise en œuvre en 2005 par MGT[17].
[18] Le juge retient également, en appliquant le test en deux étapes proposé par la Cour suprême dans Northcrest c. Amselem[18], que la Politique porte atteinte à la liberté de religion des appelants consacrée à l’article 3 de la Charte québécoise en les obligeant à porter un casque protecteur. Cette atteinte est cependant justifiée sous l’article 9.1 de la Charte québécoise en raison des risques d’accident aux Terminaux. Selon lui, il existe un lien rationnel entre la Politique et l’objectif de santé et de sécurité poursuivi. L’atteinte est par ailleurs minimale puisque : (1) la Politique s’applique uniquement lorsque les appelants se trouvent à l’extérieur de leur camion; (2) elle est nécessaire afin d’assurer le respect par les intimées de leurs obligations légales; et (3) les effets bénéfiques l’emportent sur le caractère préjudiciable.
[19] Pour l’ensemble de ces motifs, le juge rejette la demande en jugement déclaratoire.
[20] Les appelants ne soulèvent que deux moyens :
1. Did the Canadian Charter of Rights and Freedoms and the Quebec Charter of Rights and Freedoms apply as welI because of Appellants’ challenge to the validity and/or operability of the regulations and laws? (Because there is no difference in the application of the two Charters, and therefore as the result of this case, Appellants will plead this issue summarily);
2. Was the violation of Appellants’ religious beliefs justifiable as proportional to the objective of the rule and as a minimum infringement?
[21] La Cour est d’avis que les deux moyens d’appel proposés doivent échouer.
A- Le juge a-t-il erré en refusant d’appliquer la Charte canadienne?
[22] L’argument avancé, selon l’opinion même des appelants, ne change rien au résultat. Néanmoins, le juge de première instance ne commet aucune erreur lorsqu’il conclut que le litige concerne strictement une Politique adoptée par des entreprises privées dans le contexte des opérations aux Terminaux.
[23] Contrairement à ce qu’avancent les appelants, la Politique n’est pas du ressort gouvernemental, n’est pas appliquée par des organismes gouvernementaux et ne peut donc pas être assimilée aux directives contestées dans d’autres affaires, notamment les arrêts Martineau et al. C. Le Comité de discipline des détenus de l’Institution de Matsqui[19] et Dlugosz c. Québec (Procureur général)[20] plaidés par les appelants.
[24] Aucun acte gouvernemental n’est invoqué par l’une ou l’autre partie[21]. La Charte canadienne ne s’applique pas dans ces circonstances.
B- La violation est-elle proportionnelle à l’objectif de la Politique et constitue-t-elle une atteinte minimale?
[25] Personne ne conteste les conclusions du juge de première instance voulant que la Politique porte atteinte aux droits des appelants garantis par les articles 10 (discrimination) et 3 (liberté de religion) de la Charte québécoise.
[26] Les appelants ne remettent pas en cause les conclusions du juge en ce qui a trait à l’atteinte discriminatoire. Ils considèrent cependant que le juge aurait dû conclure que la Politique ne remplissait pas le critère de l’atteinte minimale à la liberté de religion et que son effet sur cette liberté n’était pas proportionnel à l’objectif poursuivi par les intimées en matière de santé et sécurité au travail.
[27] Ce faisant, ils remettent en cause l’appréciation faite de la preuve par le juge de première instance lorsqu’il conclut que la Politique est justifiée. Les appelants doivent dès lors démontrer que le juge de première instance a commis une erreur manifeste et déterminante justifiant l’intervention de la Cour[22].
