Loui Jean et Centre de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement |
2017 QCTAT 5900 |
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Dossier 621805-71-1611
[1] Le 15 novembre 2016, madame Marie Margareth Loui Jean (la travailleuse) dépose au Tribunal administratif du travail (le Tribunal) un acte introductif par lequel elle conteste une décision de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) rendue le 4 novembre 2016 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la Commission confirme, en partie, la décision du 24 août 2016 et elle déclare que la travailleuse a droit à une allocation d’aide personnelle à domicile au montant de 708,59 $ pour la période du 6 juillet 2016 au 2 septembre 2016, et d’un montant de 168,09 $ à toutes les deux semaines, à compter du 3 septembre 2016 jusqu’au 6 janvier 2017.
Dossier 636048-71-1704
[3] Le 27 avril 2017, la travailleuse dépose au Tribunal un acte introductif par lequel elle conteste une décision de la Commission rendue le 19 avril 2017 à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la Commission confirme la décision du 1er novembre 2016 et elle déclare que la travailleuse n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 29 août 2016 et qu’elle n’a donc pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[5] Par cette même décision, la Commission confirme une décision rendue le 25 novembre 2016 et elle déclare que la travailleuse n’est pas atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée et elle déclare qu’il n’y a pas matière à appliquer l’article 116 de la loi.
[6] La Commission confirme, par ailleurs, la décision du 10 février 2017 et elle déclare que la travailleuse n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 30 août 2016.
[7] La Commission déclare également que la travailleuse n’a pas droit aux prestations prévues par la loi.
Dossier 636049-71-1704
[8] Le 27 avril 2017, la travailleuse dépose au Tribunal un acte introductif par lequel elle conteste une décision de la Commission rendue le 19 avril 2017 à la suite d’une révision administrative.
[9] Par cette décision, la Commission confirme la décision du 1er novembre 2016 et elle déclare que la travailleuse n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 29 août 2016, de sa lésion professionnelle du 15 mars 2013, et qu’elle n’a donc pas droit aux prestations prévues par la loi.
[10] Par cette même décision, la Commission confirme une décision rendue le 25 novembre 2016 et elle déclare que la travailleuse n’est pas atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée et elle déclare qu’il n’y a pas matière à appliquer l’article 116 de la loi.
[11] La Commission confirme, par ailleurs, la décision du 10 février 2017 et elle déclare que la travailleuse n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 30 août 2016, de sa lésion professionnelle du 4 mars 2014.
[12] La Commission déclare également que la travailleuse n’a pas droit aux prestations prévues par la loi.
[13] Le Tribunal a tenu une audience à Montréal le 16 octobre 2017. La travailleuse et Pavillon Saint-Joseph - Infirmerie des Sœurs de Sainte-Croix (l’employeur Paillon Saint-Joseph) y sont présents et représentés. Centre de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement (l’employeur CRDITED) et la Commission y sont absents. Les dossiers sont mis en délibéré le jour même.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossiers 621805-71-1611
[14] La travailleuse demande au Tribunal de déclarer qu’elle a droit à l’aide personnelle à domicile à compter du 10 février 2015 conformément au rapport du docteur Roy et à apporter des corrections quant au pointage relativement au lever, au coucher et aux soins vésicaux et intestinaux, conformément aux commentaires de l’ergothérapeute de la Commission.
Dossiers 636048-71-1704
[15] La travailleuse demande au Tribunal d’appliquer l’article 116 de la loi.
Dossier 636049-71-1704
[16] La travailleuse demande au Tribunal de déclarer qu’elle a été victime d’une récidive, rechute ou aggravation dont les diagnostics sont une capsulite gauche et une hernie discale L4-L5, cette dernière étant une aggravation d’une condition personnelle.
LES FAITS
[17] La travailleuse exerce un emploi de préposée aux bénéficiaires pour deux employeurs, soit le Pavillon Saint-Joseph et CRDITED.
[18] Le 15 mars 2013, la travailleuse est victime d’une première lésion professionnelle lorsqu’elle chute sur la glace dans l’entrée du pavillon de l’employeur Pavillon Saint-Joseph.
[19] Dans un document qu’elle annexe à son formulaire de réclamation, la travailleuse mentionne ce qui suit :
[…] Je suis tombée sans connaissance sur ma face et restée sur le sol hors de moi-même, gisant pendant quelques bonnes minutes avant de pouvoir me lever en trébuchant, étourdie avant de pénétrer dans le couloir. […] [sic]
[20] La travailleuse est transportée en ambulance à l’hôpital. Les diagnostics de cette lésion professionnelle sont un trauma au visage et à la lèvre inférieure, une perte des dents #11 et #21 avec remplacement par prothèse amovible (couronne), un trauma crânio-cérébral (TCC) léger avec syndrome post commotionnel, une contusion et une entorse de l’épaule gauche, une tendinite, une bursite de l’épaule gauche et un syndrome d’accrochage sur une condition personnelle préexistante.
[21] Le 21 mars 2013, une radiographie des poumons, du thorax et de l’épaule gauche est effectuée. Le 26 avril suivant, une résonance magnétique de l’épaule gauche est faite.
[22] Le 28 juin 2013, la docteure Haziza pose les diagnostics d’entorse cervicale, lombaire et sacro-iliaque, ainsi que de l’épaule gauche.
[23] Le 27 juin 2013, la travailleuse est expertisée par le docteur Carl Giasson Jr, à la demande l’employeur Pavillon Saint-Joseph. Au moment de cette expertise, la travailleuse rapporte des maux de tête, des troubles péri-orbitaires gauche, des douleurs à l’articulation mandibulo-temporale gauche, une douleur aux pectoraux gauches, à l’épaule gauche et une douleur abdominale.
[24] Le docteur Giasson souligne qu’aucun diagnostic précis ne peut être posé considérant les blocages volontaires de l’épaule gauche par la travailleuse.
[25] Le docteur Giasson retient, néanmoins, que la travailleuse présente une ankylose de l’épaule gauche qui pourrait s’apparenter à une capsulite sous réserve que l’examen passif n’a pu être réalisé de façon adéquate.
[26] Le 28 juin 2013, la travailleuse est évaluée par la docteure Muriel Haziza, médecin physiatre. Les amplitudes articulaires de l’épaule gauche sont limitées de 60 degrés en abduction et en antéflexion et de 15 degrés en rotation externe alors que le coude est collé au corps.
