Centre d'éveil Devenir Grand |
2013 QCCLP 6610 |
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[1] Le 2 décembre 2012, le Centre d’éveil Devenir Grand (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 24 octobre 2012 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 16 août 2012 et déclare irrecevable la demande de transfert d’imputation de l’employeur au motif que cette demande a été produite en dehors du délai prévu à la loi et que l’employeur n’a pas démontré un motif raisonnable permettant de le relever de son défaut.
[3] L’audience s’est tenue le 27 février 2013 en présence de monsieur Richard Benoit, représentant de l’employeur, et de madame Jing Ping Tang, propriétaire. Après l’audience, le tribunal émet une ordonnance relative à l’obtention de certains documents à l’égard de la CSST afin d’obtenir un complément de dossier.
[4] Le 13 mars 2013, la CSST fait parvenir ce complément de dossier et le 9 mai 2013, la soussignée reçoit les commentaires de monsieur Benoit. La cause est alors mise en délibéré, mais le tribunal doit faire une réouverture d’enquête, puisqu’il manque encore un document ainsi qu’une page à la décision conjointe rendue le 3 octobre 2012 par la Société de l’assurance automobile du Québec (la SAAQ) et par la CSST. Ces documents sont demandés par l’émission d’une deuxième ordonnance.
[5] Les documents sont reçus le 31 juillet 2013 et monsieur Benoit produit des commentaires additionnels le 27 août 2013. La cause est finalement mise de nouveau en délibéré à cette date.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[6] À l’audience, l’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la demande de l’employeur est recevable. Quant au fond, il demande au tribunal de déclarer que le coût de l’indemnité de remplacement du revenu versée à madame Rachel Virginie Poirier (la travailleuse) doit être imputé aux employeurs de toutes les unités, et ce, à compter du 23 novembre 2011, soit au moment où la travailleuse subit un accident d’automobile au motif qu’elle travaille moins d’heures qu’auparavant. Il demande aussi que le coût des frais de physiothérapie après cette date soit imputé aux employeurs de toutes les unités.
[7] Par contre, dans son argumentation écrite du 12 avril 2013, il demande un transfert de l’imputation à compter du 23 novembre 2011, mais dans une proportion de 90 % aux employeurs de toutes les unités.
LES FAITS
[8] La travailleuse subit une lésion professionnelle 28 septembre 2010 qui lui cause une entorse cervicodorsale[1]. Elle travaille 40 heures par semaine qu’elle partage entre les tâches d’éducatrice en garderie et celles de directrice.
[9] Le 21 octobre 2010, la travailleuse informe l’agente d’indemnisation qu’à compter du 25 octobre 2010, elle sera de retour au travail. Elle effectuera entre 10 et 15 heures de travail de gestion de garderie, car elle ne pourra pas travailler comme éducatrice.
[10] Le 3 novembre 2011, la docteure Guylaine Tessier, omnipraticienne ayant pris charge de la travailleuse, rédige le Rapport final. Elle écrit qu’un plateau est atteint et que la lésion professionnelle entraîne une atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique et des limitations fonctionnelles, mais qu’elle ne produira pas le Rapport d'évaluation médicale.
[11] Le 23 novembre 2011, la travailleuse subit un accident d’automobile. À l’urgence de l’hôpital de Gatineau, elle rencontre un médecin qui prescrit des traitements de physiothérapie pour une entorse cervicodorsale exacerbée par un accident d’automobile. Il n’y a aucune mention quant à l’incapacité de travail de la travailleuse.
[12] À l’audience, l’employeur dépose la feuille de présence de la travailleuse. Ce document permet de constater qu’avant l’accident d’automobile, la travailleuse travaillait entre six heures et demie et vingt heures par deux semaines et qu’après cet accident, elle travaille entre trois heures et dix-huit heures par deux semaines. Voici les heures travaillées de façon contemporaine à cet accident :
13 novembre 2011 au 26 novembre 2011 8 h 42
27 novembre 2011 au 10 décembre 2011 3 h
11 décembre 2011 au 24 décembre 2011 3 h
[13] Le 25 novembre 2011, la physiothérapeute informe l’agente d’indemnisation que la travailleuse a atteint un plateau. Les traitements d’ergothérapie prennent fin à cette date.