[28] Depuis l’arrêt Ford c. Québec (Procureur général)[23], il est acquis que l’article 9.1 de la Charte québécoise doit être analysé à travers le même prisme que celui utilisé aux fins de l’article 1 de la Charte canadienne. Dans l’arrêt Section locale 143 du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier c. Goodyear Canada inc., la Cour rappelle que :
[18] Une politique qui [porte atteinte aux droits fondamentaux des salariés] doit franchir le test de l'article 9.1 de la Charte, une disposition justificative dont l'application est soumise aux critères de l'objectif poursuivi et du moyen adopté (lien rationnel, atteinte minimale et effet de la mesure) établis à l'article premier de la Charte canadienne, comme l’énonçait la Cour suprême dans l’arrêt Godbout :
Ainsi que la Cour l'a expliqué dans l'arrêt Ford, la partie qui invoque l'art. 9.1 pour tenter de justifier la limitation d'un droit garanti par la Charte québécoise a donc la charge de prouver que cette limite est imposée dans la poursuite d'un objectif légitime et important et qu'elle est proportionnelle à cet objectif, c'est-à-dire qu'elle est rationnellement liée à l'objectif et que l'atteinte au droit est minimale; voir l’arrêt Oakes, précité, et l’arrêt R. c. Edwards Books and Art Ltd. (…).[24]
[29] Les appelants ne contestent pas que la Politique vise un objectif urgent et réel. L’erreur du juge se situe selon eux dans son examen du critère de la proportionnalité.
Existence d’un lien rationnel
[30] Le juge de première instance ne commet pas d’erreur lorsqu’il conclut à l’existence d’un lien rationnel entre la Politique et l’objectif poursuivi par les intimées d’assurer la sécurité des personnes circulant sur le site des Terminaux.
[31] Le raisonnement des appelants prend appui sur l’arrêt Multani[25]. Dans cette affaire, la Cour suprême rejette l’argument de la Commission scolaire qui tente de justifier sa politique d’interdiction du port du kirpan par le risque d’incidents violents en lien avec cette pratique religieuse. Or, la preuve révélait qu’aucun incident impliquant l’utilisation d’un kirpan n’était survenu dans une école au cours des 100 dernières années. Selon les appelants, la situation est ici similaire puisque les intimées ont seulement fait la preuve d’un risque théorique de blessures à la tête sans fournir de statistiques précises sur des accidents impliquant des chauffeurs de camion.
[32] Or, le juge de première instance retient que la preuve d’expert présentée permet de conclure que les camionneurs présents sur le site des Terminaux sont susceptibles : (1) de recevoir un objet sur la tête; (2) de se faire frapper sur la tête par des objets en mouvements; ou (3) de se heurter la tête contre un objet dur ou immobile. Les statistiques démontrent que ce risque n’est pas purement théorique. La preuve confirme la survenance de blessures bien réelles, notamment à la tête et au front, régions que protège le casque[26].
[33] De plus, la Politique est adoptée dans un contexte de santé et sécurité au travail qui vise justement à éviter des accidents et donc à se prémunir contre un danger potentiel. Il est toujours risqué de prétendre que l’absence de blessures réelles démontre l’inutilité de la mesure préventive alors que cette dernière peut bien être l’explication de l’absence de blessures réelles.
[34] Le juge de première instance conclut à bon droit à l’existence d’un lien rationnel entre la Politique et l’objectif d’assurer la sécurité de toute personne présente sur le site des Terminaux.
Atteinte minimale à la liberté de religion des appelants
[35] La preuve permet de conclure que la Politique se veut la moins attentatoire possible aux droits des appelants.
[36] En effet, le port du casque protecteur est exigé uniquement lorsque les camionneurs sortent de leur camion et il est établi que la durée de ces déplacements est brève, savoir de cinq à dix minutes. La Politique ne les contraint pas à retirer leur turban, mais seulement à porter le casque protecteur. À ce sujet, le juge retient de la preuve que les camionneurs de confession sikhe œuvrant sur le site des Terminaux Termont et Empire ont accepté de porter le turban sous le casque protecteur[27]. Il souligne également, à partir du témoignage de l’expert en sikhisme, le professeur Manjit Singh : « que généralement, […], un Kahlsa ou un sikh pratiquant ne porte rien sur son turban. Il précise qu’il s’agit néanmoins d’un choix personnel et que personne ne sera exclu de la religion sikhe pour avoir porté un casque protecteur sur son turban »[28].
