Portal Moncada et Fermes Sunchef inc. |
2012 QCCLP 4394 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Montréal |
14 août 2012 |
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Région : |
Montréal |
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Dossier : |
465201-71-1203-C |
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Dossier CSST : |
136596699 |
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Commissaire : |
Catherine A. Bergeron, juge administratif |
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Alejandro Teodoro Portal Moncada |
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Partie requérante |
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Fermes Sunchef inc. (Les) |
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Partie intéressée |
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RECTIFICATION D’UNE DÉCISION
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[1] La Commission des lésions professionnelles a rendu le 12 juillet 2012, une décision dans le présent dossier;
[2] Cette décision contient des erreurs d’écriture qu’il y a lieu de rectifier ;
[3] Au paragraphe 39, nous lisons :
Le tribunal doit déterminer si la CSST était justifiée de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur entre le 23 janvier 2011 et le 29 février 2012;
[4] Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :
Le tribunal doit déterminer si la CSST était justifiée de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur entre le 23 janvier 2012 et le 29 février 2012;
[5] À la page 15, nous lisons :
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail n’était pas justifiée de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu en application des dispositions prises à l’article 142 de Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles entre le 23 janvier 2012 et le 29 janvier 2012.
[6] Alors que nous aurions dû lire :
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail n’était pas justifiée de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu en application des dispositions prises à l’article 142 de Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles entre le 23 janvier 2012 et le 29 février 2012.
[7] La décision rendue le 12 juillet 2012 est donc corrigée en conséquence.
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Catherine A. Bergeron |
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Me Renaud Gauthier |
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Desroches, Mongeon |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Michel Duranleau |
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Duranleau Consultants inc. |
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Représentant de la partie intéressée |
Portal Moncada et Fermes Sunchef inc. |
2012 QCCLP 4394 |
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[1] Le 7 mars 2012, monsieur Alejandro Teodoro Portal Moncada (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 23 février 2012, à la suite d’une révision administrative.
[2] Cette décision modifie celle rendue le 23 janvier 2012 et déclare que la CSST est justifiée de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur à partir du 23 janvier 2012, au motif qu’il a fourni des renseignements inexacts.
[3] Une audience est tenue à Montréal le 8 mai 2012. Le travailleur est présent et représenté. L’employeur est pour sa part représenté. Le dossier est mis en délibéré à la date de l’audience.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) d’annuler la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période se situant entre le 23 janvier 2012 et le 29 février 2012, date à laquelle le versement de l’indemnité de remplacement du revenu a repris.
LA PREUVE
[5] Le travailleur occupe le poste de désosseur chez l’employeur. Le 30 juin 2010, il est victime d’un accident du travail lors de la manipulation d’une machine à couper le poulet. Il s’inflige alors une contusion et une plaie à la main droite. Un syndrome de douleur régionale complexe au membre supérieur droit est reconnu également par la CSST à titre de lésion professionnelle.
[6] À partir du 25 août 2010, le travailleur bénéficie de traitements d’ergothérapie et de physiothérapie. Le 15 septembre 2010, un rapport de physiothérapie précise que le travailleur présente une condition irritable secondaire à la douleur avec une diminution de la mobilité des poignets. Les traitements sont poursuivis afin de diminuer la douleur et augmenter les fonctions de la main.
[7] Le 9 septembre 2010, le travailleur se présente à l’accueil des bureaux de la CSST. Il a besoin d’information. L’agente d’indemnisation à qui il parle indique dans sa note que le « T préfère se présenter à l’accueil car il a plus de facilité à communiquer en personne qu’au téléphone (T parle espagnol) »
[8] Le 28 octobre 2010, une première rencontre est tenue entre le travailleur et des intervenants de la CSST. Le résumé de cette rencontre apparaît aux notes évolutives de l’organisme. À ce moment, le travailleur est présent en compagnie de sa femme et d’un interprète en langue espagnole, lequel est conseiller en réadaptation pour la CSST. Le travailleur rapporte ressentir beaucoup de douleur.
[9] Également, le 28 octobre 2010, un examen par résonance magnétique de la main droite démontre que le travailleur présente une ténosynovite importante au tendon extenseur affectant davantage le majeur et l’annulaire de la main droite avec une ténosynovite de type complexe de même qu’une capsulite modérée aux articulations métacarpo-phalangiennes de l’index, du majeur et de l’annulaire.
