COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES
QUÉBEC, le 5 octobre 1998
RÉGION : DEVANT LE COMMISSAIRE : ME RÉMI CHARTIER
Québec
DOSSIER : ASSISTÉ DE L'ASSESSEURE : Marie Dubreuil-Charrois
86181-03A-9702 Médecin
DOSSIER CSST : AUDIENCE TENUE LE : 16 décembre 1997
106591183
DOSSIERS BRP :
62233418
62233483
À : Québec
MONIQUE CAUCHON
1530, rue Adams
Val-Bélair (Québec)
G3K 1A1
PARTIE APPELANTE
et
INSPECTEUR GÉNÉRAL DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES Mme Jocelyne Thivierge
800, Place D'Youville
Québec (Québec)
G1R 4Y5
PARTIE INTÉRESSÉE
D É C I S I O N
Le 19 février 1997, madame Monique Cauchon [la travailleuse] interjette appel d’une décision du 30 janvier 1997 rendue par un Bureau de révision de la région Québec.
Bien que l’appel de la travailleuse ait été déposé à la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) et que l’audience a eu lieu devant la Commission d’appel, la présente décision est rendue par la Commission des lésions professionnelles conformément à l’article 52 de la Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives (L.Q. 1997, c. 27) entrée en vigueur le 1er avril 1998. En vertu de l’article 52 de cette loi, les affaires pendantes devant la Commission d’appel sont continuées et décidées par la Commission des lésions professionnelles.
La présente décision est donc rendue par le soussigné en sa qualité de commissaire de la Commission des lésions professionnelles.
Par cette décision prise à l’unanimité de ses membres, le Bureau de révision confirme les décisions du 7 et 13 mai 1996 rendues par la Commission de la santé et de la sécurité du travail [la CSST] et déclare que la travailleuse ne souffre d’aucune atteinte supplémentaire à la suite de la lésion du 21 novembre 1995, qu’elle n’a pas droit à l’indemnité pour dommages corporels et qu’elle est capable d’exercer l’emploi convenable d’auxiliaire de bureau à compter du 10 mai 1996, date à laquelle prend fin le versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
OBJET DE L’APPEL
La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision du Bureau de révision, de déclarer qu’elle n’était pas capable d’exercer l’emploi convenable le 10 mai 1996, qu’elle a droit aux bénéfices de la loi et à l’application de l’article 51 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelle (L.R.Q., chapitre A-3.001).
Au début de l’audience, la travailleuse informe le tribunal qu’elle n’entend plus contester la décision du 7 mai 1996 rendue par la CSST refusant de lui reconnaître une atteinte permanente supplémentaire à son intégrité physique en relation avec la rechute, récidive, aggravation du 21 novembre 1995.
LES FAITS
La Commission des lésions professionnelle retient de la preuve documentaire au dossier que le 10 novembre 1993, la travailleuse, âgée de 39 ans, auxiliaire de bureau chez l’employeur, produit une réclamation pour un arrêt de travail débutant le 18 octobre 1993. Elle allègue avoir subi une lésion professionnelle le 15 septembre 1993 à la suite d’un diagnostic de tendinite de la coiffe des rotateurs posé par le Dr P. Boutet le 18 octobre 1993.
Le 9 décembre 1993, la CSST accepte la réclamation à titre de maladie professionnelle et reconnaît que la tendinite à l’épaule droite est une lésion professionnelle qui a commencé à se manifester le 15 septembre 1993.
Le 10 décembre 1993, la Dr S. Trempe examine la travailleuse à la demande de l’employeur. Elle conclut son examen comme suit :
«[...]
CONCLUSION
Madame Monique Cauchon a développé graduellement des douleurs au niveau de l’épaule droite alors qu’elle a fait des mouvements répétés à son travail.
Il n’y a pas eu de fait accidentel en tant que tel, cependant ce n’est qu’à son travail qu’elle utilise beaucoup ses deux bras, en particulier le bras droit.
La relation entre la tendinite et le travail de Madame Cauchon est plausible.