[37] L’arrêt Multani enseigne qu’il faut tenir compte du contexte particulier pour évaluer l’importance de l’atteinte[29]. C’est ce que fait le juge de première instance qui, avec l’examen de la preuve, étudie les risques propres à l’environnement industriel dans lequel se déroulent les opérations des intimées : (1) présence de conteneurs (parfois en hauteur); (2) présence d’équipements lourds; (3) conditions climatiques (neige, glace); et (4) circulation du personnel[30] qui favorisent des blessures potentielles à la tête. Les Terminaux sont un milieu « industriel variable qui présente de multiples dangers »[31] et une « fourmilière dans un monde de titans »[32].
[38] L’environnement légal dans lequel gravite la relation entre les parties doit également être pris en compte pour évaluer l’impact de l’atteinte. En effet, les parties sont soumises aux exigences du C.c.t. qui leur impose certaines obligations en matière de prévention des dangers liés au travail[33]. Ainsi, l’employeur doit fournir un milieu de travail sécuritaire et s’assurer que toute personne admise dans le lieu de travail utilise le matériel et les vêtements de sécurité réglementaires[34]. La personne à qui est permis l’accès au lieu de travail doit utiliser l’équipement de protection réglementaire lorsqu’il est en pratique impossible d’éliminer ou de maintenir à un niveau sécuritaire le risque que le lieu de travail présente pour la santé ou la sécurité ou lorsque l’utilisation de l’équipement de protection peut empêcher une blessure ou en diminuer la gravité. Cette même personne doit porter un casque de sécurité conforme dans le lieu de travail lorsqu’il y a risque de blessures à la tête[35]. Le régime de santé et sécurité du travail n’autorise pas une personne à s’exposer volontairement à des risques de blessures à la tête en décidant de ne pas revêtir un casque protecteur. Le permettre serait incompatible avec la volonté du législateur de créer un environnement de travail sécuritaire afin de protéger toute personne des risques et dangers inhérents à cet environnement.
[39] Les appelants tentent de démontrer qu’il est possible pour les intimées d’atteindre leur objectif sans obliger le port du casque protecteur. Ils plaident qu’en Angleterre la loi autorise le port du turban au travail, incluant les chantiers de construction. Rien ne permet de retenir cette preuve provenant d’un extrait d’un document qui semble émaner d’une source gouvernementale sans que le contexte en soit précisé. Ils avancent également que le port du turban est permis en toutes circonstances dans d’autres ports canadiens, dans les Forces armées canadiennes et dans la GRC. La possibilité de passer outre au port du casque dans un contexte de travail dangereux demande une analyse détaillée du contexte puisqu’elle peut dépendre d’autres mesures préventives. Les affirmations générales des appelants n’ont pas sérieusement affaibli la preuve présentée devant le juge d’instance qui, selon lui, justifiait la mesure adoptée par les intimées. Vu la généralité de leurs affirmations, les appelants ne démontrent pas d’erreur manifeste et déterminante dans cette conclusion du juge.
[40] Enfin, ils ajoutent que les intimées n’ont pas tenté d’accommoder les camionneurs de confession sikhe. Or, la preuve démontre au contraire qu’une mesure d’accommodement a été tentée entre 2005 et 2008, mais qu’elle n’était pas satisfaisante pour les deux parties. Les appelants ne proposent par ailleurs aucune alternative, exigeant plutôt d’être exemptés de l’obligation de porter le casque protecteur. Or, l’obligation d’accommodement n’est pas à sens unique et exige une collaboration entre les deux parties[36].
Pondération des effets préjudiciables et bénéfiques
[41] Les parties ne s’attardent pas dans leur mémoire sur la question de la pondération des effets préjudiciables et des effets bénéfiques. La restriction liée au port obligatoire du casque protecteur comporte certes des inconvénients reliés aux croyances religieuses des appelants. Ils ne peuvent être niés cependant que leur durée, au regard de la preuve administrée, est temporaire (de cinq à dix minutes par intervention comme le précise le juge). On ne peut en outre faire abstraction de la détermination du juge, tirée du témoignage de l’expert en sikhisme, selon laquelle le choix de ne rien porter sur son turban est un choix personnel et personne ne sera exclue de la religion sikhe pour avoir porté un casque protecteur sur son turban.