[10] Le 17 janvier 2011, le travailleur est examiné par la docteure Brigitte Migneault, anesthésiologiste, de la clinique antidouleur du Centre hospitalier de l’Université de Montréal. La docteure Migneault note que depuis l’accident, le travailleur présente une douleur fluctuante au niveau de la main droite sous forme de courant électrique au niveau des doigts avec irradiations jusqu’à l’épaule. Elle note une douleur importante à l’intérieur de la main. Elle mentionne que le travailleur dort de quatre à cinq heures par nuit, puis est réveillé par la douleur sans être capable de se rendormir. La docteure Migneault mentionne que le travailleur, qui est droitier, n’utilise plus sa main droite. À l’examen physique, elle note un œdème marqué à la main et au poignet droit avec une chaleur et un changement de couleur de même qu’une hypoesthésie au touché léger et à la piqûre des doigts jusqu’à l’épaule avec une allodynie surtout au niveau de l’intérieur de la main. Les amplitudes de mouvements sont diminuées de façon importante. La docteure Migneault conclut donc que le travailleur présente un syndrome douloureux régional complexe avec syndrome myofacial ipsilatéral. Elle prescrit au travailleur une augmentation du Lyrica et introduit un antidouleur sous forme de Dilaudid.
[11] Le 21 janvier 2011, une scintigraphie osseuse triple phase est interprétée comme étant compatible avec une algodystrophie réflexe du membre supérieur droit.
[12] Le 25 juillet 2011, une note d’intervention rédigée par la conseillère en réadaptation responsable du dossier à la CSST démontre que le travailleur est convoqué à une rencontre le 28 juillet 2011, afin de faire le bilan médical de son dossier et de ses besoins. La CSST indique au travailleur ce qui suit :
[…]
Convoquerons aussi un interprète afin de faciliter la compréhension des subtilités de part et d’autre, le travailleur s’exprime quand même en français lors de notre appel.
[…]
[13] Le 28 juillet 2011, la rencontre en question est tenue. Le travailleur est présent avec sa conjointe de même que l’agente d’indemnisation responsable du dossier et une autre agente qui les accompagnent. À l’audience, le travailleur a confirmé qu’il y avait un interprète à cette rencontre. À ce moment, le travailleur affirme que sa condition est pire qu’elle était il y a une année. Il affirme que son bras commence à présenter des engourdissements et qu’il a tendance à beaucoup protéger son bras droit. Il précise qu’il a de la difficulté à s’habiller et à prendre soin de lui-même. Il ne bouge pas ses doigts, sa main tremble parfois après les traitements et elle est déformée. Il précise qu’il a également de la difficulté à dormir.
[14] Le 4 août 2011, le travailleur est évalué à la demande de la CSST par monsieur Pascal Boudrias, physiothérapeute de la Clinique d’Évaluation et de Réadaptation de l’Est (le CERE). Le mandat de monsieur Boudrias est d’évaluer les capacités physiques du travailleur afin de déterminer les orientations thérapeutiques à entreprendre. À ce moment, le travailleur est accompagné de sa conjointe et d’une traductrice. L’évaluation a duré deux heures. L’évaluateur constate que le travailleur présente des douleurs extrêmement fortes à la mobilisation active de la région cervicale et du membre supérieur droit. Il estime que le port d’une orthèse de repos adaptée à sa condition pourrait être bénéfique. Il suggère un programme de réadaptation multidisciplinaire. Il note que le travailleur présente des signes de détresse psychologique. Il recommande ainsi qu’une évaluation en psychologie soit effectuée et que des traitements en ce sens soient débutés afin de diminuer les craintes du travailleur face à sa blessure et de mieux accepter sa condition.
[15] Un programme est donc entrepris au CERE à la suite de ce rapport.
[16] Le 24 octobre 2011, une rencontre à la CERE a lieu entre la conseillère en réadaptation de la CSST responsable du dossier, des intervenants du CERE de même que le travailleur et son épouse. Il s’agit d’évaluer la nécessité de la poursuite du programme de même que du suivi psychologique. La conseillère en réadaptation résume cette rencontre dans une note qu’elle consigne au dossier. D’emblée, elle se demande comment les intervenants du CERE ont pu faire l’évaluation de la condition du travailleur sans interprète. De plus, elle dit apprendre à ce moment que le travailleur parle le français de façon très compréhensible et qu’il est fonctionnel. Par ailleurs, la conseillère en réadaptation note que le travailleur semble inquiet de se réactiver. Elle résume cette rencontre ainsi :
2011-10-24 08:32:00, Lucie Daoust, INTERVENTION, ENTREVUE (2011-10-25)
Titre: Rencontre au CERE pour évaluation sur la poursuite du programme et du suivi psychologique.
Étaient présents: voir préambule
- ASPECT MÉDICAL:
Préambule:
Présences: Le travailleur et sa conjointe (que j’avais vu lors de la rencontre du 28 juillet 2011)
Mme Véronique Viel (ergothérapeute), M. Pascal Boudrias, (physiothérapeute spécialisé en CPRS) Mme Milioto (coordonnatrice) M. Portal et sa conjointe que j’avais rencontré en juillet 2011)et moi-même.
Dans un premier temps je rencontre l’équipe sans le travailleur.