[14] Le 13 décembre 2011, la docteure Tessier examine la travailleuse. Elle rédige le rapport médical d’évaluation pour la SAAQ le 23 janvier 2012. Elle coche que les limitations antérieures à l’accident d’automobile rendaient déjà la travailleuse incapable, de façon permanente, d’occuper un emploi et précise que les traitements de physiothérapie sont requis pour les blessures subies lors de l’accident d’automobile.
[15] Le 20 décembre 2011, la travailleuse est évaluée par le docteur Mario Giroux, chirurgien orthopédiste désigné par la CSST, afin qu’il se prononce sur l’atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique et les limitations fonctionnelles.
[16] La travailleuse explique qu’elle a eu un accident d’automobile qui a augmenté ses symptômes douloureux au niveau de la région cervicale. Elle ajoute qu’elle a commencé des traitements de physiothérapie à la suite de cet accident.
[17] Le docteur Giroux estime que la lésion professionnelle n’entraîne pas d’atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique, mais entraîne des limitations fonctionnelles de classe I.
[18] Le 7 mars 2012, la CSST envoie une lettre à l’employeur pour l’informer que la CSST obtiendra un remboursement, s’il y a lieu, de la SAAQ conformément à une entente conclue avec cette dernière et que tout remboursement d’indemnité de remplacement du revenu provenant de la SAAQ sera ultérieurement porté à son dossier.
[19] Le 20 mars 2012, le docteur Daniel Shedid, neurochirurgien, membre du Bureau d’évaluation médicale, examine la travailleuse. Cette dernière l’informe qu’elle travaille 10 heures par semaine à un travail de bureau.
[20] Le docteur Shedid écrit ce qui suit :
Étant donné que la travailleuse s’est détériorée après l’accident d’automobile, il est difficile de retenir des limitations fonctionnelles de façon précise chez cette travailleuse qui est toujours en traitements de physiothérapie et je recommande une réévaluation dans quelques mois, afin d’accorder des limitations fonctionnelles appropriées.
[21] Il précise qu’il « recommande une réévaluation dans quelques mois après la fin des traitements actifs reliés à l’accident d’automobile ».
[22] Le 24 mai 2012, la travailleuse dit à son agente d’indemnisation que son employeur n’a pas de travail à lui donner et le 29 mai 2012, l’employeur dit qu’il fait tout son possible pour donner dix heures de travail à la maison par semaine à la travailleuse qui est une bonne employée.
[23] Le 1er juin 2012, l’employeur demande un transfert du coût des prestations dues en raison de l’accident du travail survenu à la travailleuse au motif que cette dernière a subi un accident d’automobile le 23 novembre 2011.
[24] Le 23 juillet 2012, la travailleuse rencontre le docteur André Morin, chirurgien orthopédiste, à la demande de la CSST afin qu’il se prononce sur les limitations fonctionnelles. Il retient des limitations fonctionnelles de classe I qui sont attribuées pour une entorse cervicale avec séquelles.
[25] La travailleuse cesse de travailler le 5 août 2012.
[26] Le 16 août 2012, la CSST maintient sa décision d’imputer la totalité du coût des prestations liées à l’accident du travail de la travailleuse au motif que sa demande de transfert d’imputation est produite hors délai. Cette décision est maintenue à la suite d’une révision administrative le 24 octobre 2012 qui déclare irrecevable la demande de l’employeur, d’où la présente contestation.
[27] Le 13 septembre 2012, le docteur Hany Daoud, chirurgien orthopédiste, membre du Bureau d’évaluation médicale produit son avis. Il estime que la lésion professionnelle entraîne une atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique, dont le déficit anatomo-physiologique est de 2 % pour une entorse cervicale avec séquelles fonctionnelles, et des limitations fonctionnelles de classe I.
[28] Le 1er octobre 2012, la CSST rend la décision à la suite de l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale. Elle déclare, entre autres, que la travailleuse recevra une indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce que la CSST se prononce sur sa capacité à exercer un emploi. Cette décision n’est pas contestée.