[27] Les mouvements de l’épaule droite sont complets.
[28] Quant au rachis lombaire, la docteure Haziza note une perte de 20 degrés en flexion antérieure et de 10 degrés en extension et en latéroflexion droite. Les manœuvres de tripode, Lasègue et Ely sont négatives. Les manœuvres de sacro-iliaques, dont le Fabere et le Gaenslen sont positives à gauche.
[29] La docteure Haziza retient des diagnostics de traumatisme cranio-cérébral mineur avec syndrome post-commotionnel probable, des céphalées post-trauma d’étiologie multifactorielle, un statut post-entorse cervicale avec cervico-brachialgie gauche et paresthésies diffuses, un statut post contusion et bursite à l’épaule gauche associée à un syndrome d’accrochage sous-acromial clinique et un statut post-entorse lombo-sacrée sacro-iliaque sans évidence de radiculopathie lombaire ni de signe d’irritation duremerienne associé.
[30] Le 28 juin 2013, la docteure Haziza prescrit des traitements de physiothérapie, d’ergothérapie et d’acupuncture en lien avec des diagnostics d’entorse cervicale, lombaire et sacro-iliaque ainsi que de l’épaule gauche.
[31] Le 18 septembre 2013, la docteure Haziza procède à des infiltrations facettaires intra-articulaire L4-L5 et L5-S1, à gauche et à droite. Son rapport médical fait état de bloc facettaire sous scopie L4-L5, L5-S1 bilatéraux. Elle demande une résonance magnétique lombaire le 24 septembre 2013.
[32] La contusion et l’entorse de l’épaule gauche, la tendinite, la bursite et le syndrome d’accrochage sur une condition personnelle préexistante sont consolidées le 28 octobre 2013 avec une atteinte permanente de 2,20 % et des limitations fonctionnelles, conformément à l’avis du docteur Chérif Tadros, chirurgien orthopédiste, daté du 2 novembre 2013.
[33] Lors de cette expertise, la travailleuse rapporte des douleurs à l’épaule gauche avec irradiation jusqu’à l’omoplate et à l’occasion jusqu’au poignet gauche.
[34] Ainsi, la travailleuse conserve les limitations fonctionnelles suivantes :
Madame doit éviter :
· Un travail répétitif au-dessus de l’épaule gauche;
· De soulever des poids de plus de 10 livres en position horizontale;
[35] Le 7 novembre 2013, une résonance magnétique de la colonne lombaire révèle ceci :
Le niveau dominant d’atteinte étant L4-L5 avec une protrusion discale dans le récessus latéral gauche, comprimant la racine descendante de L5 gauche.
[36] Le 20 janvier 2014, le docteur Garry Greenfield, orthopédiste agissant à titre de membre du Bureau d’évaluation médicale, procède à une expertise médicale en fonction des diagnostics de contusion et entorse de l’épaule gauche.
[37] Au moment de cette expertise, la travailleuse rapporte un engourdissement de l’épaule gauche, une douleur du côté gauche de son cou ainsi que la présence de douleur à l’aspect antérieur abdominal et au bas du dos.
[38] Le TCC léger avec syndrome post-commotionnel est consolidé le 18 juin 2014 avec une atteinte permanente de 1,10 % et aucune limitation fonctionnelle.
[39] Le 2 mars 2014, la travailleuse effectue un retour au travail. La travailleuse affirme être retournée pour des raisons liées à son ancienneté, mais considère qu’elle n’était pas apte à travailler à ce moment.
[40] Le 4 mars 2014, elle est victime d’une seconde lésion professionnelle alors qu’elle tente de retenir une patiente qui chute sur elle. La travailleuse décrit l’événement accidentel de la manière suivante :
J’ai du aller essuyer les fesses de la patiente aux toilettes. Celle-ci a perdu l’équilibre et lacher la barre de sécurité pour tomber ses fesses sur mon avant-bras gauche et le reste de son corp sur mon bras et épaule gauche. [sic]
[41] À l’audience, la travailleuse explique que son bras est alors pris sous la résidente et elle est coincée entre la baignoire et le fauteuil roulant.
[42] Le 5 mars 2014, la docteure Haziza indique que la travailleuse à une augmentation des douleurs à l’épaule gauche avec une cervico-brachialgie gauche et une tendinite de l’épaule.
[43] Au formulaire de réclamation qu’elle remplit le 6 mars 2014, la travailleuse indique ce qui suit :
Je suis déjà avec la CSST (dossier 140900507) pour un événement du 2013/03/15. Pour ne pas perdre mon ancienneté/mon poste, j’ai tenté de refaire un retour au travail. […] [sic]
[44] Les diagnostics de cette lésion professionnelle sont cervico-brachialgie gauche, une tendinite à l’épaule gauche et une entorse au poignet gauche. Cette lésion est consolidée le 21 janvier 2015 avec une atteinte permanente de 9,70 % et des limitations fonctionnelles.
[45] Le 12 mars 2014, la travailleuse est expertisée par le docteur Carl Giasson Jr, à la demande de l’employeur CRDITED. Au moment de cette expertise, les amplitudes articulaires du membre supérieur gauche sont les suivantes :
Épaule |
Normalité |
Mouvements actifs |
Mouvements passifs |
Flexion |
180° |
100° |
180° |
Abduction |
180° |
80° |
180° |
Rotation externe |
90° |
70° |
90° |
Rotation interne |
40° |
20° |
40° |
Extension |
40° |
30° |
40° |
Adduction |
20° |
20° |
20° |
[46] Le docteur Giasson considère qu’il y a absence de nouvelle lésion professionnelle qui aurait pu découler de l’événement allégué le 4 mars 2014. Il n’accorde aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles à la travailleuse.
[47] Le 8 mai 2014, la docteure Haziza note que la travailleuse présente une tendino et bursopathie de l’épaule gauche qu’elle qualifie de « réfractaire ».
[48] Le 18 juin 2014, le docteur Yves Duchastel, neurologue, évalue à la travailleuse à la demande de la Commission de la santé et de la sécurité du travail[2]. Il retient un diagnostic de TCC léger avec syndrome post-commotionnel.
