R. c. Sirois |
2015 QCCQ 10574 |
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COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TROIS-RIVIÈRES |
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LOCALITÉ DE |
TROIS-RIVIÈRES |
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« Chambre de la jeunesse » |
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N° : |
400-03-009479-144 |
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DATE : |
30 octobre 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
BRUNO LANGELIER, J.C.Q. |
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LA REINE |
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Poursuivante |
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c.
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KAVEN SIROiS |
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Accusé |
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JUGEMENT SUR LA PEINE |
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MISE EN GARDE : La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents interdit de publier le nom d’un adolescent ou d’un enfant ou tout autre renseignement de nature à révéler soit qu’il a fait l’objet de mesures prises sous le régime de cette loi, soit qu’il a été victime d’une infraction commise par un adolescent ou a témoigné dans le cadre de la poursuite d’une telle infraction, sauf sur ordonnance judiciaire. Quiconque contrevient à ces dispositions est susceptible de poursuite pénale (art. 75, 110 (1) , 111 (1) et 138 L.S.J.P.A.).
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[1] La présente décision concerne une demande d'assujettissement de l'adolescent à une peine pour adulte.
[2] L'adolescent est détenu provisoirement depuis le 11 février 2014, date de son arrestation sur les lieux mêmes de la commission des crimes.
[3] La poursuite demande son assujettissement par le dépôt au dossier de la Cour, le 12 février 2014, d'un formulaire suivant les exigences de l'article 64(1)(2) de la LSJPA.
[4] Le 29 avril 2014, l'adolescent renonce à la tenue de l'enquête pour mise en liberté.
[5] Il est actuellement sous garde à l'Institut Philippe Pinel à l'Unité F-2 pour les adolescents depuis le 14 février 2014. Pour la période du mois d'août 2014 à février 2015, il est hébergé au Centre jeunesse de Lanaudière.
[6] Le 23 juin 2014, l'adolescent plaide coupable à trois accusations de meurtre au premier degré des personnes suivantes, X et Y et Z et à trois accusations de complot pour meurtre concernant X et Z, la mère des victimes, madame A et de policiers.
[7] À la suite de l'enregistrement des plaidoyers de culpabilité, le Tribunal ordonne la confection d'un rapport prédécisionnel, des évaluations psychologiques et psychiatriques jugées utiles aux fins de la décision à rendre sur la demande d'assujettissement[1].
[8] L'Institut Philippe Pinel est désigné pour procéder auxdites évaluations.
[9] À la suite du dépôt de ces expertises exigées par le Tribunal, les parties ont aussi requis de pouvoir retenir leurs propres experts pour participer à l'audition et administrer une preuve qui leur apparaît pertinente au soutien de leur prétention.
[10] L'audition concernant cette demande d'assujettissement a débuté le 29 juin 2015 pour se terminer le 17 juillet 2015.
[11] La preuve présentée concerne les circonstances des crimes révélées par l'enquête policière, l'interrogatoire policier de l'adolescent sur DVD, les expertises et le témoignage de leurs auteurs, les parents des victimes et le père de l'accusé. Pour sa part, l'adolescent n'a pas été entendu.
[12] La poursuite a-t-elle démontré par prépondérance de preuve :
· Que l'adolescent ne devrait pas bénéficier de la présomption de culpabilité morale moins élevée dont tout mineur jouit.
et
· Qu'une peine spécifique qui serait proportionnelle à son degré de responsabilité et à la gravité de l'infraction en vue d'assurer la protection durable du public, ne serait pas de durée suffisante pour qu'il réponde de ses actes délictueux.
[13] La poursuite demande l'assujettissement de l'adolescent en raison d'une forte culpabilité morale et la peine spécifique ne serait pas d'une durée suffisante pour le faire répondre de ses actes.
[14] Suivant ses prétentions, l'accent doit être mis sur le châtiment afin que la peine puisse être proportionnelle à la gravité des infractions et favoriser la protection durable du public.
[15] La défense, quant à elle, prétend que l'adolescent bénéficie d'une culpabilité morale moindre en raison de troubles psychologiques et que la peine spécifique serait une sanction juste et suffisante pour faire répondre l'adolescent de ses actes assortie de perspectives positives qui favorisent sa réadaptation et sa réinsertion sociale.
[16] La peine maximale qui peut être imposée à un adolescent dans le cadre de la peine spécifique pour un meurtre au premier degré, est de 10 ans consistant en une garde continue de 6 ans et d'une surveillance dans la collectivité de 4 ans[2].
[17] Une disposition du Code criminel prévoit que dans le cas d'un assujettissement à une peine pour adulte d'un adolescent pour un crime de meurtre au premier degré, la peine prévue est l'emprisonnement à perpétuité et il ne sera admissible à la libération conditionnelle qu'après avoir purgé 10 ans de détention[3].
[18] L'adolescent, Kaven Sirois, fit la connaissance de X en 2012 alors qu'il fréquente le collège CMI de Trois-Rivières.
[19] Kaven et X tissent alors des liens d'amitié et l'adolescent annonce à son entourage que la relation est plus qu'amicale. Même les amis de X confirment que la relation dépasse le simple lien d'amitié.
[20] X fréquente déjà Z depuis 2011.
[21] Kaven croit qu'elle va mettre fin à sa relation avec Z, mais cela ne se produit pas.
[22] La famille de l'adolescente croit que X n’entretient qu'une relation d'aide envers Kaven.
[23] Devant son insistance auprès de sa fille, madame A lui demande alors de couper les ponts avec lui.
[24] Elle est inquiète, car elle trouve que la relation est malsaine pour X et qu'elle n'est pas outillée pour lui apporter l'aide dont il aurait besoin.
[25] Vers la fin juin 2013, X tente de couper les ponts avec Kaven, mais ce dernier continue d'insister. Avec l'aide de sa sœur, elle supprime Kaven de ses contacts Facebook.
[26] Le 1er septembre 2013, elle lui envoie un dernier message texto pour lui dire qu'elle est toujours avec Z et de cesser d'entrer en contact avec elle.
[27] Elle lui dit ne pas l'aimer et ne jamais l'avoir aimé. Elle l'avise aussi de cesser d'essayer d'entrer en contact avec elle, car cela est du harcèlement et qu'elle informera les policiers.
[28] Kaven ne fréquente plus le collège CMI, il n'a donc plus l'occasion de voir X.
[29] Suite au message, Kaven réagit très mal. Il se sent trahi, délaissé, à la fois peiné et en colère.
[30] Kaven parle alors de suicide et dans les mois qui suivent, il aborde souvent le sujet de tuerie. Z et X deviennent rapidement les sujets ciblés par lui.
[31] Il partage alors avec son meilleur ami B son projet et ce dernier va y adhérer.
[32] Tous ses états d'âme sont partagés avec ses amis sur Facebook. En janvier 2014, les verbalisations concernant ses intentions sont plus intenses, plusieurs scénarios sont alors envisagés.
[33] Il demande à des amis de lui procurer de la poudre à canon pour fabriquer une bombe artisanale. Il verbalise vouloir tuer des policiers et Z.
[34] À la fin de janvier 2014, il affirme que son plan est prêt, que son ami B va obtenir l'adresse de Z et qu'il attend la poudre à canon.
[35] Il affirme que le plan sera une réussite et partage aussi l'idée de se suicider.
[36] N'ayant pas obtenu l'adresse de Z, il affirme dans les échanges Facebook le 6 février 2014 qu'il va plutôt se rendre chez X. À cette occasion, il va tuer des policiers et X n'aura pas d'autres choix que de se tuer avec lui. Il en profitera aussi pour incendier la maison.
[37] Le 10 février 2014 au soir, il écrit que lui et son chum de gars sont prêts.
[38] Les échanges Facebook entre Kaven et B du 8 février au 10 février 2014 permettent de comprendre que le projet commun est de se rendre chez X, de la tuer, de tuer sa mère ainsi que Z. On discute aussi de torturer madame A.
[39] Le plan prévoit de tuer des policiers lorsqu'ils se présenteront sur place, d'incendier la maison et de se suicider.
[40] Le 10 février 2014, la veille des meurtres, le complice B passe la nuit chez Kaven. Ils préparent un sac à dos et ils choisissent plusieurs objets pour torturer les victimes. Ils placent aussi dans le sac à dos des produits inflammables.
[41] Kaven et B se lèvent à 5 h 30 le 11 février 2014 pour exécuter le projet. Kaven a en sa possession la clé qui donne accès aux armes à feu de son père, il s'empare de deux armes longues et de boîtes de munition qu'il dissimule dans un étui à guitare.
[42] Ils quittent la maison pour aller prendre l'autobus. Ils feront demi-tour, car l'étui de guitare se brise. Ils effectuent la réparation et retournent à l'arrêt d'autobus et arrivent chez X vers 7 h 50.
[43] X habite avec sa mère et sa sœur Y. B sonne à la porte et Kaven demeure caché. X ouvre la porte et B lui demande s'il peut utiliser le téléphone prétextant une urgence. Il obtient ainsi l'accès à la maison, referme la porte et s'assure qu'elle demeure débarrée.
[44] Dans les instants qui suivent, Kaven s'introduit dans la maison avec les deux armes de fort calibre.
[45] Il en remet une à B et face à cette situation, X s'enfuit au 2e étage où se trouve Z et ils se cachent dans une garde-robe.
[46] Elle compose le 911 à 7 h 53 et explique que Kaven Sirois accompagné d'un inconnu sont chez elle avec des armes.
[47] À partir de ce moment jusqu'à la fin des événements, tout sera capté par le service du 911. B se rend au 2e étage, il localise X et Z dans la garde-robe et à la pointe de l'arme leur ordonne de descendre au salon.
[48] Y se trouve au salon avec Kaven au rez-de-chaussée. X explique à la répartitrice ce qui se passe.
[49] Y pleure; X supplie les agresseurs d'arrêter. Il est 7 h 58:04 lorsque Kaven indique à B de tirer. B est positionné en arrière de Y. Il pointe son arme, tire et l'atteint à l'arrière de la tête.
[50] Seulement deux secondes plus tard, Kaven vise Z, tire et l'atteint à la tête. X est toujours en communication avec le 911, elle est en crise et à 7 h 58:26, après avoir rechargé son arme, Kaven fait feu sur X et il l'atteint à la tête. En moins de 30 secondes, on a exécuté trois personnes sans aucune discussion.
