RTC Garage et Giroux |
2009 QCCLP 4596 |
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[1] Le 17 juillet 2008, R.T.C. garage (l’employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste la décision rendue par le conciliateur-décideur de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 10 juillet 2008.
[2] Par cette décision, le conciliateur-décideur de la CSST accueille la plainte de monsieur Daniel Giroux (le travailleur) et ordonne à l’employeur de lui créditer 160 heures de vacances, 32 heures de congés mobiles, 11 jours fériés et huit jours de congés maladie.
[3] L’audience s’est tenue à Québec les 10 décembre 2008 et 8 juin 2009 en présence du représentant de l’employeur, du procureur de l’employeur, du travailleur et de son procureur.
[4] La cause a été mise en délibéré le 8 juin 2009.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[5] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de modifier la décision rendue et de déclarer que :
- le travailleur n’a pas droit d’être crédité en 2007 pour les vacances devant être prises au cours de l’année 2006;
- le travailleur n’a pas droit d’être crédité en 2007 pour les jours de congés maladie utilisables au cours de l’année 2006.
L’AVIS DES MEMBRES
[6] La membre issue des associations d’employeurs est d’avis qu’il y a lieu d’accueillir la requête et de modifier la décision rendue par la CSST.
[7] Elle considère que l’article 242 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la loi) ne s’applique qu’au moment du retour au travail du travailleur victime d’une lésion professionnelle, et non pour la période de son absence. Ceci étant, elle est d’avis que l’article 242 ne peut être invoqué en l’espèce.
[8] Aussi afin de déterminer si le travailleur a droit à certains avantages pendant la durée de son absence pour cause de lésion professionnelle, il faut à son avis se référer aux dispositions de la convention collective qui lie les parties, puisque l’article 235 de la loi ne s’applique pas non plus aux avantages réclamés. Or, selon cette convention collective, les vacances sont payées si le travailleur travaille au cours de l’année, ne serait-ce qu’une seule journée, ce qui n’est pas le cas en l’espèce pour l’année 2006. C’est pourquoi, elle est d’avis que cet avantage ne devait pas être reconnu au travailleur pour l’année 2006.
[9] Quant au crédit pour congés maladie mis en banque et utilisables en 2006, le travailleur n’y a pas droit non plus à son avis, pour ce même motif et pour le motif supplémentaire qu’ils n’étaient pas reportables à l’année 2007.
[10] Le membre issu des associations syndicales est d’avis qu’il y a lieu de rejeter la requête.
[11] Il considère que l’article 242 de la loi doit s’interpréter et s’appliquer de manière à ce que le travailleur victime d’une lésion professionnelle n’en soit pas pénalisé. C’est pourquoi, il est d’avis que le travailleur y a droit pour les avantages qui lui échoient durant la durée de son absence.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[12] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la décision rendue par la CSST est bien fondée.
[13] Le travailleur a déposé une plainte en vertu de l’article 32 de la loi par laquelle il prétend que l’employeur l’a privé des avantages auxquels il a droit en vertu de l’article 242 de la loi.
[14] L’article 32 de la loi se lit comme suit :
32. L'employeur ne peut congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice d'un droit que lui confère la présente loi.
Le travailleur qui croit avoir été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans le premier alinéa peut, à son choix, recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou soumettre une plainte à la Commission conformément à l'article 253 .
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1985, c. 6, a. 32.
[15] En l’espèce, le travailleur a subi une lésion professionnelle qui a requis un arrêt de travail qui a duré du 29 juin 2005 au 12 janvier 2007. Il a travaillé une partie des années 2005 et 2007, mais il s’est absenté de son travail pendant toute l’année 2006.
[16] Au moment de son retour au travail en janvier 2007, le travailleur réclame le crédit d’un certain nombre de jours de vacances, de congés maladie, de congés mobiles et de congés fériés qu’il prétend avoir acquis pendant son absence.
[17] La CSST a accueilli sa plainte. Par la suite ou antérieurement à la décision de la CSST, l’employeur a payé au travailleur l’équivalent en argent :
- des vacances cumulables selon son ancienneté de 2004 et non prises en 2005;
- des vacances cumulables selon son ancienneté de 2006 et devant être prises en 2007;
- des congés mobiles et fériés mis en banque en 2005, 2006 et 2007;
- des congés maladies mis en banque en 2005 et 2007.
