Popa c. Apple Canada inc. | 2023 QCCQ 1308 | ||||||
COUR DU QUÉBEC | |||||||
« Division des petites créances » | |||||||
CANADA | |||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||||
DISTRICT DE | SAINT-FRANÇOIS | ||||||
LOCALITÉ DE | SHERBROOKE | ||||||
« Chambre civile » | |||||||
N° : | 450-32-020664-215 | ||||||
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DATE : | 22 février 2023 | ||||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | PATRICK THÉROUX, J.C.Q. | |||||
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CLAUDIU POPA
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Demandeur
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c.
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APPLE CANADA INC.
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Défenderesse | |||||||
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JUGEMENT | |||||||
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[1] Alléguant vice caché, le demandeur, M. Claudiu Popa, réclame à la défenderesse, Apple Canada inc., représentée par M. Benjamin Allard, la somme de 7 497,79 $ à la suite du remplacement prématuré de la batterie de son ordinateur portable.
[2] Il articule sa réclamation ainsi :
TOTAL : 7 497,79 $
[3] La défenderesse est le fabricant de l’ordinateur en litige. Elle nie devoir payer les sommes réclamées. Elle s’en remet aux dispositions de sa garantie conventionnelle quant au remplacement de la batterie et elle nie avoir commis une faute dans le cadre de ses services de réparation.
[4] Le demandeur achète son ordinateur en septembre 2017. Quatre ans plus tard, en octobre 2021, il éprouve des difficultés avec la recharge de sa batterie.
[5] Celle-ci affiche une capacité de 72 % après 255 cycles de recharge[1], alors que, selon les représentations publicitaires de la défenderesse, cette batterie est conçue pour conserver jusqu’à 80 % de sa capacité initiale après 1 000 cycles de recharge complets[2]. Une garantie contractuelle d’un an pourvoit au remplacement d’une batterie défectueuse.
[6] Par contre, le demandeur appuie sa demande sur les dispositions des articles
[7] L’article 38, plus particulièrement, stipule qu’un bien doit pouvoir servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.
[8] Combiné à l’article
[9] Une fois établi le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration prématurée par rapport à des biens identiques ou de la même espèce, l’acheteur bénéficie d’une présomption d’existence du vice au moment de la vente, sans qu’il ne doive en établir la cause.
[10] Quant à la gravité du déficit d’usage, elle s’évalue en fonction de l’importance de la diminution de l’utilité en regard des attentes légitimes du consommateur qui, s’il avait connu l’usage réduit qu’il pouvait obtenir du bien, ne l’aurait pas acheté ou n’aurait pas consenti à payer un si haut prix[4].
[11] Dans le cas présent, les attentes du demandeur sont légitimées par les représentations de la défenderesse, le fabricant, qui atteste qu’une batterie de ce type est conçue pour conserver 80 % de sa capacité après 1 000 cycles de recharge. Ceci ne correspond pas à l’utilité réelle de la batterie en litige et constitue un déficit d’usage dû à un vice caché.
[12] La défenderesse convient qu’avec une capacité résiduelle de 72 %, la batterie en litige fournit une autonomie très limitée au point d’entraver sérieusement l’usage normal de l’ordinateur portable.
[13] Dans le contexte d’application d’une garantie légale, les limitations, les restrictions ou les conditions énoncées à la garantie du fabricant ne sont pas pertinentes[5]. Ainsi, la limitation de la garantie de la défenderesse à une durée d’un an pour un remplacement intégral d’une batterie défectueuse ne s’applique pas aux circonstances de l’espèce.
[14] L’acheteur qui démontre que le bien objet de la vente est affecté d’un vice caché a droit à une diminution du prix payé. Cette diminution ne correspond pas automatiquement au coût des correctifs ni du remplacement à neuf du bien visé. Il s’agit d’une réduction proportionnelle[6].
[15] L’estimation de la diminution de prix appropriée obéit à divers facteurs dont, comme en l’espèce, l’usage sans encombre dont l’acheteur a bénéficié jusqu’à ce que le déficit se manifeste. Celui-ci ne peut à la fois bénéficier du bien et être remboursé intégralement du prix payé comme s’il s’agissait d’une protection de valeur à neuf ou encore de l’application d’une garantie contractuelle prévoyant le remplacement intégral en cas de bris.
[16] Bref, la diminution du prix ne peut occasionner, même de façon indirecte, un enrichissement de l’acheteur[7].