Je me demande comment ils ont pu faire une évaluation du travailleur sans interprète. J’appends que le travailleur parle français de façon très compréhensible et qu’il est fonctionnel. De plus M.Boudrais me dit que le jour de l’évaluation initiale le 4 août 2011 il était accompagné de sa conjointe. Il me dit qu’il vient d’apprendre qu’elle serait en arrêt de travail suite à un accident de travail à l’épaule , elle travaillait pour le même employeur que M.Portal. Lors de l’entrevue elle ne paraissait pas blessée.
Selon le physiothérapeute le gonflement de la main est toujours présent et il est situé près de la plaie (niveau cicatrice).
Le travailleur aurait mentionné faire des cauchemars, actuellement on travaille surtout l’imagerie mentale avec la boite miroir et les exercices avec ordinateur.
Lors de l’évaluation en août 2011 le travailleur bougeait bien son épaule gauche qui est son bras fonctionnel maintenant le travailleur parle de douleur qui se répend partout, même dans son épaule gauche. Le physiothérapeute ne pense pas que ce soit un phénomème de compensation., il aurait semble-t-il des symptômes au visage, des douleurs aux genoux, au dos etc.
Ce travailleur cote sa douleur à 9/10, il a beaucoup de colère et de tristesse à cause de la perte de ses rôles et perte d’autonomie.
Son discours est centré à 90% sur la douleur. Il dit qu’il a mal partout tout le temps. Il a raté cependant son RDV à la clinique de la douleur.
Selon le physiothérapeute le travailleur a des signes de dépression et d’état de stress post trauma, on s’interroge sur l’efficacité de la médication actuelle.
Le physiothérapeute suggère de le faire évaluer en psychiatrie ne serait-ce que pour ajuster la médication de façon adéquate.
En conclusion selon le physio ce cas n’évolue pas si on continue de cette façon on plafonne. Par contre en état de distraction le travailleur est capable d’être plus fonctionnel.
Par la suite on fait entrer le travailleur et sa conjointe et on parle avec le psychologue M. Ruiz en appel conférence.
M. Ruiz nous dit que le travailleur a une aggravation de sa douleur , elle se propagerait dans les autres parties du corps. Il dit qu’il a une douleur chronique et que le travailleur a de la difficulté à verbaliser ses émotions. Le psychologue nous dit que le travailleur a de la difficulté à se représenter la fin des indemnités avec la CSST.II aurait eu une discussion avec le travailleur afin de se représenter la fin des services. Il nous indique qu’il affronte les difficultés avec des blocages.
Pour le psychologue c’est plus facile pour le travailleur de laisser la douleur prendre toute la place plutôt que de s’attaquer à ses problèmes personnels et relationnel.
Il vit une diminution de ses relations intimes avec sa conjointe et sa conjointe voudrait qu’il augmente ses responsabilités à la maison. La relation conjugale est très fragile.
Selon le psychologue, le travailleur vit mal le fait que l’employeur aie contesté la réclamation et le diagnostic. Si les services sont coupés il va vivre un vide nous dit-il.
Il ne faut pas prendre cela personnel, nous sommes un organisme paritaire et l’employeur aussi a des droits tout comme le travailleur.
Dans un premier temps je rectifie l’impression que les services seront coupés. Nous payons le travailleur en fonction de son suivi médical, je peux comprendre que le travailleur a vécu avant des événements dans son pays d’origine qui peuvent être traumatisant mais nous devons nous concentrer sur la réactivation pour un éventuel retour en emploi. II faut comprendre que la difficulté de prendre quelqu’un dans son ensemble nous pouvons convenir des impacts du passé ou des relations de couple mais j’aimerais qu’on pense retour en emploi éventuel.
Donc pour le psychologue le diagnostic de dépression est présent et il y a des éléments de stress post traumatique. Il est d’accord de le faire voir en psychiatrie pour ajuster la médication
Finalement nous concluons de travailler l’estime et la motivation et de concentrer le tout dans un retour en emploi futur en travaillant les perceptions du travailleur.
Je ferai un nouveau contrat de service pour 10-12 rencontres afin de mettre le travailleur en action , avec le psychologue et dans le programme.
Le psychologue est d’accord.
Mme Milioto suggère de faire une réactivation du travailleur dans 2 séances, ce qui voudra dire que nous ne ferons plus que de l’imagerie mentale: Nous devrons aussi faire en sorte que le travailleur augmente sa fonctionnabilité.
Le travailleur craint de se remettre en action (kinésophobie) il nous en fait part. Mme Milioto lui explique que c’est plutôt de faire travailler le reste de son corps car nous savons bien que le membre supérieur droit est atteint de CPRS et que son membre n’est pas fonctionnel.
Cela rassure le travailleur, Mme Milioto en a aussi profité pour aviser le travailleur que le port de l’écharpe nuit à sa réactivation. Elle a demandé au psychologue de fournir un coussin ou une oreiller afin que le travailleur puisse déposer son bras dessus pendant la séance de psychothérapie du lundi . Le travailleur nous a appris qu’il portait son écharpe pour se rendre chez le psychologue.