[18] Le litige tel que défini par l’employeur ne concerne que son obligation de payer l’équivalent en argent des vacances devant être prises en 2006 et des congés maladie mis en banque en 2006.
[19] Il reconnaît cependant que le travailleur avait droit en 2007 à quatre semaines de vacances payées en vertu de l’article 242 de la loi, en raison de la fiction qui y est prévue et qui s’applique au moment du retour au travail. C’est pourquoi il les a payées.
[20] Il reconnaît également que le travailleur avait droit, en vertu de la convention collective, de monnayer les vacances qu’il n’a pu prendre en 2005.
[21] Il plaide néanmoins que les droits auxquels le travailleur peut prétendre pendant la période de son absence ne découlent que de la convention collective, à l’exclusion de l’article 242 de la loi qui ne s’applique qu’à la période du retour au travail, ce pourquoi il prétend ne rien devoir pour les vacances devant être prises en 2006, puisqu’il n’a pas travaillé une seule journée au cours de cette année.
[22] Quant aux congés maladie mis en banque en 2006, l’employeur reprend le même argument et ajoute que le travailleur n’y a pas droit dans la mesure où ils ne sont pas reportables en vertu de la convention collective.
[23] Le procureur du travailleur prétend que la position de l’employeur est incohérente, puisqu’il accepte de monnayer une partie seulement des droits acquis pendant l’absence consécutive à la lésion professionnelle.
[24] Il plaide que le travailleur ne doit pas subir un préjudice du fait qu’il a subi une lésion professionnelle. À son avis, l’article 242 de la loi s’applique et il a préséance sur la convention collective. C’est pourquoi, les vacances non prises en 2006, mais acquises en 2005, devraient être monnayées en 2007 lors du retour au travail.
[25] Il reprend ces arguments à propos des crédits pour congé maladie mis en banque en 2006.
[26] En somme, il plaide que l’article 242 doit être appliqué de manière à ce que le travailleur ne soit pas pénalisé pendant la durée de son absence pour cause de lésion professionnelle.
[27] Les parties ont référé le tribunal à plusieurs jugements que nous citons en annexe à la présente.
[28] Le tribunal en vient à la conclusion qu’il y a lieu de retenir les prétentions de l’employeur.
La convention collective et les articles 235 et 242 de la loi
[29] L’article 242 est à l’effet suivant :
242. Le travailleur qui réintègre son emploi ou un emploi équivalent a droit de recevoir le salaire et les avantages aux mêmes taux et conditions que ceux dont il bénéficierait s'il avait continué à exercer son emploi pendant son absence.
Le travailleur qui occupe un emploi convenable a droit de recevoir le salaire et les avantages liés à cet emploi, en tenant compte de l'ancienneté et du service continu qu'il a accumulés.
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1985, c. 6, a. 242.
(Nos soulignements)
[30] Cette disposition est d’ordre public. De ce fait, elle a certainement préséance sur la convention collective. C’est ce que prévoit l’article 4 de la loi de façon expresse.
[31] Cette disposition doit être interprétée en tenant compte de l’objectif énoncé à l’article 1 de la loi, et de manière à former un tout cohérent avec les autres dispositions de la loi, dont l’article 235. Nous reproduisons ces deux dernières dispositions :
1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.
235. Le travailleur qui s'absente de son travail en raison de sa lésion professionnelle :
1° continue d'accumuler de l'ancienneté au sens de la convention collective qui lui est applicable et du service continu au sens de cette convention et au sens de la Loi sur les normes du travail (chapitre N-1.1);
2° continue de participer aux régimes de retraite et d'assurances offerts dans l'établissement, pourvu qu'il paie sa part des cotisations exigibles, s'il y a lieu, auquel cas son employeur assume la sienne.
Le présent article s'applique au travailleur jusqu'à l'expiration du délai prévu par le paragraphe 1° ou 2°, selon le cas, du premier alinéa de l'article 240 .
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1985, c. 6, a. 235.
(Nos soulignements)
[32] Premier constat : l’objectif de réparation énoncé à l’article 1 n’est pas absolu; il comporte les limites indiquées par la loi.
[33] Deuxième constat : la seule disposition de la loi qui couvre indubitablement la période de l’absence est l’article 235 et cette disposition ne s’applique pas aux avantages réclamés en l’espèce.
