Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Geoffrey

2014 QCCLP 3687

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Joliette

25 juin 2014

 

Région :

Lanaudière

 

Dossier :

527826-63-1311

 

Dossier CSST :

001818764

 

Commissaire :

Francine Mercure, juge administrative

 

Membres :

Jean Litalien, associations d’employeurs

 

Robert P. Morissette, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Richard Geoffrey

 

Partie requérante

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 22 novembre 2013, monsieur Richard Geoffrey (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 9 octobre 2013, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme une décision initialement rendue le 25 juillet 2013 refusant de rembourser au travailleur le coût d’achat d’un bain thérapeutique ainsi que de l’achat d’une main courante pour l’escalier menant au sous-sol de sa maison.

[3]           Le travailleur est présent à l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles le 4 mars 2014, à Joliette.

L’OBJET DU LITIGE

[4]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de lui autoriser l’achat d’un bain thérapeutique ainsi que d’une main courante pour l’escalier menant au sous-sol de sa maison.

LA PREUVE

[5]           Le travailleur est âgé de 18 ans et travaille comme éboueur pour l’employeur lorsqu’il est victime d’un accident du travail le 10 octobre 1988 qui lui occasionne une hernie discale. La CSST reconnait qu’il s’agit d’une lésion professionnelle. La lésion est consolidée le 2 octobre 1989. Le rapport d’évaluation médicale de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles effectué par le docteur Bernard Chartrand le 6 janvier 1990 retient un diagnostic de hernie discale L5-S1 droite et évalue l’atteinte permanente à 8,05 % ainsi que lui accorde des limitations fonctionnelles.

[6]           Le 4 novembre 1991, le travailleur formule une réclamation à titre de récidive, rechute ou aggravation qui est refusée par la CSST, mais reconnue par le Bureau de révision le 10 novembre 1992[1].

[7]           Le 31 mars 1992, le travailleur subit une discectomie L4-L5 avec laminectomie du bord inférieur de L4 et du bord supérieur de L5 et une foraminotomie L5 gauche en raison d’une hernie discale importante en L4-L5 avec arthrose sévère. La lésion est consolidée au 4 mai 1992 avec la présence d’une atteinte permanente supplémentaire de 5,15 %.

[8]           Le travailleur formule une nouvelle réclamation à titre de rechute le 22 juillet 1994 qui est refusée par la CSST.

[9]           Le 18 juillet 1996, il formule une nouvelle réclamation à titre de récidive de la lésion professionnelle qui est refusée par la CSST le 11 septembre 1996. Cette décision est confirmée par une décision du Bureau de révision du 27 février 1997[2].

[10]        Le travailleur formule une nouvelle réclamation à titre de rechute en date du 1er mai 1997. La CSST refuse cette réclamation. Le Bureau de révision confirme la décision de la CSST. La Commission des lésions professionnelles confirme le refus de la réclamation à titre de rechute du 1er mai 1997[3].

[11]        Le 10 février 1999, le travailleur formule une nouvelle réclamation à titre de rechute, laquelle est refusée par la CSST le 2 novembre 1999. Cette décision est confirmée par la révision administrative le 5 octobre 2000, mais la rechute est acceptée par la Commission des lésions professionnelles. La lésion professionnelle est consolidée au 14 mai 2001 avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.

[12]        Le 6 septembre 2001, le travailleur formule une réclamation à titre de récidive, rechute ou aggravation qui est reconnue par la CSST. Lors de cette lésion professionnelle, le travailleur exerçait un emploi de vendeur représentant chez Joban Transport. Le 14 février 2005, la CSST déterminait que le travailleur présentait, suite à cette lésion professionnelle, une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles supplémentaires le rendant admissible à la réadaptation.

[13]        Le 14 février 2005, la CSST mettait donc en place des mesures de réadaptation. Elle déclarait qu’il avait réussi une attestation d’études collégiales d’agent immobilier et l’examen d’admission à l’association et qu’il était considéré capable à compter du 14 février 2005 d’exercer l’emploi convenable d’agent immobilier. Elle indiquait qu’elle lui versait des indemnités en recherche d’emploi au plus tard jusqu’au 13 février 2006.

[14]        Le 9 mai 2007, le travailleur formule une nouvelle réclamation à titre de rechute qui est refusée par la CSST. Toutefois, la Commission des lésions professionnelles accueille la réclamation du travailleur à titre de rechute du 24 mai 2007[4].