[49] Le 30 juillet 2014, le docteur Wiltshire évalue la travailleuse à titre de membre du Bureau d’évaluation médicale. Il traite de l’événement du 4 mars 2014. Le docteur Wiltshire retient le diagnostic de séquelles d’entorse du poignet gauche, condition qui n’est pas consolidée à ce moment.
[50] Le 23 septembre 2014, la travailleuse est expertisée par le docteur Jacques Demers, neurochirurgien, agissant à titre de membre du Bureau d’évaluation médicale, en regard de l’événement du 15 mars 2013. Son avis ne porte que sur le diagnostic de TCC léger avec syndrome post-commotionnel, diagnostic dont il confirme l’existence.
[51] Le docteur Demers reconnaît à la travailleuse une atteinte permanente de 1 % sans limitation fonctionnelle.
[52] Le 29 octobre 2014, la travailleuse est expertisée par le docteur François Blondeau, spécialiste en chirurgie buccale et maxillo-faciale.
[53] Le même jour, soit le 29 octobre 2014, la docteure Haziza retient un diagnostic de hernie discale L4-L5 et elle procède à des blocs facettaires bilatéraux sous scopie.
[54] Le 13 novembre 2014, la travailleuse subit une évaluation des capacités fonctionnelles globales, en lien avec son poignet gauche. Dans le cadre de cette évaluation, au chapitre des « autres plaintes/douleurs », on rapporte des maux de tête, des problèmes cognitifs et de vertiges, des douleurs diffuses de la tête jusqu’aux orteils gauches et un épuisement moral.
[55] Le 8 décembre 2014, la travailleuse est expertisée par le docteur Gilbert Thiffault, à la demande de la Commission. Il traite des diagnostics de trauma au visage avec douleur dentaire, plaie à la lèvre inférieure, contusion et entorse de l’épaule gauche ainsi que tendinite, bursite et syndrome d’accrochage, ces derniers n’étant pas consolidés.
[56] Le 19 décembre 2014, la docteure Haziza remplit un formulaire Information médicale complémentaire écrite, dans lequel on lui demande si la date de consolidation est prévisible et si elle prévoit des limitations fonctionnelles. Elle précise que la consolidation sera atteinte en janvier et que la travailleuse conservera des limitations fonctionnelles sévères probables.
[57] Le 9 janvier 2015, madame Nadège Wooley, conseillère en indemnisation à la Commission, rédige une note d’intervention dans laquelle elle rapporte ces réponses de la docteure Haziza.
[58] Le 21 janvier 2015, la docteure Haziza remplit un formulaire final dans lequel elle indique considérer que la lésion professionnelle entraînera une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de la travailleuse.
[59] Le 10 février 2015, la travailleuse est expertisée par le docteur Louis Roy, chirurgien orthopédiste, à la demande de la Commission. Cette évaluation porte sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles en lien avec l’événement du 4 mars 2014. Les diagnostics en lien avec celui-ci sont des séquelles d’entorse du poignet gauche. Au moment de cette expertise, la travailleuse se dit paralysée du membre supérieur gauche.
[60] Les amplitudes articulaires des poignets sont limitées, du côté gauche, de 20 degrés en dorsiflexion et en inclinaison cubitale, de 30 degrés en flexion palmaire et de 10 degrés en inclinaison radiale. Les amplitudes sont complètes du côté droit.
[61] Le docteur Roy ne constate la présence d’aucune atrophie des membres supérieurs.
[62] Le docteur Roy attribue, à la travailleuse, un pourcentage d’atteinte permanente de 5 % et les limitations fonctionnelles suivantes :
· Éviter l’utilisation répétitive du poignet gauche dans des mouvements de dorsiflexion, de flexion palmaire et de déviations cubitale et radiale au-delà des amplitudes articulaires maximales notées lors de l’examen.
· Éviter les coups, contrecoups et vibrations au niveau du membre supérieur gauche;
· Éviter de soulever des charges de plus de 3 kg avec le membre supérieur gauche (force maximale de préhension au niveau de la main, tel que noté lors de l’évaluation).
[63] Le 12 février 2015, la travailleuse est expertisée par le docteur Mario Giroux, à la demande de l’employeur Pavillon Saint-Joseph.
[64] Lors de cette évaluation, la travailleuse se dit complètement paralysée du cou jusqu’aux orteils de tout l’hémicorps gauche. Le docteur Giroux mentionne que la travailleuse affirme qu’au moment où elle est retournée au travail en mars 2014, elle était dans un piteux état. Il ajoute ce qui suit :
Elle m’explique que lorsqu’elle est retournée au travail en mars 2014, elle était dans un piteux état. Elle avait mal partout, c’est-à-dire à la région cervicale, à l’épaule, au membre supérieur gauche, à la région dorso-lombaire et à la jambe gauche. Elle avait également des douleurs au niveau maxillo-facial.
Lorsque je la questionne sur la raison pourquoi elle est retournée travailler, elle m’explique qu’il s’agit d’une problématique par rapport à son ancienneté. Elle confirme qu’elle n’a avisé personne de sa condition.
[65] Le docteur Giroux rapporte les mouvements suivants :
C) Mouvements épaules (mesures goniomètre)
|
Valeurs normales |
Épaule droite |
Épaule gauche |
||
|
|
Actifs |
Passifs |
Actifs |
Passifs |
Flexion |
180° |
180° |
180° |
0° |
50° |
Abduction |
180° |
180° |
180° |
0° |
70° |
Rotation externe |
90° |
90° |
90° |
0° |
90° |
Rotation interne |
40° |
40° |
40° |
20° |
40° |
Adduction |
20° |
20° |
20° |
10° |
20° |
Extension |
40° |
40° |
40° |
20° |
40° |
[66] Quant à la colonne dorso-lombaire, la flexion est de 10 degrés en position debout, mais complète en position assise. L’extension est mesurée à 0 degré et les rotations et flexions latérales sont complètes.
[67] Le docteur Giroux rapporte les tests de Neer, Hawkins, Jobe, Speed, l’ABD, le RE et le RI résistés comme étant négatifs. La travailleuse allègue toutefois une douleur à la région cervicale et au membre supérieur. Les tests de mise en tension des racines nerveuses de la colonne lombaire sont négatifs, le SLR déclenchant toutefois une lombalgie à 10 degrés.