[51] Les deux complices se rendent au 2e étage, brisent une fenêtre pour faire feu sur les policiers lorsqu'ils arriveront.
[52] Les policiers arrivent sur place, ils ne peuvent être vus par les accusés; ceux-ci quittent la maison en abandonnant les armes à l'intérieur. À 8 h 12 lorsqu'ils sortent à l'extérieur, les policiers procèdent à leur arrestation.
[53] Il est alors constaté le décès des trois victimes. Les accusés seront interrogés et avoueront leurs crimes.
[54] L'adolescent est âgé de 16 ans et 3 mois lors de la perpétration des crimes. Il est aujourd'hui âgé d'à peine 18 ans.
[55] Au moment des délits, l'adolescent n'avait aucun antécédent judiciaire. Il n'apparaît pas non plus avoir fait l'objet de sanctions extrajudiciaires.
[56] Toutefois, la preuve révèle, notamment par ses propres aveux, lors d'échanges de courriels et de textos que ce dernier se livrait depuis un certain temps à certaines activités délictueuses, notamment par de la possession de drogue, certaines activités de trafic de drogue, de vols de plants de cannabis, de menaces ouvertes à l'égard des victimes sur les médias sociaux et à l'égard d'autres personnes liées aux victimes.
[57] Cette criminalité clairement exposée par le contenu de certains textos et messages Facebook émanant de l'adolescent, amène le Tribunal à les considérer comme étant des aveux extrajudiciaires.
[58] Il envisage aussi des événements aux conséquences sérieuses, à l'école ou dans un autobus avec l'usage d'explosifs. Ceux-ci devant être exécutés avec grand fracas sont plutôt inquiétants parce qu'ils traduisent les fantaisies morbides de l'adolescent.
[59] Toutefois, c'est à partir du mois de septembre 2013 qu'il est observé que l'adolescent se retrouve à planifier ou à préparer la plupart de ses activités délictueuses après la rupture en lien avec l'une des victimes.
[60] L'adolescent est le cadet d'une famille composée de deux enfants. Il entretient de bons liens avec sa sœur. Il vit avec son père depuis la séparation de ses parents alors qu'il n'était âgé que de huit ans.
[61] Sa mère va déménager dans la région de Québec. Dans l'année avant que ne surviennent les événements, il n'avait que peu de contacts avec cette dernière.
[62] Le père exploite une entreprise et ses deux enfants vivent sous son toit. L'adolescent apparaît entretenir une relation cordiale avec son père et partage avec ce dernier une activité commune qu'est la chasse. Il n'apparaît pas y avoir de conflits entre eux.
[63] À la maison, il n'y a rien de particulier à signaler concernant son développement durant l'enfance et sa vie d'adolescent. Rien ne démontre qu'il ait pu vivre des traumatismes liés à la maltraitance et à la négligence de ses parents.
[64] Il n'est relaté aucun trait d'opposition à son jeune âge, ni de troubles du comportement.
[65] Certes, il apparaît avoir vécu difficilement la séparation de ses parents. D'ailleurs, les experts se sont exprimés sur le sujet. Il est question du lien d'attachement avec la mère même si cela reste à être exploré.
[66] Sa famille bien sûr est aussi éprouvée très sérieusement. Le Tribunal a bien senti, par le témoignage de son père, ce qu'ils peuvent eux aussi vivre.
[67] Actuellement, il a le support de ses parents qui se rendent à tour de rôle le visiter à l'Institut Philippe Pinel. Ils sont présents auprès de leur fils depuis qu'ils sont affectés par ce drame.
[68] En 2013, l'adolescent est rencontré en psychiatrie puisqu'il affirme entendre des voix qui lui commandent de tuer son père.
[69] Aucune maladie n'est diagnostiquée. On parle alors d'une psychopathologie pouvant être celle d'un trouble de simulation. Il n'y aura pas de suivi particulier, l'adolescent se montrant peu intéressé de s'impliquer dans un suivi thérapeutique.
[70] L'adolescent s'adonne alors à la consommation de drogue et cette consommation perdure de façon contemporaine au crime et s'avère être marquée par une consommation régulière d'une variété de substances dont certaines peuvent induire des psychoses.
[71] Dans son milieu familial, son père et sa sœur n'ont pas accès à son monde intérieur plutôt sinistre. Ceux-ci n'apparaissent pas avoir accès à son Facebook et le contenu de ses textos.
[72] Seule une situation signalée par l'école, à l'automne 2013, concernant l'intention de l'adolescent de se suicider, a permis un échange entre lui et son père sans plus; l'adolescent affirmant qu'il allait bien.
[73] Son cheminement scolaire est plutôt difficile. Il sera admis au collège privé, niveau secondaire, fréquenté par l'une des victimes avec laquelle il développe des liens d'amitié, des sentiments amoureux et des échanges amoureux.
[74] Le programme pédagogique ne lui convient pas et il va se retrouver dans une école offrant un cheminement mieux adapté à ses besoins. Il fonctionne assez bien, son attitude est généralement adéquate. Il n'attire pas l'attention de ses professeurs ni de la direction concernant le côté plutôt sombre de ce qui a été présenté en preuve. Rien d'alarmant n'est signalé qui nécessiterait des interventions urgentes. Il est poli avec le personnel. Par contre, il ne démontre pas de motivation pour recevoir les services d'une intervenante en lien avec sa toxicomanie.
[75] Il n'est rapporté aucun geste hétéro agressif, ni de comportements opposants défiant les règles de vie en milieu scolaire.
[76] De l'avis du Tribunal, ses difficultés scolaires ne sont pas la conséquence d'un manque d'aptitudes, car les évaluations psychologiques ont démontré qu'il présentait des capacités intellectuelles dans les limites de la normale. C'est bien plus la consommation de toutes sortes de drogue qui a altéré ses capacités d'apprentissage depuis quelques années et anéanti son intérêt pour sa scolarisation et favorisé l'absentéisme observé depuis décembre 2013.
[77] À cet endroit, il renforce ses liens d'amitié avec le coaccusé. Cette amitié dépasse l'entendement. C'est alors que va naître le projet de ceux-ci de rafler la vie de jeunes victimes.
[78] Le Tribunal considère opportun de souligner que le droit concernant les adolescents ayant commis des délits a subi de nombreuses modifications législatives depuis l'adoption de la toute première loi visant à traduire les adolescents devant les tribunaux pour des crimes.
[79] La première loi qui fut adoptée est la Loi sur les jeunes délinquants[4].
[80] Son application favorisait une approche protectionniste à l'égard des jeunes délinquants. Les mesures n'avaient pas pour but de punir, mais plutôt de s'attaquer aux causes sous-jacentes ayant conduit aux crimes[5].
[81] Elle prévoyait qu'un enfant pouvait être poursuivi par mise en accusation devant une Cour ordinaire, et ce, à la discrétion du Tribunal et lui soit imposé une peine pour adulte.
[82] Cette loi fut remplacée par l'adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants en 1984. Elle tend vers un régime dans lequel les jeunes contrevenants doivent assumer la responsabilité de leurs délits et que la société doit pouvoir se protéger. Il y a un équilibre entre la nature de l'infraction commise et les besoins de l'adolescent pour la détermination des mesures.
[83] Il était alors question de renvoi devant la juridiction normalement compétente pour qu'un adolescent soit jugé devant une Cour pour adulte et s'il était alors condamné, se voir imposer une peine prévue au Code criminel[6].
[84] L'audition se tenait avant la tenue du procès, car il devait être déterminé dans un premier temps le tribunal compétent pour juger l'adolescent.
[85] On parle alors d'une approche à mi-chemin entre une approche protectionniste et l'approche responsabilité criminelle qu'on retrouve au niveau des adultes.
[86] La Cour suprême exprimait qu'il y avait la recherche d'un équilibre entre la nécessité de faire assumer aux jeunes contrevenants la responsabilité de leurs délits et de reconnaître leur vulnérabilité et leurs besoins spéciaux.
[87] Elle trace une voie entre ce qui évite la sévérité purement pénale et le paternalisme fondé sur l'idée d'assistance dans l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants[7].
[88] Avec l'adoption de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents en 2003, cette procédure est abandonnée. Le Tribunal pour adolescents détermine le régime de la peine applicable après que la culpabilité ait été déclarée.
[89] Cette nouvelle loi modifie l'équilibre de la responsabilisation versus les besoins.
[90] L'emphase est mise sur la nature de l'infraction commise et les conséquences qui en résultent selon la gravité de celle-ci.
[91] L'état de dépendance, le degré de maturité, le niveau de développement et les besoins de l'adolescent, quoiqu'ils existent encore dans la déclaration de principes, sont subordonnés au principe central que les peines, termes fortement utilisés, doivent respecter le principe de la responsabilité juste et proportionnelle[8].
[92] On ne parle plus de décisions, mais principalement de peine et de protection durable du public.
[93] D'autres termes sont également empruntés du droit criminel adulte lorsque l'on parle d'harmonisation et de proportionnalité et tout récemment de dissuasion.
[94] L'axe de la nouvelle loi devient non l'adolescent, mais plutôt le crime qu'il a commis.
[95] Les conséquences d'une telle décision concernant une demande d'assujettissement sont très importantes pour la liberté future de l'adolescent et tout aussi importantes pour la protection à long terme du public.
[96]
Le test applicable pour l'assujettissement est énoncé à l'article
[97] Le fardeau de la preuve d'une telle demande repose sur la poursuite suivant ce qu'en a décidé la Cour suprême[9] qui reconnaît alors à la même occasion ce que la Cour d'appel[10] avait déjà affirmé.
[98] La juge Abella[11], à ce sujet, affirme :
[36] À mon avis, la conclusion de la Cour d’appel de l’Ontario et de celle du Québec est juste, à savoir que l’imposition aux adolescents du fardeau de réfuter la présomption d’assujettissement à une peine applicable aux adultes pour une infraction désignée viole l’art. 7 [de la Charte des droits et libertés].
(Texte ajouté)
[99] Le fardeau de présentation quant à lui demeure inchangé. Il est celui de convaincre par la prépondérance de preuve.
[100] Il appartient donc à la poursuite de réfuter la présomption de culpabilité morale moins élevée dont bénéficie un adolescent afin qu'il puisse être assujetti à une peine applicable aux adultes.