Par ailleurs, ce sont des mouvements répétés qu’elle fait à son travail et non pas des mouvements répétitifs.
Le diagnostic de tendinite est adéquat et d’après l’examen fait à ce jour, on a pu constater des limitations importantes en abduction, élévation antérieure et rotation interne, ce qui fait qu’en plus d’une tendinite elle présente aussi une capsulite de non utilisation de son bras.
[...]»
Le même jour, la Dr C. Poudrier confirme le diagnostic de tendinite de coiffe des rotateurs à l’épaule droite et fait une infiltration. Elle revoit la patiente les 22 décembre 1993 et les 13 et 27 janvier 1994, fait des infiltrations, prescrit de la physiothérapie et prolonge l’arrêt de travail.
Le 31 janvier 1994, la Dr C. Poudrier mentionne que la tendinite de la coiffe des rotateurs à l’épaule droite s’accompagne maintenant d’un début de capsulite. Elle continue la physiothérapie et réfère la travailleuse au Dr M. Dufour, chirurgien-orthopédiste.
Le 22 février 1994, le Dr M. Dufour cesse la physiothérapie et prescrit des exercices temporaires.
Le 28 février 1994, la Dr Poudrier produit un rapport final. Elle prévoit que la lésion sera consolidée le 1er mars 1994 sans atteinte permanente mais avec limitations fonctionnelles. Elle réfère la travailleuse au Dr M. Dufour pour évaluation des limitations fonctionnelles.
Le 18 mai 1994, la travailleuse subit une acromioplastie de l’épaule droite. La convalescence, avec aide à domicile et traitements de physiothérapie, se poursuit jusqu’au 10 septembre 1994.
Le 9 septembre 1994, la Dr C. Poudrier complète un rapport final avec un diagnostic de capsulite à l’épaule droite et séquelle d’acromioplastie. Elle déclare la lésion consolidée le 10 septembre avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.
Le 16 novembre 1994, le Dr Dufour procède à une mobilisation de l’épaule droite sous anesthésie générale. Il obtient une abduction à 160° de même qu’une élévation antérieure à 160°, une rotation externe à 90° et une rotation interne à 30°. L’intervention est bien tolérée.
Le 28 mars 1995, le Dr Dufour émet un rapport final. Il déclare la lésion consolidée le même jour avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.
Le 6 avril 1995, il produit un rapport d’évaluation médicale et un bilan des séquelles. À l’examen objectif, il retient les amplitudes suivantes :
«[...]
Épaule droite : Épaule gauche :
Abduction : 100° Abduction : 180°
Élévation : 100° Élévation antérieure : 190°
Rotation externe : 30° Rotation externe : 90°
Rotation interne : 20° Rotation interne : 45°
[...]»
Quant aux limitations fonctionnelles, il écrit :
«[...]
9) LIMITATIONS FONCTIONNELLES :
Madame Cauchon présente définitivement des limitations fonctionnelles. En effet la capsulite qui est toujours présente au niveau de son épaule et qui montre une diminution importante des mouvements l’empêche de faire certaines activités. Elle devrait donc éviter tout travail nécessitant d’utiliser le membre supérieur droit à plus de 90° d’abduction et d’élévation antérieure. Également toutes les activités qui nécessitent des mouvements répétitifs en rotation externe ou interne du membre supérieur droit doivent être évitées.
[...]»
Au bilan des séquelles il retient :
«[...]
SÉQUELLES ACTUELLES :
102383 :
Atteinte des tissus mous membre supérieur droit avec séquelles fonctionnelles (Acromioplastie et bursectomie de l’épaule droite, capsulite) 2 %
104835 :
Abduction limitée à 100° de l’épaule droite 4 %
104933 :
Élévation antérieure épaule droite 100° 2,5 %
105022 :
Rotation externe épaule droite 30° 3 %
105068 :
Rotation interne épaule droite 20° 2 %
[...]»
Le 26 avril 1995, la CSST rend une décision, confirme la date de consolidation de la lésion le 28 mars 1995.