[29] Le 3 octobre 2012, la SAAQ et la CSST rendent une décision conjointe. Elles déclarent que la lésion professionnelle entraîne une entorse cervicodorsale droite et que l’accident d’automobile entraîne « une aggravation temporaire de l’entorse cervicale sur une condition préexistante ». Concernant l’indemnité de remplacement du revenu, ces organismes rendent la décision suivante :
INDEMNITÉ DE REMPLACEMENT DU REVENU
Selon l’information disponible à votre dossier, les blessures que vous avez subies lors de votre accident d’automobile n’ont pas entraîné d’incapacité après le septième jour suivant votre accident. Puisqu’une indemnité de remplacement du revenu n’est versée qu’à partir du septième jour suivant un accident d’automobile, vous n’avez pas droit à une telle indemnité.
INDEMNITÉ DE REMPLACEMENT DU REVENU - CSST
Depuis le 2 octobre 2010, la CSST vous verse une indemnité de remplacement du revenu de 952,14 $ aux 14 jours. Ce montant correspond à celui que vous receviez au moment de votre accident d’automobile.
[30] Une copie de cette décision est envoyée à l’employeur et cette décision n’a pas fait l’objet d’une contestation.
[31] Le 9 octobre 2012, la SAAQ et la CSST rendent une décision conjointe. La SAAQ décide que la travailleuse n’a pas droit à une indemnité pour perte de qualité de vie étant donné que les séquelles se situent sous le seuil minimal d’indemnisation. Quant à la CSST, elle réitère que la lésion professionnelle entraîne une atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique de 2,20 %.
[32] Le 3 décembre 2012, la CSST retient l’emploi convenable d’intervenante à titre de travailleuse des services communautaires et sociaux et déclare que la travailleuse est capable d’exercer cet emploi à compter du 27 novembre 2012.
[33] Le 22 mai 2013, soit après l’audience de la présente affaire, la CSST écrit à l’employeur que l’indemnité reçue par la travailleuse n’est pas admissible à un remboursement de la part de la SAAQ et que, par conséquent, aucune déduction d’indemnité de remplacement du revenu provenant de la SAAQ ne sera portée à son dossier.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[34] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le coût de l’indemnité de remplacement du revenu et des traitements de physiothérapie versé à compter du 23 novembre 2011, relativement à la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 28 septembre 2010, doit être imputé au dossier de l’employeur et si sa demande en ce sens est recevable.
[35] La règle générale prévue au premier alinéa de l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) veut que l’employeur supporte le coût des prestations versées en raison d’un accident du travail survenu à un travailleur alors qu’il est à son emploi. Cet article se lit ainsi :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[36] L’employeur ne spécifie pas s’il fonde sa demande sur le premier ou le deuxième alinéa de l’article 326 alléguant que l’indemnité de remplacement du revenu et les traitements de physiothérapie sont en relation avec l’accident d’automobile subi par la travailleuse le 23 novembre 2011. Le tribunal doit donc déterminer selon quelle disposition sa demande doit être analysée.
[37] Dans l’affaire Supervac 2000[3] rendue le 28 octobre 2013, la Commission des lésions professionnelles écrit qu’afin de mieux cerner la portée de l’article 326 de la loi relativement au litige dont elle est saisie, soit que le coût de l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur en raison de l’interruption de l’assignation temporaire occasionnée par son congédiement pour cause juste et suffisante ne devrait pas lui être imputé, il faut procéder à une analyse contextuelle globale de la loi.
[38] Par la suite, le tribunal fait une revue de la jurisprudence en la matière et relate que traditionnellement et de façon majoritaire, la Commission des lésions professionnelles a analysé les demandes de transfert au motif d’interruption ou d’impossibilité d’exécution de l’assignation temporaire pour une condition personnelle selon le deuxième alinéa de l’article 326 de la loi exigeant que l’employeur fasse la preuve qu’il est « obéré injustement »[4].
[39] La Commission des lésions professionnelles rapporte que depuis 2003 quelques décisions ont été rendues[5] traitant de ce type de demande en ayant recours au premier alinéa de l’article 326 de la loi plutôt qu’au deuxième alinéa au motif que le coût des prestations que l’employeur désire voir retirer de son dossier financier n’est pas directement dû en raison de l’accident du travail subi par le travailleur.