[101] Les
articles 3(1)b)(ii) et l'article
[102] Au chapitre des déclarations de principes, celui que le Tribunal doit considérer dans sa réflexion énonce que le système de justice pénale pour les adolescents doit être distinct de celui pour les adultes, être fondé sur le principe de culpabilité morale moins élevée et mettre l'accent sur une responsabilité juste et proportionnelle compatible avec leur état de dépendance et leur degré de maturité[12].
[103] L'autre considération tout aussi importante concerne les objectifs et principes de la détermination d'une peine[13].
[104] L'objectif général de l'imposition d'une peine en vertu de la LSJPA est de faire répondre l'adolescent de l'infraction qu'il a commise par l'imposition de sanctions justes assorties de perspectives positives favorisant sa réadaptation et sa réinsertion sociale, en vue de favoriser la protection durable du public[14].
[105] D'autres principes y sont énoncés sous réserve de l'alinéa c) tels que la peine doit être la moins contraignante possible afin d'atteindre l'objectif général de la détermination de la peine, d'offrir les meilleures chances de réadaptation et de réinsertion sociale et susciter le sens et la conscience de ses responsabilités, notamment par la reconnaissance des dommages causés aux victimes et à la collectivité[15].
[106] Le législateur y a aussi ajouté deux autres principes lors des amendements d'octobre 2012[16], toujours sous réserve de l'alinéa c), soit de dénoncer le comportement illicite et dissuader l'adolescent, et tout autre adolescent, de commettre des infractions[17].
[107] Ces derniers principes sont toutefois sujets à l'application du principe fondamental de la proportionnalité à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité de l'adolescent à l'égard de l'infraction[18].
[108] Puisque l'adolescent est le sujet de la demande, le Tribunal peut-il considérer l'ensemble des éléments tels qu'ils apparaissaient sous la forme d'une énumération à l'article 72 avant les amendements de 2012.
[109] Le Tribunal croit qu'il peut prendre appui sur ces facteurs et en considérer d'autres qui lui apparaissent pertinents et qui prennent appui sur la preuve présentée.
[110] Malgré les modifications au libellé de l'article 72(1), le Tribunal est d'avis que même si le législateur a abandonné l'énumération des éléments à considérer, le Tribunal peut examiner l'ensemble de ceux-ci qui apparaissent encore aujourd'hui pertinents pour la détermination d'une décision sur une demande d'assujettissement.
[111] Ce n'est qu'à partir d'un ensemble d'éléments qu'il peut être évalué quelle responsabilité morale le Tribunal attribue à l'adolescent et si une peine spécifique peut être conforme aux principes et objectifs de la LSJPA.
[112] Ces éléments étaient la gravité de l'infraction et des circonstances de sa perpétration, de l'âge, de la maturité, de la personnalité, des antécédents et condamnations antérieures. Le seront aussi les expertises des psychiatres, psychologues et criminologues, aussi les observations de l'équipe traitante de Pinel, les déclarations des victimes collatérales et de tout autre élément que le Tribunal estime pertinent.
[113] Il serait plutôt difficile de ne pas tenir compte de ces facteurs puisque pour une large part de ceux-ci, ils sont propres à l'adolescent et ils sont des critères généralement reconnus pour la détermination d'une peine en matière de droit pénal général. Toutefois, cela n'exige pas que le Tribunal leur accorde un poids égal.
[114] Concernant la peine, le Tribunal partage entièrement l'avis de Madame la juge Sophie Bourque : [19]
[98] L'écart entre ces deux peines est considérable. Il est cependant incontournable puisque la peine pour adolescents est un maximum et celle pour adultes un minimum. Entre les deux, le Tribunal ne dispose d'aucune discrétion pour moduler la peine en fonction des circonstances et du contrevenant.
[115] Plusieurs spécialistes du comportement humain, psychiatres, psychologues, criminologues, ont été déclarés experts dans leur champ de compétence respectif et ont chacun, à leur tour, présenté leur étude tendant à tracer le profil psychologique de l'adolescent, leur opinion pour expliquer ces délits et aussi sur les perspectives de réhabilitation.
[116] Ils ont tous témoigné longuement sur le profil psychologique et de la personnalité de l'accusé qui a alors été soumis à de nombreux tests d'évaluation et soumis à des échelles d'évaluations. Ils ont présenté les diverses psychopathologies dont il souffre.
[117] Elle produit un rapport d'évaluation psychologique à la demande du Tribunal.
[118] Elle affirme que l'adolescent présente un risque actuel faible. Que ses délits représentent un acte de violence isolé et que ses facteurs de risque sont dynamiques et peuvent faire l'objet d'une intervention, car ils sont modifiables.
[119] Elle retient qu'il présente différents symptômes d'état de stress post-traumatiques.
[120] Les enjeux relationnels suscitent un niveau de stress élevé et ses expériences primaires d'attachement ont suscité une sensibilité au sentiment de trahison.
[121] La rupture à l'initiative de la victime lui a été intolérable et a probablement ravivé un vécu douloureux. Il devient vulnérable et submergé lorsqu'il se sent abandonné.
[122] Suivant le matériel colligé, elle avance qu'il ne présente pas une personnalité antisociale ou problématique psychopathique.
[123] Au moment des délits, il était envahi par des émotions intenses de rage, de déception et de trahison.
[124] Il doit être traité pour son stress post-traumatique avant d'investiguer son univers psychique.
[125] Elle affirme finalement qu'il présente un trouble de personnalité limite de modéré à sévère.
[126] Il produit le rapport d'évaluation psychiatrique à la demande du Tribunal. Lors de son témoignage, il explique le diagnostic et le pronostic.
[127] Son anamnèse de la situation de l'adolescent recoupe celles présentées dans les autres évaluations.
[128] Il retient qu'en lien avec le délit, il a développé les symptômes typiques d'un désordre de stress post-traumatique. Bien qu'il soit l'auteur du délit, il ne pouvait réaliser les conséquences sur lui-même.
[129] Les observations cliniques révèlent des difficultés de sommeil, des cauchemars, des reviviscences, de l'hyperactivation du système nerveux autonome et de l'hypervigilance.
[130] Il collabore bien, répond aux demandes et n'a jamais été intimidant envers les autres résidents ou le personnel.
[131] Il présente un degré de reconnaissance claire et franc de la gravité des gestes qu'il a posés et présente du remords suivant ses capacités émotionnelles et affectives actuelles. Il exclut la schizophrénie et la maladie bipolaire.
[132] Il retient comme diagnostic une organisation fragile de la personnalité avec des traits limites importants avec une sensibilité à l'abandon et une faible capacité à gérer ses émotions intenses. Il souligne qu'il présente un bon niveau d'intelligence.
[133] Il ne présente pas une personnalité antisociale ou psychopathique.
[134] Le processus psychothérapeutique dans lequel il est investi pourrait lui permettre d'actualiser son développement psychoaffectif actuellement déficitaire.
[135] En conclusion, il croit qu'après un séjour prolongé dans les structures jeunesse pour la durée maximale, il ne présentera pas un risque significatif pour la sécurité du public lorsqu'il réintégrera la société. Cette peine spécifique permettra à la fois d'atteindre l'objectif de responsabilisation, de sécurité du public et du meilleur développement psychoaffectif possible.
[136] Elle produit un rapport prédécisionnel suivant les exigences de la loi.
[137] L'histoire longitudinale de l'adolescent est sensiblement celle qui a été présentée par Docteurs Choquette et Morissette.
[138] Elle souligne que l'adolescent apporte une bonne collaboration pour la confection du rapport. Elle affirme qu'il présente une faible capacité d'introspection et une très faible estime de lui-même.
[139] Il présente un grand vide affectif et une grande vulnérabilité. Il vit de grandes blessures interpersonnelles qui peuvent ressembler à une dynamique de règlement de compte ou le sentiment d'injustice subie.
[140] En cours d'évaluation, elle souligne qu'il n'exprime pas de remords face aux victimes.
[141] Malgré qu'il présente un bon potentiel, il est envahi par un sentiment d'injustice et présente une déficience sociale importante.
[142] Du fait qu'il ne perçoit pas la colère qu'il ressent, il est à risque encore de refouler et d'exploser s'il n'est pas outillé pour la gérer de façon adéquate.
[143] Malgré sa collaboration avec l'équipe traitante de Pinel, elle a des craintes qu'il ne puisse maintenir cette réceptivité à long terme.
[144] Son pronostic est réservé tant qu'il n'aura pas travaillé sur sa colère qu'il refoule depuis des années.
[145] Elle ne croit pas que les Centres jeunesse peuvent répondre à ses besoins à long terme.
[146] Elle-même, la Directrice de la protection de la jeunesse, le Directeur du contentieux de la protection de la jeunesse et la Directrice déléguée à la jeunesse sont du même avis que l'adolescent soit orienté immédiatement au pénitencier s'il est assujetti à une peine pour adulte, malgré son bon fonctionnement à Pinel et qu'à cet endroit, il reçoit les services qui répondent à sa situation.
[147] Il présente une évaluation psychiatrique au Tribunal à la demande de la poursuite.
[148] À l'évaluation, il note une bonne collaboration de l'adolescent durant les rencontres. Il se présente de façon ouverte sans méfiance. Son attitude est agréable.
[149] L'activité psychomotrice est dans les limites de la normale sans ralentissement ou agitation. Son affect est mobilisable et bien modulé durant les rencontres.
[150] Il dénote une certaine anxiété lors du récit des meurtres.
[151] Sa pensée est logique et bien structurée. Il ne présente pas de désorganisation psychique. Son jugement et l'autocritique sont pauvres.
[152] Au niveau de son impression diagnostique, il retient, tout comme les autres psychiatres, une fragilité de la personnalité associée à une dysphorie chronique et un sentiment de vide.
[153] Il souligne que les difficultés interpersonnelles sont souvent associées aux traits de personnalité pathologique de type "bordeline".
[154] Il retient aussi le trouble d'utilisation des substances en rémission institutionnelle.
[155] Comme diagnostic principal, il retient le trouble factice. Celui-ci repose sur l'invention volontaire de symptômes dans le but de combler un besoin d'attention.
[156] Il croit que c'est plutôt ce diagnostic qui aurait dû être posé par Docteure Swenor en janvier 2013. Aujourd'hui, dit-il, elle reconnaît que ce diagnostic aurait dû être celui qu'elle devait retenir.
