Provigo Distribution inc. et Elpenord |
2007 QCCLP 3203 |
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Dossier 289299-71-0605
[1] Le 15 mai 2006, Provigo Distribution inc. (l’employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle elle conteste une décision rendue le 24 avril 2006 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.
[2] Cette décision confirme une décision initialement rendue par la CSST en date du 2 mars 2006 et déclare que monsieur Wilfrid Elpenord (le travailleur) a subi une lésion professionnelle le 5 janvier 2006 et qu’il a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1].
Dossier 302165-71-0611
[3] Le 1er novembre 2006, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue le 11 octobre 2006 par la CSST, à la suite d’une révision administrative.
[4] Cette décision confirme une décision initialement rendue par la CSST en date du 15 mai 2006 et déclare que la CSST était justifiée de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 13 janvier 2006 au 28 mars 2006.
[5] À l’audience tenue le 10 janvier 2007, le travailleur est présent et l’employeur est représenté.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossier 289299-71-0605
[6] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue le 24 avril 2006 et de déclarer que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 5 janvier 2006.
Dossier 302165-71-0611
[7] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue le 11 octobre 2006 et de déclarer que la CSST n’était pas justifiée de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 13 janvier 2006 au 28 mars 2006.
LES FAITS
[8] Le travailleur déclare avoir été victime d’un accident du travail, le 5 janvier 2006, dans les circonstances suivantes :
J’ai eu un accident avec un lift, pendant j’ai tourné ma tête pour réculer il a frappé ma transpalette du côté droit alors j’ai mal dans mon cou. (sic)
[9] À la suite de cette déclaration d’accident, l’employeur fait enquête. Le contremaître enquêteur, monsieur Raymond Blanchet, rencontre le travailleur et monsieur Benoît Renaud, l’opérateur du monte-charge qui aurait heurté le transpalette du travailleur. Selon ce qui est consigné au Rapport d’enquête d’accident/incident par monsieur Blanchet, les versions obtenues se contredisent quant à la façon dont l’accident s’est produit mais pas en ce qui concerne le fait que le monte-charge a heurté le transpalette.
[10] Le travailleur maintient que son transpalette a été heurté du côté droit, alors qu’il se plaçait en position pour reculer et qu’il avait la tête tournée vers la gauche afin de s’assurer qu’il avait le champ libre. Il réitère avoir ressenti une douleur au cou au moment de l’impact. Des photos, dessins et schémas complètent la déclaration du travailleur, lesquels montrent le monte-charge et le transpalette, la configuration des lieux et la position des véhicules, ainsi qu’une simulation de ce qui s’est produit selon la version du travailleur.
[11] Selon monsieur Renaud, le transpalette circulait du côté du passage réservé aux piétons. Il a amorcé un dépassement du transpalette par la gauche mais au même moment, le transpalette s’est tassé vers la gauche pour se placer en position pour reculer. Il a lui-même bifurqué vers la gauche pour l’éviter mais son monte-charge a heurté légèrement le devant du transpalette.
[12] C’est le jour même de l’événement que le travailleur se rend dans une clinique médicale pour consulter un médecin. Il voit le docteur C. Breton, lequel pose un diagnostic d’entorse cervicale et de trauma à la tête, le travailleur lui déclarant s’être frappé la tête sur la plaque de métal du transpalette au moment de l’impact. Le médecin le réfère à l’urgence pour investigation.
[13] À l’urgence, après investigation, le seul diagnostic qui est retenu est celui d’entorse cervicale et dorsale.
[14] Par la suite, le travailleur est pris en charge par le docteur R. Khurana, lequel retient seulement le diagnostic d’entorse cervicale et le dirige en physiothérapie.
[15] À compter du 13 janvier 2006, le travailleur est autorisé à exécuter des travaux légers. Une assignation temporaire est approuvée par le médecin qui a charge mais elle ne pourra être exécutée, le travailleur ayant remis sa démission comme le confirme cette lettre de l’employeur en date du 17 février 2006 :
Monsieur Elpenord,
La présente fait suite à la conversation téléphonique que nous avons eu ensemble le 13 février dernier. À l’occasion de cette conversation vous m’avez confirmé que vous ne souhaitiez pas revenir travailler chez Provigo; nous concluons donc que vous nous avez avisé de votre démission le 13 février 2006, et acceptons votre démission.