Le 5 juin 1995, la CSST, donnant suite à l’évaluation du Dr Dufour, alloue à la travailleuse 16.30 % d’atteinte permanente qui donne droit à une indemnité de 9 412,76 $. Le même jour, la CSST statue sur le droit de la travailleuse à la réadaptation et prévoit la mise en place d’un plan individualisé de réadaptation.
Le 20 juin 1995, la CSST rend une décision déterminant l’emploi convenable d’auxiliaire de bureau (sauf les postes exclusivement de triage continu) qu’elle est capable d’exercer à compter du 19 juin 1995.
Le 12 septembre 1995, la travailleuse est engagée par la Régie des Rentes du Québec dans un poste occasionnel d’auxiliaire de bureau.
Les tâches de la travailleuse sont décrites comme suit :
«[...]
Elle commande au système informatique des étiquettes, elle fait le montage des dossiers physiques des nouvelles demandes de rentes, photocopie et retourne au client tous les documents originaux de ces demandes et les achemine dans les cases des agents; elle crée au système informatique les écrits d’intention, commande les étiquettes au système et monte le dossier physique, elle trie par secteur et par numéros d’employé toutes les lettres mécanisées en y annexant les documents appropriés, en vérifie l’impression et les distribue dans les cases des agents, elle commande les formulaires et fournitures nécessaires à son travail et celui des répartiteurs; elle numérote les preuves de fréquentation scolaire (P.F.S.) Et les achemine pour traitement par une firme extérieure, elle achemine certains documents dans divers services à l’intérieur de la Régie; elle achemine les messages reçus par télécopieur aux personnes visées, elle peut se voir confier toutes autres tâches connexes.
[...]»
Le 21 novembre 1995, la travailleuse consulte le Dr M. Dufour en raison d’une douleur qu’elle éprouve à l’épaule droite. Il fait mention d’une récidive de douleur, recommande une période de repos et s’interroge sur la pertinence d’une nouvelle acromioplastie. .
Le 11 décembre 1995, la travailleuse produit une réclamation pour l’arrêt de travail du 21 novembre 1995 alléguant avoir subi une aggravation de la lésion professionnelle du 15 septembre 1993 dans les circonstances suivantes :
«[...]
Suite à l’accident survenu le 1993-09-15 j’ai subi 2 opérations 1 en mars 1994 et l’autre en novembre 1994 ensuite j’ai suivi des traitements de physiothérapie et sans progression. J’ai revu mon médecin et me retourne au travail. J’ai trouvé un emploi le 12 septembre 1995 mon emploi consiste à trier le courrier le classer faire le trie des lettres et les classer et faire le montage des dossiers ce qui m’a occasionner des douleurs à l’épaule droite.
(sic)
[...]»
Le 11 janvier 1996, la CSST accepte la réclamation pour rechute, récidive, aggravation (tendinite à l’épaule droite) qui s’est manifestée le 21 novembre 1995, reliant cette détérioration de la santé de la travailleuse à l’accident du 15 septembre 1993.
Le 27 février 1996, le Dr Dufour émet un rapport final, consolide la lésion avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles. Son rapport se lit comme suit :
«Capsulite épaule droite. Douleur sous-acromiale. Réorientation professionnelle.»
Le 4 avril 1996, le Dr M. Dufour produit un rapport d’évaluation médicale. L’examen objectif des amplitudes articulaires de l’épaule droite se lisent comme suit :
«[...]
Épaule droite : Épaule gauche :
Élévation antérieure : 100° Élévation antérieure : 180°
Abduction : 80° Abduction : 180°
Rotation externe : 70° Rotation externe : 90°
Rotation interne : 30° Rotation interne : 45°
[...]»
Quant aux limitations fonctionnelles il note ceci :
«[...]
LIMITATIONS FONCTIONNELLES :
Nous devons considérer les limitations fonctionnelles permanentes chez madame Cauchon, c’est-à-dire éviter le travail nécessitant une abduction de plus de 70° et une élévation antérieure de plus de 90°, soit avec efforts, soit de façon répétitive.