[157] Concernant le pronostic, il affirme que la psychiatrie a plus à offrir au niveau de la réhabilitation à ceux qui agissent plus de façon impulsive plutôt qu'à ceux qui agissent de manière organisée ou de façon proactive.
[158] Il reconnaît que l'analyse des échelles standardisées met en évidence un risque de récidive violente peu élevée.
[159] Il adhère à l'analyse du Docteure Choquette qui conclut que l'adolescent ne présente pas de trouble des conduites, ni de comportements antisociaux.
[160] Toutefois, à son avis, les analyses doivent être pondérées à la lumière de certains facteurs de risque pour évaluer le risque de récidive.
[161] Il note la fragilisation de son milieu familial, la fragilité de l'adolescent face à la consommation, son faible engagement scolaire, ses difficultés sociales, son estime personnelle faible, son refus de traitement en janvier 2013 alors qu'on avait diagnostiqué un trouble de simulation et finalement, des difficultés au niveau de la gestion des émotions et de la gestion de la colère refoulée.
[162] Comme facteurs favorables, il retient son bon fonctionnement à l'encadrement offert à l'Unité F-2 de Pinel, qu'il accepte de prendre la médication et sa participation aux séances thérapeutiques depuis sa détention.
[163] Il affirme que le tableau clinique est complexe. Son trouble factice jumelé à son trouble d'abus de substances rendent difficiles la réhabilitation et la mise en place de traitements qui ciblent la fragilité de la personnalité.
[164] Elle témoigne dans le cadre de la preuve présentée par la poursuite. Elle présente une vaste expérience dans les évaluations psychologiques.
[165] Son évaluation repose sur une analyse minutieuse de la preuve.
[166] Les informations à son anamnèse reflètent généralement ce qui a été mentionné par les autres experts.
[167] Elle souligne l'état anxieux de l'adolescent lorsqu'il lui raconte les délits. Les regrets ressentis lui apparaissent davantage centrés sur sa propre souffrance, car le souvenir de X s'amenuise dans sa tête.
[168] Il lui souligne que c'est Dieu qui lui a demandé de tuer X et Z pour le mal qu'ils lui ont fait et que Dieu ne voulait pas qu'il se suicide par la suite.
[169] Lorsqu'il s'approche de sa propre responsabilité, il l'écarte au profit d'une responsabilité extérieure.
[170] Elle retient que ses facultés cognitives (mémoire, intelligence et jugement) sont apparues assez intactes.
[171] Il y a des indices d'anxiété et de fragilité qui se manifestent, mais de façon générale le contact avec la réalité est présent et jugé adéquat.
[172] Son discours est clair, cohérent, mais plus confus lorsqu'il devient chargé émotivement.
[173] Il ne considère pas avoir de problématique en santé mentale et ne perçoit pas ses difficultés au plan relationnel.
[174] Elle retient un trouble de dépendance aux substances actuellement sous contrôle.
[175] Il présente, selon les impressions cliniques, des indications de personnalité limite là où il existe des relations instables et intenses ainsi que de fortes préoccupations en lien aux abandons et rejets qui peuvent soulever une bonne part de colère.
[176] La perception de lui-même est fondamentalement dégradée. Il a de grandes difficultés à gérer et harmoniser la gamme de ses émotions qui peuvent mener à des épisodes d'impulsivité, de l'automutilation et des pensées suicidaires récurrentes.
[177] Aussi, une plus grande prévalence d'idées paranoïdes et des hallucinations plus importantes lorsque l'anxiété et le stress sont élevés.
[178] Le tout serait en lien à un vécu perturbé quant aux premières expériences relationnelles et d'attachement.
[179] Cela aurait été vécu comme un abandon et une grande perte ayant soulevé détresse et colère qu'il ne s'était jamais permis d'exprimer.
[180] Les blessures ressenties face au rejet de X ont cependant ravivé des émotions intenses en venant l'atteindre dans sa plus grande vulnérabilité.
[181] L'accumulation de bien des années de frustration et d'insatisfaction affective et relationnelle ont sans doute mené à la perte de contrôle de leurs expressions.
[182] L'extrême rage des délits laisse entendre qu'au delà de la situation affective, il y a une part de grande colère refoulée contre les blessures passées.
[183] Elle écarte qu'il puisse présenter une structure de personnalité antisociale. Toutefois, la préméditation, la planification sur plusieurs mois et l'extrême violence des délits sont des éléments fort inquiétants.
[184] Sa fragilité demeure entière concernant ses sphères affectives et relationnelles et demanderont du support à très long terme. Elle suggère alors son assujettissement.
[185] Elle témoigne pour la défense. Elle a participé à la création de l'Unité F-2 de Pinel et elle en a été la responsable du programme pour les adolescents pendant plus de 40 ans.
[186] Elle a longuement expliqué l'historique du programme thérapeutique. Elle reprend elle aussi à sa manière la compréhension qu'elle a de ce drame.
[187] Concernant l'adolescent, elle affirme elle aussi qu'il n'a aucune estime personnelle et se sent constamment dévalorisé. Il n'a pas d'intérêt ou de passion pour pallier certains vides affectifs.
[188] Lui-même se décrit apathique. Il fuit dans la consommation pour endormir sa souffrance.
[189] Les brisures s'accumulent dans sa vie sans qu'il réalise qu'il devient de plus en plus seul et plein de rage.
[190] Il est incapable de réaliser et d'exprimer ce qu'il vit.
[191] Il peut donner une image de bon fonctionnement, mais c'est plutôt la détresse et la rage qui dominent à l'intérieur de lui.
[192] Il fuit les interventions thérapeutiques en se convainquant que tout va bien, car il serait trop douloureux pour lui de regarder sa tristesse en face.
[193] Les facteurs précipitants ont été la rupture, la consommation de diverses drogues chimiques qui diminuent son jugement, son quotidien envahi par des scénarios de violence qui occupent son temps d'éveil et le support d'un ami complice qui veut lui aussi mourir.
[194] Elle conclut en disant que la peine spécifique maximale serait suffisante pour le responsabiliser et lui permettre une période de réadaptation qui permet de diminuer fortement les facteurs qui peuvent expliquer l'agir délictuel.
[195] Il est entendu dans la preuve de la défense. Ce dernier témoigne pour présenter son expertise.
[196] Il nous apprend que l'adolescent a offert une bonne collaboration, mais plutôt passive.
[197] Il n'a pas remarqué de déficit manifeste au niveau des capacités cognitives. Toutefois, l'adolescent garde une certaine distance par rapport à ses émotions et qu'il est peu en contact avec celles-ci.
[198] Sa pensée est cohérente et bien structurée. Sa capacité d'introspection doit être améliorée. Il n'observe pas de symptômes psychotiques.
[199] Il s'agit d'un adolescent qui n'a pas envie de parler de lui-même, qui manifestement préfère qu'on le laisse tranquille, qui veut rester dans sa bulle.
[200] Il partage le même diagnostic que Docteur Morissette concernant une structure fragile de la personnalité.
[201] Il ajoute que selon les critères du DSM, l'adolescent présente un trouble de la personnalité.
[202] Pour mieux définir ce qu'est la personnalité, il explique qu'elle peut être conçue comme étant l'ensemble des mécanismes adaptatifs ainsi que l'ensemble des capacités relationnelles utilisées par un individu pour faire face à son environnement et surtout son environnement interpersonnel et social.
[203] Il exprime que la personnalité est plus difficile à changer à partir de l'âge adulte, mais tout de même plus facile à 20 ans qu'à 60 ans.
[204] Concernant l'adolescent, déjà certaines caractéristiques définissent sa personnalité : le niveau de motivation est faible, une attitude face au monde extérieur qui est plus réactive que proactive, une estime de soi faible, des habilités sociales faibles, une tendance à être plutôt retiré, solitaire et à vivre dans sa bulle.
[205] Il explique que du point de vue scientifique, il y a deux aspects particulièrement importants au niveau de la maturation psychologique, sociale, relationnelle et neurologique que sont la capacité d'attachement et la capacité de régulation des émotions. L'adolescent éprouve des difficultés à ces deux niveaux.
[206] Il partage l'avis des Docteurs Morissette et Choquette qu'il ne souffre pas de pathologie psychotique.
[207] Concernant les hallucinations auditives, elles lui apparaissent vraisemblables et sont de l'ordre de la décompensation d'un trouble de la personnalité sévère. Elles ont pour fonction de réduire une charge affective insoutenable.
[208] Docteur Nowakowski partage l'avis de madame Lapointe, et ce, sur un seul point; c'est lorsqu'elle affirmait : « qu'il ne perçoit pas sa colère qu'il ressent et qu'il est à risque de refouler et d'exploser s'il n'apprend pas à la liquider de façon adéquate ». C'est pourquoi dit-il que cette caractéristique milite en faveur dune réadaptation intensive.
[209] Il partage aussi son avis que si cela n'est pas travaillé, le pronostic demeure réservé. Toutefois, puisqu'il ne présente pas une structure de personnalité antisociale, le pronostic est plutôt favorable pour sa réadaptation à la condition bien sûr qu'il reçoive une aide thérapeutique intensive; ce que Pinel peut lui offrir.
[210] Il croit que l'adolescent présente une dynamique qui en fait un bon candidat à la réadaptation. Ne pas lui faire bénéficier du meilleur traitement conçu spécifiquement pour des adolescents à Pinel est, par conséquent, contre-productif au niveau de la réinsertion sociale ultérieure et au niveau de la sécurité publique.
[211] Concernant le choc post-traumatique, madame Lambert le documente assez clairement par plusieurs observations sur l'unité. Ce qu'elle souligne à son rapport appuie considérablement le diagnostic avancé par Docteur Morissette alors que le traitement pharmacologique est dispensé principalement pour atténuer les symptômes observables.
[212] Elle explique plusieurs symptômes observés, tels les tics nerveux, les cauchemars, les hallucinations rapportées par l'adolescent et l'hypervigilance. Elle dit que l'anxiété est difficile à contrôler et elle s'amplifie peu à peu.
[213] Cette éducatrice, de par ses observations cliniques, nous souligne que l'adolescent est incapable d'identifier la colère qu'il peut ressentir.
[214] Il est introverti et ne sait pas comment gérer ses émotions, les nommer et les exprimer.