Le physiothérapeute pense que ce ne sera pas évident de réactiver le travailleur mais nous convenons de le faire graduellement afin que le travailleur intègre les exercices et observe une stratégie de gestion de la douleur. Actuellement il ne fait pas plus de 3 minutes sur le tapis roulant.
Le travailleur nous parle de ses difficultés:
Il dit ne pas mieux dormir, il dit avoir mal au cou et avoir des étourdissements, douleur à l’épaule gauche, des douleurs aux genoux, au dos, mais le pire est la douleur à la main droite.
Il dit que lorsqu’il travaille l’imagerie motrice l’intensité de la douleur est très grande.
Il éprouve des difficultés avec la douche pour se laver le dos, il a une brosse à long manche, mais il dit que cela lui tire de partout car la douleur augmente.
Une journée type: le matin il lit. Il va marcher au parc 15-20 minutes, regarde la télé mais pas plus de 5 minutes car difficile pour lui de se concentrer. Il met la table. Il ne cuisine pas et sa conjointe non plus car elle est en arrêt de travail . C’est la mère de madame qui fait les repas et vient leur porter.
Elle cuisine donc pour la jeune fille de 9 ans , le garçon de 21 ans et pour les deux parents qui en sont incapables selon ce que je comprends. Elle me précise qu’elle a de la douleur au poignet gauche et qu’elle a vu un rhumatologue.
Elle me précise que sa mère fait aussi le ménage car eux en sont incapable, le T précise que c’est son fils de 21 ans qui lave les planchers.
Il a été capable de marcher de sa résidence jusqu’à la clinique nous dit l’avoir fait une fois.
Pvm Dr. Hyacinthe 8 novembre 2011
Pvm Dr. Benhamron 25 novembre2011
Pvm Clinique de la douleur Hôtel Dieu 6 décembre 2011
Le travailleur semble inquiet de se réactiver, Mme Milioto lui reflète que de toute façon il a de la douleur même au repos et l’accent sera mis sur les jambes et le bras gauche. Le travailleur nous dit que sa main tremble aussi, Mme Milioto lui explique que ses muscles sont tellement faibles que c’est normal.
Je demande au travailleur s’il a d’autre problème de santé.
Il me dit que non sauf son estomac, il attend des résultats de la clinique Cote des Neiges car il aurait eu du sang dans les selles.
Nous parle aussi de son désintérêt dans les relations intimes qui causent problème avec sa conjointe, nous lui soulignons qu’en étant plus actif il pourra reprendre un peu plus d’estime de lui-même et ainsi stimuler son désir mais il faut s’activer.
Il dit que sa fille est fâchée contre lui car il ne fait plus rien avec elle comme avant.
Sa conjointe nous explique que depuis qu’il est malade, leur fille de 9 ans se fâche contre lui, malgré que madame lui explique qu’il est malade, ils ne font plus d’activités ensemble car elle aussi est en arrêt de travail. Nous lui soulignons qu’ils peuvent faire des sorties ou aller ensemble au magasin avec leur fille.
Elle nous dit ne pas faire de sortie car elle a trop mal, elle fait cinq fois de physio et trois fois d’ergo par semaine..
Médication: lyrica 250 mg, hydromorphe contin 2 mg et 6 mg, crème voltaren, venlafaxine, docusale sodium, sennatab.
Travailleur me demande où nous en sommes pour l’orthèse de support et pour Ie TENS. Je vais en parler avec l’agente et voir si nous avons les prescriptions nécessaires.
- ASPECT PSYCHOSOCIAL:
Les conjoints vivent ensembles depuis 7 ans.
Leur fille de 9ans et le fils de 21 ans demeurent avec eux.
Auparavant le travailleur me dit qu’il aimait son travail, qu’il jouait au basketball, qu’il faisait de la natation, du soccer.
Actuellement il conduit son automobile pour les cas d’urgence concernant la nourriture seulement, et pour aller chez le psychologue M. Ruiz. Il dit avoir mal au genoux et le physiothérapeute lui fait du <taping> aux chevilles pour l’aider.
Madame ne conduit pas.
Originaire du Pérou arrivés depuis 16 ans et elle depuis 14 ans. Je suggère au couple de s’encourager à être actif et de sortir.
L’ergo m’a demandé des aides techniques mais comme c’est la belle-mère qui cuisine, je vais repenser à tout cela et j’aviserai de ma décision. [sic]
[Nos soulignements]
[17] À la suite de cette rencontre, il est déterminé que le programme de réadaptation soit maintenu.
[18] Le 7 novembre 2011, monsieur Mariano Ruiz, psychologue, prépare un rapport d’évaluation psychologique à la demande de la CSST. Ce dernier a rencontré à plusieurs reprises le travailleur. Il conclut que ce dernier présente un tableau clinique caractérisé par des perturbations significatives de l’humeur, lesquelles semblent liées à l’expérience quotidienne d’une douleur intense, à des limitations fonctionnelles découlant de cette douleur et à l’insécurité concernant la nature et les répercussions de sa condition médicale dans le futur. Le psychologue estime que le travailleur bénéficierait d’un suivi psychologique pour au moins encore quatorze séances.