[40] Elle estime donc qu’il apparaît nécessaire de s’interroger sur l’intention réelle du législateur et s’exprime comme suit :
[99] Par conséquent, il apparaît nécessaire de s’interroger sur l’intention réelle du législateur lorsqu’il a édicté le principe général d’imputation au premier alinéa de l’article 326 de la loi et les exceptions à ce principe, notamment au deuxième alinéa du même article.
[100] Pour y parvenir, il est essentiel de revenir à l’analyse contextuelle globale de la loi qui fait ressortir que le principe général d’imputation prévu au premier alinéa de l’article 326 de la loi vise à s’assurer que le coût des prestations versées en raison d’un accident survenu chez un employeur lui soit imputé.
[101] Cependant, lorsqu’une partie de ces coûts est générée par une situation étrangère n’ayant pas de lien direct avec la lésion professionnelle, comme c’est notamment le cas du congédiement ou encore de la condition intercurrente ou personnelle interrompant une assignation temporaire, est-il justifiable que ces sommes demeurent imputées au dossier de l'employeur?
[102] Dans de telles circonstances, ne serait-ce pas le premier alinéa de l’article 326 de la loi qui devrait s’appliquer plutôt que le second?
[103] En vue de se prononcer à cet égard, le tribunal a analysé le libellé même de l’article 326 de la loi et en dégage les principes suivants.
[104] Le deuxième alinéa de l’article 326 de la loi semble référer à un transfert total du coût des prestations. Pour en venir à cette conclusion, le tribunal se base notamment sur l’expression retenue par le législateur, soit d’imputer « le coût des prestations ».
[105] Or, si l’on compare le libellé de cet alinéa à celui de l’article 329 de la loi où il est spécifiquement mentionné que la CSST peut imputer « tout ou partie du coût des prestations », il est possible de faire une distinction importante entre la portée de ces deux dispositions.
[106] D’ailleurs, dans l’affaire Les Systèmes Erin ltée27, la Commission des lésions professionnelles s’est penchée sur la portée du deuxième alinéa de l’article 326 de la loi. Il apparaît pertinent d’en citer certains passages :
[26] Finalement, il importe de souligner que l’article 326 de la loi permet un transfert du coût des prestations dues en raison d’un accident du travail, et ce, aux employeurs d’une, de plusieurs ou de toutes les unités afin de prévenir que l’employeur ne soit obéré injustement.
[27] Cela implique, comme dans le cas de l’article 327, qu’il y a transfert de coût et non partage, comme c’est le cas en application des articles 328 et 329. Cette dernière disposition prévoit que la CSST « peut [...] imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités » alors que l’article 326 prévoit que la CSST « peut [...] imputer le coût des prestations [...] aux employeurs [...] ». Ainsi, lorsqu’il y a matière à application de l’article 326 alinéa 2, la totalité du coût des prestations ne doit plus être imputée à l’employeur, un transfert devant être fait : il ne saurait être question de ne l’imputer que d’une partie du coût. C’est, en quelque sorte, tout ou rien.
[28] D’ailleurs, lorsqu’il est question d’un accident du travail attribuable à un tiers, la totalité du coût des prestations est toujours transférée ; il n’est jamais question de partage ou de transfert du coût pour une période donnée.9 Il a d’ailleurs déjà été décidé à plusieurs reprises qu’il devait obligatoirement en être ainsi.
[29] Étonnamment, lorsqu’il est question d’éviter que l’employeur soit obéré injustement, un transfert du coût des prestations pour une période donnée, soit un transfert d’une partie seulement du coût total, a régulièrement été accordé, sans, par contre, qu’il semble y avoir eu discussion sur cette question.10
[30] Avec respect pour cette position, la commissaire soussignée ne peut la partager, pour les motifs exprimés précédemment. Il en va des cas où l’on conclut que l’employeur serait obéré injustement comme de ceux où l’on conclut à un accident attribuable à un tiers : l’employeur ne saurait alors être imputé ne serait-ce que d’une partie du coût des prestations dues en raison de l’accident du travail.