[215] Les observations de cette éducatrice dans le quotidien de cet adolescent sont pertinentes pour comprendre sa dynamique autant que ce que les experts nous ont exposé. On le dit plutôt passif et à se laisser porter par les événements. Il est de nature docile et collabore bien à l'encadrement sur l'unité. Il peut même passer inaperçu et n'affiche pas ses émotions.
[216] Or, ses constatations rejoignent celles du Docteure Choquette et de madame Bergeron, toutes les deux psychologues, que le danger avec l'adolescent c'est qu'il demeure fermé sur ses émotions et qu'on n'arrive pas à intégrer suffisamment chez lui des facteurs de protection.
[217] Cet aspect de sa personnalité apparaît être le nœud gordien de ses difficultés et explique en partie le peu ou pas d'empathie ressentie pour les victimes.
[218] À l'unité, il collabore très bien, et ce, à plusieurs niveaux. Il fait preuve de transparence et fait confiance aux intervenants.
[219] En résumé, elle dit que l'adolescent est un jeune ouvert à travailler sur lui-même et il met en action les moyens proposés.
[220] Il est conscient de sa situation et ne banalise pas ses gestes. Il est prêt à en assumer les conséquences et souhaite pouvoir se reconstruire au cours des prochaines années.
[221] Il reconnaît aussi sa fragilité face à sa consommation.
[222] Le Tribunal souligne que l'avis des experts est certainement utile afin qu'il puisse prendre une décision judicieuse. Toutefois, il appartient au Tribunal, suivant la preuve et les règles de droit, de rendre une décision conforme aux principes du droit établi. Leurs témoignages sont soumis aux mêmes règles d'appréciation comme tout autre témoin[20].
[223] La valeur probante d'une expertise peut être affectée s'il est omis de prendre en considération certains faits révélés par la preuve ou si elle se fonde sur des faits non révélés par la preuve[21].
[224] Concernant la preuve présentée, le Tribunal ne tient pas rigueur aux experts qui n'ont pas examiné l'intégralité de la preuve concernant les messages Facebook et au visionnement de l'interrogatoire policier. Même en l'ayant fait, les conclusions de leur expertise n'auraient pas été différentes.
[225] La présomption de culpabilité morale moindre de l'adolescent peut se réfuter en prouvant que l'adolescent a une intelligence certaine, une expérience suffisante par son éducation, son environnement familial, son profil psychologique et qu'il est en mesure de comprendre la nature et les conséquences de ses actes et savoir qu'ils sont répréhensibles.
[226] Il est largement reconnu que l'âge influe sur le développement du jugement et du discernement moral[22].
[227] Le Tribunal rappelle que les circonstances de l'infraction n'ont pas été contestées par la défense. D'ailleurs, un exposé conjoint des faits est déposé en preuve. Les facteurs aggravants qui y sont exposés le sont hors de tout doute raisonnable.
[228] Les accusations pour lesquelles l'adolescent s'est reconnu coupable de meurtre sont objectivement les plus graves que l'on puisse retrouver au Code criminel.
[229] Ces crimes de meurtre sont punissables de peine spécifique maximale de 10 ans sous la LSJPA et de l'emprisonnement à perpétuité, si l'adolescent est assujetti à une peine pour adulte.
[230] À ces trois condamnations pour meurtre s'ajoutent bien sûr les trois condamnations de complot pour meurtre.
[231] Concernant la gravité subjective des crimes, elle est totale et entièrement attribuable à l'accusé et son complice.
[232] La préméditation, la planification, la préparation et l'exécution du funeste projet exposé sous tous ses angles démontrent une gravité subjective très importante.
[233] L'adolescent préméditait un plan depuis quelques mois. Il le dévoilait partiellement par ses messages texto et sur Facebook transmis à plusieurs connaissances ou amis.
[234] Son amitié indéfectible pour le complice le conforte dans son plan, puisque ce dernier va y adhérer totalement. Il ne sera jamais confronté par ce dernier afin de lui faire entendre raison et faire échouer le plan échafaudé.
[235] À ce chapitre, le Tribunal ne reprendra pas entièrement les faits énoncés ci-haut.
[236] On aura compris que ces crimes de meurtre et de complots pour meurtre sont parmi les pires que l'on puisse imaginer.
[237] Le projet prend forme définitivement la veille. On identifie le matériel qu'on doit apporter, des articles afin de causer des souffrances et bien sûr des armes de fort calibre et plusieurs munitions pour réaliser le projet.
[238] Bien sûr, on ne sait pas à l'avance qui pourrait s'y trouver au domicile des jeunes victimes. Par contre, l'accusé et son complice s'attendent à y retrouver quelques personnes.
[239] On se lève tôt puisque l'on doit faire un déplacement par transport en commun d'une durée approximative d'une heure. Les imprévus en cours de route ne freinent pas l'ardeur des deux adolescents.
[240] Rien ne nous permet de croire qu'ils se sont interrogés et doutés de la réalisation du projet. L'interrogatoire ne nous éclaire pas à ce sujet.
[241] L'idée a germé dans l'esprit des accusés et elle y est bien enracinée. L'arrivée dans le quartier résidentiel si tôt le matin démontre une stratégie bien arrêtée. L'effet de surprise sera total.
[242] À cette heure, alors que les gens sont bien tranquilles dans leur résidence s'apprêtant à préparer leur journée, les victimes offrent toute leur vulnérabilité et incrédulité aux adolescents.
[243] La stratégie et l'exécution du plan démontrent certainement un bon degré d'intelligence chez l'adolescent et de bonnes capacités cognitives démontrés par le sens de son organisation, de la planification et du déroulement du projet. Il fait preuve également d'un grand sang-froid.
[244] À l'intérieur de la résidence s'y trouvent trois jeunes personnes qui ne sont pas les maîtres de la maison. Deux des victimes sont les filles de la responsable de l'habitation, elle-même victime du complot. S'y trouve également une autre victime, un adolescent, ami de coeur de l'adolescente.
[245] Elles ne peuvent sûrement pas comprendre ce qui se produit.
[246] La stupeur et la frayeur des victimes ne les touchent point; ils sont imperturbables.
[247] Le complice de l'adolescent obligera X et son ami Z, cachés dans une garde-robe, et ce, à la pointe d'une arme de venir prendre place au salon où la troisième victime, Y, s'y trouve déjà avec l'adolescent.
[248] La victime X est en crise, elle est en communication avec le service d'urgence 911.
[249] Les accusés discutent peu, ne donnent pas d'explications; ils agiront rapidement et exécuteront froidement les trois jeunes victimes dans un lieu, leur résidence, où elles s'attendaient à être le plus en sécurité.
[250] Trois jeunes victimes disparaissent soudainement dans l'incompréhension la plus totale emportant en elles l'amour pour leurs proches et tout leur émerveillement face à la vie.
[251] Or, le Tribunal ne peut trouver de circonstances atténuantes en lien avec la perpétration des infractions.
[252] L'adolescent s'est reconnu coupable de toutes les infractions portées contre lui. La preuve étant accablante, aucune issue ne s'offrait à lui.
[253] Toutes les évaluations présentées en preuve ne permettent pas de conclure qu'il est atteint de troubles mentaux qui le rendent incapable de juger de la nature et de la qualité des actes et de savoir qu'ils sont mauvais[23]. Si tel avait été le cas, un procès aurait bien sûr eu lieu.
[254] Lors de son interrogatoire policier, enregistré sur DVD, on a pu l'observer longuement. Il est apparu peu ou pas troublé par ce drame qu'il venait de causer. Par ailleurs, le détachement apparaissait bien présent.
[255] Imperturbable émotionnellement, son attitude démontrait qu'il était plutôt curieux de voir et d'entendre ce que le coaccusé, son ami, pouvait avoir dévoilé aux policiers.
[256] Après que son ami eut tué la jeune victime adulte, sœur de celle qu'il convoitait, il affirme qu'il était trop tard pour revenir en arrière. On comprend alors de ce discours qu'il valait mieux continuer dans le même sens pour les deux autres victimes. Il apparaît clair que si la mère avait été présente, elle aurait subi le même sort.
[257] Docteur Morissette a souligné que ce manque d'empathie à l'égard des victimes est bien présent dans des cas où des adolescents sont impliqués dans des crimes homicidaires.
[258] Concernant l'absence d'empathie remarquée chez l'adolescent, la Cour d'appel[24] souligne qu'alors qu'il bénéficie d'une présomption de culpabilité morale moindre, il ne peut être accordé un poids démesuré à l'absence d'empathie pour les victimes. Elle cite un extrait de la doctrine et retenu par la Cour suprême[25]:
[25] … [TRADUCTION] Dans de nombreux contextes, les jeunes ne sont pas conscients de la portée et des conséquences de leurs actes, et ils peuvent être incapables de s’identifier aux éventuelles victimes de leurs actes fautifs. Les jeunes qui sont appréhendés et à qui on demande pourquoi ils ont commis un crime répondent la plupart du temps : « Je ne le sais pas. » En raison de leur manque de jugement et de leur imprévoyance, les jeunes ont tendance à être de piètres criminels et, du moins comparativement aux adultes, ils sont relativement faciles à appréhender. (13) [Je souligne.]
(Référence omise)
[259] Docteurs Morissette et Choquette ont souligné qu'il ne fait que commencer actuellement à éprouver de l'empathie envers les victimes. Il est actuellement au tout début d'un long processus.
[260] Madame Bergeron soulignait, à propos de son interrogatoire policier, qu'il avait aussitôt refermé le couvercle de son presto étant incapable d'avoir accès à son univers émotif puisque cela est de nature à le faire souffrir grandement.
[261] La lecture que le Tribunal a actuellement concernant l'empathie est celle que les experts ont pu lui en témoigner.
[262] À l'audience, le Tribunal a pu observer à quelques occasions des pleurs chez l'adolescent. Toutefois, cela ne révèle pas si c'est à cause de l'incertitude de ce qu'il vit sur le plan judiciaire ou bien des émotions vécues en lien avec la culpabilité ressentie et d'une empathie pour les victimes.
[263] Le Tribunal retient que les psychologues et psychiatres suggèrent tous que l'adolescent présente un trouble de personnalité limite et pour certains de modéré à sévère et présente aussi une problématique sérieuse de toxicomanie en voie de rémission.
