Décision

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9221-2133 Québec inc. (Centre Mécatech) c. Intact Assurances inc.

2014 QCCQ 1613

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

« Chambre Civile »

N° :

200-22-065759-136

 

 

 

DATE :

25 février 2014

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

FRANÇOIS GODBOUT, J.C.Q.  (JG1132)

______________________________________________________________________

 

 

9221-2133 QUÉBEC INC. f.a.s.r.s. CENTRE MÉCATECH

-et-

ÉRIC CLOUTIER

Demandeurs

c.

 

INTACT ASSURANCE INC.

            Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Les demandeurs, 9221-2133 Québec inc. (Centre Mécatech) et Éric Cloutier, réclament de la défenderesse, Intact Assurance inc. (Intact), la somme de 20 000 $ à titre de remboursement pour la valeur d'un véhicule de marque Cadillac Escalade 2005 qu'ils possédaient et qui fut volé, et en indemnisation pour troubles et inconvénients. Ledit véhicule était assuré par la défenderesse à leur bénéfice.

[2]           Intact refuse d'indemniser les demandeurs aux motifs, quant à Centre Mécatech, qu'elle n'a pas démontré d'intérêt d'assurance et qu'elle a refusé de collaborer à l'enquête, notamment en faisant en sorte que son seul actionnaire, M. Cloutier, ne donne pas de déclaration sur les circonstances entourant le sinistre. Elle lui fait également reproche de lui avoir causé un préjudice en la privant, par son manque de collaboration, de son droit de faire pleinement enquête et, de ce fait, de l'exercice d'un recours subrogatoire éventuel.

[3]           Au regard du demandeur Éric Cloutier, la défenderesse nie responsabilité pour les mêmes motifs.

TRAME FACTUELLE 

[4]           Éric Cloutier opère un commerce sous le nom de Centre Mécatech et il s'est enregistré au Registre des entreprises à titre de personne physique exploitant une entreprise individuelle le 1er novembre 2004 (P-7).

[5]           Le 9 avril 2010, la compagnie 9221-2133 Québec inc. fut enregistrée au même registre comme possédant et opérant Centre Mécatech, Éric Cloutier y apparaissant comme seul actionnaire et seul administrateur (P-1).

[6]           Par l'entremise du courtier en assurance Coulombe Assurances inc., M. Cloutier a contracté une police d'assurance automobile du Québec auprès d'AXA Assurances inc. sur laquelle Centre Mécatech, 9221-2133 Québec inc. et Éric Cloutier apparaissent  expressément identifiés  à l'article 1 de  la police  émise comme  assuré (D-1).

[7]           Le ou vers le 19 mai 2009, M. Cloutier achète de monsieur Stéphane Leclerc un véhicule Cadillac Escalade 2005 pour un prix de 18 000 $, payable à raison de 350 $ par mois, la possibilité de remboursement total ou partiel, en tout temps, étant également reconnue, le tout tel qu'il appert du document produit comme pièce D-2 et dont la défenderesse conteste l'opposabilité.

[8]           Le 15 septembre 2009, le transfert du véhicule de M. Leclerc à M. Cloutier fut officialisé à la Société d'assurance automobile du Québec (SAAQ) et le Cadillac Escalade 2005 fut immatriculé au nom du demandeur (P-9).

[9]           La preuve révèle que M. Cloutier utilisait ce véhicule depuis qu'il l'avait acquis en mai 2009. Il soutient avoir attendu que toute la somme due soit acquittée avant de se présenter à la SAAQ pour le transférer à son nom. Il appert qu'il a versé quelques mensualités seulement et que le solde dû fut acquitté principalement par voie de troc, Centre Mécatech et/ou Éric Cloutier ayant effectué divers travaux en faveur du vendeur, Stéphane Leclerc.

[10]        En avril 2010, au moment de l'incorporation de Centre Mécatech, M. Cloutier affirme que tous les biens de cette société ainsi que l'immeuble qui abrite la place d'affaires de ce commerce ont été transférés à la compagnie 9221-2133 Québec inc.

[11]         En août 2010, alors qu'il circulait avec le véhicule, le demandeur a été intercepté par des policiers au motif qu'il conduisait un véhicule déclaré volé.