[31] Il importe cependant de préciser qu’il est possible, en application de l’article 326 (mais alinéa 1), de ne pas imputer à l’employeur une partie du coût des prestations versées au travailleur, pour autant que cette partie du coût ne soit pas due en raison de l’accident du travail. Un bon exemple de cette situation est la survenance d’une maladie personnelle intercurrente (par exemple, le travailleur fait un infarctus, ce qui retarde la consolidation ou la réadaptation liée à la lésion professionnelle) : les prestations sont alors versées par la CSST, mais comme elles ne sont pas directement attribuables à l’accident du travail elles ne doivent, par conséquent, pas être imputées à l’employeur. L’article 326, 1er alinéa prévoit en effet que c’est le coût des prestations dues en raison de l’accident du travail qui est imputé à l’employeur.
9 Voir notamment : General Motors du Canada ltée et C.S.S.T. [1996] C.A.L.P. 866, révision rejetée, 50690-60-9304, 20 mars 1997, E. Harvey; Centre hospitalier/Centre d’accueil Gouin-Rosemont, C.L.P. 103385-62-9807, 22 juin 1999, Y. Tardif; Ameublement Tanguay inc. et Batesville Canada (I. Hillenbrand), [1999] C.L.P. 509; Aménagements Pluri-Services inc. et Simard-Beaudry Construction inc., C.L.P. 104279-04-9807, 26 novembre 1999, J.-L. Rivard; Provigo (Division Maxi Nouveau concept), [2000] C.L.P. 321, Société immobilière du Québec et Centre jeunesse de Montréal, [2000] C.L.P. 582, Castel Tira [1987] enr. (Le) et Lotfi Tebessi, C.L.P. 123916-71-9909, 18 décembre 2000, D. Gruffy, Stone Electrique MC., [2001] C.L.P. 527.
10 Ville de St-Léonard et C.S.S.T. C.A.L.P. 73961-60-9510, 27 mars 1997, F. Dion- Drapeau; C.S.S.T. et Échafaudage Falardeau inc., [1998] C.L.P. 254; Abitibi Consolidated inc. et Opron inc., C.L.P. 35937-04-9202, 4 mars 1999, B. Roy (décision accueillant la requête en révision).
[nos soulignements]
[107] La soussignée souscrit au raisonnement et aux motifs retenus dans cette décision de même qu’à l’interprétation qui en est faite du second alinéa de l’article 326 de la loi.
[108] De plus, un autre élément permet au tribunal de conclure que le deuxième alinéa de l’article 326 de la loi vise un transfert total des coûts et non un transfert partiel. Il s’agit du délai prévu pour effectuer une telle demande.
[109] En effet, le législateur a spécifiquement prévu que l'employeur doit présenter sa demande dans l’année suivant la date de l’accident. Ceci s’explique, de l’avis du tribunal, par le fait que les demandes de transfert total de coûts visent généralement des motifs liés à l’admissibilité même de la lésion professionnelle. C’est clairement le cas à l’égard des accidents attribuables à un tiers et le libellé même de cet alinéa ne permet pas de croire qu’il en va autrement à l’égard de la notion d’obérer injustement. D’autant plus que l’application de ce deuxième alinéa à des demandes de transfert partiel a donné lieu à des interprétations variées de cette notion « d’obérer injustement » et mené à une certaine « incohérence » relativement à l’interprétation à donner à cette notion et à la portée réelle de l’intention du législateur.
[110] La soussignée est d’opinion que le législateur visait clairement, par les deux exceptions prévues au deuxième alinéa de l’article 326 de la loi, les situations de transfert total du coût lié à des éléments relatifs à l’admissibilité même de la lésion professionnelle, ce qui justifie d’ailleurs le délai d’un an prévu au troisième alinéa de cet article. S’il avait voulu couvrir les cas de transfert partiel de coûts, le législateur aurait vraisemblablement prévu un délai plus long, comme il l’a fait à l’égard de la demande de partage de coûts prévue à l’article 329 de la loi qui ne vise pas des situations directement reliées à l’admissibilité mais plutôt celles survenant plus tard, en cours d’incapacité.
[111] Ceci semble d’autant plus vrai que la plupart des demandes de transfert total de coûts, liées principalement à l’interruption de l’assignation temporaire ou à la prolongation de la période de consolidation en raison d’une situation étrangère à l’accident du travail, surviennent fréquemment à l’extérieur de cette période d’un an puisqu’elles s’inscrivent au cours de la période d’incapacité liée à la lésion professionnelle. Il s’agit donc là d’un autre élément militant en faveur d’une interprétation selon laquelle les deux exceptions prévues au deuxième alinéa de l’article 326 de la loi visent un transfert total et non un transfert partiel.