[34] De l’avis de la soussignée, la solution au litige ne réside pas à l’article 242. En effet, tel que l’indique la jurisprudence bien établie du tribunal[1], cette disposition ne s’applique qu’au moment du retour au travail et pour le futur, et non pas à la période de l’absence du travail pour cause de lésion professionnelle.
[35] Tel que déjà indiqué, le texte de l’article 235 ne laisse aucun doute sur le fait qu’il s’applique à la période de l’absence. Dans le contexte, s’il fallait retenir l’interprétation proposée par le procureur du travailleur, soit que l’article 242 s’applique aussi bien à la période de l’absence qu’au moment du retour au travail, l’article 235 de la loi ferait double emploi et ne serait d’aucune utilité.
[36] Or, le législateur a clairement distingué les droits auxquels le travailleur peut prétendre pendant la période de l’absence du travail et ceux auxquels il peut prétendre à son retour au travail.
[37] La Commission des lésions professionnelles[2] a reconnu ce fait :
« […]
[27] À la lumière du libellé des articles 235 et 242 de la LATMP, la Commission des lésions professionnelles estime que les avantages dont le travailleur a droit de continuer à bénéficier pendant sa période d’absence, pour une lésion professionnelle, est une chose alors que la façon dont il est traité, suite à cette absence, en est une autre. Les articles 235 et 2342, quoique appartenant à la même section de la loi, ont leur finalité propre. (...) Les articles 235 et 242 de la LATMP ont pour effet d’encadrer le travailleur sur le plan des avantages, tantôt pendant la période d’absence et tantôt après ladite période.
[…] »
[38] La soussignée partage l’analyse et l’interprétation retenues plus récemment dans Lefebvre et Centre hospitalier de l’Université de Montréal-Pavillon Notre-Dame[3] dont il convient de citer les extraits pertinents :
« […]
[38] Cette fiction permet donc d’utiliser des données relatives à la période de référence, soit la période d’absence pour lésion professionnelle, aux fins de calculer ou d’établir un taux, une condition, un nombre, etc. Cet exercice ne fait pas de la période de référence une période à indemniser et ne permet pas de récupérer du salaire ou des avantages rattachés à la période d’absence pour lésion professionnelle. La jurisprudence établit clairement que l’article 242 de la loi n’est pas une disposition visant à régir le passé. L’interprétation jurisprudentielle qui créer (sic) une fiction lors de l’analyse de l’application de l’article 242 de la loi, considère les heures de la période d’absence pour lésion professionnelle comme des heures travaillées, uniquement pour établir un avantage pour l’avenir, à compter du retour au travail.
[…]
[48] D’une part, rappelons que l’article 235 de la loi prévoit les éléments du régime d’emploi qui sont protégés durant la période d’absence pour lésion professionnelle. L’article 242 de la loi ne vient pas ajouter à ce qui est prévu à l’article 235 de la loi dans la mesure où cette disposition n’est pas interprétée comme ayant un effet rétroactif…
[…] »
(Nos soulignements)[4]
[39] En conséquence, tel que l’indiquait la soussignée dans l’affaire Ferland et R.T.C. Chauffeurs[5] :
« […]
[40] De l’avis de la commissaire soussignée, ce sont les éléments du contrat de travail particulier intervenu entre les parties qui sont protégés au moment du retour au travail par l’article 242 de la loi [8].
[41] L’article 242 de la loi n’a pas, sous réserve de la fiction qui y est énoncée, pour effet d’ajouter à la convention collective conclue entre les parties.
[42] Ainsi, si aux termes de la convention collective il n’est pas possible pour un travailleur, peu importe la cause de son absence, de reporter un congé férié non utilisé ou de le monnayer, l’article 242 ne procurera pas cet avantage au travailleur victime d’une lésion professionnelle.
[43] Cependant, si aux termes de la convention collective il est possible de reporter un congé férié non utilisé ou de le monnayer en considération du temps travaillé, vu les termes de l’article 242, cet avantage doit être conféré au travailleur victime d’une lésion professionnelle «aux mêmes (…) condition que (celles) dont il bénéficierait s’il avait continué à exercer son emploi pendant son absence». En pareil cas, même si par hypothèse la convention collective restreint ce droit, l’article 242 a préséance, puisqu’il est d’ordre public.