[12]        Le Cadillac Escalade fut alors saisi et le demandeur a dû s'adresser à la Cour pour obtenir la remise du véhicule saisi. Une ordonnance accueillant cette requête fut rendue le 25 novembre 2010 ordonnant la remise du véhicule à Éric Cloutier (D-7).

[13]        Au moment où l'ordonnance fut rendue, le véhicule était toujours enregistré à la SAAQ au nom de M. Cloutier et non au nom de 9221-2133 Québec inc.

[14]        C'est à la fin décembre 2010 que le véhicule fut récupéré et il était alors complètement démonté, sans doute à la suite de l'inspection ayant suivi la saisie effectuée en août 2010. Une remorque fut utilisée pour le rapporter au garage de Centre Mécatech.

[15]        Le véhicule a alors été reconstruit et un rendez-vous fut pris avec le Centre de vérification de Beauce inc., le 10 janvier 2011, à titre de mandataire autorisé de la SAAQ, afin que soit apposée une nouvelle plaque de numéro de série sur le Cadillac Escalade 2005 à la suite de la directive à cette fin émise par la SAAQ et dont copie fut produite comme pièce P-8.

[16]        C'est le père du demandeur, monsieur Roger Cloutier, qui s'est rendu avec le véhicule à Sainte-Marie, en Beauce, où est situé le centre de vérification, et qui l'a ramené par la suite chez Centre Mécatech.

[17]        Le véhicule n'avait pas de licence. Il fut d'abord garé devant la porte du garage au retour de M. Cloutier le 10 janvier 2011 et, selon les témoignages entendus, il fut déplacé ailleurs dans la cour du garage le lendemain, soit le 11 janvier 2011.

[18]        Le matin du 12 janvier 2011, lorsqu'il est arrivé à son commerce, Éric Cloutier a constaté que le véhicule n'était plus là.

[19]        Il a d'abord appelé son père pour l'aviser, son contrôleur, monsieur Jean Hébert, est arrivé au même moment, et la police fut immédiatement appelée pour rapporter un vol de voiture, et le courtier d'assurance Coulombe Assurances inc. fut également avisé.

[20]        M. Cloutier témoigne que c'est ce contrôleur, M. Hébert, qui a pris charge de ce dossier.

[21]        Le 31 janvier 2011, Expertises et Enquêtes Ouellet inc. a écrit à Centre Mécatech et à 9221-2133 Québec inc. pour les aviser que monsieur Robin Ouellet, enquêteur, était responsable du dossier à la suite de la demande d'indemnité formulée à l'assurance, identifiant M. Éric Cloutier comme étant l'assuré.

[22]        M. Ouellet rappelait à cet assuré qu'il devait la plus entière collaboration à l'assureur, ajoutant qu'il procédait à des vérifications et qu'il prendrait ensuite rendez-vous avec eux afin de compléter une entrevue. Copie de cette lettre fut produite en liasse avec plusieurs autres documents comme pièce P-6.

[23]        Après l'envoi par Centre Mécatech de divers documents à M. Ouellet, le 11 février 2011, un rendez-vous fut convenu pour une rencontre avec cet enquêteur, pour le 28 février 2011, au bureau de Centre Mécatech.

[24]        Les versions de ce qui s'est déroulé à cette occasion diffèrent selon que c'est M. Éric Cloutier ou que c'est M. Robin Ouellet qui la rapporte.

[25]        Le demandeur prétend que l'enquêteur était arrogant, qu'il refusait que la rencontre se tienne dans les bureaux de Centre Mécatech en présence d'un témoin, qu'il voulait le rencontrer seul dans son camion, que la rencontre pouvait durer entre trois et six heures et qu'il allait tout enregistrer.

[26]        M. Ouellet témoigne qu'il a été courtois et qu'à son arrivée, il y avait trois personnes assises ensemble dans le bureau, qu'une enregistreuse était sur la table et qu'on l'a informé que la police avait fait son enquête, qu'il n'y aurait pas de rencontre et qu'il devait s'adresser à la police.