[19] Le 25 novembre 2011, le travailleur se présente à l’accueil de la CSST avec son épouse. Il explique à l’agente de la CSST, qu’il ne se sent pas prêt à augmenter le programme d’entraînement au CERE, qui doit passer à trois heures par jour. Il précise qu’après une heure, il est déjà en grande douleur et qu’il ne se sent pas en mesure de faire ces trois heures. L’agente mentionne ce qui suit dans ses notes évolutives rédigées à cette date :
2011-11-25 13:52:00, Constance Lavoie, INTERVENTION
Titre: Travailleur à I’acceuil
-ASPECT MÉDICAL:
Le travailleur se présente à l’accueil ce matin avec son épouse. Il s’exprime en français de façon très compréhensible. Il veut nous faire comprendre qu’à partir de lundi le 28 novembre 2011 le programme au CERE doit passer à 3h par jour, et après une heure il dit être déjà en douleur et il ne peut absolument pas faire 3 heures. J’explique donc qu’il doit se présenter lundi et débuter le programme et de parler avec la thérapeute lorsque son maximum de capacité et d’endurance sera atteint. Les thérapeute du centre ne sont pas des tortionnaires alors si la douleur est trop importante ils cesseront et essaieront le lendemain. S’il y a des problèmes importants la clinique communiquera avec nous. Il semble un peu rassuré. De plus il dit avoir mal au bras gauche et aux genoux depuis quelque temps et il en a parlé aux intervenants, Il prend aussi beaucoup de médicaments.
Dr. Benhamron l’a référé en psychiatrie. [sic]
[Nos soulignements]
[20] Le 29 novembre 2011, la conseillère en réadaptation de la CSST responsable du dossier note qu’elle reçoit un appel d’un intervenant du CERE. Il semble que le CERE n’a pas revu le travailleur depuis le 23 novembre 2011, malgré de nombreux messages téléphoniques laissés à sa résidence.
[21] Le 5 décembre 2011, le travailleur communique avec la CSST. Ce dernier explique qu’il a des problèmes d’estomac important en raison de la médication qu’il doit prendre pour sa lésion professionnelle.
[22] Le 4 janvier 2012, le travailleur communique avec la CSST et demande d’arrêter son programme de réadaptation d’urgence, car il ne se sent pas bien. Il estime que le programme aggrave son état. La CSST fait une vérification auprès du CERE qui explique que le travailleur en était à sa quatrième journée de son programme modifié.
[23] Le 12 janvier 2012, une rencontre a lieu entre madame Lucie Daoust, conseillère en réadaptation responsable du dossier, le travailleur, de même que la chef d’équipe de réadaptation pour la CSST. Cette rencontre a lieu à la suite d’une enquête demandée par la CSST en raison d’incohérences relevées dans le discours du travailleur et de son amplification de ses difficultés à se réactiver. Dans la note qui résume cette rencontre, madame Daoust résume ces incohérences. D’une part, elle est étonnée que l’évaluation faite par le CERE ait pu se faire sans interprète. Elle est en effet surprise de constater que le travailleur parle français de façon très compréhensible. Elle note également à ce moment que le travailleur est capable de gesticuler et ne donne pas l’impression d’être en douleur. Madame Daoust note de plus que le travailleur ne s’est pas présenté au CERE, malgré de nombreux messages laissés, entre le 23 novembre et le 5 décembre 2011. Elle mentionne également que le travailleur a communiqué avec elle le 5 décembre 2011, alléguant une douleur importante et le fait qu’il présente une gastrite chronique en raison de la médication qu’il prend. De même, le travailleur a communiqué avec la CSST le 4 janvier 2012 afin de lui demander de cesser son programme au CERE puisqu’il se sentait très mal. Il alléguait même se sentir comme une personne âgée et fragile.
[24] La CSST confronte donc le travailleur avec ces éléments et des images de la vidéo réalisée par des enquêteurs entre le 21 novembre 2011 et le 25 novembre 2011. À cet égard, madame Daoust mentionne ce qui suit dans les notes évolutives :
[…]
Nous reprenons avec lui les incohérences qui nous indiquent qu’il amplifie le portrait. Il a un SDRC qui est migrant et cela c’est difficile à croire. Il marche très peu sauf les 2 fois 45 minutes et dit devoir retourner à la maison pour dormir. On le voit beaucoup plus actif sur le vidéo. Il se sent handicapé et comme une personne âgée, ce n’est pas ce que l’on peut constater. Il dit ne prendre l’automobile que pour les urgences, et ce n’est pas le cas. Au moment où nous le confrontons il a soudainement pâli, il est clair qu’il amplifie manifestement la situation pour obtenir des bénéfices de la CSST. Son discours est essentiellement axé sur la douleur et selon les intervenants du CERE lorsqu’il est en état de distraction il peut bouger le cou et être plus flexible au niveau du dos. [sic]
[Notre soulignement]
[25] Le 23 janvier 2012, la CSST suspend l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur rétroactivement au 13 janvier 2012 en vertu de l’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles au motif que le travailleur a fourni des renseignements inexacts.