[68] Le docteur Giroux retient la relation entre un diagnostic de contusion à l’épaule gauche avec bursite sous-acromiale modérée et l’événement accidentel du 15 mars 2013, consolidé le 28 octobre 2013.
[69] Il retient une relation entre l’événement du 4 mars 2014 et un diagnostic de contusion au poignet gauche, consolidé le 12 février 2015.
[70] La travailleuse ne conserve aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles, selon le docteur Giroux.
[71] Le docteur Giroux ajoute une section intitulée Commentaires post-examen physique, laquelle se lit comme suit :
[…]
Après l’examen, nous avons quitté pour permettre à madame de se rhabiller en présence du membre de la famille.
Nous avons par la suite entendu un cri et lorsque nous sommes revenus dans la salle d’examen madame était au sol. Elle s’est relevée presque seule (fait surprenant) avec l’aide minimale du membre de sa famille et lors d’un examen sommaire, nous n’avons démontré aucun signe de blessure. Elle n’avait pas de douleur à la mise en charge et pas de douleur supplémentaire au niveau de ses membres supérieurs, de ses membres inférieurs et au niveau de la colonne cervico-dorso-lombaire. [sic]
[72] Le dossier de la travailleuse contient les notes sténographiées d’une conversation enregistrée le 12 février 2015 lors de l’examen effectué par le docteur Giroux. On peut y lire, entre autres, que la travailleuse se plaint de douleurs lors de l’examen, affectant tout le côté gauche et le dos.
[73] Le 13 mars 2015, la docteure Haziza rédige un rapport final. Elle considère que la lésion professionnelle est consolidée à compter de cette date. Elle fait état des diagnostics d’entorse du poignet gauche et de tendinnosynovite des extenseurs carpe ulnaris.
[74] Le 13 mars 2015, la travailleuse est expertisée par la docteure Danielle Desloges, chirurgienne orthopédiste, agissant à titre de membre du Bureau d’évaluation médicale. Son évaluation porte sur le diagnostic de tendinite, bursite et syndrome d’accrochage de l’épaule gauche.
[75] La docteure Desloges attribue à la travailleuse un pourcentage d’atteinte permanente de 2 %, pour atteinte des tissus mous avec séquelles fonctionnelles.
[76] Le 31 mars 2015, la docteure Haziza, sur un rapport final, mentionne être d’accord avec le rapport du docteur Roy « pour DAP & LF ». Sur un rapport complémentaire, elle ajoute qu’un rapport d’évaluation médicale n’est pas nécessaire.
[77] Le 18 décembre 2015, la travailleuse est expertisée par la docteure Sonia Calouche, psychiatre.
[78] Le 11 février 2016, madame Myriam Houle-Comtois, conseillère en réadaptation, rédige une note d’intervention. Elle y relate un appel de la travailleuse au cours duquel elle demande de l’aide à domicile et des travaux d’entretien.
[79] Le 5 mai 2016, la docteure Haziza procède à un électromyogramme dans un contexte de lombo-sciatalgie gauche. Elle conclut à la présence de phénomènes de radiculopathie L5 gauche d’intensité légère. Elle recommande de faire une corrélation avec une résonance magnétique lombaire.
[80] Le 28 mai 2016, la travailleuse est expertisée par le docteur Serge Gauthier, psychiatre. Il conclut à la présence d’un trouble somatoforme douloureux chronique et de PTSD découlant de la lésion professionnelle du mois de mars 2014.
[81] Le 30 mai 2016, la docteure Haziza prescrit une échographie de l’épaule gauche afin d’éliminer la présence d’une rupture de la coiffe gauche.
[82] Le 4 juillet 2016, une échographie musculo-squelettique de l’épaule gauche permet d’identifier une capsulite sévère et un syndrome douloureux en projection de l’articulation acromio-claviculaire. La travailleuse aurait eu deux injections par la suite.
[83] Le 6 juillet 2016, madame Lucie Daoust, conseillère en réadaptation à la Commission, et madame Alexandra Raymond, ergothérapeute, procèdent à l’évaluation des besoins de la travailleuse dans le cadre d’une visite à domicile. La travailleuse, son cousin et son représentant sont également présents à cette rencontre.
[84] Les plaintes rapportées par la travailleuse se localisent à l’ensemble de son hémisphère gauche, soit au poignet, à l’épaule, au cou, dans tout le membre supérieur droit et à la région lombaire « notamment lors des mouvements de flexion du tronc et de flexion de la hanche, reliée à une hernie discale ».
[85] Les notes prises lors de cette rencontre par madame Raymond précisent qu’elle n’a pu voir comment la travailleuse « se débrouille pour sortir du lit ».
[86] Pour ce qui est des problèmes d’incontinence, il est noté « Nous suggérons à la travailleuse d’utiliser des lingettes pour aider à son hygiène ».
[87] Madame Raymond rédige un rapport de cette évaluation. Elle relate l’historique des lésions professionnelles en cause.
[88] En ce qui concerne le sommeil, madame Raymond rapporte que la travailleuse éprouve de la difficulté à dormir en raison de difficultés physiques et psychologiques.
[89] Quant à l’utilisation du membre supérieur gauche, madame Raymond mentionne que celui-ci est immobilisé lors de son évaluation.
[90] Madame Raymond précise qu’à la lumière de l’évaluation objective et en tenant compte des limitations établies et des propos de la travailleuse, elle est d’avis que cette dernière présente les déficits suivants :
• Douleur constante du membre supérieur gauche (en lien avec diagnostics acceptés par la CNESST);
• Douleur au niveau du cou, du membre supérieur droit et au niveau lombaire (en lien avec condition personnelle);
• Contrôle de la douleur inefficace;
• Étourdissements positionnels (en lien avec condition personnelle));
• Difficulté d’orientation spatiale et de concentration (en lien avec condition personnelle);
• Sommeil non satisfaisant;
• Limitations fonctionnelles au niveau du membre supérieur gauche;
• Incapacité à effectuer toutes les tâches bilatérales;
• Utilisation du membre supérieur droit limitée (condition personnelle sans diagnostic);
• Diminution de l’autonomie au niveau des soins personnels et des activités productives.