[…]
[16] Le docteur Khurana émet un rapport final le 28 mars 2006 sur lequel il indique que l’entorse cervicale est résolue et que le travailleur peut reprendre son travail régulier. La lésion est consolidée en date du même jour, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[17] À l’audience, le travailleur explique le contexte qui l’a amené à remettre sa démission. Il mentionne qu’il n’a pas apprécié le comportement du gérant des opérations, monsieur Daniel Dufour, lorsqu’il est allé lui remettre les documents médicaux se rapportant à sa lésion le lendemain de l’événement. Selon son témoignage, monsieur Dufour lui a posé beaucoup de questions. Il s’est montré fort mécontent, a crié après lui devant tous les employés et lui a dit qu’il ne s’était pas blessé au travail mais dans « une cour à scrap », faisant allusion à une entreprise qui, selon monsieur Dufour, aurait appartenu à quelqu’un de sa famille et pour laquelle il travaillait également, à la même période, en plus de son emploi chez l’employeur, ce que nie catégoriquement le travailleur. Ce dernier affirme que sa famille est pauvre et qu’elle n’a jamais eu d’entreprise. Il dit s’être senti insulté par l’attitude et les propos de monsieur Dufour et avoir décidé, à ce moment-là, de ne plus revenir au travail. Ce n’est cependant que le 13 février 2006, alors que l’employeur communique avec lui pour une assignation temporaire, qu’il l’avisera officiellement de sa démission. Le travailleur mentionne que ce n’était pas la première fois qu’il était insulté au travail. À plusieurs reprises, il dit avoir été insulté par d’autres employés et avoir porté plainte sans qu’il n’y ait jamais de suite. Il prétend que l’on a fait preuve de racisme à son endroit.
[18] L’employeur fait entendre monsieur Dufour, gérant des opérations à l’entrepôt où oeuvrait le travailleur, lequel nie tout comportement raciste à l’égard de ce dernier. Il mentionne que la rencontre avec le travailleur, au lendemain de l’événement, s’est déroulée à l’intérieur d’un bureau fermé et qu’à aucun moment, il n’a monté le ton ou crié après le travailleur. Il explique qu’un des rapports médicaux faisait référence à un trauma à la tête et qu’il a été surpris car, selon les informations dont il disposait, le monte-charge n’avait heurté que très légèrement le transpalette du travailleur. Il ne voyait pas comment un incident aussi mineur aurait pu causer un trauma à la tête d’autant plus que le travailleur ne paraissait pas si mal en point lorsqu’il avait quitté le travail après cet incident. Comme il avait déjà reçu une information voulant que le travailleur occupe un second emploi dans une entreprise appartenant à sa famille, il dit avoir voulu valider cette information avec lui en l’interrogeant à ce sujet car il se demandait si l’accident allégué par le travailleur et qui, selon le rapport médical, lui avait causé un trauma à la tête, n’avait pas pu se produire à cet autre endroit.
[19] Revenant sur l’enquête menée par le contremaître à la suite de l’événement rapporté par le travailleur, monsieur Dufour commente les versions divergentes des deux protagonistes. À l’aide d’un schéma, il explique comment se fait la circulation dans l’entrepôt et en tenant compte de la façon dont se fait cette circulation, il estime peu vraisemblable que le monte-charge ait dépassé le transpalette par la droite comme le prétend le travailleur. De plus, il mentionne que selon les informations qu’il a obtenues du contremaître enquêteur, il n’y avait pas de poussière sur le plancher après l’impact. Monsieur Dufour explique que lorsque deux véhicules entrent en collision, il y a généralement un amoncellement de poussière sur le plancher. Comme il n’y en avait pas après l’accident, cela démontre selon lui que l’impact a été mineur. D’ailleurs, il fait remarquer que les caisses sur le transpalette ne sont pas tombées, ce qui aurait été le cas si l’impact avait été aussi violent que le prétend le travailleur. De plus, il mentionne que les véhicules n’ont même pas fait l’objet de vérification après l’incident afin de s’assurer qu’ils étaient toujours sécuritaires comme cela se fait normalement, ce qui témoigne également du caractère anodin de celui-ci.
[20] Le travailleur réitère avoir été dépassé par la droite comme il l’a toujours soutenu et affirme que l’impact a été assez violent pour occasionner un déplacement du transpalette. Il affirme également que l’impact a provoqué un contrecoup au niveau de son cou et que sa tête a bel et bien heurté la plaque de métal du transpalette. Selon le travailleur, le transpalette ne fonctionnait plus après l’événement et le contremaître Blanchet lui a dit qu’il allait le faire vérifier.
L’AVIS DES MEMBRES
[21] Conformément à l’article 429.50 de la loi, la soussignée a obtenu l’avis des membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs sur la question en litige.
[22] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la contestation du travailleur doit être accueillie en partie. Il considère que la preuve démontre que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 5 janvier 2006 et que la présomption prévue à l’article 28 de la loi doit s’appliquer en l’espèce. Il estime cependant que la CSST était justifiée de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 13 janvier 2006.