[15]        Le 19 avril 2011, la CSST accorde au travailleur une indemnité pour préjudice esthétique supplémentaire de 5,35 %. Le 19 avril 2011, elle déclare que le travailleur est capable d’exercer l’emploi qu’il occupait habituellement. Le même jour, elle refuse également le nouveau diagnostic de « burnout ». Le travailleur conteste ces décisions. Le 25 mai 2011, la révision administrative confirme la décision rendue le 19 avril 2011 quant à la capacité du travailleur à exercer son emploi et déclare irrecevable la contestation du travailleur du pourcentage de son indemnité pour préjudice corporel.

[16]        Le 9 juin 2011, le travailleur est victime d’un accident de la route lui ayant occasionné une entorse cervico-dorso-lombaire sur des conditions préexistantes et une condition au pied droit.

[17]        Le 26 juillet 2011, le travailleur consulte le docteur Waguih N. Tannous qui ne pose aucun diagnostic, mais prescrit une rampe d’escalier pour le sous-sol et un bain thérapeutique.

[18]        Le 13 août 2012, la Commission des lésions professionnelles déclare que le diagnostic de « burnout » n’est pas en relation avec la lésion professionnelle d’origine et annule la décision de la CSST portant sur les questions d’ordre médical découlant des rapports du médecin qui a charge. Elle ordonne à la CSST de soumettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale en regard des questions médicales qui résultent de la lésion professionnelle du 24 mai 2007.

[19]        Le 25 juillet 2013, la CSST refuse de payer au travailleur le matériel d’un bain thérapeutique ainsi qu’une main courante pour l’escalier menant au sous-sol, ce que le travailleur conteste. Le 9 octobre 2013, la révision administrative confirme la décision initialement rendue le 25 juillet 2013. Le 22 novembre 2013, le travailleur conteste cette décision, d’où le présent recours.

[20]        À l’audience, le travailleur témoigne qu’il réclame le remboursement d’un bain thérapeutique et d’une main courante pour descendre au sous-sol parce que les deux genoux lui bloquent. Il indique que tous ces problèmes viennent de l’arthrose qu’il présente suite à la discectomie qu’il a subie en relation avec sa lésion professionnelle de 1988. Il allègue ainsi que ses douleurs aux genoux, aux coudes et au dos résultent de l’arthrose qu’il a au dos, laquelle est elle-même une conséquence de son intervention chirurgicale liée à la lésion professionnelle de 1988.

[21]        Il soumet qu’un bain thérapeutique lui permettrait de se relaxer et que la main courante l’aiderait à descendre au sous-sol pour se rendre faire sa lessive.

L’AVIS DES MEMBRES

[22]        Le membre issu des associations d’employeur et celui issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête du travailleur. Ils sont en effet d’avis que la demande de bain thérapeutique ne constitue pas une assistance médicale prévue au règlement et que le travailleur n’a pas établi la relation causale entre la nécessité de ce bain thérapeutique et sa lésion professionnelle de 1988. Ils sont de plus d’avis que la rampe d’escalier ne constitue pas une adaptation du domicile admissible au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[5] (la loi)

LES MOTIFS

[23]        La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement du coût d’achat et d’installation d’une main courante d’escalier et d’un bain thérapeutique.

[24]        Le tribunal rappelle les dispositions et les principes suivants. Le principe du droit à la réadaptation est édicté à l’article 145 de la loi et est ainsi libellé :

145.  Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 145.

 

 

[25]        La jurisprudence enseigne également que le droit à la réadaptation s’ouvre à la date où l’atteinte permanente résultant d’une lésion professionnelle est médicalement établie en tout ou en partie, et ce, indépendamment de la consolidation de la lésion.

[26]        L’article 151 de la loi prévoit que la réadaptation sociale a pour but d’aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle et à redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles. Cet article se lit comme suit :

151.  La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

[27]        En regard des mesures de réadaptation sociale, la loi élabore des règles en matière d’adaptation de domicile. Celles qui nous intéressent se lisent comme suit:

152.  Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :

 

1° […]

 

2° la mise en œuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;

 

3° […]

 

4° […]

 

5° […]

__________

1985, c. 6, a. 152.

 

 

153.  L'adaptation du domicile d'un travailleur peut être faite si :

 

1° le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique;

 

2° cette adaptation est nécessaire et constitue la solution appropriée pour permettre au travailleur d'entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d'avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de son domicile; et

 

3° le travailleur s'engage à y demeurer au moins trois ans.

 

Lorsque le travailleur est locataire, il doit fournir à la Commission copie d'un bail d'une durée minimale de trois ans.