[91] Madame Raymond enchaîne en mentionnant qu’elle considère que la travailleuse est autonome pour les activités consistant au lever, au coucher, aux soins vésicaux, à l’alimentation, à l’utilisation des commodités à domicile et à la préparation du déjeuner.
[92] La travailleuse a toutefois besoin d’assistance partielle pour l’hygiène corporelle, l’habillage, de déshabillage, la préparation des dîners et soupers, le ménage léger, le lavage du linge et l’approvisionnement.
[93] Dans la grille d’évaluation des besoins, madame Raymond retient, pour le lever, que la travailleuse rapporte ne plus dormir dans son lit depuis l’accident en raison de la douleur au cou et au membre supérieur gauche. Elle réitère que la travailleuse dort dans le salon sur le divan ou sur une chaise en appuyant ses pieds sur une deuxième chaise. Madame Raymond note ce qui suit :
Lors de la mise en situation, j’observe que madame est en mesure de se lever du divan (position allongée à position debout) en effectuant un transfert de poids avec ses jambes et en prenant appui sur la main droite avec lenteur difficulté et qu’elle manifeste un effort. Elle est également capable de se lever de la chaise en prenant appui sur la main droite avec lenteur et manifeste un effort. Je considère donc que madame est autonome pour effectuer cette activité à son rythme.
[94] Madame Raymond considère que la travailleuse est autonome pour le lever et aucun pointage ne lui est attribué.
[95] Pour ce qui est du coucher, la travailleuse rapporte qu’elle peut recevoir l’aide d’un membre de sa famille pour relever ses jambes sur le divan ou sur la deuxième chaise puisque ces transferts augmentent la douleur lombaire, condition personnelle. Madame Raymond considère la travailleuse autonome pour cette activité.
[96] Madame Raymond constate que la travailleuse ne peut utiliser son membre supérieur gauche pour effectuer l’hygiène corporelle.
[97] La travailleuse mentionne ne pouvoir toucher ses pieds puisque cela lui occasionne de la douleur lombaire et au cou. La travailleuse a, par ailleurs, besoin d’assistance partielle pour l’habillage et le déshabillage.
[98] En ce qui concerne les soins vésicaux et intestinaux, madame Raymond rapport ce qui suit :
Madame rapporte des incontinences urinaires et fécales depuis l’année passée. Elle mentionne avoir de la difficulté à s’essuyer optimalement avec la main droite, ce qui fait en sorte que ses sous-vêtements peuvent être souillés. Il a été recommandé à madame de s’essuyer avec des lingettes humides jetables dans la toilette pour faciliter la tâche.
[99] Madame Raymond n’accorde aucun pointage pour cette activité puisqu’elle considère la travailleuse autonome. Lors de son témoignage, cette dernière confirme que son problème n’est pas corrigé et qu’elle a besoin d’assistance pour s’essuyer, à défaut de quoi elle reste dans des vêtements sales.
[100] Lors de son témoignage, la travailleuse confirme ne pas avoir bénéficié d’aides techniques, malgré les recommandations de madame Raymond et toujours dormir sur une chaise ou sur un divan.
[101] Le 18 juillet 2016, le Tribunal rend une décision par laquelle il entérine un accord intervenu entre les parties. Par cet accord, il est déclaré que :
[…] les diagnostics trauma au visage et à la lèvre inférieure, de perte des dents #11 et #21 avec remplacement par prothèse amovible (couronne), TCC léger avec syndrome post-commotionnel, contusion entorse de l’épaule gauche et de tendinite de l’épaule gauche, de bursite de l’épaule gauche et de syndrome d’accrochage sur une condition personnelle préexistante de modifications dégénératives modérées à sévères de la sychondrose et ostéophytose marginale et morphologie acromiale de type II, sont en relation avec l’événement du 15 mars 2013. […]
[102] En lien avec cette lésion de mars 2013, l’accord prévoit que les conclusions des docteurs Tadros et Demers sont retenues.
[103] L’accord précise, de plus, ce qui suit :
Par ailleurs, les parties sont d’avis qu’en se présentant au travail le 2 mars 2014 chez CRDITED de Montréal, la travailleuse a renversé la présomption d’incapacité prévue à l’article 46 de la loi et qu’à ce titre elle n’a donc plus droit aux indemnités de remplacement du revenu à compter de cette date. La travailleuse a alors repris un emploi identique correspondant aux exigences physiques de l’emploi qu’elle occupait jusqu’alors au Pavillon St-Joseph, le tout en conformité avec l’évaluation du poste de travail effectué par madame Caroline Samson, ergothérapeute, en date du 7 janvier 2014.
[104] Cet accord traite également des diagnostics, de la date de consolidation, de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles dont la travailleuse est porteuse à la suite de cette lésion professionnelle du 4 mars 2014.
[105] Ainsi, les diagnostics retenus sont une aggravation de tendinite de l’épaule gauche, une entorse du poignet gauche et une cervico-brachialgie gauche. Par contre, les diagnostics de céphalée cervicogénique et de dépression ne sont pas retenus.
[106] Le 23 août 2016, madame Daoust rédige une note d’intervention dans laquelle elle précise que la travailleuse est admissible à la réadaptation et a donc droit à l’aide personnelle à domicile.
[107] Le 29 août 2016, la docteure Haziza rédige une attestation médicale complémentaire dans laquelle elle pose un diagnostic de capsulite de l’épaule gauche et de hernie discale L5-S1 en référant à l’électromyogramme du mois de mars 2013. La docteure Haziza précise que la travailleuse présente une douleur chronique qui s’aggrave. Elle mentionne la date du 15 mars 2013 comme étant celle de l’événement.
[108] Le 13 septembre 2016, la travailleuse, par le biais de son représentant, demande ce qui suit :
Madame Daoust,
Nous sommes les représentants de Madame Loui-Jean dans les dossiers mentionnés en rubrique et la présente lettre a pour but de vous informer que notre cliente demande l’autorisation de poursuivre son fond de pension de chez Pavillon St-Joseph (dossier CNESST 140900507) car la travailleuse n’avait pas de fond de pension encore chez (CRDITED0, ainsi que de valider le DAP manquant pour la lésion au cou, épaule et poignet gauche (dossier CNESST 142175470).
Nous vous référons au document Batirente ci-joint pour l’article 116.
Nous vous référons à la décision du TAT (conciliation impliquant addendum du Dr Haziza) et l’expertise du Dr Roy.