[264] Son cheminement actuel depuis le début de sa détention à l'Unité F-2 de l'Institut Philippe Pinel démontre que l'adolescent fonctionne correctement dans le cadre établi. Il participe adéquatement dans le processus thérapeutique mis en place. Il n'a pas, suivant certaines échelles d'évaluation, le profil d'une personnalité antisociale.
[265] Aucun geste hétéro agressif n'a été recensé, sauf bien sûr un événement au centre de réadaptation où il aurait affirmé à une intervenante au retour d'une activité : « j'aurais le goût de tous les tuer ». Son alliance thérapeutique avec Docteur Morissette et Docteure Choquette, psychologue, apparaît comme étant positive.
[266] Cette dernière affirmait qu'il tend à s'ouvrir sur son vécu émotionnel. Aucun autre intervenant n'a signalé des gestes ou attitudes répréhensibles chez l'adolescent. Il y a toutefois un élément qui a été souligné où l'adolescent et son complice auraient échangé un certain clin d'œil étant alors, à ce moment-là, tous les deux à la même unité.
[267] Il est exprimé que son implication pourrait rester aussi à un niveau superficiel et que les résultats obtenus dans le cadre du processus thérapeutique ne puissent être convaincants concernant sa réhabilitation.
[268] Toutefois, son attitude générale nous oblige à lui donner crédit sur sa participation au programme. Il est possible compte tenu de ses traits de personnalité et de son immaturité qu'il ne puisse saisir toute la pertinence de cette intervention thérapeutique. L'adolescent s'est bien plié à l'ensemble des évaluations auxquelles il a participé.
[269] Le Tribunal retient que l'adolescent participe dans la mesure de ce que ses capacités personnelles le rendent disponible.
[270] Le Tribunal reconnaît que le programme de Pinel est le plus adapté pour venir en aide aux adolescents placés dans de telles situations. C'est le seul endroit ayant cette expertise pour les cas les plus troublants.
[271] Certains des experts, Docteurs Morissette et Nowakowski, suggèrent que la peine spécifique serait d'une durée suffisamment longue pour permettre à l'adolescent de faire tous les acquis au niveau thérapeutique qui peuvent favoriser sa réhabilitation.
[272] Pour ces psychiatres, sa personnalité n'étant pas cristallisée, il peut être travaillé intensément sur cet aspect de la réadaptation. Il est, selon eux, un patient qui a le profil pour bénéficier d'une thérapie à long terme dans le cadre d'une peine spécifique.
[273] Les dangers de récidive pourraient être écartés, mais ils reconnaissent qu'il y a toujours une incertitude qui va subsister. Le traitement bien sûr consiste en une psychothérapie avec, pour le moment, une composante pharmacologique pour l'épisode de stress post-traumatique.
[274] Pour les autres et plus particulièrement Docteur Gignac, il affirme que c'est une situation particulièrement complexe. Le trouble de personnalité limite nécessite un traitement au long cours. Il s'agit d'une psychopathologie particulièrement difficile à travailler, cela ne se guérit pas. Ce n'est que par de l'intervention humaine intensive et avec une grande implication du sujet qu'on peut obtenir des résultats permettant de croire que la société pourrait être protégée à long terme.
[275] Ce dernier croit que la société serait davantage protégée si l'adolescent était assujetti à une peine pour adulte. Il a bien sûr discuté longuement du trouble factice qui, selon lui, est bien présent chez l'accusé et que cela avait été une piste envisagée par Docteure Swenor qui évalue l'adolescent en janvier 2013.
[276] Son avis n'est pas partagé par Docteur Morissette sur ce sujet. Le Tribunal ne retiendra pas ce diagnostic dans les circonstances. Le Tribunal ne croit pas que ce trouble explique l'agir délictuel.
[277] Le Tribunal retient que tous les experts, psychologues, psychiatres, criminologues et la déléguée du Directeur provincial s'entendent pour affirmer que l'adolescent nécessite des services de psychothérapie et même pharmacologiques pour une longue durée afin de traiter cette psychopathologie qu'est son trouble de personnalité limite et même qualifié de modéré à sévère par la psychologue traitante, madame Choquette.
[278] La réadaptation se veut être longue. Il s'agit d'un trouble complexe qui ne peut être traité que par une participation assidue et nécessitant un encadrement quotidien pour créer chez l'individu des changements significatifs à ses traits de personnalité.
[279] Dans le cas de l'accusé, ce travail peut être difficile, car il devra explorer son univers affectif, d'où proviennent ses souffrances et être capable de s'ouvrir. Pour bien imager cette situation, madame Bergeron disait qu'il se devait d'être capable d'ouvrir le couvercle de son presto. Il n'en est encore aujourd'hui qu'à ses tout débuts pour l'exploration de son univers émotif.
[280] La psychologue traitante, madame Choquette, a découvert plusieurs éléments présentés en preuve qui n'étaient pas portés à sa connaissance, soit : la nature et le contenu des messages Facebook et des textos échangés avec le complice et d'autres adolescents, le contenu de l'interrogatoire ainsi que le dévoilement d'une certaine criminalité cachée pour lesquelles activités l'adolescent ne s'était pas encore ou peu livré.
[281] On n'a qu'à penser à son implication et la planification des événements ayant pour but de créer une grande commotion dans la collectivité, à la planification et la fabrication d'une bombe artisanale à faire sauter dans le milieu scolaire fréquenté par l'une des victimes ou dans un autobus.
[282] Elle soulignait lors de son témoignage ainsi que Docteur Morissette, qu'il y a certaines choses qui devront être éclaircies avec l'adolescent. Ceux-ci ont clairement exprimé qu'il ne présentait pas de traits antisociaux. Toutefois, le Tribunal a pu observer que cela n'était pas sans leur causer certaines inquiétudes de ce qu'ils ont appris par la présentation de la preuve.
[283] Docteur Gignac reconnaît que l'évaluation de l'échelle Savry lui apparaissait avoir été faite suivant les standards et qu'il aurait lui-même indiqué les mêmes pointages. Il reconnaît lui aussi qu'il ne présente pas à ce stade-ci une personnalité antisociale.
[284] Par contre, il estime que certains facteurs de protection évalués et jumelés avec l'observation clinique lui apparaissent plutôt faibles. Il s'agit du milieu familial alors que la relation de l'adolescent avec ses parents est plutôt mitigée, malgré le bon vouloir des parents d'assurer leur présence.
[285] Sachant ce qui s'est produit, il est difficile de ne pas croire qu'il y aurait pu se produire bien autre chose dans les circonstances mises en preuve par les entretiens et aveux de l'accusé sur les échanges textos et Facebook.
[286] Docteurs Gignac et Morissette s'entendent bien sur la nature du traitement dont doit bénéficier l'accusé. Docteur Nowakowski partage aussi cette opinion.
[287] Ils reconnaissent que le traitement approprié, dans les circonstances, apparaît être celui tel que dispensé par l'équipe traitante à l'Unité F-2. Ils ont l'expertise, la compétence et un programme renouvelé qui a fait ses preuves depuis de nombreuses années et qui a permis la réadaptation et la réhabilitation de nombreux jeunes impliqués dans des actes homicidaires.
[288] À ce sujet, le Tribunal retient ce qu'en disait madame Toutant, criminologue, qui a œuvré auprès des jeunes délinquants en étant la responsable du programme à l'Unité F-2 pendant de nombreuses années. Elle explique comment a été monté ce programme unique lorsqu'il a été créé au Canada pour mettre fin à l'emprisonnement d'adolescents avec des adultes qui ne recevaient aucun soin pour répondre à leurs conditions fragiles et favoriser leur réadaptation.
[289] Docteur Gignac affirme dans son expertise qu'il s'agit d'une question complexe concernant le traitement et l'évolution future du sujet et lorsqu'il témoigne, il ne discrédite pas le travail qui est accompli par l'équipe traitante à F-2. Il est responsable de la clinique externe, mais il connaît bien l'Unité F-2 pour y avoir œuvré.
[290] Tout comme Docteur Morissette, il reconnaît qu'il n'y a pas de garantie que ce traitement sera d'une telle efficacité pour permettre à l'adolescent de renaître, de devenir un actif pour la société, et d'avoir cette assurance qu'il trouvera l'équilibre qui garantira que la société pourrait être protégée à long terme.
[291] Tous reconnaissent que l'adolescent ne présente pas de traits antisociaux ou traits psychopathiques. Toutefois, madame Bergeron exprime une certaine réserve à cause d'une certaine criminalité non dévoilée. Elle ne peut prédire ce à quoi voudra adhérer l'adolescent dans le futur et à quel mode de vie voudra-t-il s'identifier.
[292] Sur cet aspect, le Tribunal souligne que la criminalité dont on a largement fait état dans la preuve, notamment le vol ou le trafic de certaines drogues, la participation à une certaine fraude, peuvent s'apparenter à cette criminalité que l'on retrouve chez bien des adolescents qui comparaissent devant le Tribunal et qui généralement parviennent à retrouver l'équilibre nécessaire à leur bon fonctionnement.
[293] Le Tribunal n'est pas non plus sans ignorer que l'ensemble de son activité délictueuse, puisque les experts ne peuvent se prononcer à long terme, puisse être le début d'un mode de vie que l'adolescent souhaitait adopter et qu'il puisse se cristalliser alors qu'il atteindrait sa pleine maturité.
[294] Madame Bergeron reconnaît qu'il est un individu qui présente une grande souffrance. Elle ne sait s'il sera capable d'accéder à son univers émotif pour liquider toute cette colère pouvant être en lien avec le sentiment d'abandon ou de rejet. Elle aussi, comme Docteure Choquette, trace un lien avec la question du lien d'attachement.
[295] Docteur Gignac aussi croit que l'abandon et son incapacité à vivre le rejet semblent être le catalyseur de tout ce terrible drame.
[296] Sans des interventions rigoureuses et une alliance thérapeutique dans laquelle l'adolescent est pleinement investi, il ne pourra arriver à liquider sa souffrance et sa colère et lui permettre de bien composer avec sa dynamique personnelle.
[297] Le travail en est un au long cours comme l'exprimait Docteur Gignac. Aucun professionnel n'a été en mesure d'affirmer qu'on y parviendra. Certes, les résultats antérieurs documentés chez d'autres adolescents permettent aux experts Choquette et Morissette de fonder de l'espoir dans la réussite de leur plan de traitement établi. Ce système a fait ses preuves.