[...]»
Le bilan des séquelles se lit comme suit :
«[...]
SÉQUELLES ACTUELLES :
102383 :
Atteinte des tissus mous membre supérieur droit avec séquelles fonctionnelles (acromioplastie et bursectomie de l’épaule droite, capsulite) 2 %
104844 :
Abduction 80° épaule droite 5 %
104933 :
Élévation antérieure 100° épaule droite 2,5 %
105004 :
Rotation externe épaule droite 70° 1 %
105059 :
Rotation interne épaule droite 30° 1 %
PE:
Nil
[...]»
Le 7 mai 1996, la CSST, donnant suite à l’évaluation médicale du Dr Dufour, détermine que la travailleuse ne garde aucune atteinte permanente supplémentaire ni limitation fonctionnelle additionnelle et qu’en conséquence aucune indemnité pour dommages corporels ne lui sera versée.
Le 13 mai 1996, la CSST statue sur la capacité de la travailleuse d’exercer son emploi à compter du 10 mai 1996 et met fin à l’indemnité de remplacement du revenu.
Le 30 janvier 1997, un Bureau de révision maintient les décisions de la CSST, d’où le présent appel.
La travailleuse témoigne à l’audience pour décrire la disposition de son poste de travail, les tâches à accomplir et les gestes posés dans l’exécution de son travail à différentes heures de la journée.
Le témoin énumère, en les commentant, les différentes tâches de la description reproduite ci-avant et dont le contenu a été admis par les parties devant le bureau de révision.
Le poste de travail est fait d’une table de 8' de long sur 24" de profondeur. Sur la table, il y a un système de tablettes divisées en cases qui s’élèvent à 12" pouces au-dessus de la table. Une de ces tâches consiste à mettre des documents dans des enveloppes et à les déposer dans les cases pour assurer la distribution interne de l’information et du courrier aux agents. La travailleuse insiste que cette opération est incompatible avec ses limitations fonctionnelles.
Elle commente cette tâche en indiquant que la hauteur du casier l’oblige à faire des gestes en élévation et en abduction de plus de 70°, ce qui est contre-indiqué compte tenu des limitations émises par son médecin. Elle se bute à la même contrainte lorsqu’elle doit prendre des documents dans les cases ou qu’elle doit lever le couvercle de la photocopieuse pour reproduire des documents.
La semaine de travail est de 35 heures. Elle fait l’ouverture et le montage de dossiers, les lettres mécanisées et utilise la photocopieuse pour reproduire les documents originaux, deux ou trois par dossier, qui sont ensuite retournés aux clients.
Pendant un quart de travail de sept heures, elle photocopiait à peu près 150 feuilles pour préparer une cinquantaine de dossiers contenant de trois à quatre documents chacun.
Quatre employés étaient assignés en rotation aux lettres mécanisées ce qui ramène la travailleuse à ce poste de travail une fois à tous les quatre jours.
Une autre tâche consiste à livrer le courrier aux agents trois à quatre fois par jour. Le casier où est déposé le courrier des agents est constitué de cinq tablettes dont la plus haute se trouve à 48" du sol. Pour l’atteindre il faut faire un geste en élévation d’à peu près 90°. La distribution des lettres aux trente agents exige de dix à quinze minutes de travail.
Pendant la période de travail à la Régie des rentes, elle ne s’est pas plainte de son travail à son supérieur.
Le 21 novembre 1995, elle s’est absentée pour consulter son médecin qui lui a fait une infiltration et a recommandé un arrêt de travail. Après novembre 1995, elle n’a pas subi d’autres opérations ni reçu d’autres traitements.
Depuis, elle a travaillé au ministère de la Justice et au ministère du Revenu où elle occupe actuellement un poste d’auxiliaire de bureau.
Monsieur Jean-Marie Desbiens, gestionnaire, supérieur immédiat de la travailleuse, témoigne à la demande de l’employeur.