[109] Le 16 novembre 2016, la docteure Haziza apporte une correction à son rapport médical du 29 août précédent. Elle mentionne ce qui suit :
À la demande de l’avocat de la patiente, et après relecture de l’IRM du 7 novembre 2013, de l’EMG du 5 mai 2016, ainsi que de revoir mon rapport médical du 29 août 2016, je constate que la hernie discale était à L4-L5 et non à L5-S1. Le rapport médical aurait donc dû faire mention d’une hernie discale L4-L5 et non L5-S1.
[110] Le 1er septembre 2016, la Commission rend une décision par laquelle elle informe la travailleuse qu’il est impossible de lui déterminer un emploi qu’elle serait capable d’exercer à temps plein et que, par conséquent, le versement de son indemnité de remplacement du revenu se poursuivra jusqu’à ce qu’elle atteigne l’âge de 68 ans.
[111] Cette décision est rendue dans le cadre du dossier concernant l’événement du 4 mars 2014.
[112] La Commission informe également la travailleuse qu’à compter de son 65e anniversaire de naissance, son indemnité de remplacement du revenu sera réduite de 25 % la première année, de 50 % l’année suivante et de 75 % la dernière année.
[113] Le 13 septembre 2016, la travailleuse demande à la Commission l’autorisation de poursuivre son fonds de pension et demande que l’article 116 de la loi soit appliqué.
[114] Le 15 septembre 2016, la travailleuse soumet une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion du 15 mars 2013. Les diagnostics de cette lésion alléguée sont une capsulite à l’épaule gauche et une hernie discale L4-L5 qui constitue une aggravation d’une condition personnelle, prétend-elle.
[115] À l’audience devant le Tribunal, la travailleuse abandonne sa contestation de la décision de la Commission qui refuse cette récidive, rechute ou aggravation.
[116] Le 25 novembre 2016, la Commission rend une décision par laquelle elle refuse d’appliquer l’article 116 de la loi au motif que la travailleuse a fait la démonstration de sa capacité à occuper une activité rémunératrice à compter du 2 mars 2014 en effectuant un retour au travail régulier.
[117] Lors de son témoignage, la travailleuse précise être gauchère. Elle affirme ressentir des douleurs constantes. Elle ne peut se déshabiller seule. Elle ne peut, non plus, conduire, et ce, depuis 2014, puisqu’elle ne peut consulter ses angles morts.
[118] La travailleuse explique qu’à la suite de son deuxième accident du travail, elle éprouve de la difficulté à marcher, à monter les escaliers, à s’asseoir sur une chaise basse. Il est également difficile de monter à bord d’un véhicule automobile ou dans un lit.
[119] La travailleuse affirme être dépendante de ses proches depuis 2013. Elle éprouve une douleur constante et ne peut plus conduire un véhicule automobile.
[120] Quant à son fonds de pension, la travailleuse explique qu’elle souhaiterait y cotiser.
LES MOTIFS
Dossier 621805-71-1611
[121] Le Tribunal doit décider si la travailleuse a droit à l’aide à domicile depuis le 10 février 2015, soit la date du rapport du docteur Roy, tel qu’elle le demande. Le Tribunal doit également décider s’il y a lieu d’ajuster le pointage accordé à la travailleuse afin de tenir compte de ses problèmes avec le lever, le coucher et les soins vésicaux et intestinaux.
[122] L’article 158 de la loi prévoit ce qui suit :
158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.
__________
1985, c. 6, a. 158.
[123] Il y a donc trois conditions pour qu’un travailleur puisse bénéficier de l’aide personnelle à domicile, soit être incapable de prendre soin de lui-même, être incapable d’effectuer, sans aide, des tâches domestiques qu’il effectuerait normalement et que cette aide soit nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.
[124] L’aide à domicile est une mesure de réadaptation sociale, laquelle a pour but d’aider un travailleur à surmonter les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, conformément aux articles 151 et 152 de la loi :
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
__________
1985, c. 6, a. 151.
152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :
1° des services professionnels d'intervention psychosociale;
2° la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;
3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;
4° le remboursement de frais de garde d'enfants;
5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.
__________
1985, c. 6, a. 152.
[125] Pour avoir droit à la réadaptation, entre autres la réadaptation sociale, il doit être médicalement possible de prévoir qu’un travailleur conservera une atteinte permanente à la suite de sa lésion professionnelle, tel que le prévoit la jurisprudence[3] ainsi que l’article 145 de la loi :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 145.
[126] En l’espèce, la travailleuse prétend qu’il était médicalement possible de prévoir qu’elle conserverait une atteinte permanente lors de l’expertise du docteur Roy.
[127] Rappelons que dès le 19 décembre 2014, la docteure Haziza était en mesure d’affirmer que la travailleuse allait conserver des limitations fonctionnelles, information dont la Commission prend acte dans la note de madame Wooley datée du 9 janvier 2015.
[128] Effectivement, le 21 janvier 2015, la docteure Haziza indique au rapport final que la lésion professionnelle entraînera une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de la travailleuse.
[129] Aussi, lorsque le docteur Roy évalue la travailleuse, et ce, à la demande de la Commission, son mandat consiste justement à évaluer l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles de la travailleuse.
[130] Dès lors, il était non seulement médicalement possible de prévoir que la travailleuse conserverait une atteinte permanente, mais cette atteinte permanente a été constatée, le docteur Roy octroyant à la travailleuse un pourcentage d’atteinte permanente de 5 %.
[131] La travailleuse avait donc droit à l’aide personnelle à domicile à compter du 10 février 2015, soit à la date de l’évaluation du docteur Roy.
[132] Quant au pointage auquel la travailleuse a droit, la preuve prépondérante démontre qu’elle n’a pas besoin d’aide pour le lever et le coucher. En effet, madame Raymond, à la lumière de son évaluation, conclut que la travailleuse est en mesure d’effectuer ces activités.
[133] Par surcroît, aucune des limitations fonctionnelles dont la travailleuse est porteuse ne porte sur le fait de se lever ou se coucher.
[134] Aussi, le Tribunal considère que l’évaluation de madame Raymond et les limitations fonctionnelles reconnues à la travailleuse sont prépondérantes sur son seul témoignage.