[298] Ils ont raison de croire à ce programme de traitement offert dans cette institution. Ils y évoluent depuis tant d'années, on ne peut leur reprocher d'y croire et le Tribunal affirme qu'ils doivent y croire si on veut faire évoluer cet excellent système thérapeutique.
[299] C'est profondément légitime. C'est d'avoir foi en l'humain sans jugement de valeur, sans discrimination; avoir une certaine foi que le meilleur d'un adolescent peut transcender une certaine noirceur présente dans leur monde émotif; ceux qui s'y retrouvent habituellement sont en grandes difficultés.
[300] Ils y ont gardé la plupart des adolescents ayant été déclarés coupables de gestes homicidaires, tous les types d'homicides en passant par le meurtre au 2e degré et de meurtre au 1er degré. Le taux de réussite est significatif et la récidive en semblable matière inexistante.
[301] Le Tribunal croit en ce milieu de réhabilitation pour ces adolescents déclarés coupables d'homicide sous toutes les formes. L'application du protocole thérapeutique est intensive et quotidienne; le nombre restreint de délinquants qui s'y trouvent favorise certainement l'efficacité.
[302] Par contre, la période d'hébergement est courte. C'est le seul grief que le Tribunal peut adresser à l'égard de ce système et les délais légaux pour l'y maintenir empêchent le Tribunal d'envisager son placement à long terme dans cette institution.
[303] L'adolescent n'a pas encore atteint son plein développement intellectuel et psychologique. Sa personnalité n'est pas cristallisée, elle peut offrir encore cette malléabilité qui est nécessaire pour permettre sa réadaptation.
[304] Madame Bergeron se dit inquiète pour le futur, le long terme, car s'il n'arrive pas à atteindre les objectifs fixés dans le processus thérapeutique, il pourra vivre à d'autres étapes de sa vie des situations lui faisant vivre les mêmes émotions que celles qui l'ont précipité dans les agirs délictuels.
[305] C'est cet aspect qui inquiète le plus le Tribunal, car la vie d'un si jeune individu avec une si grande expectative de vie ne pourra toujours s'écouler comme un grand fleuve tranquille.
[306] Pourra-t-il être outillé convenablement pour qu'il puisse composer avec son trouble de personnalité limite sans remettre dans le futur la société en danger de quelque manière et s'abstenir de toutes formes de consommation.
[307] Il est presque impossible qu'il ne puisse vivre dans le futur des événements que le Tribunal dirait plus perturbateurs que l'abandon et rejet vécus dans une relation affective d'adolescent.
[308] Le Tribunal ne banalise surtout pas ce que certains pourraient qualifier d'amourettes d'adolescents(es), car elles peuvent, dans certains cas, leur faire vivre au moment des ruptures ou abandons, des états émotifs si intenses qu'ils puissent être grandement perturbés et avoir ce sentiment que leur vie entière s'est écroulée. D'autant plus, lorsque celui-ci est affecté par une psychopathologie, tel le trouble de personnalité limite de modéré à sévère.
[309] Certains tests et les observations jusqu'à ce jour permettent d'avancer l'opinion que l'adolescent présente un profil qui favorise sa réhabilitation. Il ne présente pas, selon certains tests usuels et l'échelle Savry, les caractéristiques d'une personnalité antisociale qui caractérisent généralement ceux qui adoptent des comportements et un mode de vie qui contreviennent aux lois et à l'ordre établi socialement. Sa criminalité apparaît pour le moins être circonstancielle.
[310] Cet aspect apparaît présenter une certaine sécurité pour le long terme.
[311] Sans avoir une personnalité avec des traits antisociaux, le trouble de personnalité limite de modéré à sévère chez l'adolescent jumelé à un autre facteur qu'est la toxicomanie (refuge bien souvent des émotions mal gérées) peuvent être, de l'avis du Tribunal, à eux seuls des facteurs de risque importants et favoriser la récidive dans des gestes hétéro agressifs, homicidaires et d'auto agressivité pouvant mettre en péril les autres acteurs de la société dans laquelle pourrait évoluer l'adolescent, l'adulte en devenir.
[312] La recommandation au rapport prédécisionnel suggère, elle aussi, l'assujettissement de l'adolescent à une peine pour adulte. Le rapport tient compte de la position des familles, des crimes et d'autres facteurs propres à l'accusé.
[313] La cour d'appel du Québec[26] reconnaît que le juge d'instance jouit d'un pouvoir discrétionnaire concernant l'assujettissement; encore faut-il dit-elle qu'il l'applique raisonnablement en tenant compte des circonstances aggravantes et atténuantes et que la peine doit reflétée adéquatement :
[7] […] la nécessité d’établir « clairement le lien entre le comportement délictueux et ses conséquences »(2) de façon à ce que la peine soit « proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité de l’adolescent à l’égard de l’infraction »(3).
(Références omises)
[314] Malgré que la présomption d'assujettissement à une peine applicable aux adultes ne soit pas conforme aux principes de justice fondamentale alors qu'il bénéficie d'une culpabilité morale moins élevée, cela ne signifie pas selon la Cour suprême[27] que l'adolescent ne peut pas être assujetti à une peine applicable aux adultes. Dans certains cas, elle reconnaît que la gravité de l'infraction et la situation de l'adolescent qui l'a commise peut justifier que celui-ci le soit malgré son âge.
[315] La défense soutient que l'analyse doit être faite en fonction des perspectives positives favorisant sa réadaptation. Elle prétend que l'interprétation de la poursuite concernant le meaningful consequence et le châtiment ne sont pas des notions retenues par les tribunaux au Québec.
[316] Notre collègue, Madame la juge Lucie Rondeau[28], fait une analyse de la notion de perspectives positives (meaningful consequences) favorisant la réadaptation et la réinsertion sociale en vue d'une protection durable du public. Elle exprime ceci :
[26] Il convient d’abord d’analyser ce que signifie la notion de « perspectives positives » à laquelle la défense a abondamment référé pendant ses observations. Le premier constat qui s’impose est que cette notion de « perspectives positives » s’inscrit dans le contexte où l’adolescent doit « répondre de l’infraction » suivant la version française du texte de la Loi. Le deuxième constat qui s’impose est l’étonnement que la version anglaise de cette même législation édicte « to hold a young person accountable for an offence through the imposition of just sanctions that have meaningful consequences ». Convenons que les expressions n’ont pas le même sens suivant ces deux versions. L’on aurait été en droit de s’attendre que la version française évoque des « conséquences significatives » pour bien refléter l’expression choisie dans la version anglaise du texte qui, en indiquant « meaningful consequences » fait écho à une notion davantage connue en droit criminel.
[27] Cet argument a d’ailleurs conduit la soussignée à conclure, dans une décision antérieure(4), suivie par d’autres collègues(5) et approuvée par un auteur(6), qu’il faut avoir recours à la version de l’autre langue officielle pour mieux saisir la notion ambiguë de « perspectives positives ». La Cour suprême(7) a eu l’occasion de rappeler, en interprétant une autre disposition de la Loi dont la teneur est différente dans les deux langues officielles, qu’il est approprié de se référer à la version qui représente le plus clairement le sens commun de l’expression en litige.
[28] Or, l’expression « meaningful consequences » de la version anglaise constitue, dans le cadre du processus judiciaire de la détermination de la peine, un repère connu et utile. De plus, cette expression se concilie davantage avec l’objectif que le législateur vise, en utilisant ces mots, soit de « faire répondre » l’adolescent ou suivant la version anglaise, « to hold a young person accountable », de l’infraction qu’il a commise. Le contexte de répondre de ses actes ou d’«accountability» est davantage compatible avec l’expression « conséquences significatives » que « perspectives positives ».
(Références omises)
[317] Sa réflexion s'articule à partir de la décision de la Cour d'appel d'Ontario[29], qui elle réitère des principes bien établis à la LSJPA, soit que la peine doit être juste et proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de culpabilité morale de l'adolescent qui doit assumer la responsabilité de ses actes par une conséquence significative, laquelle permet de renforcer les valeurs de la société.
[318] Le Tribunal partage son avis que cette interprétation semble davantage compatible avec le principe de la proportionnalité de la peine qui est déterminant et a préséance sur les autres facteurs à considérer.
[319] L'importance du principe de la réhabilitation demeure, mais il l'est sous réserve du principe de la proportionnalité.
[320] Le principe de l'individualisation de la peine est fondamental et, bien qu'elle soit exceptionnelle, la peine maximale n'est pas réservée au pire crime commis dans les pires circonstances et doit être imposée si les circonstances le justifient une fois appliqués les principes normatifs du Code criminel dans un contexte individualisé[30].
[321] Les crimes pour lesquels l'accusé a plaidé coupable sont clairement les plus sérieux que le Code criminel canadien peut contenir.
[322] Le crime de meurtre étant l'atteinte irrémédiable et irréparable à l'intégrité d'une personne.
[323] Les circonstances de cette affaire particulièrement troublante démontrent des facteurs nettement aggravants hors de tout doute.
[324] Certaines circonstances atténuantes révélées par la preuve doivent être aussi retenues. Il y a celles antérieures aux crimes et celles postérieures à ceux-ci, notamment il n'a pas d'antécédents judiciaires, ses troubles psychologiques, son comportement positif à Pinel et au centre d'accueil de Joliette et son implication thérapeutique.
[325] Toutefois, il ne faut pas occulter la gravité de l'infraction commise par l'adolescent et son degré de responsabilité à l'égard de celle-ci.
[326] La perpétration de ces crimes présente des caractéristiques qui leur sont particulièrement troublantes. La planification de ceux-ci sur une longue période constitue un facteur aggravant important. Les victimes étaient visées et quelques scénarios étaient projetés entre autres de se rendre au domicile de Z pour lui prendre sa vie. Certains scénarios tout aussi morbides germaient dans l'esprit de l'adolescent.
[327] Cette préméditation permet à l'adolescent de carburer sur les idées de s'en prendre à l'une ou l'autre des victimes que sont Z et X.
[328] Le projet était à ce point délirant qu'on veut s'en prendre à la mère de cette adolescente, lequel projet est tout aussi cruellement sinistre.
[329] La planification soigneuse pour l'exécution du plan projeté constitue un facteur aggravant qui est terrifiant. La preuve révèle que le plan est dévoilé lors d'échanges textos avec le coaccusé et certains de ces éléments partagés avec d'autres amis. Que serait-il advenu de l'ex-copine du coaccusé si elle avait décidé d'emboîter le pas et de s'impliquer dans l'exécution du projet.