[27]        L'enquêteur affirme les avoir informés que son enquête était tout à fait distincte de celle des policiers, qu'il a offert de procéder à l'entrevue dans son véhicule, qu'ils n'étaient pas obligés de collaborer et qu'il allait rapporter leur refus de collaborer à l'assureur, lequel, vu ce refus, pourrait choisir de ne pas les indemniser.

[28]        M. Ouellet a quitté les lieux, sans qu'il y ait d'entrevue, et c'est l'analyste expert en sinistre à l'emploi de la compagnie d'assurance, monsieur Serge Turcotte, qui avait donné le mandat d'enquêter à M. Ouellet sur les circonstances entourant le vol déclaré par l'assuré qui a parlé à M. Hébert, contrôleur pour Centre Mécatech, le ou vers le 3 mars 2011. M. Hébert a rencontré M. Turcotte, à son bureau de Montréal, même s'il n'y avait pas de rendez-vous qui avait été fixé, le ou vers le 21 avril 2011.

[29]        Le mandataire du demandeur souhaitait faire avancer le dossier et demandait à l'assureur de changer son enquêteur, ce à quoi M. Turcotte aurait répondu que quel que soit l'enquêteur au dossier, ce sont les mêmes questions qui doivent être posées, réitérant que c'est l'assuré Éric Cloutier qu'il voulait interroger.

[30]        M. Cloutier a témoigné qu'il était présent à cette rencontre à Montréal, au bureau d'AXA avec M. Hébert, mais M. Turcotte ne se souvient pas de l'avoir vu, non plus que de lui avoir adressé la parole à cette occasion.

[31]        Après cette rencontre à Montréal, Hébert et Ouellet ont convenu qu'une rencontre se tiendrait au bureau de l'enquêteur le 25 mai 2011 pour permettre son interrogatoire et celui de M. Cloutier.

[32]        Jean Hébert y est allé, il fut interrogé et Éric Cloutier ne s'est pas présenté et, selon ce que rapporte Robin Ouellet, Hébert l'a alors avisé, après qu'il ait pu rejoindre M. Cloutier au téléphone, que ce dernier ne se présenterait pas et que le dossier serait transféré à un avocat.

[33]        L'assureur a alors donné mandat à ses avocats, Cain Lamarre Casgrain Wells, de procéder à un interrogatoire statutaire de M. Cloutier et c'est à Me Sophie Lapierre que ce mandat fut confié.

[34]        Sans reprendre l'ensemble des démarches effectuées à partir de ce moment, qu'il suffise de dire qu'Éric Cloutier n'a pas été interrogé, et ce, malgré les différentes tentatives pour y parvenir.

[35]        Monsieur Serge Turcotte a avisé par écrit M. Cloutier le 18 janvier 2012 qu'en raison de son manque de collaboration au regard de l'interrogatoire que la compagnie d'assurance souhaitait obtenir de lui, il considérait qu'il était manifeste qu'il refusait d'être interrogé et de collaborer à l'enquête et qu'en conséquence, Intact devait conclure qu'aucune indemnité ne serait versée.

[36]        Il y a eu encore de la correspondance échangée, sans que les parties parviennent à un règlement.

[37]        La requête introductive d'instance initiant le présent recours fut timbrée le 28 janvier 2013.

ANALYSE

[38]        En début d'audience, les parties ont convenu que la valeur à considérer pour le véhicule concerné par le litige était de 14 043,75 $ plus taxes.

[39]        Pour disposer du litige, il y a lieu de déterminer d'abord si les demandeurs ont un intérêt d'assurance dans le bien perdu et, pour ce faire, il faut que la perte de ce bien leur cause un préjudice direct et immédiat.

[40]        Il y aura lieu ensuite de déterminer si l'assuré, ou tout intéressé à sa place, a rempli les obligations qui lui incombent selon les dispositions de l'article 2471 du Code civil du Québec au regard de la déclaration du sinistre à l'assureur et la collaboration appropriée pour faire connaître, à ce dernier, tous les renseignements entourant ce sinistre.

[41]        Les demandeurs soutiennent qu'il n'est pas nécessaire d'être propriétaire pour avoir un intérêt d'assurance dans un bien et soumettent qu'ils ont tous les deux cet intérêt, puisque Centre Mécatech utilisait le bien assuré dans l'exercice de ses activités d'affaires, et ce, même si le véhicule était toujours enregistré au nom d'Éric Cloutier lorsqu'il a disparu en janvier 2011.