[26] Le 2 février suivant, cette décision est contestée par le travailleur. Le 23 février 2012, la CSST à la suite d’une révision administrative, confirme que la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu était justifiée, mais elle estime que cette suspension doit débuter le 23 janvier 2012 et non le 13 janvier 2012, car elle ne peut être rétroactive. Cette décision est contestée par le travailleur d’où le présent litige.
[27] Le 15 mars 2012, le travailleur est examiné à la demande de la CSST par le docteur Charles Desautels, chirurgien orthopédiste. Le docteur Desautels doit se prononcer sur le diagnostic de la lésion professionnelle, la date de consolidation, la nature, la nécessité, la suffisance des traitements, l’existence et l’évaluation de l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de même que l’existence et l’évaluation de limitations fonctionnelles. Le travailleur rapporte au docteur Desautels des douleurs importantes à tout le membre supérieur droit qui irradient jusqu’au cou et à la tête. Le travailleur précise qu’il n’utilise pas son membre supérieur droit et qu’il porte une attelle d’immobilisation le matin et l’après-midi ou lorsqu’il sort de la maison. Il rapporte des sensations de chocs électriques à la main droite avec un gonflement progressif au cours de la journée. Depuis la fin du programme de réadaptation à la fin décembre 2011, le travailleur ne bénéficie plus de traitements. Il voit toutefois son médecin de famille et demeure suivi en clinique de la douleur. Le travailleur précise qu’il peut conduire son auto avec la main gauche.
[28] À l’examen physique, le docteur Desautels rapporte que des douleurs sont présentes à la palpation du membre supérieur droit. Il ne note toutefois aucun spasme musculaire. Afin de réaliser son examen, le docteur Desautels a dû utiliser des manœuvres de distraction compte tenu des allégations importantes de douleur. Il ne note pas de changement de température ni de coloration au niveau de l’avant-bras droit. Il n’y a pas d’hypersudation et la flexion des doigts est limitée par la douleur et par l’œdème.
[29] Le docteur Desautels note à son examen un comportement centré sur la douleur ce qui rend l’examen difficile. Il peut toutefois objectiver un œdème important de la main droite avec une limitation des mouvements à l’épaule, au poignet et aux doigts. Il estime que cette condition est compatible avec un syndrome de douleur régionale complexe. Il conclut que la contusion et la plaie de la main droite sont consolidées le 29 février 2012. Il estime cependant que le syndrome de douleur régionale complexe demeure actif et nécessite des traitements additionnels. Cette lésion n’est donc pas consolidée. Au titre des traitements, puisqu’une composante psychologique importante semble être présente, il se dit en accord avec une évaluation auprès d’un psychiatre tel que déjà demandé par le médecin traitant. Il estime que les traitements en clinique de la douleur doivent être maintenus et qu’il n’y a pas lieu de reprendre les traitements de physiothérapie et d’ergothérapie.
[30] Puisque la lésion n’est pas consolidée, le docteur Desautels ne se prononce pas sur l’existence d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et de limitations fonctionnelles.
[31] Dans son rapport médico-administratif daté du 20 mars 2012, le docteur Desautels donne son opinion après avoir visionné les images de la vidéo réalisée par les enquêteurs en novembre 2011 :
[…]
On le voit à l’extérieur de son domicile, conduire son véhicule, marcher et même soulever un sac sur son épaule gauche. Pendant toute la durée du vidéo, on n’observe pas d’utilisation significative du membre supérieur droit.
À 22 minutes 15 du vidéo, on peut voir monsieur prendre ses clés d’automobile de la main droite. Les clés sont reliées à un lacet pour en favoriser la prise. Le vidéo démontre que monsieur se déplace sans difficulté et est très habile à utiliser sa main gauche pour conduire, ouvrir les portes, soulever des objets lourds. Il n’objective toutefois pas de capacité à utiliser le membre supérieur droit et ne relève pas de discordance avec mon expertise du 29 février 2012.
[…]
[32] À l’audience, le travailleur témoigne. Il explique que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu a repris à partir du 29 février dernier. Il réitère qu’encore aujourd’hui, il a beaucoup de douleur au bras droit de même qu’au thorax. Il explique avoir perdu toute énergie et qu’il est constamment fatigué. Il a des difficultés à dormir. Il se sent triste, anxieux et en colère.