[…]
[50] En somme, l’objectif poursuivi par l’article 242 est de donner effet au contrat de travail intervenu entre les parties en y ajoutant seulement la fiction voulant que le travailleur victime d’une lésion professionnelle soit considéré comme ayant travaillé pendant la durée de son absence afin qu’il ne soit pas pénalisé en raison de la lésion professionnelle au moment où il reprend le travail.
[51] La commissaire soussignée ne met pas en doute la justesse du principe voulant que lorsque la période de temps travaillé est un élément non pertinent à l’acquisition d’un avantage donné, l’article 242 de la loi n’est d’aucun secours [12].
(Références omises)
(Nos soulignements)[6]
[40] Comme on le voit à la lecture des décisions rendues en la matière, il est nécessaire de bien situer les faits en cause et de distinguer la source des droits revendiqués par le travailleur.
[41] En l’espèce, l’article 10 de la convention collective dispose du droit à des vacances payées. Les modalités de ce droit sont énoncées de l’article 10.01 à l’article 10.20.
[42] La durée des vacances payées est fonction de l’ancienneté (voir les articles 10.03 à 10.06 pour les salariés réguliers). Le tribunal comprend que le travailleur a droit à quatre semaines de vacances payées par année compte tenu de son ancienneté.
[43] Le travailleur demande au tribunal de monnayer les vacances qu’il aurait prises en 2006, n’eut été de la lésion professionnelle. Rappelons qu’il a été absent toute l’année 2006.
[44] Notons également que l’employeur lui a payé quatre semaines de vacances au moment de son retour au travail en 2007, ainsi que les vacances devant être prises en 2005. Mais il refuse de monnayer les vacances acquises suivant l’ancienneté de 2005 (l’année de référence) et qui auraient dû être prises en 2006.
[45] L’article 10 de la convention collective prévoit le droit de reporter ou de monnayer les vacances qui ne peuvent être prises dans la période indiquée, suivant certaines modalités. Il n’est pas cependant nécessaire d’en faire état, puisque l’article 10 est assujetti à l’exception prévue à l’article 21.03 b) de la convention collective.
[46] Pour une meilleure compréhension de la problématique, il faut indiquer en premier lieu que l’article 21.03 b) 1 prévoit que le salarié absent pour moins de 24 mois est assujetti à toutes les dispositions de la convention.
[47] Toutefois, l’article 21.03 b) alinéa 2 de la convention collective prévoit que seul le salarié qui a travaillé au cours d’une année peut bénéficier des avantages prévus aux articles 9 (jours de fête chômés et payés), 10 (vacances annuelles payées), 12.07 (congés maladie), 19.09 (allocation annuelle de nettoyage de vêtements) et 20.06 (non produit en preuve).
[48] De l’avis du tribunal, l’année en question est l’année pour laquelle le travailleur exerce l’un ou l’autre de ces droits, et non pas l’année de référence utilisée pour en établir le quantum.
[49] Or, en l’espèce répétons-le, le travailleur n’a pas du tout travaillé au cours de l’année 2006 pour laquelle il réclame des vacances payées.
[50] La lecture combinée des différentes dispositions de la convention collective amène le tribunal à retenir la prétention de l’employeur selon laquelle il suffit pour un travailleur de travailler une seule journée dans une année pour revendiquer les droits prévus à la convention collective déjà énumérés au paragraphe [47] et que, dans le cas contraire, le travailleur ne les acquiert pas.
[51] Ainsi donc, en application de la convention collective, le travailleur n’a acquis aucun droit à des vacances payées en 2006, puisqu’il a été absent toute l’année. Par le fait même, il ne peut en reporter au moment de son retour au travail.
[52] Le travailleur ne conteste pas cette interprétation de la convention collective. Il plaide plutôt que l’article 242 a préséance, ce qui est exact, et que son champ d’application couvre la période de l’absence, de sorte que le travailleur doit être considéré comme ayant travaillé pendant la période de son absence, ce que le tribunal ne retient pas pour les motifs énoncés précédemment.
[53] L’employeur a reconnu au travailleur le droit à certains avantages pendant la durée de son absence, dont le droit de monnayer les vacances non prises en 2005. Cette décision de l’employeur est conforme à la convention collective puisque le travailleur a acquis le droit à des vacances payées et à leur report, pour avoir travaillé au cours de l’année 2005.