[17] De par sa nature, une batterie rechargeable doit être remplacée tôt ou tard. Il s’agit d’un bien consomptible qui a une durée de vie utile limitée. Dans la présente affaire, le demandeur a bénéficié de l’usage normal de sa batterie durant quatre ans. Celle-ci n’a toutefois pas atteint le standard du fabricant de 1 000 recharges. Avec seulement 255 recharges, il était en droit de s’attendre à 745 cycles supplémentaires. Ceci représente grosso modo 75 % de l’usage normal dont il a été privé.
[18] Selon la preuve disponible, le Tribunal estime à 75 % du coût de remplacement de la batterie en litige la diminution du prix applicable au déficit d’usage résultant du vice dont elle était affectée.
[19] Le demandeur a donc droit, au titre de la garantie légale, à un montant de 223,34 $ (297,79 $ x 75 %).
[20] Le demandeur a laissé son ordinateur à l’établissement de la défenderesse à Brossard le 2 octobre; il l’a récupéré 10 jours plus tard, le 12. Il soutient que ce long délai lui a causé des dommages pour lesquels il réclame 300 $ pour le retard, 300 $ pour la perte de jouissance de son ordinateur, de même que 500 $ pour le coût d’achat d’un ordinateur de rechange durant le délai de réparation.
[21] Le demandeur recherche ici la responsabilité contractuelle de la défenderesse en tant que prestataire de services. Il soutient que celle-ci a manqué à son obligation de remplacer la batterie dans un délai de quatre jours comme elle s’était engagée à le faire selon lui. Les six jours additionnels écoulés jusqu’à ce qu’il reprenne son ordinateur seraient la cause des dommages pour lesquels il réclame compensation.
[22] Cette thèse repose sur la prémisse selon laquelle la défenderesse s’est engagée contractuellement à réparer et remettre l’ordinateur dans un délai de quatre jours[8].
[23] Or, le demandeur n’établit pas la preuve prépondérante pouvant soutenir cette prétention[9].
[24] D’abord, son affirmation catégorique lors de l’audience contraste singulièrement avec les allégations de sa demande en justice sur le sujet :
« 11. Lors du dépôt de l’ordinateur portable, la défenderesse informe le demandeur que celle-ci possède la pièce de remplacement (« top case » déjà en stock) et que les réparations s’effectueront rapidement dans un délai de deux (2) à quatre (4) jours ;
12. Le 12 octobre 2021, dix (10) jours après le dépôt de l’ordinateur portable, sans avoir reçu des nouvelles de la défenderesse, le demandeur la contacte pour s’enquérir de l’état de son objet ;
13. Au moment de l’appel, le demandeur est informé que son ordinateur portable est réparé ;
14. Le même jour, le demandeur se déplace au siège social de la défenderesse pour reprendre possession de son objet réparé ; »[10]
[25] Ensuite, l’affirmation du demandeur contredit la note apparaissant au formulaire d’autorisation de la réparation :
« Estimated Pickup Time: Oct. 11, 2021 »[11]
[26] Ceci explique pourquoi le demandeur a attendu jusqu’au samedi 12 octobre pour demander si son ordinateur était prêt et qu’il s’est rendu à Brossard le jour même pour le récupérer.
[27] Faute de preuve établissant un manquement fautif à une obligation contractuelle précise, cette partie de la demande doit être rejetée.
[28] Le demandeur reproche à la défenderesse d’avoir conservé les pièces usagées qu’elle a remplacées. Il en réclame la valeur marchande qu’il estime à 300 $.
[29] Le fondement légal de cette demande repose sur les dispositions de la LPC qui prévoient que le commerçant doit remettre au consommateur la pièce qui a été remplacée si celui-ci l’exige au moment où il demande de faire la réparation[12].
[30] Le représentant de la défenderesse explique que cette dernière a pour pratique de remettre les pièces usagées au client lorsqu’il le demande. Sinon, elles sont envoyées au recyclage. Il soutient que dans le cas présent, le demandeur n’a pas demandé qu’on lui remette les pièces usagées.
[31] Sur ce dernier point, le Tribunal considère que la preuve présentée par le demandeur est insuffisante pour conclure qu’il a exigé qu’on lui remette les pièces au moment où il a demandé de faire la réparation.
[32] Le formulaire d’autorisation P-1, dont le demandeur ne produit pas l’endos indiquant « The repair terms and conditions », comporte la description du travail demandé, mais ne fait aucune mention d’une exigence quelconque quant à la remise des pièces usagées.