[33] Le travailleur explique qu’il est arrivé au Canada en 1997. Il est originaire du Pérou et sa langue maternelle est l’espagnol. Il précise qu’il a bénéficié de cours de français au mois d’août 2011. Il ne sait ni lire ni écrire le français. Cependant, il est en mesure de s’exprimer de manière générale. Il explique que c’est la CSST qui a demandé une interprète lors d’une première rencontre avec son agente d’indemnisation. Il explique qu’il n’a jamais fait semblant de ne pas parler français. Il réitère qu’il ne comprend pas le français à 100 %, contrairement à ce que madame Daoust a écrit dans ses notes évolutives, mais qu’il arrive à communiquer. Il précise qu’il n’y avait aucun problème de communication, mais il pouvait avoir des difficultés pour saisir les nuances.
[34] Au chapitre des activités, le travailleur précise qu’il conduit sa voiture. Il a donné ce renseignement à la CSST à l’époque en précisant qu’il était en mesure d’utiliser sa voiture pour les urgences et diverses courses. Par exemple, il accompagnait sa conjointe qui devait se rendre à l’hôpital où sa fille à l’école. Il précise que lors de la semaine de l’enquête par vidéo, c’est justement ce qu’il a fait.
[35] Il témoigne que le psychologue qu’il consulte lui a expliqué qu’il était important de sortir de sa maison afin de reprendre confiance. Le psychologue lui a également dit qu’il était bon de prendre la voiture.
[36] À l’audience, le tribunal a eu l’occasion de visionner les faits saillants des images de rapports de surveillance réalisées par les enquêteurs à la demande de la CSST. Il est à noter que cette enquête visait non seulement le travailleur, mais également son épouse. Donc, plusieurs images ne concernent pas le travailleur mais bien celle-ci.
[37] À tout événement, le tribunal a pu constater de ces images que bien que le travailleur effectue de nombreux déplacements en véhicule durant la période concernée par l’enquête, ceux-ci étaient de courte durée. En effet, nous pouvons constater que le travailleur s’occupe du transport de son épouse ou d’enfants qui se rendent à l’école. Il se rend également chez sa belle-mère, laquelle s’occupe de préparer les repas pour la famille. Par ailleurs, le tribunal constate de ces images que le travailleur n’utilise pas sa main droite de manière significative dans le cours de ces activités. En effet, il utilise constamment sa main gauche, tant pour nettoyer la neige sur son véhicule que pour en ouvrir la porte ou pour transporter une poche de riz qu’il place sur son épaule gauche. Les images révèlent qu’à l’occasion le travailleur a utilisé sa main droite, par exemple afin de fermer la portière de son véhicule ou de prendre ses clés.
L’AVIS DES MEMBRES
[38] Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont du même avis. Ils estiment qu’il y a lieu d’accueillir la requête du travailleur. En l’absence de la CSST à l’audience, les images de l’enquête telles que visionnées à l’audience ne démontrent pas d’éléments permettant de conclure que le travailleur a fourni des renseignements inexacts à la CSST. En outre, ils estiment que la CSST aurait dû annuler la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu rétroactivement au moment de recevoir l’avis du docteur Desautels en mars 2012, lequel conclut que la lésion présentée par le travailleur n’est pas consolidée. Enfin, ils estiment plutôt surprenant que la CSST suspende le versement de l’indemnité de remplacement du revenu au motif que le travailleur est beaucoup plus actif que ce qu’il allègue alors que la CSST même encourageait le travailleur à s’activer afin de faciliter sa guérison.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[39] Le tribunal doit déterminer si la CSST était justifiée de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur entre le 23 janvier 2011 et le 29 février 2012.
[40] En l’instance, la CSST a procédé à cette suspension au motif que le travailleur a fourni des renseignements inexacts. Dans une longue note résumant la rencontre intervenue le 12 janvier 2012 entre le travailleur et la CSST, cette dernière fait état des différents motifs qui ont conduit à cette suspension.
[41] Dans un tel cas, c’est l’alinéa 1, paragraphe a) de l’article 142 de la loi qui est invoqué. Cet article confère à la CSST le pouvoir de suspendre le paiement d’une indemnité :
142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :
1° si le bénéficiaire :
a) fournit des renseignements inexacts;
b) refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;
2° si le travailleur, sans raison valable :
a) entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;
b) pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;
c) omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;
d) omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;
e) omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180 ;
f) omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274 .
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1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.
[Notre soulignement]
[42] Cette disposition constitue une exception au droit du travailleur victime d’une lésion professionnelle et qui est incapable d’exercer son emploi d’obtenir le versement de l’indemnité de remplacement du revenu. Dans ce contexte, cette disposition doit recevoir une interprétation restrictive.
[43] Or, en l’instance, le tribunal conclut qu’il n’y avait pas lieu d’imposer au travailleur une suspension de l’indemnité du revenu.
[44] À cet égard, le tribunal estime que la preuve recueillie par l’enquête ne permet pas de contredire les dires du travailleur au sujet de sa condition physique et de son niveau de connaissance du français, au point de conclure qu’il a donné des renseignements inexacts.