[42]        La perte de ce véhicule cause un préjudice à son propriétaire enregistré, qui s'en voit privé, mais également à Centre Mécatech qui l'utilisait quotidiennement dans le cadre des services de raccompagnement offerts à ses clients.

[43]        Ils sont d'avis que l'article 2471 C.c.Q. ne fait pas obligation à un assuré de se soumettre à un interrogatoire statutaire au sujet du sinistre déclaré et considèrent que c'est à l'assureur de démontrer la mauvaise foi de l'assuré, ajoutant que même si l'assureur peut trouver qu'il y a matière à avoir des doutes, le seul fait d'entretenir des soupçons ne peut pas servir de seule assise à la décision de ne pas indemniser.

[44]        Ils font reproche à l'enquêteur mandaté par la défenderesse d'avoir eu une attitude qui n'a pas permis qu'un règlement puisse intervenir.

[45]        La défenderesse, pour sa part, rappelle que pour déterminer l'intérêt d'assurance dans un bien, il faut se placer au moment du sinistre.

[46]        Pour elle, ce qu'elle assure, c'est un assuré propriétaire du véhicule disparu et c'est donc le propriétaire qui a cet intérêt.

[47]        Intact n'est pas convaincue cependant qu'Éric Cloutier est le propriétaire véritable du véhicule, lequel a produit un contrat qu'il n'a pas lui-même signé. Elle est d'avis que ce demandeur n'a pas un intérêt d'assurance dans le bien, pas plus que Centre Mécatech.

[48]        Quant au respect par l'assuré des obligations qui lui incombent selon l'article 2471 C.c.Q., Intact rappelle qu'il s'agit d'un dossier inhabituel puisque le véhicule déclaré volé avait été saisi quelques mois plus tôt par la police et que la preuve a démontré qu'il avait effectivement été volé quelques années auparavant et remis en circulation avec un faux numéro de série.

[49]        La défenderesse considère qu'il était raisonnable, dans de telles circonstances, de demander à M. Cloutier de se soumettre à un interrogatoire statutaire. Elle soumet que dès février 2011, au moment de la première intervention de M. Ouellet, elle était justifiée de penser que son assuré était disposé à ce qu'un interrogatoire ait lieu.

[50]        Intact conclut qu'Éric Cloutier a refusé de donner une déclaration et que l'absence de celle-ci ne peut pas être palliée par l'ensemble des pièces produites par et/ou pour M. Cloutier.

[51]        La défenderesse considère qu'alors que le demandeur dit qu'il a tout fourni, rien n'est déposé pour le démontrer.

[52]        Elle réitère qu'elle était justifiée de refuser d'indemniser les demandeurs et que la crédibilité des Cloutier, père et fils, lorsqu'ils ont témoigné, est entachée au point que leur version ne peut pas être retenue.

[53]        La Cour est d'avis que la question de l'intérêt d'assurance est clairement démontrée par la preuve offerte en faveur de M. Éric Cloutier.

[54]        Qui plus est, ce dernier étant actionnaire unique et seul administrateur de 9221-2133 Québec inc., la détermination quant à savoir si cette compagnie a aussi un intérêt d'assurance ne changerait rien quant aux conclusions recherchées dans le recours tel qu'initié.

[55]        Il appert de la preuve offerte que la partie de la réclamation ayant trait à une indemnisation pour troubles et inconvénients prend assise dans ce qu'a vécu Éric Cloutier personnellement.

[56]        La privation d'un véhicule de service, si tant est que cet état puisse constituer un préjudice direct et immédiat pour la compagnie 9221-2133 Québec inc., fut de courte durée puisque cette dernière a acquis un véhicule semblable à celui disparu, plus récent de deux ans, après le sinistre et qu'elle possède encore et utilise toujours ce véhicule.

[57]        Puisque pour déterminer l'intérêt d'assurance, il faut se placer à la date du sinistre, à cette époque, le véhicule était assuré au nom de Éric Cloutier.