[42] En contrepartie, la Politique vise des objectifs essentiels pour la société en assurant la sécurité des personnes qui circulent sur le site des Terminaux, en garantissant l’exécution sécuritaire de la prestation de travail de ces mêmes personnes, en respectant les obligations légales imparties aux employeurs, employés et tiers en matière de santé et sécurité du travail et en prévenant les situations pouvant entraîner la responsabilité criminelle de ces mêmes personnes.
[43] Dans la mise en balance des effets préjudiciables et bénéfiques, le juge a décidé, avec la preuve dont il disposait, que l’objectif de sécurité des milieux de travail prévalait sur les effets préjudiciables temporaires à la liberté de religion des appelants. En concluant que l’effet global de la Politique est proportionnel et que l’atteinte à la liberté de religion se justifie au regard de l’article 9.1 de la Charte québécoise, le juge ne commet aucune erreur révisable.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[44] REJETTE l’appel avec les frais de justice tant en première instance qu’en appel.
[1] Singh c. Montreal Gateway Terminals Partnership (CP Ships Ltd. / Navigation CP ltée), 2016 QCCS 4521 [Jugement entrepris].
[2] Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11.
[3] RLRQ, c. C-12.
[4] Loi modifiant le Code criminel (responsabilité pénale des organisations), L.C. 2003, ch. 21.
[5] Article 217.1 du Code criminel.
[6] Jugement entrepris, paragr. 129-132.
[7] L.R.C. 1985, ch. L-2.
[8] Jugement entrepris, paragr. 139-141.
[9] Règlement sur la santé et la sécurité au travail en milieu maritime, DORS/2010-120, art. 138-139 et Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, DORS/86-304, art. 12.1 et 12.4.
[10] Québec (Procureur général) c. Canadian Owners and Pilots Association, 2010 CSC 39, paragr. 26-27.
[11] Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39, paragr. 42-43 et 52-53.
[12] Jugement entrepris, paragr. 162, 168-170 et 178.
[13] Id., paragr. 206-209.
[14] Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 [Colombie-Britannique (Superintendant of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S.868.
[15] Jugement entrepris, paragr. 221-223.
[16] Id., paragr. 225-228.
[17] Id., paragr. 233-235, 237, 239-240 et 242-243.
[18] Syndicat Northcrest c. Amselem, [2004] 2 R.C.S. 551, paragr. 56-57.
[19] [1978] 1 R.C.S. 118.
[20] [1987] R.J.Q. 2312 (C.A.).
[21] S.D.G.M.R. c. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 R.C.S. 573, p. 603.
[22] Gaz métropolitain inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2011 QCCA 1201, paragr. 49-55.
[23] [1988] 2 R.C.S. 712.
[24] 2007 QCCA 1686. L’arrêt cite les arrêts Godbout c. Longueuil (Ville), [1997] 3 R.C.S. 844, p. 916; Ford c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 712; R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103 et R. c. Edwards Books and Art Ltd., [1986] 2 R.C.S. 713.
[25] Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, 2006 CSC 6.
[26] Jugement entrepris, paragr. 79-97.
[27] Jugement entrepris, paragr. 76.
[28] Jugement entrepris, paragr. 289.
[29] Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, 2006 CSC 6, paragr. 63.
[30] Jugement entrepris, paragr. 95.
[31] Témoignage de l’expert M. Yves Montpetit, 20 novembre 2015, p. 59.
[32] Jugement entrepris, paragr. 53 et 321.
[33] Art. 122-125 C.c.t.
[34] Art. 125 (1) w) C.c.t.
[35] Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, DORS/86-304, art. 12.1-12.4. Au même effet, voir également le Règlement sur la santé et la sécurité au travail en milieu maritime, DORS/2010-120, art. 138-139.
[36] Hydro Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section local 2000 (SCFP-FTQ), 2008 CSC 43; Central Okanagan School District No 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970; Central Alberta Dairy Pool c. Alberta (Commission des droit de la personne), [1990] 2 R.C.S. 489, p. 521; British Columbia Maritime Employer Assn. v. I.L.W.U., Local 500, 2006 CarswellNat 4279.
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