[135] Pour ce qui est des soins vésicaux et intestinaux, madame Raymond relate les propos de la travailleuse selon lesquels elle présente des problèmes d’incontinences urinaires et fécales, et qu’elle éprouve des difficultés à s’essuyer.
[136] D’ailleurs, madame Raymond recommande à la travailleuse d’utiliser des lingettes humides pour faciliter la tâche consistant à s’essuyer. Cette recommandation confirme les propos de la travailleuse.
[137] Aussi, à la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que la travailleuse n’est pas autonome en ce qui concerne les soins vésicaux et intestinaux. La preuve prépondérante révèle par ailleurs qu’elle a besoin d’une assistance partielle, puisque de son propre témoignage, elle ne parvient pas à s’essuyer de manière optimale ce qui fait en sorte que ses sous-vêtements peuvent être souillés, sans l’être nécessairement.
[138] L’évaluation des besoins d’aide à domicile doit être faite selon les normes prévues au Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile[4] (le Règlement) et en remplissant la grille d’évaluation prévue à l’annexe 1.
[139] L’article 5 du Règlement prévoit que cette évaluation doit tenir compte de la situation du travailleur avant la lésion professionnelle, des changements qui en découlent et des conséquences de celle-ci sur son autonomie.
[140] Le Tableau d’évaluation prévoit qu’en cas de besoins d’assistance partielle pour les soins vésicaux, un pointage de 1,5 est attribué, de même que 1,5 pour les soins intestinaux. La travailleuse a donc droit à un pointage additionnel de 3, ce qui porte son pointage total à 14,5/48.
Dossier 636048-71-1704
[141] Le Tribunal doit décider si la travailleuse a droit à l’application de l’article 116 de la loi, lequel prévoit ce qui suit :
116. Le travailleur qui, en raison d'une lésion professionnelle, est atteint d'une invalidité visée dans l'article 93 a droit de continuer à participer au régime de retraite offert dans l'établissement où il travaillait au moment de sa lésion.
Dans ce cas, ce travailleur paie sa part des cotisations exigibles, s'il y a lieu, et la Commission assume celle de l'employeur, sauf pendant la période où ce dernier est tenu d'assumer sa part en vertu du paragraphe 2° du premier alinéa de l'article 235.
__________
1985, c. 6, a. 116.
[142] Afin de bénéficier des dispositions de ces articles, la travailleuse doit démontrer qu’elle est atteinte d’une invalidité au sens de l’article 93 de la loi :
93. Une personne atteinte d'une invalidité physique ou mentale grave et prolongée est considérée invalide aux fins de la présente section.
Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.
Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement entraîner le décès ou durer indéfiniment.
__________
1985, c. 6, a. 93.
[143] La jurisprudence reconnaît qu’un travailleur qui est incapable d’exercer un emploi convenable, sera considéré comme étant atteint d’une invalidité grave et prolongée, au sens de l’article 93 de la loi[5].
[144] Ainsi, l’article 116 de la loi prévoit qu’un travailleur victime d’une lésion professionnelle qui entraîne, pour lui, une invalidité grave et prolongée, a le droit de continuer à participer au régime de retraite offert chez l’employeur où il travaillait au moment de la survenance de sa lésion professionnelle.
[145] En l’espèce, la travailleuse demande de bénéficier de l’application de l’article 116 de la loi pour ce qui est du fonds de pension auprès de l’employeur Pavillon St-Joseph Infirmerie des Sœurs de Ste-Croix, employeur chez lequel est survenue la lésion professionnelle du 15 mars 2013, tel qu’elle le confirme dans sa demande du 13 septembre 2016.
[146] Or, à la suite de cette lésion professionnelle, soit le 2 mars 2014, la travailleuse effectue un retour au travail. Bien qu’elle affirme, lors de son témoignage, être retournée au travail pour des raisons d’ancienneté, information qu’elle avait d’ailleurs consignée à son formulaire de réclamation du 6 mars 2014, l’accord intervenu entre les parties et entériné par le Tribunal administratif du travail est à l’effet contraire.
[147] En effet, les parties y ont précisé que la travailleuse a renversé la présomption d’incapacité prévue à l’article 46 de la loi en se présentant au travail le 2 mars 2014 et qu’elle a alors repris un emploi identique qui correspond aux exigences physiques de l’emploi qu’elle occupait jusqu’alors chez l’employeur Pavillon Saint-Joseph.
[148] Aussi, la travailleuse ne peut plus prétendre qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée, l’accord étant clair quant à sa capacité à exercer son emploi chez l’employeur Pavillon Saint-Joseph.
[149] La travailleuse ne peut donc bénéficier de l’application de l’article 116 de la loi et sa requête doit être rejetée.
Dossier 636049-71-1704
[150] Le Tribunal doit maintenant décider si la travailleuse a été victime d’une récidive, rechute ou aggravation le 29 août 2016, sous la forme d’une capsulite à l’épaule gauche et d’une hernie discale L4-L5, cette hernie étant considérée comme l’aggravation d’une condition personnelle.
[151] Les notions de récidive, rechute ou aggravation n’étant pas définies à la loi, il y a lieu de s’en remettre au sens courant de ces termes et les précisions apportées par la jurisprudence.
[152] Ainsi, ces notions correspondent à une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes.
[153] La preuve prépondérante doit donc révéler une modification de la condition du travailleur par rapport à celle qui prévalait lors de la consolidation de la lésion initiale[6] ainsi que la relation entre cette dernière et la lésion alléguée être une récidive, rechute ou aggravation.
[154] Certains paramètres ont été identifiés par la jurisprudence[7] afin de permettre de déterminer l’existence d’une telle relation, notamment :
la gravité de la lésion initiale;
la continuité de la symptomatologie;
l’existence ou non d’un suivi médical;
le retour au travail avec ou sans limitations fonctionnelles;
la présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;
la présence ou l’absence d’une condition personnelle;
la compatibilité de la symptomatologie alléguée au moment de la récidive, rechute ou aggravation avec la nature de la lésion initiale;
le délai entre la récidive, rechute ou aggravation et cette lésion initiale.
[155] Bien sûr, aucun de ces éléments n’est, à lui seul, déterminant.