Il précise que le poste de travail aux lettres mécanisées comporte deux tablettes, une qui est au niveau de la table et l’autre à une hauteur de 12" du niveau de la table. Les travailleuses sont assignées à ce poste par rotation à tous les quatre jours. Les trois autres jours, elle était à un autre poste de travail où elle assurait l’ouverture des dossiers, une quarantaine par jour et elle faisait la photocopie de documents, un ou deux par dossier. Elle s’occupait des demandes de rentes de retraite où on exige un document, le certificat de naissance. La demande de rente de survie nécessite deux documents et la rente d’invalidité, trois documents.
Pour transporter les dossiers, les employés peuvent utiliser un chariot. Pour avoir accès aux tablettes des différentes étagères, il est possible d’utiliser un petit escabeau ou une marche mobile. Quant au poids des documents, par exemple les lettres mécanisées, il consiste en une feuille de papier ou une brochure explicative produite par la Régie des rentes.
Les employés, pendant un quart de travail de sept heures, bénéficient de deux pauses repos, l’une de 30 minutes en avant-midi et l’autre de 30 minutes en après-midi qui laissent une prestation de travail de six heures par jour.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse était capable d’exercer l’emploi convenable d’auxiliaire de bureau (sauf les postes exclusivement de triage continu) le 10 mai 1996.
Pour déterminer si la travailleuse est capable d’exercer l’emploi pré-accidentel, la CSST, s’appuyant sur les rapports médicaux, apprécie si les limitations fonctionnelles retenues sont compatibles ou non avec les tâches que doit exécuter la travailleuse. En l’instance, la travailleuse a subi une atteinte permanente et s’est vue reconnaître des limitations fonctionnelles lui donnant droit de bénéficier de la réadaptation.
Les limitations fonctionnelles touchent particulièrement les difficultés que la travailleuse éprouve à effectuer certains mouvements de rotation (interne et externe) et d’élévation et d’abduction avec son épaule droite en raison d’une acromioplastie, d’une bursectomie qui a entraîné une capsulite reliée à la lésion initiale. Considérant ces pathologies, la travailleuse est-elle en mesure d’effectuer les tâches de l’emploi convenable?
La Commission des lésions professionnelles est d’avis que les limites aux mouvements de rotations suggérées par le Dr Marcel Dufour qui écrit que la travailleuse doit éviter “toutes les activités qui nécessitent des mouvements répétitifs en rotation externe ou interne du membre supérieur droit doivent être évitées”, est respectée dans les tâches d’auxiliaire qu’elle est appelée à effectuer. La preuve est prépondérante que les tâches décrites par la travailleuse (voir description des tâches) ne sollicitent pas de manière répétitive le membre supérieur droit dans des mouvements de rotation externe ou interne. Même si dans les faits on doit constater qu’elle effectue de tels mouvements (en rotation externe et interne) ces mouvements ne rencontrent pas les critères établis par la jurisprudence de la Commission d’appel pour être qualifiés de répétitifs. La preuve ne démontre pas qu’ils se succèdent de façon continue, pendant des périodes de temps prolongées, à une cadence assez rapide avec périodes de récupération insuffisante.
Les tâches qui consistent à distribuer des documents dans des cases, ne sont pas incompatibles avec les limitations fonctionnelles émises par le Dr Dufour qui suggère que la travailleuse doit éviter “le travail nécessitant une abduction de plus de 70° et une élévation antérieure de plus de 90°, soit avec efforts, soit de façon répétitive”.
Ici, encore, les limitations fonctionnelles en élévation et en abduction sont qualifiées en ce qu’elle doit éviter le travail qui nécessite ”des efforts qui sont faits de façon répétitive”. Le tribunal s’en remet à la notion précédente et considère que les mouvements d’élévation et d’abduction ne se font pas de manière répétitive.