[330] L'accusé avait déjà à l'esprit de causer sa mort. Et pour quelle raison fallait-il en arriver à cela? La preuve ne permet pas de comprendre clairement l'état d'esprit de l'accusé pour échafauder un tel scénario à l'égard d'une victime potentielle qui n'a rien d'une victime qu'on peut qualifier de spécifique.
[331] La veille, la planification laisse une certaine place à l'organisation matérielle du crime, c'est le début d'une préparation relativement bien soignée pour arriver à son dessein.
[332] Les aveux de l'adolescent lors de son interrogatoire démontrent clairement que le projet est tellement articulé et cristallisé dans son esprit qu'il n'a aucun doute sur sa réussite et ne s'attarde pas aux conséquences qui vont suivre après son exécution.
[333] Dans le cas de l'adolescent, la pensée fait place uniquement à la logique. Il n'y aucune réflexion sur les valeurs qui seront outrageusement violées et toutes les conséquences collatérales tant pour les familles des victimes et pour sa propre famille.
[334] L'exécution des crimes nécessite d'avoir du matériel suffisamment intimidant pour les réaliser.
[335] L'usage d'un matériel divers nous démontre que pour faire souffrir, il est nécessaire d'avoir un couteau, un marteau, un bâton, une râpe, du sel, du ruban, de la sauce Tabasco, du fil barbelé et des produits inflammables.
[336] Pour enlever la vie, on fera usage d'armes à feu de fort calibre, l'adolescent peut y avoir accès. Il a l'expérience de la chasse et possède toutes les habiletés pour leur maniement.
[337] On ne peut affirmer qu'il n'a pas cette intelligence pour comprendre tout le danger potentiel que représente son arsenal et que l'usage projeté ne permettra pas de revenir en arrière après coup.
[338] Il a l'expérience pertinente et facilite au coaccusé l'apprentissage pour le maniement d'une arme qu'il va lui remettre pour qu'il s'en serve efficacement.
[339] De plus, il doit emprunter un long trajet d'autobus pour se rendre au domicile des victimes. Ce long moment parmi le public ne suscite pas une certaine réflexion qui pourrait étouffer le projet.
[340] Malgré que le coffre de guitare s'est brisé, on a pris soin de trouver une solution pour le rendre fonctionnel en l'enrubannant.
[341] Finalement, la présence au domicile des victimes est stratégique. Le scénario se déroule parfaitement et l'adolescent demeure en retrait et prépare l'accès aux armes.
[342] Il est tôt le matin, les victimes sont extrêmement vulnérables. Elles sont jeunes et ne peuvent prévoir qu'un projet aussi machiavélique se dessine et que leur vie va s'évanouir dans l'incompréhension.
[343] Cette invasion d'un domicile pour y commettre des crimes aussi graves que le meurtre est un facteur nettement aggravant.
[344] L'esprit terrifié des victimes ne permet pas à l'accusé et son complice de réaliser et réfléchir le moindrement sur toute la terreur qu'ils occasionnent.
[345] Les derniers instants de la vie de trois jeunes victimes, deux adolescents et une jeune adulte dépassent tout ce que l'on pourrait s'imaginer comme dans le pire des scénarios.
[346] Le Tribunal ne croit pas nécessaire qu'il faille incorporer les détails de l'appel 911 dans le corps de cette décision. La violence atteint son paroxysme. L'adolescent et son complice sont inflexibles.
[347] L'adolescent n'a pas paru troublé par les événements. Lors de son interrogatoire, on ne constate guère qu'il exprime de l'empathie pour les victimes.
[348] La perception que l'on a de son interrogatoire nous laisse croire que le tout présente simplement une banalité.
[349] Concernant les victimes collatérales, les parents, frères et sœurs des victimes et l'amoureux de l'une d'elles, leur vie souffre d'une ombre permanente.
[350] La douleur est loin de s'apaiser. Elle leur engendre une souffrance des plus atroces. Le Tribunal a senti chez eux tout ce désespoir et l'incompréhension, cette douleur persistante qui les ronge chaque jour.
[351] Le Tribunal ne reprendra pas ce qu'ils ont dit, leur déposition fait l'objet d'une interdiction de publication et la lettre que chacun a déposée fut mise sous scellés. Toutefois, la communauté, le public sont en mesure d'évaluer en se recueillant quelques instants toute la douleur qu'ils ressentent sans cesse.
[352] L'impact dans la communauté et dans les classes scolaires constitue aussi, de l'avis du Tribunal, un facteur aggravant qui mérite considération.
[353] La société vit la perte de trois jeunes personnes douées qui pouvaient s'attendre dans leur imaginaire candide de réaliser leur vie.
[354] Le Tribunal retient de l'ensemble de la preuve soumise que l'adolescent n'était affecté d'aucune maladie mentale ayant pu influer sur son jugement et altérer son esprit cognitivement. Ses perturbations relèvent de son univers émotif et sont l'une des composantes de son trouble de personnalité limite de modéré à sévère.
[355] Le Tribunal considère que l'adolescent présente un niveau d'intelligence suffisamment développé et une expérience de vie suffisante afin qu'il puisse savoir et comprendre que les gestes qu'il posait sont hautement répréhensibles.
[356] Attacher une importance trop grande à toutes les distinctions subtiles concernant l'interprétation que font les experts sur de nombreux faits mis en preuve et sur lesquels ils fondent en partie leur analyse, diagnostic et pronostic, risque de conduire le Tribunal à se perdre en conjecture et de perdre à la même occasion la vision qu'il doit avoir de l'ensemble de la situation. Il faut être prudent pour ne pas occulter de l'appréciation du cas toute la gravité objective et subjective des crimes.
[357] Le Tribunal retient de l'ensemble de la preuve concernant la commission des crimes, des opinions et évaluations des experts du profil de l'adolescent, que les facteurs aggravants concernant la planification et l'exécution de ceux-ci sont les déterminants concernant la décision.
[358] Le Tribunal ne retient pas les distinctions qui seront largement explorées lors du témoignage des experts concernant les crimes de meurtre spécifique et de non spécifique.
[359] Le Tribunal ne retient pas que les meurtres des adolescents X et Z qui même par Docteur Gignac sont qualifiés de spécifiques comme étant un facteur atténuant dans les circonstances propres à cette affaire.
[360] De l'ensemble de la preuve, le Tribunal conclut que la poursuite s'est déchargée de son fardeau par prépondérance de preuve de repousser la présomption que l'adolescent bénéficie d'une culpabilité morale moindre.
[361] Le
Tribunal estime que la poursuite s'est déchargée de son fardeau de preuve par
prépondérance concernant les critères à l'article
[362] Même en tenant compte de ces quelques facteurs atténuants tels que son trouble de personnalité limite de modéré à sévère, qu'il n'a aucun antécédent judiciaire et que son comportement en détention provisoire est adéquat et malgré l'opinion des experts que le processus thérapeutique de Pinel peut grandement répondre à ses besoins de réadaptation et de réhabilitation; la mise en balance de ces facteurs ne permet pas de faire bénéficier à l'adolescent de la peine spécifique, car elle ne reflète pas la nécessité d'établir clairement que la peine soit proportionnelle à la gravité des crimes et à son degré de responsabilité à l'égard de ces infractions.
[363] Le
Tribunal considère que la peine spécifique de placement sous garde de six ans
et de surveillance de quatre ans prévue à l'article
[364] En conséquence, l'adolescent doit être assujetti à la peine applicable aux adultes.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[365] ACCUEILLE la requête;
[366] ORDONNE l'assujettissement de l'adolescent à une peine pour adulte pour les trois accusations de meurtre au premier degré;
[367] ORDONNE l'assujettissement de l'adolescent à une peine pour adulte pour les trois accusations de complot pour meurtre;
[368] CONDAMNE l'adolescent à l'emprisonnement à perpétuité sur chacun des trois chefs d'accusation de meurtre au premier degré et ne pourra être admissible à la libération conditionnelle avant d'avoir purgé dix (10)ans d'emprisonnement à compter du premier jour de sa détention;
[369] CONDAMNE l'adolescent à une peine d'emprisonnement de cinq (5) ans sur chacun des trois chefs d'accusation de complot pour meurtre;
[370] Toutes ces peines seront purgées de façon concurrente entre elles;
[371] INTERDIT
à l'adolescent en vertu de l'article
[372] AUTORISE le prélèvement d'échantillon de substances corporelles aux fins d'analyse génétique suivant 487.051 du Code criminel;
[373] ORDONNE la délivrance des mandats d'emprisonnement pour le paiement des suramendes et que ces peines soient purgées de manière concurrente entre elles et concurrentes à toutes les peines que le Tribunal impose.
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__________________________________ BRUNO LANGELIER, J.C.Q. |
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Me Hippolite Brin et Me Alexis Marcotte-Bélanger |
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Procureurs pour la poursuivante |
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Me David Guévin et Me Matthieu Poliquin |
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Lavigne, Gamache, Guévin, Ayotte, Bussière & Poliquin |
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Procureurs pour l'accusé |
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Dates d’audience: |
29 et 30 juin 2015 et 2, 3, 6, 7, 8, 9, 10, 13, 14 et 17 juillet 2015
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[1]
Art.
[2] Article 42q)i) de la LSJPA.
[3]
Article
[4] L.C.1929, chapitre 46.
[5] Me Jean Turmel - Administration de la justice à l'égard des jeunes à l'intention de la Direction générale et poursuite au public.
[6] Id.
[7] R. c. M. (J.J.), 1993 2 RCS 421.
[8] Précité, note 5.
[9]
R. c. D.B.,
[10]
LSJPA-088,
[11] Précitée, note 9.
[12] Article 3(2)b)(ii) de la LSJPA.
[13]
Article
[14]
Article
[15]
Article
[16] Loi sur la sécurité dans les rues et les collectivités, Loi C-10.
[17]
Article
[18]
Article
[19]
LSJPA-0832,
[20]
R. c. Rati,
[21]
R. c. Charlebois,
[22] Précitée, note 9.
[23]
Article
[24]
LSJPA-1113,
[25] Précitée, note 9.
[26]
LSJPA-0651,
[27] Précitée, note 9.
[28]
LSJPA-1120,
[29]
R. v. A.O.,
[30]
LSJPA-0827,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.