[112] Dans le cas à l’étude, puisqu’il ne s’agit pas d’une demande de transfert total, le tribunal en vient à la conclusion qu’il faut l’analyser en vertu du principe général d’imputation prévu au premier alinéa de l’article 326 de la loi.
[41] La soussignée souscrit entièrement à ce raisonnement et fait siennes l’analyse et les conclusions de la Commission des lésions professionnelles dans cette affaire et, par conséquent, estime que la demande de l’employeur doit être analysée sous l’angle du premier alinéa de l’article 326.
[42] Cela étant dit, il est reconnu que le délai d’un an prévu au troisième alinéa de l’article 326 de la loi ne s’applique pas à une demande faite en vertu du premier alinéa de cet article[6]. Ce délai s’applique uniquement à une demande faite en vertu du second alinéa, soit une demande faite parce que l’employeur est obéré injustement ou parce que l’accident est attribuable à un tiers.
[43] Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles conclut que la demande de transfert du coût de l’indemnité de remplacement du revenu et des traitements de physiothérapie à compter du 23 novembre 2011, présentée par l’employeur le 1er juin 2012, est recevable.
[44] L’employeur allègue que les heures de travail de la travailleuse ont diminué à la suite de son accident d’automobile du 23 novembre 2011 et qu’il ne doit pas être imputé du coût de l’indemnité de remplacement du revenu à compter de cette date.
[45] Il est difficile de conclure qu’il y a eu une véritable diminution des heures travaillées alors qu’avant cet accident, la travailleuse travaillait entre six heures et demie et vingt heures par deux semaines et qu’après cet accident, elle travaille entre trois heures et dix-huit heures par deux semaines.
[46] Par ailleurs, la preuve médicale prépondérante ne démontre pas que l’accident d’automobile a occasionné une invalidité plus grande de la travailleuse étant donné que le médecin consulté le 23 novembre 2011 ne fait aucune mention à ce sujet.
[47] De plus, la docteure Tessier qui examine la travailleuse le 13 décembre 2011 écrit dans le rapport médical d’évaluation pour la SAAQ du 23 janvier 2012 que « les limitations antérieures à l’accident d’automobile rendaient déjà la travailleuse incapable, de façon permanente, d’occuper un emploi ».
[48] Le 3 octobre 2012, la SAAQ et la CSST rendent une décision conjointe selon laquelle les blessures subies lors de l’accident d’automobile n’ont pas entraîné d’incapacité après le septième jour suivant l’accident et que la CSST continuera à verser son indemnité de remplacement du revenu. Il appert du dossier que cette décision n’a pas été contestée. Il en aussi ainsi de la décision rendue le 9 octobre 2012.
[49] La Commission des lésions professionnelles conclut donc que le coût de l’indemnité de remplacement du revenu versé à la travailleuse entre le 23 novembre 2011 et le 20 mars 2012 est en relation avec l’accident du travail qu’elle a subi le 28 septembre 2010 et non avec l’accident d’automobile du 23 novembre 2011.
[50] Il en est autrement de l’indemnité de remplacement du revenu versée entre le 20 mars 2012 et le 13 septembre 2012, puisque la lésion professionnelle est consolidée, mais que le membre du Bureau d’évaluation médicale mentionne qu’il est difficile d’évaluer les limitations fonctionnelles, car la travailleuse reçoit toujours des traitements de physiothérapie en lien avec l’accident d’automobile. Ce n’est que le 13 septembre 2012 que ces limitations fonctionnelles seront évaluées.
[51] La soussignée estime donc que, n’eut été de l’accident d’automobile, les limitations fonctionnelles qu’entraîne la lésion professionnelle auraient été évaluées le 20 mars 2012. Conséquemment, l’indemnité de remplacement du revenu versée entre le 20 mars 2012 et le 13 septembre 2012 ne sont pas des prestations dues en raison de l’accident du travail; leur coût ne doit pas être imputé à l’employeur.