[45] En effet, les activités visualisées à la bande vidéo ne contredisent pas de manière évidente les informations données par le travailleur à la CSST. Il est vrai que le travailleur semble faire plus de déplacements en voiture que ce qu’il a laissé entendre à la CSST. Cependant, lorsque le travailleur se déplace, il n’utilise pratiquement jamais son membre supérieur droit et utilise par contre constamment son membre supérieur gauche alors qu’il est droitier. De même, il a toujours affirmé à la CSST qu’il utilisait son véhicule afin de faire des courses ou voyager sa femme.
[46] Par ailleurs, le tribunal trouve plutôt étonnant que la CSST ait déterminé que le travailleur avait donné des renseignements inexacts eu égard à sa condition physique, sans obtenir l’avis d’un médecin afin de déterminer si les activités réalisées par le travailleur sur les bandes vidéo étaient incompatibles avec l’état d’incapacité allégué par le travailleur. Encore plus, le 15 mars 2012, soit plusieurs mois après que les images de surveillance aient été prises, le docteur Desautels confirme que la lésion professionnelle du travailleur, soit le syndrome de douleur régionale complexe du membre supérieur droit, n’est pas consolidée et que des traitements sont encore nécessaires. En outre, le docteur Desautels note une composante psychologique importante chez le travailleur et estime qu’une évaluation en psychiatrie est nécessaire. Puis, au final, le docteur Desautels confirme de manière non équivoque que les images vidéo du travailleur ne démontrent pas de discordance avec son examen du 29 février 2012, puisque ce dernier n’utilise pas de manière significative son membre supérieur droit.
[47] En ce qui concerne le fait que le travailleur connaissait mieux le français que ce qu’il laissait entendre, encore une fois, le tribunal estime que la preuve ne démontre pas que le travailleur a bien fourni les renseignements inexacts à cet égard. Sur ce point, la conseillère en réadaptation ayant rencontré le travailleur au moment de visionner les images de la vidéo indique dans ses notes être surprise que le CERE ait pu faire l’évaluation du travailleur sans interprète. Or, dès juillet 2011, madame Daoust écrivait aux notes évolutives que le travailleur s’exprime en français lors de cet appel. Elle explique au travailleur qu’elle convoque ce dernier à une rencontre et qu’un interprète sera présent afin de faciliter la compréhension des subtilités de part et d’autre et non pas pour traduire mot à mot. Au surplus, il appert du rapport préparé par le physiothérapeute du CERE en août 2011 qu’un interprète était présent lors de l’évaluation des capacités fonctionnelles du travailleur, contrairement à ce qu’affirme madame Daoust. De même, en novembre 2011, le travailleur se présente à l’accueil de la CSST et l’agente qui le reçoit constate que ce dernier s’exprime en français de façon très compréhensible.
[48] En outre à l’audience, le travailleur a confirmé qu’il n’avait jamais demandé à ce qu’un interprète soit présent aux différentes rencontres, mais que c’est plutôt la CSST qui a effectué la démarche. De même, comme il a pu bénéficier de cours de français en août 2011, il est possible que son français se soit amélioré entre-temps.
[49] À tout événement, jamais il n’est écrit aux notes évolutives ou démontré par la preuve que le travailleur ait affirmé qu’il ne comprenait pas le français.
[50] Par ailleurs, le tribunal comprend que la CSST a donné un mandat de surveillance auprès d’une firme privée puisque le travailleur ne se présentait pas à ses rencontres au CERE. En effet, la CSST note que l’organisme n’a eu aucune nouvelle du travailleur entre le 23 novembre et le 5 décembre 2011, malgré de nombreux appels. À cet égard, le tribunal constate que le travailleur a fait valoir à plusieurs reprises à la CSST qu’il ne se sentait pas en mesure d’effectuer le programme de réadaptation déterminé avec le CERE. C’est d’ailleurs ce qu’il affirmait le 25 novembre 2011 lorsqu’il s’est rendu à la CSST et le 5 décembre lors d’un appel téléphonique. Dans un contexte de composante psychologique importante, ce comportement peut s’expliquer. Le tribunal estime que cet élément ne justifie pas la suspension l’indemnité de remplacement du revenu.
[51] Considérant ce qui précède, le tribunal estime que la preuve ne démontre pas que le travailleur ait fourni des renseignements inexacts à la CSST et conclut qu’il y a absence de motif justifiant la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur entre le 23 janvier 2012 et le 29 février 2012.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Alejandro Teodoro Portal Moncada, le travailleur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 23 février 2012, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail n’était pas justifiée de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu en application des dispositions prises à l’article 142 de Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles entre le 23 janvier 2012 et le 29 janvier 2012.
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Catherine A. Bergeron |
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Me Renaud Gauthier |
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Desroches, Mongeon |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Michel Duranleau |
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Duranleau Consultants inc. |
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Représentant de la partie intéressée |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.