__________

1985, c. 6, a. 153.

 

 

156.  La Commission ne peut assumer le coût des travaux d'adaptation du domicile ou du véhicule principal du travailleur visé dans l'article 153 ou 155 que si celui-ci lui fournit au moins deux estimations détaillées des travaux à exécuter, faites par des entrepreneurs spécialisés et dont la teneur est conforme à ce qu'elle exige, et lui remet copies des autorisations et permis requis pour l'exécution de ces travaux.

__________

1985, c. 6, a. 156.

 

 

[28]        En l’espèce, contrairement à ce qui est exigé à l’article 156, le travailleur n’a pas fourni à la CSST au moins deux estimations détaillées des travaux à exécuter. Dans ce contexte, le simple défaut de respecter les conditions prévues à cette disposition commande le rejet de la demande principale.

[29]        De plus, pour justifier l’adaptation d’un domicile, il doit être particulièrement démontré en vertu de l’article 153 que cette mesure « est nécessaire et constitue la solution appropriée pour permettre au travailleur d'entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d'avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de son domicile ».

[30]        Le tribunal est d’avis qu’une telle démonstration n’a pas été faite. La Commission des lésions professionnelles est plutôt d’avis que l’installation d’une main courante ne constitue pas d’une adaptation du domicile qui doit être effectuée pour atténuer les conséquences de la lésion professionnelle, mais constitue plutôt une obligation dévolue au propriétaire de l’immeuble quant à la conformité de sa propriété aux lois et règlements québécois[6] et au Code national du bâtiment du Canada[7].

[31]        Quant à l’achat et l’installation d’un bain thérapeutique, le tribunal est d’avis que le travailleur n’a pas fait la démonstration que l’achat d’un bain thérapeutique l’aiderait à surmonter les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle et à redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles.

[32]        L’annexe 2 du Règlement sur l’assistance médicale[8] ne prévoit également pas le remboursement du coût d’acquisition d’un bain thérapeutique. Par ailleurs, en vertu des articles 145 et suivants de la loi, le travailleur qui subit une atteinte permanente a droit à la réadaptation que requiert son état. Il ne peut s’agir toutefois d’une simple mesure de confort et elle doit être médicalement nécessaire. Le tribunal est d’avis que la nécessité médicale n’est aucunement établie non plus que la relation causale entre cette mesure et les conséquences de la lésion professionnelle d’origine.

[33]        Le seul témoignage du travailleur quant à la relation causale entre l’utilisation d’un bain thérapeutique et les conséquences de sa lésion professionnelle est insuffisant à faire une telle démonstration. En effet, le fait que le travailleur ait des douleurs aux coudes et aux genoux, souffre d’arthrose à plusieurs endroits et désire relaxer et soulager des douleurs d’ordre général, ne permet pas de relier cette aide technique à la lésion professionnelle de 1988.

[34]        De plus, la seule recommandation par le docteur Tannous d’un bain thérapeutique ne lie pas la CSST aux fins d’accorder cette aide thérapeutique. En effet, le médecin ne pose aucun diagnostic et ne fournit aucune explication quant à la nécessité d’une telle aide thérapeutique non plus qu’établit une relation causale entre cette recommandation d’un bain thérapeutique et la lésion professionnelle de 1988. Il s’agit donc d’un accessoire dont l’apport thérapeutique en relation avec la problématique lombaire du travailleur n’est pas établi.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête du travailleur, monsieur Richard Geoffrey;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 9 octobre 2013, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement d’un bain thérapeutique et d’une main courante d’escalier menant au sous-sol de sa maison.

 

 

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Francine Mercure

 



[1]          BR 60974195, 610117101, décision rendue le 10 novembre 1992, Mireille Turcotte, présidente.

[2]          BR 623118201, 62316320, décision rendue le 27 février 1997, Jean R. Gauthier, président.

[3]          C.L.P. 92684-63-9711, 7 janvier 1999, J.-M. Charrette, requête en révision rejetée, 4 novembre 1999, M. Beaudoin.

[4]          C.L.P. 337121-63-0801, 29 octobre 2009, L. Morissette.

[5]           RLRQ, c. A-3.001.

[6]           Loi sur le bâtiment chapitre B-1.1, Code de construction, chapitre B-1.1, r. 2.

[7]           Code national du bâtiment 2005 (modifié)

[8]           Règlement sur l'assistance médicale, (1993) 125 G.O. II, 1331.

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