[52] Après cette date, la travailleuse est admise en réadaptation et la CSST détermine un emploi convenable étant donné que la lésion professionnelle entraîne des limitations fonctionnelles. L’indemnité de remplacement du revenu est donc versée en raison de l’accident du travail à compter du 13 septembre 2012 et son coût doit être imputé à l’employeur.
[53] Quant au coût des traitements de physiothérapie à compter de l’accident d’automobile, la Commission des lésions professionnelles estime que l’employeur n’a pas à en être imputé étant donné que la preuve prépondérante démontre que ces traitements ne sont pas en relation avec l’accident du travail du 28 septembre 2010.
[54] En effet, la lésion professionnelle est consolidée le 3 novembre 2011 et la docteure Tessier écrit dans le Rapport final qu’un plateau est atteint.
[55] De plus, les traitements de physiothérapie sont prescrits le 23 novembre 2011 pour une entorse cervicodorsale exacerbée par un accident d’automobile et la docteure Tessier précise dans son rapport médical d’évaluation signée le 23 janvier 2012 que les traitements de physiothérapie sont requis pour les blessures subies lors de l’accident d’automobile.
[56] Quant au docteur Shedid, membre du Bureau d’évaluation médicale, il recommande une réévaluation de la travailleuse dans quelques mois après la fin des traitements actifs reliés à l’accident d’automobile.
[57] Force est de conclure que le coût des traitements de physiothérapie n’est pas dû en raison de l’accident du travail survenu le 28 septembre 2010 et qu’il ne doit pas être imputé à l’employeur.
[58] Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles considère que l’employeur a droit au transfert de l’imputation du coût des traitements de physiothérapie, et ce, à compter du 23 novembre 2011.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie la requête du Centre d’éveil Devenir Grand, l’employeur;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 24 octobre 2012 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE recevable la demande de transfert du coût des prestations déposée par l’employeur le 1er juin 2012;
DÉCLARE que l’employeur a droit à un transfert de l’imputation du coût de l’indemnité de remplacement du revenu versée à madame Rachel Virginie Poirier, la travailleuse, et ce, pour la période du 20 mars 2012 au 13 septembre 2012;
DÉCLARE que l’employeur ne doit pas être imputé du coût des traitements de physiothérapie reçus par la travailleuse à compter du 23 novembre 2011.
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Suzanne Séguin |
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M. Richard Benoit |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] Décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 12 octobre 2012, Poirier et Centre d’éveil Devenir Grand, 2012 QCCLP 6513.
[2] L.R.Q., c. A-3.001.
[3] 2013 QCCLP 6341.
[4] Voir notamment : Hôpital Laval et CSST, C.A.L.P. 76351-03-9601, 10 octobre 1997, B. Roy; Ballin inc., C.L.P. 176607-62B-0201, 11 octobre 2002, Y. Ostiguy; Les Industries Maibec inc., C.L.P. 257704-03B-0503, 6 janvier 2006, M. Cusson; Provigo (Division Montréal Détail), C.L.P. 281311-03B-0602, 20 septembre 2006, R. Savard, (07LP-183); Bois et Placages Généreux ltée, C.L.P. 358267-62-0809, 27 avril 2009, R. L. Beaudoin.
[5] Groupe Admari inc. et CSST, C.L.P. 178321-01A-0202, 31 mars 2003, L. Desbois; Les Systèmes Erin ltée., C.L.P. 195814-01A-0211, 29 décembre 2005, L. Desbois; Hôpital Laval, C.L.P. 356825-31-0808, 15 janvier 2009, M. Beaudoin; Centre de Santé Orléans, C.L.P. 368396-31-0901, 19 juin 2009, C. Lessard; J.M. Bouchard & Fils inc., précitée, note 5 ; Les Serres Serge Lacoste inc., 2012 QCCLP 5308; Productions forestières Berscifor inc. (Scierie), 2013 QCCLP 926.
[6] Service d’entretien Empro inc., C.L.P. 360660-31-0810, 23 avril 2009, J.-L. Rivard; Hôpital Laval, C.L.P. 356825-31-0808, 15 janvier 2009, M. Beaudoin; Commission scolaire des Samares, 2013 QCCLP 4572.
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