[58]        La Cour considère que le doute soulevé par Intact au sujet de cette propriété affirmée par le demandeur est contré par le témoignage du représentant de la SAAQ, monsieur Jean Levasseur, qui a affirmé, à partir des documents produits en liasse comme pièces P-9 et P-10, que la SAAQ ne pouvait pas émettre un nouveau certificat d'enregistrement si on ne lui fournissait pas la preuve jugée suffisante d'une véritable transaction, attestant du transfert de propriété.

[59]        La Cour concluant que seul le demandeur Éric Cloutier a l'intérêt d'assurance permettant de requérir une indemnisation de son assureur pour perte d'un bien, la demanderesse 9221-2133 Québec inc. sera exclue de considération.

[60]        Le véritable point litigieux demeure la question des agissements de l'assuré au regard de ses obligations s'inférant des dispositions de l'article 2471 C.c.Q.

[61]        La lettre de refus d'indemnisation adressée à Éric Cloutier par la défenderesse Intact le 18 janvier 2012 en atteste d'ailleurs (D-10).

[62]        Le véhicule Cadillac Escalade 2005 a été déclaré volé à la police et au courtier d'assurance le 12 janvier 2011 et il ne fut jamais retrouvé.

[63]        L'historique de ce véhicule, qui avait déjà fait l'objet d'un vol quelques années auparavant, avant d'être remis en circulation avec un nouveau numéro de série, et le fait que le demandeur l'avait acquis d'un particulier au moment où ce dernier purgeait une peine d'emprisonnement, justifiaient l'assureur à procéder avec circonspection dans le traitement de la réclamation, d'autant que c'est alors que le demandeur le possédait et l'utilisait que ce Cadillac fut saisi par la police.

[64]        Suite à cette saisie, même si la propriété du véhicule, à l'origine, paraissait être à l'assureur du propriétaire initial lors du premier vol, et que la chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec a statué qu'il devait être remis à M. Cloutier, la preuve qu'il s'agissait du même véhicule que celui volé quelques années auparavant fut établie hors de tout doute.

[65]        En l'espèce, il ne fait aucun doute de la preuve offerte par les parties que l'intervention de l'enquêteur Robin Ouellet, sans d'aucune façon contester la pertinence pour Intact d'avoir recours à une firme spécialisée pour enquêter sur toutes les circonstances ayant entouré la disparition du véhicule Cadillac Escalade 2005, n'a pas permis d'obtenir tous les renseignements souhaités.

[66]        Il est aussi évident que la seule conclusion qui s'impose à la suite de l'énumération des différentes démarches de l'assureur cherchant à convaincre Éric Cloutier d'accepter d'être interrogé sur les circonstances de la perte de son bien et la nomenclature de ses réactions, de ses réponses et même de l'attitude affichée au regard de cette demande répétée, c'est qu'il ne souhaitait pas être interrogé.

[67]        Que faut-il inférer d'une telle conclusion?

[68]        L'assureur y a vu un empêchement à la poursuite de son enquête sur le sinistre rapporté et a choisi de ne pas verser d'indemnité.

[69]        La défenderesse entretient un doute sur le fait qu'il se soit vraiment agi d'un vol. Son enquêteur a même affirmé, lors de son témoignage, qu'il avait envisagé la possibilité que le véhicule Cadillac Escalade 2007 acheté par 9221-2133 Québec inc. ait pu servir à changer les pièces du véhicule disparu, ajoutant ne pas avoir pu vérifier cette possibilité vu le manque de collaboration.

[70]        D'autre part, si tant est qu'il est vrai, comme le soutient le représentant d'Intact, que l'absence d'un consentement de son assuré ne lui permet pas d'avoir accès à certains renseignements nécessaires pour compléter son enquête, rien ne permet d'affirmer qu'un tel consentement ne peut s'obtenir qu'en interrogeant l'assuré.

[71]        Il y a une différence entre demander à un assuré les autorisations nécessaires pour avoir accès à des renseignements pour compléter une enquête et d'interroger ce même assuré sur les circonstances entourant le sinistre déclaré.