[23] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la contestation du travailleur doit être rejetée. Il accorde peu de crédibilité au travailleur et considère que la preuve démontre, de façon prépondérante, que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 5 janvier 2006.
[24] Dans l’éventualité où le tribunal reconnaîtrait l’existence d’une lésion professionnelle, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu était justifiée à compter du 13 janvier 2006.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[25] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 5 janvier 2006. Elle doit également déterminer, le cas échéant, si la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu était justifiée pour la période du 13 janvier 2006 au 28 mars 2006.
L’existence d’une lésion professionnelle
[26] La lésion professionnelle est définie, à l’article 2 de la loi, dans les termes suivants :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[27] Afin de faciliter la preuve d’une lésion professionnelle, le législateur a édicté, à l’article 28 de la loi, une présomption en faveur du travailleur. Cet article se lit comme suit :
28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 28.
[28] Pour bénéficier de cette présomption, le travailleur a donc le fardeau d’établir qu’il a subi une blessure et que cette blessure est survenue sur les lieux du travail, alors qu’il se trouvait à son travail.
[29] Dans le cas présent, les premiers diagnostics posés ont été ceux d’entorse cervicale et de trauma à la tête mais ce dernier diagnostic a été abandonné par la suite. Le docteur Khurana, qui a pris le travailleur en charge, n’a retenu que le diagnostic d’entorse cervicale et c’est ce diagnostic seulement qui apparaît sur son rapport final. C’est donc ce diagnostic qui lie le tribunal et c’est en fonction de ce diagnostic que le dossier sera analysé.
[30] Le diagnostic d’entorse cervicale fait preuve de l’existence d’une blessure.
[31] La preuve révèle également, de façon prépondérante, que cette blessure est survenue sur les lieux du travail, alors que le travailleur était à son travail. En effet, même si les versions du travailleur et de monsieur Renaud sont divergentes quant à la façon dont s’est produit l’événement et quant à la violence de l’impact, il reste que les déclarations des deux protagonistes sont concordantes sur un point, à savoir que le monte-charge conduit par monsieur Renaud a heurté le transpalette opéré par le travailleur. Sur ce point crucial, la preuve est unanime. Le travailleur a déclaré qu’il avait ressenti le contrecoup de l’impact au niveau de son cou. Il a aussi déclaré que sa tête avait heurté la plaque de métal du transpalette. On peut en déduire que l’impact a fort probablement entraîné un mouvement brusque et involontaire du cou comme cela se produit fréquemment lorsque deux véhicules se heurtent et que ce mouvement a causé l’entorse cervicale qui a été diagnostiquée quelques heures plus tard. Il n’est pas nécessaire que l’impact soit très violent pour entraîner un tel mouvement du cou. D’ailleurs, l’entorse n’était pas sévère puisqu’elle a été consolidée dès le 28 mars 2006 sans séquelles et que, dès le 13 janvier 2006, le travailleur était autorisé à faire des travaux légers. De plus, au moment de l’impact, le travailleur effectuait une manœuvre pour reculer son transpalette et sa tête était tournée de côté. Le mouvement s’est donc produit alors que le rachis cervical était en rotation, favorisant d’autant la survenance d’une entorse. L’impact entre les deux véhicules apparaît donc de loin l’explication la plus probable, dans le cas présent, à l’entorse cervicale diagnostiquée.
[32] Outre le fait que l’événement rapporté par le travailleur est parfaitement compatible avec le diagnostic posé d’entorse cervicale, il faut aussi mentionner que cet événement a été immédiatement déclaré à l’employeur et que la consultation médicale a eu lieu à l’intérieur d’un délai très court de quelques heures seulement, ce qui vient renforcer la probabilité que la blessure soit survenue sur les lieux du travail, alors que le travailleur était à son travail.
[33] Le tribunal estime donc que les conditions nécessaires à l’établissement de la présomption prévue à l’article 28 de la loi sont rencontrées en l’espèce. Cette présomption est cependant réfragable c’est-à-dire qu’elle peut être renversée par une preuve contraire, soit en démontrant que l’événement allégué n’a pu avoir causé la blessure diagnostiquée ou que cette blessure est survenue ailleurs qu’au travail.