[156] Au formulaire de réclamation portant sur la récidive, rechute ou aggravation en litige, il est indiqué ce qui suit :
Suite au trauma, la recherche médicale avait démontré une capsulite à l’épaule G. Lors de l’addendum du Dr Haziza (2016-05-05), elle prescrivait une échographie malgré la consolidation : « une échographie de contrôle de l’épaule, afin de valider si une pathologie aurait été manquée ».
[157] Rappelons que les diagnostics des lésions initiales sont, pour celle du 15 mars 2013, un trauma au visage et à la lèvre inférieure, une perte des dents #11 et #21 avec remplacement par prothèse amovible (couronne), un trauma crânio-cérébral (TCC) léger avec syndrome post commotionnel, une contusion et une entorse de l’épaule gauche, une tendinite, une bursite de l’épaule gauche et un syndrome d’accrochage sur une condition personnelle préexistante.
[158] Les conditions affectant l’épaule gauche de la travailleuse sont consolidées le 28 octobre 2013 avec une atteinte permanente de 2,20 % et des limitations fonctionnelles.
[159] Le TCC est, quant à lui, consolidé le 18 juin 2014 avec une atteinte permanente de 1,10 % et la condition dentaire entraîne une atteinte permanente de 3,11 %.
[160] La lésion professionnelle du 4 mars 2014 consiste, quant à elle, en une cervico-brachialgie gauche, une tendinite à l’épaule gauche et une entorse au poignet gauche. Cette lésion est consolidée le 21 janvier 2015 avec une atteinte permanente de 9,70 % et des limitations fonctionnelles.
[161] Aucun des diagnostics des lésions professionnelles dont la travailleuse a été victime ne concerne la région lombaire.
[162] Le diagnostic de hernie discale L4-L5 est posé, pour la première fois, par la docteure Haziza, le 29 octobre 2014.
[163] Or, aucune preuve médicale ne vient établir une quelconque relation entre ce diagnostic de hernie discale L4-L5 et les lésions professionnelles en cause.
[164] Il en est de même pour la capsulite de l’épaule gauche dont la travailleuse est porteuse. En effet, outre l’attestation médicale du 29 août 2016 de la docteure Haziza, le dossier ne contient aucune preuve de relation entre la capsulite de l’épaule gauche de la travailleuse et l’événement du mois de mars 2013 ou du mois de mars 2014.
[165] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que la travailleuse n’a pas démontré, par une preuve prépondérante, avoir subi une récidive, rechute ou aggravation le 29 août 2016.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :
Dossier 621805-71-1611
ACCUEILLE la contestation de madame Marie Margareth Loui Jean, la travailleuse;
INFIRME la décision rendue le 4 novembre 2016 par la Commission des normes, de l’équité et de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse a droit à une allocation d’aide personnelle à domicile à compter du 10 février 2015 correspondant à un pointage de 14,5/48;
RETOURNE le dossier à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail afin qu’elle procède au calcul du montant de l’allocation d’aide personnelle à domicile à laquelle la travailleuse a droit en fonction de ces paramètres.
Dossier 636048-71-1704
REJETTE la contestation de la travailleuse;
CONFIRME la décision rendue le 19 avril 2017 par la Commission des normes, de l’équité et de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 29 août 2016;
DÉCLARE qu’il n’y a pas lieu d’appliquer l’article 116 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;
DÉCLARE que la travailleuse n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 30 août 2016;
Dossier 636049-71-17094
REJETTE la contestation de la travailleuse;
CONFIRME la décision rendue le 19 avril 2017 par la Commission des normes, de l’équité et de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 29 août 2016;
DÉCLARE qu’il n’y a pas lieu d’appliquer l’article 116 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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Isabelle Therrien |
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M. Éric Marsan |
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LÉGER& MARSAN, ASSOCIÉS |
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Pour la partie demanderesse |
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M. Claude Stringer |
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DILIGENCIA EXPERT CONSEIL |
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Pour l’employeur Pavillon Saint-Joseph |
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Me Mélisande Blais |
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PAQUET TELLIER |
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Pour la partie intervenante |
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Date de l’audience : 16 octobre 2017 |
[1] RLRQ, c. A-3.001.
[2] Aux fins des présentes, la Commission de la santé et de la sécurité du travail ainsi que la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail seront indistinctement désignées par « la Commission ».
[3] Routhier et Voyages Symone Brouty, C.L.P. 120748-31-9907, 15 juin 2000. P. Simard; Gagné et Provigo Distribution inc., [2000] C.L.P. 456 ; Langelier et Entreprises André et Ronald Guérin ltée, C.L.P. 12649-01B-9910. 15 mars 2001, L. Desbois; Coulombe et Auberge de l’Île, 175230-62A-0112, 10 juillet 2002, J. Landry; Compagnie de la Baie d’Hudson et Clentenning, 254217-71- 0501, 6 septembre 2005, R. Langlois; MacKeen et Aliments Edelweiss inc. (les), 213161-61-0307, 19 avril 2004, P. Di Pasquale; Labelle et Labelle [2008] C.L.P. 874; Groupe Cascades inc. et Désormaux C.L.P. 360196-64-0810, 22 décembre 2009, M. Carignan, révision rejetée le 10 octobre 2010, M. Langlois.
[4] RLRQ, c. A-3.001, r. 9
[5] Guilbault et CLSC - CH - CHSLD des Forestiers, C.L.P. 225409-07-0401, 20 MAI 2004, S. Lemire; Roberge et Marché Lafrance inc., C.L.P. 244533-05-0409, 28 juin 2007, L. Boudreault; Dumont et Cégep de Lévis-Lauzon C.L.P. 329479-03B-0710, 31 mars 2009, R. Savard; Pelletier et Pintendre autos inc., 2013 QCCLP 4232; Bellemare et Commission scolaire des Navigateurs 2015 QCCLP 2420.
[6] Fauchon et Garage Gilles Roy inc., C.L.P. 309520-03B-0702, 1er octobre 2007, M. Cusson; voir aussi : Marshall et Adam Lumber inc., [1998] C.L.P. 1216; Beauchamp et Inspec-Sol inc., [2009] C.L.P. 93; Dubé et Entreprises du Jalaumé enr., C.L.P. 380599-01A-0906, 21 septembre 2009, G. Tardif.
[7] Boisvert et Halco inc., [1995] C.A.L.P. 19.
AVIS :
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