[72]        La Cour est d'avis qu'il s'agit de deux démarches distinctes, qui peuvent certes être faites en même temps si l'occasion se présente, mais qui peuvent tout aussi bien faire l'objet de demandes séparées dans le temps.

[73]        C'est ce qui nous amène à traiter plus spécifiquement de la question du refus d'un assuré de se soumettre à un interrogatoire concernant les circonstances entourant un sinistre, car c'est bien ce dont il s'agit selon les dispositions de l'article 2471 C.c.Q.

[74]        L'assureur, ou le mandataire qui agit en son nom, doit, en principe, restreindre sa quête de renseignements aux seuls éléments précisés à cet article, soit toutes les circonstances entourant le sinistre, y compris sa cause probable, la nature et l'étendue des dommages, l'emplacement du bien, les droits des tiers et les assurances concurrentes.

[75]        Dans le cas où un assuré informe son assureur qu'il a été victime d'un vol, il y a présomption que cette affirmation est exacte, puisqu'en matière contractuelle, la bonne foi se présume.

[76]        L'assureur a plusieurs moyens à sa disposition pour valider cette affirmation ou pour se convaincre du contraire. La cueillette de renseignements est un moyen essentiel et le seul refus d'un assuré de le permettre, avec toute l'ouverture requise, peut justifier à lui seul une décision de ne pas indemniser.

[77]        L'interrogatoire de l'assuré est un autre des moyens fréquemment utilisés par les assureurs dans le cadre d'une enquête sur un sinistre déclaré.

[78]        Sans nier son apport pour comprendre ce qui a pu se passer, la Cour est d'avis qu'un assuré ne peut pas être obligé de s'y soumettre et un tel refus ne peut justifier à lui seul l'assureur de ne pas indemniser son assuré.

[79]        Ce refus est semeur de doute, à n'en pas douter, mais il faut que la preuve démontre, avec le caractère prépondérant requis, la présence d'autres facteurs défavorables à la position de l'assuré qui déclare s'être fait voler un bien.

[80]        Ce n'est pas à l'assuré de prouver qu'il n'a pas été volé; c'est à l'assureur de le démontrer.

[81]        Dans la présente affaire, la Cour ne peut pas arriver à cette conclusion.

[82]        Il est évident qu'Éric Cloutier a refusé d'être interrogé par un représentant de la défenderesse et on peut qualifier cette attitude comme étant de la nature d'un manque de collaboration.

[83]        Cependant, la preuve ne démontre pas qu'en agissant ainsi, il a privé sciemment la défenderesse de sa possibilité d'obtenir tout autre renseignement pertinent à son enquête, mis à part sa propre version des faits.

[84]        Il n'y a aucune preuve qu'Éric Cloutier ait refusé de permettre l'accès, par son assureur, à des renseignements que ce dernier souhaitait obtenir.

[85]        Ce que la preuve établit, c'est qu'on ne lui a jamais demandé spécifiquement, ce qui était toujours possible, même après avoir conclu qu'il n'y aurait pas lieu de pouvoir l'interroger sur une base volontaire.

[86]        L'assureur devra donc rembourser à son assuré, Éric Cloutier, la somme de 14 043,75 $ plus taxes pour la perte de son véhicule.

[87]        La demande d'indemnisation pour troubles et inconvénients ne sera pas accordée, la collaboration déficiente de M. Cloutier avec son assureur et/ou ses mandataires ne le permet pas.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE l'action pour partie;

CONDAMNE la défenderesse, Intact Assurance inc., à verser au seul demandeur, Éric Cloutier, la somme de 14 043,75 $, plus taxes, avec les intérêts calculés au taux légal depuis l'assignation et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec;

DÉCLARE que la demanderesse, 9221-2133 Québec inc., n'a pas l'intérêt d'assurance la qualifiant à titre de demanderesse conjointe;

LE TOUT avec dépens contre la défenderesse.

 

 

 

 

 

Juge François Godbout, J.c.Q.

 

 

 

Me Manès Webster
Armijo & Webster - casier #103

Procureurs des demandeurs

 

Me Sophie Lapierre
Cain Lamarre Casgrain Wells - casier #52

Procureurs de la défenderesse

 

Dates d’audience :

9 et 10 janvier 2014

 

AVIS :
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