[54] La décision de l’employeur de ne pas payer les vacances devant être prises en 2006 est également conforme à la convention collective, vu l’exclusion prévue à la convention collective lorsqu’un travailleur ne travaille pas un seul jour dans une année. La convention collective doit recevoir application relativement à la période de l’absence telle qu’elle a été négociée entre les parties.
[55] L’exclusion qui y est prévue vise tous les droits associés aux vacances payées. Au moment de son retour au travail en janvier 2007, le travailleur ne pouvait revendiquer en prenant appui sur l’article 242 de la loi des droits qu’il n’a pas acquis pendant la durée de son absence. L’article 242 ne s’applique en effet qu’au moment du retour au travail et pour le futur. Il ne régit pas le passé.
[56] Quant aux congés maladie qui aurait été autrement mis en banque le 1er janvier 2006 en prévision de leur usage au cours de cette année, le travailleur ne peut non plus les avoir acquis en vertu de la convention collective, puisqu’il n’a pas travaillé au cours de l’année 2006. Sa situation est couverte par l’exclusion prévue à l’article 21.03 b) 2 de la convention collective. Par surcroît, aux termes de la convention collective, cet avantage ne peut être reporté. Il ne pouvait qu’être monnayé le 31 décembre 2006, soit au cours de la période d’absence pour cause de lésion professionnelle.
[57] À nouveau, quant à cet avantage, le travailleur revendique donc un droit pour la période couverte par son arrêt de travail, de sorte que l’article 242 ne s’applique pas. Il ne peut non plus y prétendre en vertu de la convention collective.
[58] Comme dans l’affaire Marier et Brasserie Labatt ltée[7], le tribunal conclut que la plainte aurait dû être rejetée quant à ces deux avantages.
Le droit à une indemnité de vacances en vertu de la Loi sur les normes du travail
[59] Compte tenu de la confusion qui a eu cours durant de l’audience en raison de la complexité de l’interface entre cette loi, l’article 242 de la loi et la convention collective, le tribunal croit nécessaire d’ajouter ces derniers commentaires.
[60] La Loi sur les normes du travail est d’ordre public. La convention collective ne peut y déroger. Les bénéfices prévus à cette loi doivent être reconnus au travailleur, suivant ses propres modalités. Ils sont en quelque sorte intégrés de façon obligatoire au contrat de travail. À tout le moins, l’employeur ne prétend pas qu’ils ne le sont pas.
[61] Néanmoins, la décision rendue par la Cour d’appel dans l’affaire Kraft limitée[8] sur laquelle le travailleur prend appui n’a pas de conséquence en l’espèce.
[62] Dans cette affaire, le salarié avait subi un accident du travail et il avait reçu les prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail (L.R.Q., c. A-3). Kraft refusait de lui payer l’indemnité de vacances payables pendant la durée de son absence en vertu de la Loi sur les normes du travail (L.R.Q., c. N-1.1) pour le motif qu’il serait doublement indemnisé. Notons que le calcul effectué en vertu de cette dernière loi donnait au travailleur le droit à une indemnité de vacances.
[63] La Cour d’appel a rejeté cette prétention. Elle a approuvé les motifs du juge de première instance et souligné que cette loi n’exigeait pas que le salarié soit en mesure de travailler pour bénéficier du congé annuel. Elle a ajouté qu’il n’y avait pas double indemnité, puisque les indemnités auxquelles le salarié prétendait n’étaient pas de même nature, qu’elles ne couvraient pas la même situation et que le débiteur n’était pas le même. La Cour d’appel a donc ordonné à Kraft de payer l’indemnité correspondant à 6 % du salaire gagné pendant la période de référence, tel que le prévoyait la Loi sur les normes du travail. En l’espèce, la soussignée ne retient pas l’argument de la double indemnisation pour disposer du litige, bien que l’employeur l’ait invoqué.
[64] Ajoutons que, selon la preuve non contredite, l’employeur a payé l’indemnité de vacances visée à la Loi sur les normes du travail pour l’année 2006 (voir T-4). Le quantum de l’indemnité payable n’est pas contesté. Le calcul tient compte du salaire gagné par le travailleur au cours de l’année 2005 qui est la période de référence applicable en vertu de cette loi.