[33] Soulignons que le texte de l’article 175 utilise le terme « exige », ce qui implique l’expression d’un caractère impérieux par opposition à une simple demande informelle. De plus, cette exigence doit être formulée au moment où le consommateur demande de faire la réparation et non pas, comme en l’espèce, postérieurement à la reprise de possession du bien une fois réparé.
[34] Or, la mise en demeure expédiée par le demandeur le jour même où il a repris possession de son ordinateur est muette sur ce sujet[13], tout comme l’échange de courriels qui a suivi[14]. Sa demande de compensation pour la valeur des pièces non remises apparaît à sa demande judiciaire seulement.
[35] Faute de preuve de l’exigence de remise des pièces remplacées, cette partie de la réclamation doit être rejetée. La défenderesse n’avait pas l’obligation légale de lui remettre les pièces remplacées.
[36] Le demandeur reproche à la défenderesse d’avoir égratigné l’écran de son ordinateur lors de la réparation. Il réclame le prix d’un écran neuf, soit 800 $[15].
[37] Le demandeur n’a pas remplacé son écran et il est peu probable qu’il le fasse un jour à cause de cette égratignure qu’il qualifie lui-même de cosmétique.
[38] Lors de l’audience, il exhibe son écran sur lequel on peut voir une légère égratignure à proximité de l’orifice de la caméra. Clairement, ceci n’entraîne aucune conséquence fonctionnelle. La présence de cette égratignure sur un ordinateur portable datant de 2017 est de peu d’importance.
[39] Il s’agit d’un dommage matériel dont la conséquence est purement esthétique. Le Tribunal y attribue une compensation de 50 $.
[40] Clairement, le demandeur accorde une importance démesurée à son ordinateur personnel et au remplacement, par ailleurs prévisible, de sa batterie. Le stress et les inconvénients dont il se plaint ont été largement induits par sa propre attitude.
[41] Le fait qu’il obtienne partiellement gain de cause sur l’application de la garantie légale ne signifie pas pour autant que la défenderesse lui a causé un préjudice moral en contestant légitimement ses prétentions.
[42] De plus, il est établi que le stress, les inconvénients, les déplacements, le temps consacré à la préparation et à l’instruction d’un recours civil devant les tribunaux ne constituent pas un préjudice susceptible de compensation.
[43] Pour ces raisons, cette partie de la réclamation doit être rejetée.
[44] Le demandeur est insatisfait du service à la clientèle de la défenderesse. Il dit avoir vécu une très mauvaise expérience et il réclame des dommages punitifs pour dissuader la défenderesse de traiter ses autres clients de la même façon, plus particulièrement en niant être tenue au respect de la Loi sur la protection du consommateur à leur égard.
[45] Dans l’arrêt Richard,[16] la Cour suprême du Canada enseigne que les dommages punitifs prévus à l’article
[46] Il s’agit d’éliminer les pratiques déloyales et trompeuses, les violations intentionnelles, malveillantes ou vexatoires ainsi que les conduites marquées d’ignorance, d’inconscience ou de négligence sérieuse de la part des commerçants ou fabricants à l’égard de leurs obligations et des droits du consommateur.
[47] Rien dans la présente affaire ne s’apparente, même de loin, à un tel contexte. Cette partie de la réclamation n’a aucun fondement. Elle doit être rejetée.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[48] ACCUEILLE partiellement la Demande;
[49] CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur la somme de 273,34 $ avec intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[50] AVEC LES FRAIS DE JUSTICE de 195 $ en faveur du demandeur.
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| __________________________________ patrick théroux, J.C.Q. |
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Date de l’audience: 20 janvier 2023 |
[1] Pièce P-2.
[2] Pièce P-3.
[3] RLRQ, c. P-40.1 (LPC).
[4] Fortin c. Mazda Canada inc.,
[5] Pièce D-1 : « Garantie limitée d’un (1) d’Apple ».
[6] Art.
[7] Verville c. 9146-7308 Québec inc.,
[8] Art.
[9] Art.
[10] Demande introductive d’instance, par. 11 à 14.
[11] Pièce P-1.
[12] Art.
[13] Pièce P-9, 12 octobre 2021.
[14] Id., en liasse.
[15] Pièce P-7, annonce publicitaire.
[16] Richard c. Time inc.,
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