Quant à “l’effort” déployé pour effectuer ses tâches, la travailleuse manipule des feuilles de papier soit à sa table de travail, soit près d’une photocopieuse soit pour les disposer dans des cases. Comme le définit le dictionnaire, “l’effort” est l’activité qui mobilise toutes les forces d’une personne pour lui permettre de vaincre une résistance extérieure. Il est bien évident que l’effort demandé pour manipuler des feuilles de papier pour les assembler, les classer, les distribuer ne sollicite pas de façon exagérée toutes les forces de la travailleuse. Il n’y a donc pas de notion de déploiement de force pour effectuer ces tâches d’où l’absence d’efforts et de contraintes qui seraient de nature à mettre en danger la santé et la sécurité de la travailleuse.
En effet, les cases, placées à la hauteur de l’épaule, sont accessibles, sinon en élevant le bras à la hauteur voulue, du moins, en utilisant une marche mobile ou un petit escabeau qui est un outil à l’usage des travailleurs qui peuvent l’utiliser au besoin. Il est quelque peu exagéré de prétendre, comme semble le soutenir la travailleuse, que c’est l’emploi qui doit être convenable et non le travailleur qui doit s’adapter au poste de travail pour refuser d’utiliser la marche mobile ou l’escabeau pour effectuer ses tâches. Il est bien évident qu’une personne accidentée qui bénéficie d’indemnités et de mesures de réadaptation doit faire montre d’un minimum de bonne volonté en faisant les efforts requis pour se réadapter au travail, même si pour y arriver, elle doit utiliser une marche mobile.
À ce sujet, la Commission des lésions professionnelles partage entièrement l’avis du Bureau de révision qui s’exprime comme suit :
«[...]
En effet, le Bureau de révision considère que les tâches décrites par la travailleuse peuvent respectées en soi, les limitations fonctionnelles qu’elle présentent dans la mesure où celle-ci utilise l’équipement usuel tel un chariot pour déplacer ses documents. Quant à la hauteur des casiers, celle-ci était problématique pour la travailleuse mais l’utilisation d’un petit banc aurait pu également contrer les positions contraignantes, lesquelles étaient également contraignantes pour les autres travailleurs, ce qui a amené l’employeur à demander une évaluation ergonomique de ce poste, afin d’y apporter les améliorations nécessaires. À cet égard, le Bureau de révision considère que la travailleuse n’avait aucunement fait mention à l’employeur des problèmes qu’elle éprouvaient pour lesquels l’employeur aurait pu mettre à sa disposition l’équipement usuel dont dispose l’employeur afin d’améliorer les conditions d’exercice de son emploi d’auxiliaire de bureau.
(Sic)
[...]»
La preuve ne démontre pas de manière prépondérante que la travailleuse n’était pas en mesure ou capable d’exécuter les tâches de son emploi, à l’exclusion de celles qui exigent des gestes répétitifs, le 10 mai 1996.
La Commission des lésions professionnelles doit maintenant déterminer si l’article 51 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., chapitre A-3.001) trouve ici application. La travailleuse prétend que la mention “de réorientation professionnelle” inscrite au rapport final du 27 février 1996, émis par le Dr M. Dufour, est une mention suffisante pour donner ouverture à l’application de l’article 51 LATMP. Elle aurait dû, en conséquence, récupérer le droit au versement des indemnités de remplacement du revenu prévu à la loi.
L’article 51 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles se lit comme suit :
51. Le travailleur qui occupe à plein temps un emploi convenable et qui, dans les deux ans suivant la date où il commencé à l'exercer, doit abandonner cet emploi selon l'avis du médecin qui en a charge récupère son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 et aux autres prestations prévues par la présente loi.
Le premier alinéa ne s'applique que si le médecin qui a charge du travailleur est d'avis que celui-ci n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper cet emploi convenable ou que cet emploi convenable comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur.
L’article 51 précité requiert les conditions suivantes pour son application :
1o Un délai de deux ans;
2o L’abandon de l’emploi convenable à l’intérieur de ce délai;
3o L’abandon fait suite à l’avis du médecin qui a charge de la travailleuse;
En l’instance, la preuve révèle que l’emploi convenable, qui n’a pas été contesté, a été déterminée par la CSST le 20 juin 1995. La travailleuse a occupé cet emploi à plein temps à la Régie des rentes, du 17 septembre 1995 au 21 novembre 1995. La Commission des lésions professionnelles conclut que l’emploi est un emploi convenable au sens de la loi que la travailleuse a abandonné à l’intérieur du délai de deux ans.