[34] Pour renverser la présomption, dans le cas présent, l’employeur a tenté d’attaquer la crédibilité du travailleur en faisant ressortir les contradictions entre sa version de l’événement et celle de l’opérateur du monte-charge, monsieur Renaud. Il a aussi tenté de démontrer que la blessure avait dû se produire chez un autre employeur. La preuve qu’il a offerte ne permet cependant pas de renverser la présomption dont bénéficie le travailleur. Comme le tribunal l’a déjà mentionné, même si les versions des deux protagonistes peuvent être divergentes quant à certains aspects de l’événement, les deux versions concordent quant au fait qu’il y a eu impact entre le monte-charge et le transpalette, le premier ayant heurté le second. Il s’est donc bel et bien produit un événement sur les lieux du travail, le 5 janvier 2006, alors que le travailleur était à son travail et comme nous l’avons vu précédemment, cet événement est compatible avec le diagnostic d’entorse cervicale posé quelques heures seulement après sa survenance. L’employeur n’a pas établi, par une preuve prépondérante, qu’il était impossible de s’infliger une entorse cervicale de cette façon.
[35] L’employeur n’a pas établi non plus que la blessure était survenue ailleurs qu’au travail ou chez un autre employeur. Il a soulevé l’hypothèse que le travailleur avait pu se blesser alors qu’il travaillait ailleurs, dans une entreprise appartenant à sa famille, mais rien dans la preuve ne vient accréditer cette thèse. Il n’est même pas établi que le travailleur occupait un autre emploi au moment de l’événement qui nous concerne. Pour sa part, le travailleur l’a toujours nié catégoriquement de même qu’il a nié le fait que sa famille possédait une entreprise.
[36] La présomption prévue à l’article 28 de la loi n’a pas été renversée et elle doit recevoir application en l’espèce. Par conséquent, il y a lieu de conclure que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 5 janvier 2006.
La suspension de l’indemnité de remplacement du revenu
[37] L’article 142 de la loi prévoit les cas où le versement de l’indemnité de remplacement du revenu peut être suspendu par la CSST. Cet article se lit comme suit :
142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité:
1° si le bénéficiaire:
a) fournit des renseignements inexacts;
b) refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;
2° si le travailleur, sans raison valable:
a) entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;
b) pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;
c) omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;
d) omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;
e) omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180;
f) omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274.
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1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.
(nos soulignements)
[38] Dans le présent dossier, la CSST a suspendu le versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 13 janvier 2006 au 28 mars 2006, date de consolidation de la lésion professionnelle. Cette suspension a été faite en vertu du second paragraphe de l’article 142, sous-paragraphe e), soit parce que le travailleur a, sans raison valable, omis ou refusé de faire le travail que son employeur lui avait assigné temporairement.
[39] Cette disposition de la loi réfère à l’article 179 de la loi, lequel prévoit :
179. L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que:
1° le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;
2° ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et
3° ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.
Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.
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1985, c. 6, a. 179.
[40] La preuve révèle que le travailleur a préféré remettre sa démission à l’employeur plutôt que d’occuper l’emploi auquel il avait été assigné temporairement par l’employeur, lequel avait été approuvé au préalable par le médecin traitant. Le travailleur n’a pas contesté l’assignation temporaire. Il a démissionné parce qu’il se considérait victime de racisme et avait le sentiment de ne pas être respecté dans son milieu de travail.
[41] En remettant volontairement sa démission, le travailleur a rompu son lien d’emploi et l’assignation temporaire n’a pu avoir lieu, ce qui équivaut dans le contexte à un refus de la part du travailleur d’exécuter le travail auquel il avait été assigné temporairement. Il n’appartient pas au tribunal de déterminer si le travailleur avait raison de quitter son emploi ou s’il a été victime de racisme, la Commission des lésions professionnelles n’étant pas le forum approprié pour débattre de ces questions. La seule question sur laquelle le tribunal a compétence et sur laquelle il doit se prononcer concerne le bien fondé de la suspension du versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 13 janvier 2006. Or, à cet égard, le tribunal ne peut que constater que la mesure prise par la CSST était tout à fait justifiée dans les circonstances puisque le travailleur, en démissionnant, a refusé d’exécuter le travail que l’employeur lui avait assigné temporairement avec l’accord du médecin traitant et qu’il ne s’était pas prévalu des dispositions prévues à la loi pour contester cette assignation temporaire.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 289299-71-0605
REJETTE la contestation de l’employeur, Provigo Distribution inc.;
CONFIRME la décision qui a été rendue le 24 avril 2006 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;
ET
DÉCLARE que le travailleur, monsieur Wilfrid Elpenord, a subi une lésion professionnelle le 5 janvier 2006.
Dossier 302165-71-0611
REJETTE la contestation du travailleur, monsieur Wilfrid Elpenord;
CONFIRME la décision qui a été rendue le 11 octobre 2006 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;
ET
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était justifiée de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 13 janvier 2006 au 28 mars 2006.
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Me Mireille Zigby |
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Commissaire |
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M. Claude Stringer |
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CSA/CONFLITS & SOLUTIONS |
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Représentant de l’employeur |
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AVIS :
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