[65] Dans le but de dissiper toute confusion, le tribunal précise que pour l’année 2007, le travailleur n’a droit à aucune indemnité de vacances en vertu de Loi sur les normes du travail, puisque le calcul effectué selon les dispositions de cette loi équivaut à 0 $, le travailleur n’ayant tiré aucun revenu d’emploi pendant la période de référence, soit l’année 2006.
[66] Et finalement pour l’année 2005, le travailleur a été payé en vertu de la convention collective pour quatre semaines de vacances, ce qui représente selon la preuve non contredite une somme supérieure à celle payable en vertu de la Loi sur les normes du travail.
Conclusions
[67] Le tribunal conclut en somme que le travailleur n’a pas droit, en application de la convention collective et de la loi, à une indemnité de vacances ni à un crédit pour congés maladie pour l’année 2006.
[68] Le tribunal doit modifier la décision rendue par le conciliateur-décideur de la CSST dans la mesure où l’employeur ne devait pas payer la différence entre l’indemnité de vacances payable en vertu de la Loi sur les normes du travail pour l’année 2006 et la valeur en argent des semaines de vacances indiquées à la convention collective pour la même année.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de R.T.C. Garage, l’employeur;
MODIFIE la décision rendue par le conciliateur-décideur de la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 10 juillet 2008;
DÉCLARE que l’employeur ne doit pas payer la valeur des vacances non prises en 2006 et des congés maladie mis en banque et non utilisés pour l’année 2006, le tout en application de la convention collective et de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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Guylaine Tardif |
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Me Serge Belleau |
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Gagné, Letarte |
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Procureur de la partie requérante |
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Me Georges-Étienne Tremblay |
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C.S.N. |
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Procureur de la partie intéressée |
LISTE DES AUTORITÉS SOUMISES PAR LES PARTIES
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Par l’employeur : |
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Marier et Brasserie Labatt ltée, [2004] C.L.P. 1649 ; |
Emballages Mitchell Lincoln ltée et Laberge, 346158-63-0804, 6 mars 2009, L. Morissette; |
Ferland et R.T.C. Chauffeurs, 214801-32-0308-C, 30 janvier 2004, G. Tardif; |
Centre hospitalier St-Augustin et Boiteau et Carbonneau, [2000] C.L.P. 1072 ; |
Jean-Ricard et C.H. Université de Montréal, 341535-71-0802, 12 janvier 2009, R. Langlois; |
C.H. Affilié Universitaire de Québec et Harvey, 198472-32-0301-R, 27 juin 2005, H. Thériault. |
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Par le travailleur : |
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Kraft limitée et Commission des normes du travail, [1989] R.J.Q. 2678 (C.A.); |
Robinson et Industries Davie inc., 145792-03B-0009, 20 mars 2001, M. Cusson; |
C.H. Affilié Universitaire de Québec et Harvey, 198472-32-0301-R, 27 juin 2005, H. Thériault; |
Centre hospitalier St-Augustin et Boiteau et Carbonneau, [2000] C.L.P. 1072 . |
[1] Voir notamment Noël-Fontaine et Société d’aluminium Reynolds (Canada) ltée, [1991] C.A.L.P. 615 ; C.H. Affilié Universitaire de Québec et Harvey, 198472-32-0301-R, 27 juin 2005, H. Thériault (décision rejetant la requête en révision); Métra Alumimium et Goyer, 311848-61-0703, 18 février 2008, G.Morin.
[2] Robinson et Industries Davie inc., 145792-03B-0009, 20 mars 2001, M. Cusson.
[3] [2006] C.L.P. 1424 .
[4] Voir au même effet Centre hospitalier St-Augustin et Boiteau et Carbonneau, [2000] C.L.P. 1072 .
[5] 214801-32-0308-C, 30 janvier 2004, G. Tardif.
[6] Voir la décision au même effet rendue par la soussignée dans Pageau et R.T.C. Chauffeurs, [2003] C.L.P. 1450 suivie dans Poulin et als et Métro Ste-Marthe, 182842-64-0204, 9 septembre 2004, M. Montplaisir; Langlois et Corporation Urgences-Santé région de Montréal, 285816-63-0603, 17 juillet 2006, J.-P. Arsenault.
[7] [2004] C.L.P. 1649 .
[8] Kraft limitée et Commission des normes du travail, [1989] R.J.Q. 2678 (C.A.).
AVIS :
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