Toutefois, si les deux premières conditions d’application de l’article 51 sont réunies, la preuve ne démontre pas que la travailleuse a abandonné son emploi, le 21 novembre 1995, à la suite de l’avis du médecin qui en avait charge.
La preuve prépondérante est plutôt à l’effet que le 21 novembre 1995, la travailleuse, de son propre chef, a décidé de consulter son médecin en raison d’une augmentation de douleurs à l’épaule droite.
Le médecin a émis son rapport avec un constat médical qui recommande plutôt une période de repos. Il pense même à la possibilité d’une nouvelle acromioplastie. Il n’est aucunement fait mention ou allusion par le médecin que la travailleuse doit abandonner l’emploi convenable parce qu’elle n’est plus raisonnablement en mesure d’occuper cet emploi ou que cet emploi mettra en danger sa santé et sa sécurité.
L’abandon de l’emploi par la travailleuse ,le 21 novembre 1995, n’est donc pas consécutif à l’avis du médecin même s’il recommande un arrêt de travail. Cet arrêt de travail a tout simplement pour but de permettre à la travailleuse de recevoir les soins nécessaires et de permettre la consolidation de la lésion.
La réclamation est ensuite traitée comme une lésion professionnelle à la suite d’une rechute, récidive, aggravation, pour laquelle la travailleuse est compensée. La CSST statue ensuite sur la capacité de la travailleuse d’exercer son emploi, décision qui est maintenue par un Bureau de révision et par la Commission d’appel.
La preuve est donc prépondérante que le médecin de la travailleuse n’est intervenu, en aucun moment, comme agent causal de la décision de la travailleuse d’abandonner son emploi le 21 novembre 1995. À défaut de l’avis du médecin qui avait charge de la travailleuse, l’article 51 LATMP ne peut trouver application. La travailleuse ne peut donc prétendre récupérer son droit à l’indemnité de remplacement du revenu prévu par l’article 45 et aux autres prestations prévues par la loi.
En l’instance, rien n’indique non plus que le médecin a pris connaissance des exigences des tâches de la travailleuse et du genre d’efforts et de sollicitations requises pour les accomplir.
À défaut d’une preuve démontrant de manière prépondérante que le médecin de la travailleuse connaissait adéquatement les exigences des tâches et que celles-ci comportaient un danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique de la travailleuse, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la seule mention de “réorientation professionnelle” inscrite dans un rapport final, émis quatre mois après l’arrêt de travail, sans autres explications, n’est pas un énoncé suffisant pour conclure à l’application de l’article 51 LATMP. Le libellé de l’article 51 est suffisamment exigeant pour que le médecin, qui en suggère l’application, fournisse à la CSST les éléments de preuve essentiels à sa mise en oeuvre. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce[1]
En conséquence, l’appel est rejeté.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES
REJETTE l’appel de madame Monique Cauchon;
CONFIRME la décision du 30 janvier 1997 rendue par un Bureau de révision de la région Québec;
DÉCLARE que madame Monique Cauchon était capable d’exercer l’emploi convenable le 10 mai 1996;
DÉCLARE que l’article 51 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., chapitre A-3.001) ne trouve pas application en l’espèce;
ME RÉMI CHARTIER
Commissaire
LABRIE, BELLEMARE & ASS.
(Me Jean Bellemare)
1584, chemin St-Louis
Sillery (Québec)
G1S 1G6
Représentant de la partie appelante
SECRÉTARIAT DU CONSEIL DU TRÉSOR
(Me Isabelle Robitaille)
875, Grande-Allée est - Section I-A
Québec (Québec)
G1R 5R8
Représentant de la partie intéressée
[1] [1988] CALP 986, Gauthier et Cie Contreplaqué Québec;
[1993] CALP 165, CSST et Mondoux;
[1997] CALP 302, Vallée et Erection Breton Ltée;
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.